🪆 Plus Belle La Vie En Avance 4484
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Plusbelle la vie (également connu sous le sigle PBLV) est un feuilleton télévisé français créé d'après une idée originale d'Hubert Besson et des personnages imaginés par Georges Desmouceaux, Bénédicte Achard, Magaly Richard-Serrano et Olivier Szulzynger. Diffusé du lundi au vendredi sur France 3 depuis le 30 août 2004, il met en scène le quotidien des
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500animaux - 86 espèces - 4,5 km de sentier pédestre La nature à proximité des grands espaces Un zoo unique Observez la faune de la Boréalie et des régions froides du globe dans la partie pédestre ou dans le Parc des sentiers de la nature à bord de notre train grillagé où les animaux sont en liberté et le visiteur, en cage. Une expérience unique que
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dKjhc. Reminder of your requestDownloading format TextView 1 to 526 on 526Number of pages 526Full noticeTitle Mémoires de la Société d'agriculture, sciences et arts du département de l'AubeAuthor Société académique de l'Aube. Auteur du textePublisher TroyesPublisher Ath. Payn TroyesPublisher Bouquot TroyesPublisher Dufour-Bouquot TroyesPublisher Imprimeries Paton TroyesPublication date 1858Relationship textType printed serialLanguage frenchFormat Nombre total de vues 44107Description 1858Description 1858 T9,SER2,N45- T9,SER2,N48.Description Collection numérique Fonds régional Champagne-ArdenneRights Consultable en ligneRights Public domainIdentifier ark/12148/bpt6k55265752Source Société académique de l'AubeProvenance Bibliothèque nationale de FranceOnline date 30/11/2010The text displayed may contain some errors. The text of this document has been generated automatically by an optical character recognition OCR program. The estimated recognition rate for this document is 100%.SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DU DÉPARTEMENT DE L'AUBE. MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, DES SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES Du Département de l'Aube TOME XXII DE LA COLLECTION. TOME IX. — DEUXIÈME SÉRIE. ANNÉE 4858. TROYES. BOUQUOT, IMPRIMEUR DE LA SOCIÉTÉ, RUE NOTRE-DAME. RAPPORT A SA MAJESTÉ LE ROI DE PORTUGAL SUR UN VOYAGE D'EXPLORATION SCIENTIFIQUE Aux îles Açores, Exécuté par MM. Arthur MORELET et Henri DROUËT Pendant le printemps et l'été de 1959 Par M. HENRI DROUET, Membre résidant. SIRE, Au milieu des soucis et des préoccupations du trône, Votre Majesté aura-t-elle gardé le souvenir de deux naturalistes français poussés par l'amour des sciences naturelles à explorer les îles Açores, encouragés par vous dans ce dessein, et, dès le début du voyage, accueillis par la Cour de Portugal avec une bienveillance qui ne s'effacera jamais de leur pensée?.... Ces deux naturalistes, après avoir accompli leur tâche autant qu'il a été en leur pouvoir, viennent déposer a vos pieds leur tribut de 6 RAPPORT A SA MAJESTÉ LE ROI DE PORTUGAL respectueux hommages, et exposer à Votre Majesté le résumé de leurs découvertes et de leurs travaux. Un mot d'abord sur les différents trajets que nous avons effectués; je passerai ensuite successivement en revue les trois règnes de la nature. § 1. Partis de Lisbonne dans le courant du mois d'avril dernier, nous sommes arrivés heureusement à SaintMichel, la première des îles Açores, sur la fin du même mois, et immédiatement ont commencé nos investigations. Après avoir minutieusement exploré les environs de Ponta-Delgada, ville capitale, notre attention s'est fixée particulièrement sur les points les plus intéressants de l'île, et c'est ainsi que nous avons successivement visité la belle Caldeira das Sete-Cidades 1, remarquable par sa grandeur et par l'étendue de son lac ; le Lagoa do Fogo lac de feu si pittoresque par lui-même et par les magnifiques cascades qui l'avoisinent ; la vallée de Furnas, fameuse par ses eaux minérales, son beau lac, et 1 Aux Açores, la plupart des cratères de volcans, aujourd'hui éteints et tapissés intérieurement d'une végétation plus ou moins riche, prennent le nom de Caldeiras chaudières. Ces Caldeiras sont quelquefois si étendues, qu'elles pourraient être regardées comme de larges vallées circulaires. SUR UN VOYAGE AUX ILES AÇORES. 7 surtout par ses étonnants volcans d'eau bouillante séjour vraiment enchanteur et qui mériterait d'être connu davantage, et enfin, plus à l'est, le Pico da Vara 1, montagne ardue, qui est le point culminant de l'île. Nous avons parcouru en outre beaucoup de localités secondaires, gravi un grand nombre de pics et de chaînes de montagnes, notamment Serra Gorda, Pico da Pedra, Pico do Fogo, Lagoa do Congro, Caldeiras, exploré toute la côte méridionale depuis Mosteiros jusqu'à Povoaçao, et visité les environs de Villa-Franca et l'îlot du même nom et de Ribeira-Grande. L'île de Saint-Michel, qu'on ne peut mieux caractériser qu'en la comparant à un vaste jardin volcanique planté d'orangers 2, ou à un nouveau Jardin des Hespérides moins le dragon; l'île de Saint-Michel, dis-je, étant la plus grande, la plus importante, et certainement aussi la plus intéressante à tous égards de l'archipel des Açores, nous avons cru devoir apporter à son exploration une attention plus scrupuleuse, et, par conséquent, y faire un séjour plus prolongé. C'est ainsi que, par suite de ces vues et de circonstances particulières qu'il est inutile de rapporter ici, nous sommes restés là deux mois entiers. 1 Pico, pic ou montagne c'est le nom le plus communément donné aux montagnes, dans l'archipel des Açores, sans doute à cause de leur forme ordinairement aiguë. Serra se dit plutôt d'une montagne à forme mamelonnée ou déchirée. Le Pico da Vara mesure 1,100 mètres d'élévation. 2 Les oranges de Saint-Michel sont très-renommées et forment, avec les céréales, la principale branche du commerce d'exportation. 8 RAPPORT A SA MAJESTÉ LE ROI DE PORTUGAL A la vérité, dans l'intervalle, nous avons trouvé l'occasion d'aller à Sainte-Marie; un séjour d'une semaine dans cette petite île, et des excursions quotidiennes, nous ont permis de la sillonner en tous sens et de fendre ce séjour aussi fructueux que possible. Sainte-Marie a une physionomie à part, extrêmement pittoresque, et c'est, à mon avis, là plus belle et la plus gracieuse de toutes, avec Florès. Elle est très-fertile. On y trouve une argile plastique avec laquelle les habitants fabriquent une; poterie grossière dont ils approvisionnent lés îles voisines, industrie qui se retrouve à Graciosa. Dans la baie de San Lourenzo, nous avons pu visiter l'îlot dos Romeiros ou des Pélerins, célèbre par sa grotte et par ses stalactites. Nous avons également constaté, dans cette île, la présence d'un terrain calcaire, fiche en fossiles. Quant au prétendu ossement fossile gigantesque, mentionné par quelques voyageurs, et attribué par la tradition locale à un géant, ce n'était simplement qu'un os de baleine, longtemps enfoui dans le sable non loin du rivage, et maintenant disparu. Une foule d'oiseaux chanteurs animent les bois de lauriers et d'orangers de cet heureux séjour. Débarqués à Fayal au commencement de juillet, je me suis séparé de M. Morelet, mon compagnon de voyage, afin de profiter d'une occasion qui me permettait de visiter les trois îles de Graciosa, de Florès et de Corvo. Je partis en compagnie de M. Georges Hartung, géologue prussien, plein de zèle et de talent, que le hasard nous avait fait connaître à SaintMichel, et qui étudiait l'archipel des Açores, au point de vue de la géologie et de la minéralogie, après avoir déjà parcouru ceux de Madère et des SUR UN VOYAGE AUX ILES AÇORES. 9 Canaries. M. Morelet demeurait momentanément seul, avec la mission d'explorer Fayal et Pico. Graciosa est une très-petite île, fertile et riche en céréales. Sa Caldeira est extrêmement intéressante et remarquable par une prodigieuse variété de roches basaltiques et trachytiques. Elle présente en outre un phénomène des plus curieux qui lui est particulier. C'est une fissure énorme de près de cent pieds de profondeur, dont les parois sont à pic. Le long de ces parois croissent de nombreuses fougères, et, dans les anfractuosités, nichent des bandes de pigeons sauvages. Au fond de ce gouffre immense est une excavation profonde et un lac à émanations sulfureuses. On descend non sans danger au fond de ce forno, comme on l'appelle, au moyen de cordes, fixées au bord dé l'ouverture et passées autour du corps, et l'on remonte de même. — J'ai fait à Graciosa une découverte de quelqu'intérêt C'est un lézard, dont personne ne soupçonnait l'existence aux Açores. De Graciosa, nous sommes passés à Florès, non sans peine, à vrai dire, car une violente tempête nous fit mettre sept longs jours et sept nuits pour opérer un trajet d'environ soixante lieues ! Un jour peutêtre il me sera donné de raconter lés émotions de cette traversée et les dangers courus, sur un frêle esquif 1, au milieu de cette mer terrible. Que Florès mérite bien son nom gracieux d'Ile des Fleurs! Il est impossible en effet de rencontrer 1 Le Santa-Cruz, mauvais petit yacht de trente-six tonneaux! 10 RAPPORT A SA MAJESTÉ LE ROI DE PORTUGAL une plus luxuriante végétation. Fougères aux larges palmes vertes, Composées aux fleurs plus brillantes que l'or, Bruyères aux petites clochettes roses et blanches, Ombellifères larges comme de blancs parasols, Renoncules gigantésques, Hypéricinées éclatantes, Rosacées vigoureuses, Convolvulus souples et élégants, Labiées odoriférantes, Orchidées semblables au velours; toutes les richesses de Flore sont là réunies et prodiguées avec une profusion telle qu'on les croirait placées à dessein par quelque main inconnue sur un fond de Mousses toujours vertes et de Graminées délicates. Je ne parle pas de la profondeur des vallées, de la hauteur dés escarpements, de la fraîcheur des cascades, du bruit des torrents, de l'horreur des précipices, de la tranquillité des pâturages, de la sombre verdure des bois de genévriers, de la menaçante attitude des rochers suspendus ; toutes ces choses de la nature forment un ensemble et des tableaux si pleins de grâce, d'harmonie, de mystère, de splendeur et de majesté, qu'il est presque impossible de les dépeindre. Ma plume, du moins , est impuissante à les décrire. Il faut les voir et sentir. — Cette île produit beaucoup d'orseille, lichen tinctorial que d'audacieux herboristes vont recueillir sur les rochers les plus escarpés, au péril de leur vie, en se suspendant à des cordages au-dessus d'affreux précipices. On m'a assuré que deux hommes pouvaient ainsi gagner une piastre et plus 5 à 6 francs, en un jour 1. 1 L'orseille Rocella tinctoria s'exporte, particulièrement pour l'Angleterre, au prix de 15 à 14,000 reis 63 francs environ le quintal. SUR UN VOYAGE AUX ILES AÇORES. 11 La plus petite île de l'archipel, Corvo, qui touche presque Florès, a une Caldeira digne d'intérêt, et surtout une race singulière de taureaux et de vaches remarquable par sa petite taille et déjà connue de Votre Majesté 1. Mais on y chercherait en vain la fameuse statue équestre montrant du doigt le Nouveau-Monde, dont parlent les anciens chroniqueurs 2 statue qu'aurait vue Christophe Colomb, suivant eux, ainsi que de prétendues inscriptions portant des caractères inconnus, sur les rochers. Tout cela paraît n'avoir jamais existé que dans l'imagination de voyageurs amis du merveilleux. Après une semaine passée à Florès, je revins à Fayal, au commencement d'août, et je retrouvai M. Morelet prêt à s'embarquer pour Terceire, ayant fini d'explorer Fayal et Pico. Fayal a aussi son genre de beauté, des vallées profondes, une végétation variée et abondante, des sites charmants, et plusieurs de ses montagnes rappellent les formes pittoresques de Florès. Les environs d'Horta, son chef-lieu, méritent d'être explorés, 1 Cette année même, S. M. le Roi de Portugal a fait hommage à S. M. la Reine d'Angleterre de plusieurs individus de choix de ces animaux. La hauteur d'un taureau est à peine de 40 pouces anglais. A Saint-Michel, il existe une race particulière de boucs, surtout caractérisée par le prodigieux développement de ses cornes. M. Antonio Borges l'a envoyée au Muséum de Paris, et l'administration du Jardin des Plantes l'a jugée digne de figurer dans sa ménagerie. 2 Fructuoso, Cordeiro, et, d'après eux, plusieurs écrivains modernes. 12 RAPPORT A SA MAJESTÉ LE ROI DE PORTUGAL et ils sont dignes de toute l'attention du naturaliste. Mais sa localité la plus curieuse, pour qui que ce soit, est sans contredit la Caldeira. Là , le botaniste et le géologue sont assurés dé faire une récolte abondante, le peintre y trouvera des perspectives inconnues, le poète, des inspirations nouvelles. La zoologie seule, là comme ailleurs, fait défaut, ainsi que Votre Majesté le verra tout-à -l'heure. On dit qu'un gentilhomme portugais s'était construit dans ce lieu paisible et retiré une chaumière où il venait, en été, se reposer du commerce des hommes. Aujourd'hui la chaumière a disparu. Mais la belle et brillante végétation, mais les ravins, les sources, les cascades, le lac bleu, les fleurs sauvages, subsistent toujours. Le gracieux vallon, connu sous le nom de vallée des Flamands valle dos Flamengos, mérite également d'être mentionné ce site est réellement enchanteur. — A Fayal mûrissent les meilleures bananes de l'archipel. L'île de Pico, si voisine de Fayal qu'on traverse le canal qui les sépare en moins d'une heure, a une apparence plus sauvage. Ses rivages, couverts d'énormes laves rocheuses, sans cesse battus par des vagues courroucées, ont un aspect sombre et désolé, plein de mélancolie. On fait ainsi des lieues entières, sur les côtes, sans voir autre chose qu'un sable noirâtre et mouvant, dans lequel on enfonce plus haut que la cheville, des rochers noirs et bizarres, et çà et là , la fleur brillante d'une plante açoréenne, le Solidago azorica. Mais cette île est fameuse par sa montagne o Pico, pic volcanique, haut de 2,222 métres; De temps en temps, le pain-de-sucre qui termine cette montagne altière, dont la cime porte presque tou- SUR UN VOYAGE AUX ILES AÇORES. 13 jours une triple couronne de nuages, lance encore quelques bouffées de fumée 1. - La production principale de Pico est son vin. La vigne, chose étonnante à voir, croît sur la lave, au milieu des roches les plus arides. L'île produit également une grande abondanee de fruits estimés, tels que des abricots, des figues, des prunes, des pommes, des poires, des coings, etc. Je pensais clore mon voyage par l'ascension du Pic, et couronner par là mon entreprise, quand, au moment même où je mettais ce projet à exécution, étant déjà arrivé à moitié hauteur de la montagne, je ressentis les, premières atteintes d'une maladie dont j'avais puisé le germe dans les fatigues et les privations du voyage de Florès et de Graciosa une inflammation du foie, qui dégénéra bientôt en ictère, me retint près d'un mois au lit et mit terme à la partie scientifique de mon voyage 15 août 2. Pendant ce temps-là , M. Morelet explorait l'île de Terceire; deux semaines d'excursions continuelles l'ont mis à même de bien reconnaître ce point im1 im1 gens du pays disent que l'intérieur de la montagne est rempli de feu, et ils ajoutent très-sérieusement qu'il y a aussi là -dedans beaucoup d'or et d'argent. » C'est une tradition invétérée chez eux, et qui a pour base les parcelles nombreuses de mica renfermées dans les roches et dans le sable. On aperçoit à une très-grande distance en mer ce cône colossal, placé dans ces parages comme un phare ou comme une tour immense pour guider les navigateurs. 2 Plus heureux que moi, M. Morelet a pu faire l'entière ascension du Pic, non sans labeur à la vérité, et au prix de mille fatigues et des plus pénibles incidents. 14 RAPPORT A SA MAJESTÉ LE ROI DE PORTUGAL portant de l'archipel, et de porter ses investigations non seulement sur les environs d'Angra, sur la Caldeira principale Caldeira de Santa-Barbara et le Morro do Brazil mont Brasil, mais encore sur plusieurs localités secondaires, non moins intéressantes pour le naturaliste. — Terceire paraît être la plus giboyeuse des Açores, et ses pâturages passent pour excellents. Tel est, Sire, le récit abrégé de nos courses, l'exposé sommaire de nos navigations. Sur neuf îles dont se compose l'archipel des Açores, huit ont été visitées par nous. Une seule, Saint-Georges, échappe à nos investigations; malgré notre ardent désir, les circonstances ne nous ont pas permis d'y séjourner. D'ailleurs, ses analogies de formation, de constitution, de végétation, avec Pico, et sa proximité de cette île, nous font moins regretter cette lacune dans l'ensemble de nos opérations. Il me reste maintenant à présenter à Votre Majesté un tableau du résultat de nos recherches. Ce tableau sera court et succinct comme le comporte ce résumé; je tâcherai néanmoins de donner à Votre Majesté une idée des productions naturelles du pays que nous avons exploré. Ce sera l'objet de la seconde partie de ce Rapport. SUR UN VOYAGE AUX ILES AÇORES. 15 § II. Je commencerai par la zoologie, but principal de notre voyage, et sur laquelle notre attention s'est particulièrement reposée. 1. — Zoologie. Ce qui frappe tout d'abord l'observateur, en arrivant aux Açores, c'est le peu de développement dans ce pays de la vie animale. Ce fait peut s'expliquer par deux causes principales d'une part, la formation peut-être relativement récente de ces terres volcaniques, et d'autre part, leur complet isolement, leur manque absolu de communication avec les continents 1. La plupart des animaux sont ceux de l'Europe tempérée et paraissent, en grande partie, avoir été introduits par les colons. Les Mammifères sauvages se réduisent à sept ou huit espèces, des plus petites, ce sont une chauvesouris elle existait, dit-on, lors de la découverte des îles, la belette, le furet, le lapin, le rat, la souris et un petit mulot qui habite la montagne. 1 Peut-être aussi les phénomènes volcaniques, si terribles et si multipliés, dont elles ont été le théâtre, le manque de forêts et de grands bois, etc. 46 RAPPORT A SA MAJESTÉ LE ROI DE PORTUGAL Les Mammifères domestiques sont les mêmes que dans le midi de l'Europe le cheval, l'âne trèsabondant et habituellement employé comme monture pour les voyages et les promenades, le mulet, le mouton peut-être une race à part, petite, à laine très-blanche et très-frisée, le bouc fort belle race à cornes très-developpées, le porc très-abondant, avec une chair excellente, le chien, le chat, le taureau j'ai déjà parlé de la race particulière de Corvo, remarquable par l'exiguité de sa taille. Les Oiseaux sauvages sont un peu plus nombreux. J'estime qu'il y en a de trente à quarante espèces. Je ne les ai pas toutes observées, et je ne puis citer que les principales, savoir la buse qui a donné son nom à l'archipel 1, un canard sauvage, deux espèces de goélands la grande et une plus petite, deux espèces de sternes ou hirondelles de mer garajao et maçarico, un plongeon, un héron ?, le pigeon biset si abondant, lors de la découverte des îles, disent les chroniqueurs, qu'ils venaient se poser sur les épaules des hommes, la tourterelle ?, la caille, la bécasse, la bécassine, la perdrix rouge, le merle, l'étourneau, le cini aussi commun aux Açores 1 Lors de la découverte des îles, les Portugais ont confondu cet oiseau avec l'autour açor, en portugais. Je ne puis pas dire encore positivement si la buse des Açores est l'espèce commune d'Europe Buteo vulgaris, C. Bonap., ou bien la buse d'Amérique Buteo Swainsoni, C. Bonap.. Elle niche dans les rochers et pond trois oeufs assez gros, d'un blanc verdâtre, avec des taches brumes plus ou moins marquées. Son aire se compose de bûchettes, de petites, branches et de feuilles sèches. Sa proie principale est le poisson et les oiseaux. SUR UN VOYAGE AUX ILES AÇORES. 17 que chez nous le moineau domestique, le bec-fin rouge-gorge, une bergeronnette, plusieurs fauvettes, un pinson, le roitelet, le corbeau, le pic-vert, les thalassidromes oiseaux rares, que je n'ai pu me procurer, malgré mes efforts; les Açoréens les désignent, je crois, sous Je nom de alma-de-mestre, et quelques autres encore. J'ai recueilli les nids et les oeufs des principales espèces. Les Oiseaux domestiques sont peu nombreux le coq les poules abondent aux Açores, le canard, l'oie deux espèces l'oie ordinaire, et une autre toute blanche, moins grosse, à bec largement Caronculé, particulier 1, le dindon, la pintade, le paon, le pigeon de volière plusieurs races portugaises. L'absence presque complète de Reptiles est bien remarquable. Il n'y en a que deux dans tout l'archipel, dont un découvert par moi, savoir la grenouille l'espèce commune de Lisbonne; introduite il y a une vingtaine d'années à Saint-Michel, elle 1 Cest avec le plumage de celte oie que se font, à Saint-Michel, les fleurs en plumes, si remarquables par leur ressemblance avec la nature. Cette industrie vient du Brésil. — A Fayal, on utilise les mousses de mer et la moelle du figuier pour faire des fleurs et des groupes d'une délicatesse et d'une élégance extrêmes. A Fayal également se fabriquent divers petits ouvrages en fil d'agave et des paniers aux formes les plus originales. Les femmes de Pico tressent la paille avec une merveilleuse adresse et en font de très-jolis chapeaux à larges bords. Florès est renommée pour ses couvertures en laine de diverses couleurs et ses broderies en dentelle. Ainsi, chaque île a, pour ainsi dire, son industrie particulière et sa spécialité. T. XXII. 2 18 RAPPORT A SA MAJESTÉ LE ROI DE PORTUGAL pullule aujourd'hui dans toutes les eaux douces de cette île; — et un fort beau lézard peut-être une espèce inédite, à moins cependant que ce ne soit une espèce de Madère ou de Portugal que j'ai découvert à Graciosa personne, avant la rencontre que j'en fis, n'en soupçonnait l'existence. Les Poissons je parle des poissons d'eau douce sont pareillement d'une extrême rareté ; les lacs des montagnes renferment presque tous une ou deux espèces de cyprins, notamment le cyprin doré de la Chine vulgairement poisson rouge, qu'il est assez singulier de rencontrer dans ces conditions; et, dans les petites rivières torrentueuses qui descendent des montagnes, on pêche une anguille qu'on trouve également dans les eaux saumà tres, au bord de la mer. Je ne me suis occupé que superficiellement des animaux vertébrés marins, faute de temps et de circonstances favorables. Je dois pourtant citer, comme étant plus dignes de remarque. parmi les mammifères, la baleine très-rare, le cachalot et quelques autres espèces des genres Physeter et Delphinus. Les cachalots sont assez communs dans la mer des Açores, et leur pêche fait, de la part des baleiniers américains, l'objet d'une industrie étendue; on évalue à 150 environ le nombre des individus capturés chaque année dans ces parages. On dit qu'il y avait autrefois aussi des phoques ils paraissent avoir disparu ; — parmi les reptiles, une tortue de moyenne taille, édule. — Les poissons de mer sont nombreux en espèces et très-abondants; on m'a remis une liste comprenant plus de cinquante noms vulgaires d'espèces édules et très-connues. Plusieurs de ces pois- SUR UN VOYAGE AUX ILES AÇORES. 19 sons sont vraiment délicieux et forment la base principale de la nourriture quotidienne des Açoréens 1. Les Mollusques ont particulièrement fixé notre attention, et c'est sur cette classe d'êtres organisés que se sont plus spécialement dirigées nos recherches. Soixante espèces environ de Gastéropodes terrestres se sont seulement offertes à nos minutieuses investigations, et parmi elles, plus du tiers nous paraît inédit. Ces mollusques appartiennent tous aux genres Arion, Limax, Testacella, Vitrina, Zonites, Helix, Bulimus, Glandina, Pupa, Balea, Carychium, Cyclostoma, et l'espèce la plus curieuse nous paraît être une Limace tout-à -fait particulière, dont la limacelle à spire naissante donnera lieu probablement de créer un genre nouveau 2. Il n'y a pas, aux Açores, un seul mollusque fluviatile! - Un fait que nous avons constaté et qui nous a frappés, c'est que tous ces mollusques habitent exclusivement sous les pierres et dans les feuilles mortes. Jamais on ne les voit sur les arbres, sur les plantes herbacées, ou contre les murs et les rochers, et tous à l'exception de quelques Limaces et des Helix lactea et aspersa sont de petite taille, avec peu de vivacité dans la coloration. Les Mollusques marins sont peu nombreux dans ces parages, et en général de petite taille. C'est tout 1 Saint-Michel seule compte plus de 800 pêcheurs. 2 Depuis mon retour en France, j'ai reconnu que le Limacien en question appartient au genre Viquesnelia, récemment établi par M. Deshayes pour une espèce trouvée dans l'Inde. 20 RAPPORT A SA MAJESTÉ LE ROI DE PORTUGAL au plus si nous avons pu réussir à nous procurer une soixantaine d'espèces appartenant aux genres Argonauta, Octopus, Spirula, Carinaria, Bulla, Pedipes, Littorina, Vermetus, Janthina, Trochus, Solarium, Scalaria, Purpura, Nassa, Cassis, Murex, Tritonium, Columbella, Fusus, Mitra, Oliva, Cyproea, Haliotis, Patella, Hinnites, Pecten, Lima, Arca, Pinna, Cardita, Cardium, Ervilia, Tellina, Cytherea, Solen, Anatifa, Balanus. -— On ne connaît pas d'Huître aux Açores. En revanche, on rencontre assez abondamment de curieux Zoophytes, et notamment des Polypiers admirables d'élégance et de délicatesse, des Astéries gigantesques, de beaux Oursins, des Holothuries, des Méduses, des Madrépores, des Eponges et beaucoup d'autres animaux inférieurs. M. Dabney, de Fayal, en possède déjà une collection intéressante. Nous avons observé quelques Annélides d'apparence assez particulière, un petit nombre de Crustacés terrestres, et plusieurs grandes espèces marines qui sont édules. Les Arachnides sont plus répandus et paraissent variés en espèces; plusieurs d'entre elles sont très-remarquables; on prétend même qu'il y en a de venimeuses, mais ce fait est douteux. Parmi les Insectes, nous avons accordé une attention particulière à la classe des Coléoptères, peu abondante en espèces, à ce qui nous a paru; celles que nous avons rapportées ne montent qu'à 50 environ, appartenant aux genres Calosoma, Calathus, Argutor, Amara, Anisodactylus, Ptistonychus, Ophonus, Harpalus, Stenolophus, Acupalpus, Bembidium, Parnus, Onthophagus, Aphodius, Elater, Agriotes, Staphylinus, Ocypus, Pitophilus, Saprinus, Dermesles, Attalus, Dasytes, Opilus, Anobium, Hegeter, Blaps, Gonocepha- SUR UN VOYAGE AUX ILES AÇORES. 21 lum, Phaleria, Tribolium, Tenebrio, Anaspis, Sitones, Otiorhynchus, Laparocerus trois espèces nouvelles, Toeniotes le T. scalaris, qui paraît importé du Brésil, il vit sur les figuiers, Hylotrupes, Clytus, Coccinella et Rhizobius. Les autres classes, Orthoptères, Hémiptères, Névroptères, Hyménoptères et Diptères, sont également réprésentées par des espèces plus ou moins nombreuses et plus ou moins remarquables. Quant aux Lépidoptères, ils m'ont paru peu abondants ce sont, pour la plupart, les espèces communes de l'Europe tempérée, se rattachant aux genres Pieris, Vanessa, Satyrus, Sphinx, Noctua, etc. Les Myriapodes sont plus nombreux, du moins en individus, et leurs formes sont assez étranges. Pour ne point fatiguer l'attention de Votre Majesté par de plus grands détails, je borne là , quant à présent, cet exposé de nos observations zoologiques, heureux si, par ce rapide aperçu, j'ai réussi à vous donner, Sire, une idée approximative de la zoologie de l'archipel 1. 2. — Botanique. Quoique les plantés de l'archipel des Açores aient déjà été l'objet des recherches de plusieurs botanistes anglais et allemands Gutnick, Fr. et Ch. Hochstetter, Watson, Masson..., il est à présumer 1 De la revue qui précède, il résulte pour moi que l'archipel des Açores, zoologiquement parlant, se rattache au continent européen. 22 RAPPORT A SA MAJESTÉ LE ROI DE PORTUGAL que le nombre des espèces observées sera encore augmenté, et nous pensons que la brièveté du séjour n'a pas, jusqu'à présent, permis aux naturalistes de prendre une complète connaissance des productions du règne végétal de ce pays. Le Flora Azorica du professeur Maurice Seubert 1, composé sur les documents et avec les herbiers des Hochstetter, et le catalogue de l'anglais Watson 2, portent à près de quatre cents le nombre des végétaux spontanés de ce groupe d'îles. Sans être fort éloigné de la vérité, nous croyons que ce chiffre est un peu au-dessous de la réalité, et que des recherches ultérieures, dans les différentes saisons, accroîtront ce résultat, surtout pour les plantes cryptogames. Quant à nous, qui n'avons recueilli que les espèces principales, celles surtout qui nous ont paru propres à l'archipel, nous ne pouvons guère avoir la prétention d'avoir découvert beaucoup de choses nouvelles ; nous avons vu en masse, plutôt qu'examiné en détail. Voici cependant quelques plantes recueillies par nous aux Açores, et qui paraissent avoir échappé à nos devanciers Ulex europoeus, Spergula arvensis, Trifolium arvense, Trifolium patens, Marrubium vulgare, Crithmum maritimum, Erigeron canadensis, Statice limonium, Vinca media, Mentha pulegium, Cynoglossum pictum, Ornithopus perpusillus, Clinopodium vulgare, et en outre plusieurs espèces, encore incertaines, 1 Seubert. Flora Azorica. Bonnoe, Marcus, 1844; in-4° de 50 p. et 15 pl. 2 Notes of a Botanical Tour in the Western Azores in Journ. Botan. Lond. t. 5 et 4; 1844. SUR UN VOYAGE AUX ILES AÇORES. 23 appartenant aux genres Erythroea, Rumex, Iris, Equisetum, Epilobium, Cerasus, Papaver, Myrtus, OEnothera, Barbaroea, Geranium, etc. Le docteur Seubert partage le sol des Açores en cinq régions botaniques 1° Région de la plaine, ou cultivée ; 2° Région montagneuse inférieure, ou sylvatique; 3° Région montagneuse supérieure ; 4° Région des bruyères ; 5° Région des sommets, ou des pâturages. Ces distinctions sont naturelles, et chacune de ces régions a, pour ainsi dire, sa flore spéciale. Dans la plaine, ou plutôt au fond des vallées et sur les rivages de la mer, au milieu des cultures, brillent, entre toutes, les fleurs jaunes de l'Androsoemum Webbianum, du Solidago azorica et des Hypericum c'est la zone la moins riche pour le botaniste. Dans la région sylvatique, si fraîche, si vivante, si délicieuse, s'élèvent les arbres des bois et les arbustes Persea azorica, Myrica Faya, Picconia excelsa, Rhamnus latifolius, Laurus indica à feuilles luisantes, épaisses et presque toujours vertes; l'innombrable cohorte des Fougères déploie son gracieux feuillage, et les Ronces Rubus fruticosus et R. Hochstetisrorum, redoutées des naturalistes, se multiplient avec une rare abondance. A la région montagneuse supérieure appartiennent plus particulièrement le genêvrier Juniperus oxycedrus, cedro des Açoréens, dont le port rappelle celui du cèdre, le Myrsine retusa, le Myrica Faya, plusieurs grandes fougères, entre autres le Diksonia Culcita, dont la racine soyeuse est utilisée par les habitants ils en font des matelas et des coussins, et un grand nombre de plantes rares ou 24 RAPPORT A SA MAJESTÉ LE ROI DE PORTUGAL éclatantes, propres à l'archipel Tolpis nobilis, Microderis filii, M. umbellata, Bellis azorica, Sanicula azorica, Euphrasia grandiflora....J Au-dessus région des bruyères apparaissent les bruyères Erica azorica, Calluna vulgaris, Myrsineretusa, qui recouvrent souvent des espaces énormes, mêlées aux Vaccinium, à l'Ilex Perado, aux genêvriers, et au laurier des Açores fPersea azorica. Enfin sur les hauteurs, sur les sommets région des pâturages, au milieu des rochers, croissent plusieurs petites plantes rabougriesAgrostis, Thymus, PolygalaJ et même encore les bruyères Erica, Calluna, Daboecia polyfolia. En résumé, les plantes cryptogames lichens, hépatiques, mousses et fougères forment un quart, à peu près, de la flore açoréenne; les plantes monocotylédonées sont un peu moins abondantes; plus de la moitié appartient aux dicotylédonées. Les arbres indigènes sont peu nombreux sept ou huit espèces, dont plusieurs commencent à devenir fort rares et restent le plus souvent avec l'apparence d'arbustes, ce qui tient en partie aux localités dans lesquelles ils croissent, et en partie au déplorable déboisement des montagnes. L'attention des autorités devrait, nous pensons, être éveillée sur ce point, et leur sollicitude pourrait en arrêter les résultats d'autant plus fâcheux, que le reboisement par les végétaux exotiques Pinus Pinea, Laurus, indica, Castanea vulgaris.... ne compense en aucune façon la destruction des espèces indigènes. En somme, les plantes recueillies par nous s'élèvent à deux cent cinquante espèces environ, représentées dans nos herbiers par un grand nombre d'échantillons. J'ai joint à mon herbier une collec- SUR UN VOYAGE AUX ILES AÇORES. 25 tion assez complète des différentes essences des bois de l'archipel. A l'étude des végétaux spontanés se rattache celle des végétaux cultivés. C'est donc ici le lieu de dire un mot des oranges, de la vigne et des céréales. Ainsi que Votre Majesté ne l'ignore pas, les orangers enduraient, depuis plus de dix années, aux Açores, une terrible maladie. Un insecte parasite de la famille des Gallinsectes, le Coccus Hesperidum, venu, dit-on, des Antilles, avait envahi ces arbres précieux, source de richesse pour le pays 1, et en attaquant le tronc, les feuilles et les fruits, avait presque anéanti le commerce des oranges. Depuis deux ans, grâce à Dieu, le fléau, diminue, et aujourd'hui il a presque disparu. Déjà les orangers ont en partie repris leur vigueur accoutumée, et dans peu de temps il ne sera plus question, aux Açores, du Coccus Hesperidum. Malheureusement nous ne pouvons pas en dire autant de la vigne. Survenue depuis tantôt six années, la maladie est actuellement en pleine activité, et l'on ne rencontre partout que des ceps maladifs et rabougris, portant à de rares intervalles des grappes avortées et atteintes par l' oïdium. Le commerce du vin de Pico n'existe plus, à proprement parler, et l'île a subi, par cela même, un notable appauvrissement. Saint-Michel ne récolte plus de vin depuis plusieurs années. Quand disparaîtra le 1 L'île de Saint-Michel, seule, exporte annuellement 100,000 caisses d'oranges; 50,000 caisses environ sortent des autres îles. 26 RAPPORT A SA MAJESTÉ LE ROI DE PORTUGAL fléau?..... C'est ce que personne ne peut prévoir 1. Les céréales, fort heureusement, sont eh bon état de rendement. Partout, cette année, les récoltes du blé et de l'orge ont été satisfaisantes, partout les greniers sont abondamment fournis. Le maïs, base principale de la nourriture du peuple et de l'habitant des campagnes, le maïs se trouverait dans les mêmes conditions, si par malheur un ouragan terrible, éclaté le 24 août dernier, n'avait détruit en trois jours les deux tiers au moins de la récolte, et dissipé ainsi les espérances que l'on avait jusque-là conçues. Probablement, à cause de ce désastre, sera-t-il nécessaire d'autoriser l'importation temporaire. Les autorités locales ne manqueront pas de s'occuper, sans délai, de cette importante question, et de la soumettre au gouvernement de Votre Majesté. 3. — Géologie. Déjà plusieurs voyageurs ont parcouru l'archipel des Açores en géologues, et quelques-uns d'entre eux ont publié, sur ce sujet, de savantes et curieuses observations. C'est ainsi que Webster, Hebbe, Hunt, Vargas de Bédémar, principalement Mou1 Mou1 pipe de vin de 500 bouteilles, qui se vendait de 30 à 35 piastres 200 francs il y a dix ans, à Fayal, vaut aujourd'hui 100 piastres 550 francs ! Il s'en exportait autrefois 25,000 pipes chaque année. SUR UN VOYAGE AUX ILES AÇORES. 27 sinho d'Albuquerque 1, et quelques autres encore, ont écrit sur la constitution géologique de ces îles des pages pleines d'intérêt. N'est-ce pas aussi le lieu de citer les cartes levées par le capitaine Vidal, de la marine d'Angleterre, et de rendre à leur exactitude, à leur fidélité, l'hommage qu'elles méritent?... Pour nous, qui n'avons fait qu'effleurer, pour ainsi dire, cette branche de l'histoire naturelle, préoccupés que nous étions par d'autres études, nous ne pourrions guère que répéter ce qui a déjà été dit par nos devanciers, et ce qui est trop connu aujourd'hui. Ne serait-ce pas d'ailleurs empiéter, en quelque sorte, sur le terrain de notre savant et honorable compagnon de voyage et ami, M. Hartung 2?.... Je me bornerai donc à résumer ici nos observations principales, n'ayant rien d'ailleurs de bien nouveau à révéler, sur ce point, à Votre Majesté. Toutes les îles Açores doivent être considérées comme le produit d'une action volcanique sousmarine. Toutes aussi, par suite du violent cataclysme dont elles sont le résultat, sont des terres élevées, présentant les formes les plus variées, les plus bizarres, et portant, dans leur relief, un cachet particulier de pittoresque hardiesse. 1 Voir le savant mémoire de Mousinho d'Alburquerque intitulé Observaçoes sobre a ilha de S. Miguel. Lisboa, impr. reg., 1826; in-4° de 43 p. et 3 pl. 2 M. Hartung se propose de publier prochainement le résultat de ses observations géologiques comparatives sur les trois archipels de Madère, des Canaries et des Açores. 28 RAPPORT A SA MAJESTÉ LE ROI DE PORTUGAL L'époque de leur, formation paraît relativement récente. Les éléments géologiques composant leurs chaînes de montagnes et leurs masses énormes de rochers ne sont pas très-nombreux; voici les principaux le basalte, le trachyte, des laves basaltiques et trachytiques présentant d'innombrables variations d'état, de forme et de couleur, la pierre ponce, des conglomérats de scories, de pierre ponce et d'obsidienne, des tufs variés. Les rivages de la mer sont en général composés de blocs énormes de roches trachytiques, à formes bizarres, avec de nombreux cristaux d'olivine, amphibolie, pyroxène, et mica que les habitants des campagnes prennent pour de l'or. Partout se révèlent l'empreinte et les traces de l'action des feux volcaniques toutes les montagnes sont des cratères éteints caldeiras ou des cônes d'éruption; le fameux pic dé l'île de Pico, haut de près de 7,000 pieds, fume encore et dégage des vapeurs sulfuriques et des gaz inflammables; l'île de Saint-Georges a été, en 4808, le théâtre d'une éruption mémorable; plusieurs îlots se sont formés à diverses époques, sur ce point du globe, et ont été soudainement engloutis 1638, —1719, —1811 Sabrina ! ; des tremblements de terre plus ou moins violents ont, à plusieurs reprises, porté l'épouvante et la désolation dans l'archipel, notamment à Tercère, Saint-Georges et Fayal le dernier mouvement ressenti date de 1854, à Saint-Michel; les étonnants volcans d'eau chaude de Furnas sont en pleine activité, recouvrant le sol qui les entoure de dépôts SUR UN VOYAGE AUX ILES AÇORES. 29 de soufre et de stalagmite siliceuse 1 ; enfin, l'on rencontre à chaque pas, si l'on peut dire, des sources d'eaux thermales et minérales. Sainte-Marie, seule, ne porte pas à sa surface les traces de l'effort des feux souterrains; On y trouve des couches de terrain calcaire assez riches en fossiles, et une argile plastique utilisée pour la fabrication de la poterie. Sur la côte méridionale, au bord de la mer, se rencontre le feldspath, en cristaux abondants. A Graciosa, paraît exister, vers le centre de l'île, une couche de schiste argileux primitif Vargas de Bédémar. A Fayal, non loin d'Horta, se trouverait, suivant Vargas de Bédémar 2, l'opale commun. On rencontre assez fréquemment, dans ces îles, des troncs d'arbres enfouis profondément, très-légèrement carbonisés et parfaitement conservés. Sans s'arrêter, pour expliquer ce phénomène, à l'opinion des habitants qui font remonter ces troncs au déluge, nous pensons qu'il faut simplement attribuer ces faits à des éboulements considérables, et à l'action des matières enveloppantes et des vapeurs sulfuriques sur les corps ensevelis. En somme, les Açores sont sorties, par exhaus1 exhaus1 phénomènes que l'on observe à Furnas sont les analogues des fameux geysers de l'Islande, mais sur une plus petite échelle. 2 Resumo de observaçoes geologicas feitas em uma viagem as ilhas da Madeira, Porto Santo, e Açores. Lisboa, 1837; in-8°. 30 RAPPORT A SA MAJESTÉ LE ROI DE PORTUGAL sement et par l'effort des feux volcaniques, du sein de la mer; mais, ne sont-elles que des fragments épars et aujourd'hui isolés d'une grande île et même d'un continent disloqué par une catastrophe violente, comme l'avancent quelques auteurs?.... On peut, à cet égard, dire tout ce que l'on veut, mais quoi de certain et quoi de positif? Et qui sait encore si un nouveau cataclysme ne les fera pas disparaître un jour et s'abîmer dans les flots ?... Quoi qu'il en soit de leur origine et de leur destinée future, il est certain que ces îles présentent à l'observateur, dans leurs phénomènes volcaniques, un sujet inépuisable de profonde méditation. Le spectacle affreux d'une ancienne dévastation, de vastes plaines de laves rejetées des entrailles de la terre en torrents enflammés, des masses compactes et rugueuses d'un aspect sombre et triste, vomies dans les siècles passés, et formant aujourd'hui d'énormes montagnes dures et rocheuses ; » à côté de ce tableau, ou plutôt au milieu de cet encadrement, une végétation splendide et gracieuse, des pâturages toujours verts, des vallées délicieuses, des campagnes fertiles et bien cultivées, des bois, des lacs, des torrents, des cascades;.... " tout cela pénètre l'homme du sentiment de sa faiblesse, et l'oblige, en dépit de lui-même, à reconnaître et adorer le pouvoir mystérieux, incompréhensible, pour lequel ces prodiges ne sont qu'un jeu 1. » En résumé, les collections formées pendant ce 1 D'Avezac. Iles de l'Afrique. Paris, 1848; in-8°; p. 44. Excellent traité, faisant partie de l' Univers, ou Histoire et Description de tous les peuples. SUR UN VOYAGE AUX ILES AÇORES. 31 voyage comprennent plus de deux cents espèces animales, représentées par un grand nombre d'individus, trois cents végétaux environ, et plus de trois cents échantillons de géologie et de minéralogie; à quoi il faut ajouter encore des documents bibliographiques et statistiques aussi complets que possible, quelques vues et quelques dessins, et enfin, une collection des principaux produits industriels de l'archipel. Tel est, Sire, l'imparfait tableau que j'ai l'honneur de vous présenter; tel est le résultat de cinq mois de recherches incessantes. Je ne sais si nous avons trop auguré de nos forces, mais nous avons du moins la conscience de n'avoir point faibli devant les difficultés, de n'avoir point reculé devant les obstacles, et d'avoir mené la tâche entreprise à sa fin. Nous nous estimerons trop heureux si, dans notre amour dévoué des sciences naturelles, nous obtenons l'assentiment de Votre Majesté. Et maintenant, Sire, permettez-nous de rendre un hommage public à la parfaite hospitalité des Açoréens. Partout nous avons reçu, des autorités comme des simples particuliers, le meilleur accueil, partout nous avons trouvé aide et assistance. Parmi les hommes de mérite qui nous ont secondés de tout leur pouvoir, quelques noms sont dignes d'être signalés à Votre Majesté. En première ligne nous devons citer l'honorable M. José do Canto, de Saint-Michel. C'est à ses connaissances étendues, à sa parfaite obligeance et à ses 32 RAPPORT A SA MAJESTÉ LE ROI DE PORTUGAL bienveillantes communications, que nous sommes redevables d'une foule de précieux documents concernant Saint-Michel. Personne ne connaît, mieux que lui, les choses de son pays. M. le commandeur Antonio Borges, de la même île, nous a aussi prêté son concours obligeant, et plus d'une fois il nous a permis de mettre à contribution son adresse de chasseur. M. Guillaume Ribeiro, vice-consul de France à Fayal, nous a reçus avec cet officieux empressement que tous les Français qui touchent à Horta lui connaissent, et je lui suis, en particulier, reconnaissant pour la paternelle hospitalité qu'il m'a donnée pendant le cours de ma maladie. Enfin, comment ne pas nommer la famille de M. Dabney, consul des Etats-Unis, à Fayal, toujours si aimable pour les étrangers, et toujours prête aussi à les obliger avec cette délicatesse et cette distinction qui semblent héréditaires chez elle ? C'est un devoir pour nous de porter, en cette occasion, ces noms à la connaissance de Votre Majesté, et cet hommage rendu au talent, à la distinction et à l'obligeance n'est que l'acquittement partiel et imparfait de la dette de la reconnaissance. Nous n'oublierons pas non plus que nous sommes en partie redevables de cet accueil, qui n'a pas peu contribué à la réussite de notre voyage, aux hautes recommandations dont nous étions munis, et aussi à des lettres particulières, émanées d'un savant aussi éminent que modeste, d'un de ces hommes d'élite dévoués à leur patrie et qui contribuent de tout leur SUR UN VOYAGE AUX ILES AÇORES. 33 pouvoir à l'avancement des sciences naturelles 1. Mais ce qui restera toujours présent à notre esprit, c'est l'intérêt que daigne prendre à nos études et à nos travaux un jeune Souverain, aussi distingué par l'étendue de ses connaissances acquises qu'heureusement doué par la nature, c'est le bienveillant accueil qu'il a bien voulu nous faire, ce sont enfin les faveurs particulières qu'il lui a plu de nous accorder. C'est dans ces sentiments, Sire, que je prie Dieu de vous accorder longue et heureuse vie, et que je demeure, avec le plus profond respect, De Votre Majesté, Le très-humble et le très-dévoué serviteur. HENRI DROUËT. Ile de Pico, 15 Septembre. 1857. 1 M. le docteur Bernardino Antonio Gomès, médecin de Sa Majesté, professeur d'histoire naturelle médicale, de matière médicale et de pharmacie à l'Ecole de Médecine et de Chirurgie de Lisbonne, membre de l'Académie Royale des Sciences, etc., etc. T. XXII. 3 NOTE RELATIVE A UN SCEAU DÉCOUVERT A TROYES En 1857, PAR M. L'ABBÉ COFFINET, Chanoine titulaire, membre résidant. Un sceau qui paraît offrir un véritable intérêt pour notre histoire locale, vient d'être découvert dans les démolitions d'une maison sise à Troyes, rue du Bois, et appartenant à M. Journé. Il est en bronze, de forme ronde, et taillé à côtes extérieurement; son tenon se termine par une figure trilobée du style le plus pur. Sa surface présente un champ complètement divisé par une croix égale dans toutes ses parties. Entre chaque croisillon sont deux fleurs-de-lis, tournées pied-à -pied, et alternant avec deux têtes humaines, barbues, bandées, et accostées de deux étoiles. La forme de ce sceau, de ses lettres et de ses figures, accuse l'époque du XIVe au XVe siècle. Lorsqu'il me fut communiqué, on me pria d'en 36 NOTE RELATIVE A UN SCEAU déchiffrer la légende et d'en déterminer l'usage; — c'est ce que je vais essayer. Une étoile, gravée sur le bord extérieur du sceau, indique sa partie supérieure et le commencement de sa légende. Le nombre gradué de points placés après chaque mot, fait connaître le rang que ces mots doivent occuper dans la même légende. Enfin, deux signes abréviatifs figurés à la seconde et à la dernière lettre de ladite légende, avertissent qu'il y a autant de lacunes à remplir pour la compléter. Cet examen une fois fait, je lis IPOSICIOM DE TROYS FOR Sauf meilleur avis, j'interprète l'inscription cidessus de la manière suivante , en me conformant au style ancien et à l'orthographe de l'époque IMPOSICION • DE TROYS FORTIFICATIONS D'après le style moderne, je proposerais l'interprétation définitive de Administration des Impôts de Troyes, pour les fortifications, Craignant que cette version fût un peu hasardée, je l'ai soumise à M. Boutiot, qui a fait de nos archives municipales une étude toute spéciale. J'étais convaincu que notre laborieux collègue me donnerait, à cet égard, d'utiles renseignements. Mon attente ne fut pas trompée. M. Boutiot m'apprit qu'il avait existé, jusqu'en 1470, une Commission chargée de percevoir les impôts pour les fortifications de Troyes; que ceux qui en faisaient partie s'appelaient les Maîtres de l'OEuvre des fortifications, et qu'ils avaient DÉCOUVERT A TROYES EN 1857. 37 été supprimés à l'époque de l'établissement des Maire et Echevins de notre ville. Cette dernière assertion est pleinement confirmée par la teneur d'un procès-verbal de 1493, que renferme un ouvrage imprimé à Troyes, chez Blanchard, en 1679, et qui a pour titre La Mairie et Eschevinage de Troyes, capitale de la Province de Champagne. Parmi les attributions dévolues aux Maire et Echevins nouvellement institués, est relaté, à la page 13e, le droit de percevoir les impôts destinés aux fortifications de la ville, et d'en disposer selon les besoins de ce service. Le mot Imposition, appliqué au XVe siècle, paraîtra peut-être trop moderne, pour avoir été usité à cette époque. Je répondrai à cette objection qu'il se trouve dans tous les vieux dictionnaires français du XVIe et du XVIIe siècle que j'ai consultés à la Bibliothèque de notre ville, et qu'il est cité comme signifiant la perception des tailles et des impôts. En outre, des arrêts extraits des registres du Conseil d'Etat, à la date de 1598 et de 1600, donnent à ce mot la même signification. D'après tous ces documents, l'objet que nous venons de décrire serait le scel des Maîtres de l'OEuvre des fortifications de la ville de Troyes. Ce petit monument, qui semble être sorti de terre pour protester, avec la Société Académique de l'Aube, contre la destruction des derniers vestiges de l'amour national et de la valeur militaire de nos 38 NOTE RELATIVE A UN SCEAU DÉCOUVERT A TROYES. ancêtres, pour survivre à ces nobles ruines qui donnaient à notre vieille cité une physionomie si glorieuse et, en même temps, si pittoresque; m'a paru devoir exciter tout notre intérêt. Je prie la Société de vouloir bien faire déposer la présente empreinte dans le Musée , de notre ville, et de décider que l'existence du sceau susdit sera constatée parmi les découvertes archéologiques recueillies avec tant de soin, classées avec tant de science, par notre très-honorable collègue, M. le président Corrard de Breban. Troyes, ce 27 novembre 1857. LE MAIRE ET LES ECHEVINS DE TROYES PRISONNIERS A L'HOTEL-DE-VILLE En 1675, Par M. THÉOPHILE BOUTIOT, Membre résidant. I. Parmi les privilèges dont les habitants de Troyes étaient fiers, au XVIe et au XVIIe siècles, il y en avait un entr'autres dont l'exercice faisait leur gloire, en assurant la sécurité que leur procuraient leurs murailles c'était celui de se garder eux-mêmes et de ne pouvoir être contraints par le Roi à recevoir garnison que dans les cas d'un grand et imminent danger. Pendant longtemps cette noble prérogative, qu'ils tenaient de la faveur royale, fut respectée par le pouvoir souverain. Au temps des premières guerres des Anglais, sous 40 LE MAIRE ET LES ÈCHEVINS DE TROYES le règne du roi Jean et sous celui de Charles V, les Troyens entretinrent une compagnie de brigands 1 pour la sûreté de leur ville. En 1417 et en 1418, ils salarièrent des hommes d'armes pour la garde d'Isabeau de Bavière, pendant que cette reine, de si triste mémoire, faisait de Troyes le quartier-général de son gouvernement; ils étaient aussi chargés de maintenir le bon ordre dans l'intérieur de la ville, dont les portes étaient alors sous le commandement de quatre écuyers choisis par le sire de Toulongeon, gouverneur de la province de Champagne. Sous Charles VII, les Troyens reçurent dans leurs murs les compagnies royales nouvellement organisées, et sous Louis XI, ils soldèrent un certain nombre de lances et une compagnie de Francs-Archers, entretenus dans l'intérêt de la cause royale. Par suite de la faveur que la ville de Troyes tenait de nos Rois, elle ne recevait de garnison, au XVIe siècle, qu'à de rares intervalles. Ce n'était qu'avec la plus vive inquiétude que les habitants consentaient à y laisser entrer la garde de MM. d'Aumale et de Guise, pendant les troubles, et les hommes d'armes, dont ces princes croyaient devoir se faire accompagner, pour appuyer leur autorité dans la capitale de leur gouvernement. Souvent encore ces troupes n'étaient-elles logées que dans les faubourgs. Mais, au XVIIe siècle, en exécution des ordres de Richelieu, la ville de Troyes perdit l'un des plus beaux fleurons de sa couronne; il fallut, bien malgré elle, qu'elle 1 Nom donné à des soldats revêtus d'une casaque nommée brigandine. PRISONNIERS A L'HÔTEL-DE-VILLE EN 1675. 41 se décidât à rompre avec son passé, et qu'elle abandonnât ce privilège, et, avec celui-ci, d'autres encore. L'épisode que nous choisissons parmi ceux qui composent l'histoire municipale de Troyes, au XVIIe siècle, se rapporte à l'entrée des régiments à la solde du Roi dans la ville de Troyes, à leur logement et à leur subsistance, pendant qu'ils y prenaient leur quartier d'hiver. A l'époque où se placent les faits que nous allons raconter, nous ne sommes plus au temps où les hahitants de Troyes refusent aide et comfort » à M. de Barbazan, pour repousser les Anglais, en motivant leur refus sur les énormes sacrifices qu'ils ont fait pour reprendre, sur les ennemis de Charles VII, les places de Villemaur, de Pont-sur-Seine, de Marigny, de Villeneuve l'Archevêque, de Saint-Liébault, de Chappes et d'autres places fortes. Nous ne sommes plus au temps où, malgré ce refus apparent, la ville négocie secrètement avec les villes de Châlons, de Reims et de Laon, pour assurer le succès des armées royales partout où elle a intérêt à le faire. Au milieu du XVIIe siècle, les Troyens n'avaient plus à craindre les violences de. Jehan de Chaumont, capitaine du château d'Estissac, qui, tenant pour le duc de Bourgogne, faisait arrêter par ses compagnons les convois de grains dirigés sur Troyes pour l'approvisionnement de la ville, rançonnait les voituriers à un salut d'or par cheval, ou bien s'emparait des charretiers qui allaient dans la forêt d'Othe pour y charger du bois, et les détenait, ainsi que leurs che- 42 LE MAIRE ET LES ÉCHEVINS DE TROYES vaux, pendant quarante-huit heures, sans leur donner aucune nourriture. Non, ce temps-là n'était plus. On ne craignait plus, comme en 1431, de voir, aux arbres des chemins, des hommes pendus par les doigts pour obtenir une forte rançon. Les habitants de Troyes n'avaient plus à redouter quelques surprises des troupes bourguignonnes ou anglaises qui, occupant les places et les châteaux-forts du plat pays, cernaient la ville de toutes parts. Ils n'avaient plus, au XVIIe siècle, leurs murailles garnies de leurs bonnes couleuvrines et de leurs solides voguelaires; leurs portes n'étaient plus murées. Ils n'avaient plus même à redouter ni les lansquenets, ni les reîtres qui, au XVIe siècle, leur rappelaient les temps les plus mauvais de la guerre des Anglais. C'est à une époque de transition qu'appartiennent les faits que nous voulons raconter. Ils rappellent des souvenirs importants de l'histoire municipale de la ville de Troyes, ainsi que les difficultés que la monarchie rencontra au sein des grandes cités, lorsqu'elle travaillait à placer sous une règle commune l'administration de la France. II. En 1638, une modification profonde s'était déjà introduite dans l'organisation de l'armée entretenue à la solde du Roi. Si, à cette époque, on compare l'état des troupes royales avec l'indiscipline qui régnait même aux premières années du XVIIe siècle, PRISONNIERS A LHÔTEL-DE-YILLE EN 1675. 45 on les trouve régulières et soumises. Et pourtant, il ne faut pas moins que la signature du Roi pour obliger les régiments à suivre l'itinéraire qui leur est tracé. Pendant son règne si long, Louis XIV s'astreint à mettre sa signature au pied des feuilles de route alors désignées sous le seul nom de routes », et qui fixaient l'itinéraire des troupes en voyage. Jusqu'à cette époque, les soldats logeaient aux champs, c'est-à -dire dans les campagnes. Ils ne pénétraient jamais en ville, et même les faubourgs et la banlieue de Troyes étaient à cette époque dispensés de ce logement. C'est par ce motif que le duc de Nevers, gouverneur de Champagne, fixait, en 1622, la limite de la banlieue de Troyes, et dispensait tous les villages qu'elle renfermait de ce logement si redouté. En 1636, Louis XIII, confirmant tous les privilèges dont jouissait la ville de Troyes, y comprenait encore celui qui exonérait les habitants de celte lourde charge. Mais un semblable état de choses ne pouvait durer plus-longtemps. L'autorité royale devait briser cet ancien privilège, comme elle renversa les autres immunités à l'aide desquelles les grands centres municipaux avaient traversé, plus facilement que les gens du plat pays, les époques désastreuses de notre histoire. Abordons les faits. En mars 1638, M. Dorieux, maire de Troyes, et MM. les Echevins reçurent du Roi la lettre suivante De par le Roy, Chers et bien amez, aiant ordonné que nostre » régiment de Navarre yra tenir garnison à Troyes, 44 LE MAIRE ET LES ÉCHEVINS DE TROYES » nous vous faisons cette lettre pour vous dire et » très-expressément ordonner que vous aiez à le re» re» et loger sans difficulté et luy fournir la » subsistance en la mesme sorte et sur le mesme » pied quelle lui a esté délivrée par les habitants de » Vitry, tant pour le regard des cappitaines et offi» offi» que des haultes paies et soldats conformément » à nostre reiglement du huistiesme novembre » trente-sept, et à nostre ordonnance du 5me jour de » janvier dernier. » En suivant le traité qui en a esté faict par les » srs D'Avernes et Campez, cappne dud. régiment » avecq les eschevins dudict Victry, le 2me du pré» sent mois, voulant que vous faciez l'aduance de » lad. subsistance de quinze jours en quinze jours, » à commancer du jour que ledict régiment arrivera » en nostrd. ville de Troyes, sauf à vous tenir compte » de ceste despence, sur ce que vous et vostre eslection » debuez fournir pour votre cottepart de la subsis» tance de noz trouppes, à quoy nous vous enjoi» gnons de satisfaire ponctuellement à peine de dé» sobéissance et de respondre en vos propres et » privez noms de tous les désordres et inconvéniens » qui en pourrpient arriver au préjudice de nostre » service. CAR TEL EST NOSTRE PLAISIR. » Donné à Saint-Germain-en-Laye, le troisiesme » de mars mil six cent trente-huict. » Louis. » Et plus bas SUBLET. » La réception d'une pareille lettre jeta le trouble PRISONNIERS A LHÔTEL-DE-VILLE EN 1675. 45 dans la cité. La volonté royale intervenait pour modifier profondément le passé, et faisait présager que les privilèges d'autrefois avaient vécu. Que devenaient les chartes royales qui, depuis Louis XI jusqu'à Louis XIII, confirmaient les droits, que les habitants de Troyes possédaient, de repousser les troupes royales de l'intérieur de leurs murailles? Aussi l'émotion fut-elle grande au sein de l'échevinage. Le corps municipal ne se crut pas revêtu d'une autorité suffisante pour prendre parti sans consulter les habitants. Les assemblées générales des habitants étaient, depuis un temps éloigné déjà , tombées dans l'oubli. On leur avait substitué une réunion composée des trois corps principaux de la ville qui étaient pour la cité ce qu'étaient pour l'Etat les trois ordres du Royaume. Celte réunion se composait des députés du clergé, de ceux de la justice et du corps de ville auquel s'adjoignaient les anciens maires et échevins, les capitaines de la milice bourgeoise et quelques notables; les premiers représentant le clergé, les seconds la noblesse, et les derniers le tiers-état. Les trois Etats de la ville furent donc convoqués pour prendre connaissance de la volonté royale et délibérer. Le Maire exposa les faits et fit lecture de la royale missive. Il ajouta qu'elle estait un commandement » formel auquel ne gisait que l'obéissance, et né» antmoings que ledit Régiment, entrant en lad. " ville, c'estoit une grande bresche et préjudice aux » privilèges octroiez par Sa Majesté, par les Roys, » ses prédécesseurs, comme ville cappitalle de la 40 LE MAIRE ET LES ÉCHEVINS DE TROYES » Province et particulièrement par l'Edict de Sa Ma» jesté de l'année 1594 1. » Dans le cours de la discussion, M. Pierre Lenoble, lieutenant-général au bailliage de Troyes, observa que cet orage était bien prévu, » puisque l'on n'avait pas payé la subsistance, dont les bases et les conditions avaient été posées en décembre précédent, et que, si l'on voulait éviter le logement, il n'y avait qu'à payer, M. le Maire ajouta encore que le moyen de se garantir du logement du régiment de Navarre était de payer la subsistance demandée par le Roi, et que, pour subvenir au paiement de cet impôt, il avait trouvé, à Paris, 200,000 livres à emprunter à constitution de rente; mais que les prêteurs ne voulaient point entendre parler ni de maire, ni d'échevins pour garantir cet emprunt. Après une longue et pénible discussion, l'assemblée décida que l'on adresserait au Roi de très-humbles remontrances, afin de conserver à la ville la jouissance de ses anciennes libertés, en l'exemptant du logement du régiment de Navarre, à la condition toutefois que la ville paierait le montant de la subsistance fixé, en décembre précédent, à la somme annuelle de 65,000 livres. Il fut de plus décidé que l'on ferait un emprunt pour y arriver. Des négociations étaient déjà ouvertes. 1 C'est l'édit sur la reddition de la ville de Troyes à Henri IV ; édit qui n'est autre qu'un traité passé entre le Roi, d'une part, et les habitants de Troyes, d'autre part. PRISONNIERS A LHÔTEL-DE-VILLE EN 1675. 47 Le traitant voulait que son prêt lui fût garanti par l'engagement personnel du Maire et des Eçhevins et de dix notables habitants. Pour réunir les sommes dont on avait un pressant besoin, on leva un impôt sur les farines, et de plus les habitants aisés furent taxés, chacun, à une somme de 150 livres. Pendant ces négociations entre la ville et les agents royaux, le régiment de Navarre s'était logé dans les faubourgs, dont il ne déguerpit, quoique la ville eût rempli ses engagements, que dans le courant du mois d'avril, et sur les ordres formels et réitérés du Roi. Pour cette fois, mais ce fut la dernière, la ville paya, et, par ce moyen, prolongea de quelques mois seulement la jouissance de privilèges auxquels les habitants attachaient le plus haut prix. Plus tard, elle paya encore, et de plus elle logea. III. Six mois s'étaient à peine écoulés que les événements, provoqués par la lettre du Roi pour l'entrée en ville du régiment de Navarre, se reproduisaient pour la réception du régiment de Picardie. Une nouvelle lettre de Louis XIII, du 8 octobre 1638, ordonnait aux Troyens de recevoir, dans leurs murs, le régiment de Picardie qui venait pour y passer son quartier d'hiver. Après l'avoir reçu, il fallait en loger les soldats et leur fournir les vivres et les ustensiles dont ils 48 LE MAIRE ET LES ÉCHEVINS DE TROYES avaient besoin. Cette missive royale était accompagnée d'une lettre de M. de Mesgrigny, alors Intendant de Champagne. Dans cette nouvelle et délicate occurrence, le Maire demande au Conseil de ville de vouloir bien lui tracer la conduite qu'il doit tenir. Le Conseil, persistant dans sa résistance aux volontés royales et ne voyant de salut que dans la conservation des libertés de la cité, décide que l'on députera près de M. l'Intendant, afin d'être de nouveau déchargé du logement des gens de guerre, et que l'on fera ses efforts pour faire respecter les privilèges concédez et suc» cessivement confirmez par les feux Roys, mesme » par Sa Majesté à présent régnant, comme il se » recongnoist parles archives de ladicte ville, tou» chant l'exemption des garnisons. » L'un des échevins, porteur des instructions du Conseil, fut envoyé près de M. l'Intendant pour lui faire connaître la résolution de l'échevinage. La tentative ne fut pas heureuse. Ce député n'obtint, pour toute réponse, que l'ordre de se procurer la somme de 40,000 livres pour la part des habitants dans la subsistance des garnisons. Nouvelle convocation des trois Etats de la ville pour prendre connaissance du résultat de la mission de l'ambassadeur municipal près de M. l'Intendant. Sur ces entrefaites, on annonce l'arrivée du régiment de Picardie aux portes de la ville pour le lendemain 23 octobre. Pendant ces nouveaux débats, un sieur Elie Michelin, marchand-tanneur à Troyes, était arrêté à Paris, à la requête de M. de la Bazinière, Trésorier de l'Epargne, et mis au Fort-l'Evêque, parce que la PRISONNIERS A L'HÔTEL-DE-VILLE EN 1675. 49 ville n'avait point acquitté l'emprunt demandé par le Roi. Le sieur Michelin s'adressa au corps de l'échevinage, en le priant de prendre des mesures pour obtenir sa mise en liberté. Aucune mesure n'était sans doute possible. Dans tous les cas, aucune ne fut prise; car la mise en liberté du sieur Elie Michelin ne fut ordonnée que par arrêt du conseil d'état du 26 mars 1639, arrêt qui, en réglant les affaires de la ville, à l'occasion de cet emprunt, statuait sur le sort de cet honorable citoyen. Le régiment de Picardie, dont l'arrivée était annoncée pour le courant du mois d'octobre, n'arriva, néanmoins, aux portes de la ville, qu'en décembre suivant. Avant qu'il se présentât, le corps de ville fit parvenir de nouvelles supplications au Roi, pour être débarrassé du logement de ce régiment vaines démarches. De nouveau, le 17 novembre, Louis XIII écrivait en personne au maire et aux échevins de recevoir en ville les malades et les bagages du régiment de Picardie. Mais, continuant ses refus, la ville n'ouvrit pas ses portes à ceux qui dirigeaient et conduisaient ce détachement. Les soldats ne furent admis à loger que dans les faubourgs et après avoir été visités avec soin par les médecins et chirurgiens, pour s'assurer que cette troupe n'était pas atteinte de quelque maladie contagieuse. Enfin, le 30 décembre, quelques officiers du régiment de Picardie se présentent au Maire de Troyes, et lui remettent des lettres du Roi, ordonnant que leur régiment prendrait garnison à Troyes. Le Maire expose à ces officiers que la ville est T. XXII. 4 50 LE MAIRE ET LES ÉCHEVINS DE TROYES exempte du logement des gens de guerre ; que, s'ils le désirent, ils peuvent prendre leurs quartiers dans les faubourgs, et là , mais là seulement, la ville leur fournira leur subsistance en denrées. Mais que, pour la subsistance en argent, ils aient à se pourvoir près de M. l'Intendant. Sur ce nouvel incident, le Conseil, consulté, députe à ce haut fonctionnaire MM. Corrard et de la Ferté, pour lui faire connaître les calamités et la misère qui pèsent sur la ville et la campagne des environs, et, par ces motifs, obtenir la décharge de l'emprunt dont la ville est grevée. Le Conseil, persistant dans ses précédentes résolutions, refuse net l'ouverture des portes de la ville au régiment de Picardie, qui se présente à Troyes par le faubourg Saint-Jacques. Convoqué de nouveau le 5 janvier, il arrête, en maintenant ses précédentes délibérations, que l'on convoquera les trois ordres pour prendre leur avis. Pendant ce long débat, les hommes du régiment de Picardie sont logés au Pont-Hubert, à SaintParres et dans d'autres villages voisins du faubourg Saint-Jacques. Mais, s'il faut en croire ce qu'ils écrivent au Maire, l'espace leur manqué, et pour être plus commodément logés, les officiers demandent au Maire de leur permettre, en raison du mauvais état des chemins qui contournent les murs d'enceinte, de faire traverser la ville à vingt voitures de leurs bagages pour aller se loger de l'autre côté de la Seine. Le Maire, craignant quelques ruses de guerre, refuse cette autorisation. Néanmoins, après avoir pris l'avis du Conseil, il est arrêté que la permission demandée sera accordée, à la condition que la porte de Comporté sera tenue fermée, et qu'il sera PRISONNIERS A L'HÔTEL-DE-VILLE EN 1675. 51 fait bonne garde. Mais l'affaire est éventée. Le coup a manqué, et le passage ne s'est pas effectué. Sur le refus fait au régiment de Picardie de lui laisser prendre garnison en ville, ce régiment avait envoyé des députés en cour. La ville en avait fait autant. Mais les députés du régiment, plus heureux que ceux de la ville, obtinrent du Roi la lettre suivante, adressée au Maire, aux Echevins et aux habitants de Troyes. De par le Roy. » Chers et bien amez, aiant sceu comme vous » auez faict difficulté de receuoir nostre régiment » de Picardie en nostre ville de Troyes où nous » avons entendu qu'il feust logé suivant les ordres » que nous vous en avons adressez. Nous vous fai» fai» cette lettre par laquelle nous vous mandons » et très expressément enjoignons de faire entrer et " loger ledict Regiment en nostre dicte ville, sans y » apporter aucun delay ny difficulté pour quelque » cause et sous quelque prétexte que ce puisse être » sur peine de désobéissance, CAR TEL EST NOSTRE » PLAISIR. Donné à Sainct Germain en Laye le pre» pre» jour de janvier 1639. » LOUIS. » Et plus bas " SUBLET. » Cette lettre fut lue au Conseil dans la séance du 6 janvier. Aucune décision n'y fut prise, parce que les députés de la ville, envoyés en cour, n'étaient pas encore revenus. M. de Vienne, lieutenant particulier au bailliage, émit l'avis que, comme il s'a- 52 LE MAIRE ET LES ÉCHEVINS DE TROYES » gissoit d'un commandement de Sa Majesté auquel » on debuoit rendre une obéissance aveugle, il » exhortoit la compagnie de se conformer à sa vo» lonté. » Mais l'assemblée, moins docile aux ordres royaux, se sépara sans statuer. Pendant ce temps, employé en démarches et en députations, le régiment de Picardie vivait sur le bonhomme, comme on disait encore, et, chaque jour, des réclamations arrivaient en ville des grandes vexations » que les soldats de ce régiment causaient aux habitants de la campagne. Ces vexations étaient grandes en effet, car les officiers de ce régiment placèrent des gardes aux portes de la ville pendant plusieurs jours, pour empêcher lès habitants de sortir. Plusieurs maisons des faubourgs furent pillées et démolies par les soldats. Un certain nombre d'habitants furent blessés, et un sieur Grapin, ou Guerrapin, imprimeur, fut tué. Des plaintes montèrent jusqu'à la cour. Dans ces hautes régions, les dommages causés par les soldats du régiment de Picardie furent attribués au refus que les Troyens faisaient d'ouvrir les portes de leur ville. La résistance du Conseil continuait et paraissait se perpétuer. Un tel état de choses ne pouvait durer, et le ministre accoutumé à vaincre ne voulait pas être vaincu. Aussi, pour faire exécuter les ordres du Roi, il dépêcha, à Troyes, M. le marquis de Praslain, Lieutenant-Général au gouvernement de la province, et M. de Mesgrigny, Intendant. Mais ces deux hauts fonctionnaires, s'ils obtinrent de la ville une contribution de 120 livres par jour pour la subsistance, ne purent encore décider les Troyens à l'abandon de leurs privilèges. Cette somme de 120 livres par jour PRISONNIERS A L'HÔTEL-DE-VILLE EN 1675. 53 ne fut pas même acceptée du marquis de Bréaulté, maître du camp du régiment, sur une première proposition. Mais, comme les habitants de Troyes apprirent que pour son fait particulier, M. de » Bréaulté voulait avoir dix ou douze écus par jour, » ce maître de camp céda lorsqu'on lui offrit quinze » livres, par jour, pour son logement et ustensiles, » qu'on lui livrerait aux faubourgs. L'affaire ainsi terminée avec ceux qui étaient directement intéressés dans ces débats, les Troyens crurent, cette fois encore, être débarrassés du logement des garnisons, moyennant les sommes que nous avons dites. Mais l'inflexible ministre n'avait pas atteint son but. Il fallait abolir ces immunités auxquelles la bourgeoisie tenait tant. A la première occasion, des faits semblables se seraient renouvelés. Richelieu voulait assurer l'avenir. La ville, au contraire, pour la conservation de ses vieilles libertés, les aurait payées dix fois pour une. Dans ce but, elle fit offrir de verser à la caisse de l'extraordinaire une somme de soixante mille livres, pour être continuée dans l'exemption du logement des gens de guerre. Il était trop tard ! Ce n'était pas seulement de l'argent que l'on désirait; le ministre voulait l'anéantissement complet des franchises municipales qui étaient alors de sérieux obstacles à la constitution de l'unité française à laquelle ce grand et habile ministre consacra sa vie et toutes ses facultés. On a vu accourir, à Troyes, le Lieutenant-Général au gouvernement de Champagne, et l'Intendant, pour mettre fin à ce débat dans lequel ils n'avaient obtenu qu'une demi-victoire. Le ministre la voulait entière et complète. Il l'obtint. 54 LE MAIRE ET LES ÉCHEVINS DE TROYES MM. de Praslain et de Mesgrigny avaient-ils eu quelque condescendance pour les habitants de Troyes avec lesquels depuis bien longtemps ils entretenaient des relations pleines de bienveillance ? Le fait peut être vrai. Aussi, sur ces entrefaites, M. de Mesgrigny, appelé à d'autres fonctions, fut-il remplacé par M. de Choisy. Aussitôt en possession de sa nouvelle charge, M. de Choisy vint à Troyes. Il accompagnait M. du Hallier, général des armées du Roi, en Champagne. Des troupes marchaient sous leurs ordres, et, comme eux, se dirigeaient sur notre ville. Réunis à M. de Praslain, ils firent connaître aux Troyens que le Roi leur avait fait savoir qu'il avait eu avis des désordres que le régiment de Picardie commettait dans la campagne, à cause du refus qu'ils avaient fait de recevoir ce régiment en garnison, et qu'en outre le Roi donnait ordre très-exprès à M. du Hallier de faire établir le régiment de Picardie dans la ville de Troyes, avec ceux de Saint-Luc et de Plessis-Praslain, poury passer le reste du quartier d'hiver, et que ce commandement, étant absolu, devait recevoir une prompte et exacte exécution. M. du Hallier, pour se rendre aux ordres du Roi, demanda à M. le Maire de désigner les personnes qui, avec les maréchaux-de-logis, feraient, sans délai, la distribution des logements. Pour appuyer l'exécution de ses ordres, il remit au Maire deux lettres du Roi adressées aux Maire, Echevins et habitants de Troyes. Ces lettres portaient la date du 3 mars. Cette communication fit son effet. Nulle résistance n'était plus possible. En présence d'ordres aussi formels et de trois régiments qui cernaient la ville, PRISONNIERS A LHÔTEL-DE-VILLE EN 1675. 55 il ne fut plus question de composition. On obéit sans mot dire aux trois commissaires royaux. Réduit à cette dure extrémité de consacrer la ruine de l'un des privilèges les plus considérables dont la ville de Troyes ait eu le bénéfice, le Conseil RÉSOLUT » UNANIMEMENT que, puisqu'il y avoit un sy exprès » commandement du Roy de laisser entrer dans ceste dicte » ville lesdicts régiments, et que lesdicts sieurs du Hal" lier, de Praslain et de Choisy en pressoient l'exécution, » il ne restoit qu'à obéir. » IV. Ces débats, qui aboutissaient toujours à des levées de deniers considérables sur les habitants, presque toujours avancées d'urgence par les membres du corps de ville,.éloignaient des assemblées le plus grand nombre des conseillers. Aussi, une délibération prise dans les circonstances qui nous occupent signale-t-elle que lorsqu'il s'agit d'avancer de l'ar» gent pour les affaires de la ville, les conseillers ne » se rendent pas à l'hôtel-de-ville ainsy qu'il se » peult veoir des actes des assemblées et même en » la présente où il y en a seullement cinq sur vingt» quatre. » Les fonds employés au paiement de la subsistance des trois régiments de Picardie, de Saint-Luc et de Plessis, furent levés au moyen d'un droit assis sur les vins et dit de la courte pinte, d'un autre droit nommé du pied fourchu, payé sur le bétail destiné à la bouche- 56 LE MAIRE ET LES ÉCHEVINS DE TROYES rie, et fixé à 30 sous par boeuf, 15 sous par vache, 10 sous par porc, et 5 sous par veau, mouton ou brebis. Mais, avec le privilège qui exemptait les habitants de Troyes du logement des gens de guerre, un autre disparut aussi. La suppression du premier entraîna celle du second. Le Maire de Troyes avait seul la garde de la ville, et, après la fermeture des portes, les clefs lui en étaient chaque soir rapportées. Ce droit, si important, n'avait subi dans le passé aucune interruption, si nous exceptons que, par honneur, ces clefs étaient remises aux gouverneurs de la province ou à ses lieutenants-généraux lorsqu'ils venaient à Troyes. Dans le courant du même mois de mars 1638, le Maire reçut du Roi une lettre datée du 17, et adressée aux Maire, Echevins et habitants de Troyes. Le Roi faisait savoir par cette missive qu'il avait appris les différends qui existaient entre les habitants de Troyes et les officiers et soldats du régiment de Picardie, qu'il importait à son service d'être dans là sécurité la plus entière, et qu'il avait besoin d'être averti à toute heure de ce qui se passait à Troyes. Le Roi enjoignait ensuite très-expressément de faire donner aux officiers des régiments les clefs de l'une des portes de la ville, pour en prendre la garde tant de jour que de nuit, avec défense de méfaire ni de » médire contre aucun de ses officiers et soldats. » Les habitants de Troyes invoquèrent la protection de M. le marquis de Praslain dans cette nouvelle circonstance, non moins importante que lorsqu'il s'agissait des garnisons. Malgré le beau présent de deux douzaines de grands plats d'argent valant près PRISONNIERS A LHÔTEL-DE-VILLE EN 1675. 57 de 3,000 livres que la ville venait de lui faire, le crédit de M. le Lieutenant-Général au gouvernement de Champagne ne put rien près du Roi en faveur du maintien des anciens droits du Maire de Troyes. Vivement pressé, l'Echevinage ne put encore que céder à une autorité accoutumée à vaincre. Le Conseil de ville, composé seulement, dans la circonstance, de M. Le Noble, lieutenant-général au bailliage, de M. Dorieux, maire, de MM. Nicolas Moreau, Louis Michelin, Nicolas Morel, Nicolas Langlois, Nicolas Allen, Jean Lombard, échevins, et de M, Claude Camusat,conseiller de ville, arrêta que M. le Maire, » après la fermeture des portes, remettrait les clefs » de la ville au sieur Le Marquis, Lieutenant-Général » pour le Roy en la province, pour faire par luy » tout ce qu'il jugeroit bon sur le contenu esdictes » lettres, et disposer des clefs et des portes comme » il jugera nécessaire pour le bien de ceste commu» nauté en l'obéissance qui est due aux commande» ments du Roy. » Ainsi, à partir de 1639, les portes de la ville furent pour toujours ouvertes aux troupes royales, et le Maire de Troyes perdit en même temps le privilège d'en avoir la garde. V. Mais les régiments, quoique logés en ville, ne furent pas plus respectueux envers l'autorité civile ou judiciaire qu'autrefois. Combien ne pourrions- 58 LE MAIRE ET LES ÉCHEVINS DE TROYES nous pas citer d'actes de violences commis dans les murs de la ville et n'ayant pour cause que l'indiscipline! Nous passerons légèrement sur cette époque qui fourmille d'épisodes de ce genre; car les habitants de la ville furent souvent victimes de l'insubordination militaire, et l'autorité royale avait encore beaucoup à faire pour que l'on acceptât sans résistance ses ordonnances sur la police des gens de guerre. L'année 1640 ne se passa pas sans plaintes. Il en fut porté jusqu'au gouverneur de Champagne par les habitants de Troyes. En 1641, M. Odard Perricard, ce maire; qui avait été choisi par le Roi, l'année précédente, et à qui son dévouement à la cause royale valut plus tard la plus vive opposition dans le sein du Conseil de ville, fit connaître, le 16 février, dans les termes suivants, à M. le marquis de Praslain, les désordres causés par la garnison. Nous copions textuellement, et nous respectons dans ce texte jusqu'aux fautes d'orthographe Les soldats qui sont en garnison en ceste ville et » nos faulbourgs continuent de plus en plus leurs » désordre, ils gastent tout et perdent tout tant à la » ville qu'aux faubourgs. Ils ont rompu et bruslé » les posteaulx qui soustiennent les couverture de » nos muraillies, bruslé nos grandes eschelles et » crochets destinés pour le feu, bruslé les cordes » des puits et quantité d'estaux qui estoient devant » les boutiques de nos marchands. Nos bour» geois n'osent plus sortir le soir de leurs maisons, » sans crainte de receupvoir des coups despées. Les PRISONNIERS A LHÔTEL-DE-VILLE EN 1675. 59 » soldats s'abandent 1 et satroupe par tous les » carefours, tirent la leine 2 et blessent tous les » jours nos habitans de coups d'espée. Nous ne » voyons que sang espanché. Nous en avons faict » plainte plusieurs fois aux officiers de la garnison » qui disent que leurs soldats ne sont pas payez. Il » y en a qui ont voulu forcer des filles que les ha» ha» nous amenèrent après les auoir désarmez » et les ayant voulu enuoyer prisonniers, ils ont esté » recours 3 par d'autres soldats. Nos habitans mur» mur» disent ne pouvoir plus soufrir cela, qu'ils » se mettront en deffense et qu'ils ne se laisseront » point tuer, mais je leurs ai deffendu de prendre » les armes et je les en ay empesché jusques icy ce » que je continueray toujours aultant qu'il me sera » possible. Nous baillions tous les jours du bois » pour le corps de garde des soldats ce qui n'em» n'em» point les désordres. Nous auons recours » à vous, Monsieur, pour vous supplier très-humble» très-humble» d'interposer vostre authorité pour nous faire " descharger de ceste garnison qu'il y a quatre mois » qui est en ceste ville et ce nous sera un surcroist » des obligations que nous vous auons que si cela » ne se peut, au moins leur procurer leurs payement » et nous donner les moyens d'empescher le dé» dé» car quant nous leurs parlons d'obseruer le » règlement faict par Sa Majesté pour les gens de 1 Se mettent en bande. 2 Tirer la laine, détrousser les passants. 3 Secourus. 60 LE MAIRE ET LES ÉCHEVINS DE TROYES » guerre, ils se mocquent. Nous espérons de vostre » bienueillance quelque soulagement. » En 1643, à la suite de quelques légères difficultés entre les habitants de Troyes et les soldats du régiment de Vaubecourt, une querelle s'ensuivit. Le lendemain, au moment où ce régiment quittait la ville par la porte de Croncels, la troupe tira sur les habitants. Plusieurs personnes furent blessées, d'autres perdirent la vie. La soumission des habitants ne fut pas complète en 1642. La ville résiste de nouveau à la volonté du Roi et aux ordres de l'Intendant. Elle refuse d'ouvrir ses portes au régiment de Bretagne qui s'était logé dans la banlieue. Des scènes du même genre se renouvelèrent encore. Le 21 janvier 1646, le prince de Condé, gouverneur de Champagne, écrivait dans les termes suivants à l'occasion de cette résistance Messieurs les Maire et Eschévins de la ville de » Troyes, m'aiant esté enuoyé des ordres du Roy de » faire entrer dans vostre ville des gens de guerre » pour vous réduire dans l'obéissance que vous de» de» J'ai bien voulu encor differer quelques jours » afin de vous en donner aduis par ce gentilhomme » et vous donner de recognoistre en quelle extrémité » vous vous réduisez, le peu de cas que vous auez » cy devant faict de mes ordres me pouvoit dispen» dispen» de vous faire cette grâce. Néantmoings j'ay » oublié le ressentiment que jen debvais avoir pour » vous rendre d'autant plus de preuve de l'affection » que je vous porte, vous vous en servirez pour PRISONNIERS A L'HÔTEL-DE-VILLE EN 1675. 61 » votre bien et me croirez, Messieurs les Maire et » Eschevins de la ville de Troyes, vostre très affec» tionné amy. » LOUIS DE BOURBON. " De Paris, ce 21 janvier 1646. » VI. Mais arrivons au fait qui donne son titre à cette rapide étude, et voyons comment, en 1675, se comportent, à Troyes, les soldats qui y prennent leur quartier d'hiver. A cette époque encore, chaque nouveau régiment placé en garnison à Troyes est redouté par les habitants. Leur subsistance fait souvent l'objet de graves difficultés. Leur logement est considéré comme tellement onéreux, que les personnes qui peuvent se faire recommander près de l'autorité municipale par les plus hauts et les plus puissants personnages invoquent cette protection pour s'en débarrasser. A cette occasion, citons une lettre d'une femme, veuve d'un noble maréchal de France, qui tint un rang fort distingué parmi ses collègues. Si le langage de plusieurs maréchales de France du XIXe siècle a été l'objet de railleries, je laisse apprécier le style de leurs collègues du grand siècle littéraire. Voici cette lettre Monsieur, vous nores cun regimant qui et celuy » de bretagne et un de cavalerie. Je vous prie deux » santer d'exempter de loiement Monsieur Lefebvre 62 LE MAIRE ET LES ÉCHEVINS DE TROYES » le Coses l'écossais. La vesue Tournas Chandeliere » et un nomme Menisier et mo de Saint Vernon. Je » suis » votre cervante, » de Paris le » X. C.. » » 28 de sanbre. » » a Monsieur » Monsieur le Mère. » Comme nous l'avons dit, nous n'enregistrerons pas tous les désordres dont la ville de Troyes a été le théâtre. Nous rapporterons seulement un procès-verbal de M. Le Noble, lieutenant-général au bailliage de Troyes. Si ce procès-verbal n'est pas rédigé dans le style de Racine et de Molière, il est du moins leur contemporain. Aussi n'y changerons-nous rien, nous ne pourrions qu'en atténuer la valeur. Il est suffisamment détaillé, clair et précis. Il nous apprend qu'à l'occasion de logements donnés aux soldats du régiment du Roi, le Maire et les Echevins de la ville furent retenus prisonniers par ces bandes ameutées. Mais laissons parler M. Christophe-Lefebvre, l'auteur du procès-verbal L'an 1675, le dimanche huitième jour de décembre, environ les trois heures de l'après-midi, seroit comparu pardevt nous Christophe Lefebvre, Escuyer, M. Jehan Grassin, Conseiller au Présidial de Troyes et ancien Eschevin de lad. ville, en personne, qui nous a dit que les Maire et Eschevins estant assemblés dans l'hostel commun de ceste ville, pour adviser aux moyens d'empescher les désordres que commet journellement le régt. du Roy, qui y est en garnison ; il n'eust pas esté plutot assemblé que ledict régiment du Roy s'est emparé de toutes les advenues dud. hostel de ville qu'il tient assiégé en telle sorte que pensant nous envoyer deux Esche- PRISONNIERS A LHÔTEL-DE-VILLE EN 1675. 63 vins et un Sergent de ville, ainsy quil est accoustumé, pour nous pryer de nous y trouver, les sentinelles qui estoyent posées à la porte, leur auroyent presenté le mousquet dans le ventre et menassé de les tuer sils ne rentroyent, et que sestant addressés aux officiers dud. régiment pour ëmpescher les suittes d'une telle violence, ils avoyent faict responce quils ne laisseroyent sortir personne qu'on ne leur eust donné un nouveau logement, ce qui auroyt obligé lesd. Maire et Eschevins de cryer par une fenestre aud. M. Jehan Grassin de nous advertir de ce qui se passoyt et nous prier de nous y vouloir transporter avecq. le Procureur du Roy, ce que nous auryons faict à l'instant, et passant par les places publiques du marché an bled et de l'estappe au vin de ceste ville, nous les aurions trouvées remplies de soldats du régiment avecq. des sentinelles et corps de garde, et toutes les advenues qui y aboutissent et veu que quelques personnes sestant présentées pour y passer, lesd. soldats les en ont empescher, de là estant arrivées à l'hostel de ville, nous avons trouvé la place qui est au devant d'icelle, occupées comme les précédentes par plusieurs compagnyes dud. régiment du Roy qui avoyent leurs officiers à leur teste et s'estoyent emparés de toutes les advenues où ils avoient posé des corps de garde et des sentinelles, tenant par ce moyen led. hostel de ville, investi tant par devant que par derrière, et nous estant présentés à la porte d'iceluy ou il y avoit nombre de soldats en haye des deux cottés et deux mousquetaires à la porte, la mêche de leurs mousquets allumée, qui nous auroyent laissé passer avec peyne et auroyent empesché nostre greffier di entrer, et estant aud. hostel de ville nous avons remarqué que lesd. soldats s'estoyent emparés et rendus maistres de toutes les portes et chambres d'iceluy et ayant des sentinelles à chacune desd. portes et chambres, aussy la mèche de leurs mousquets allumées, et que nous estant obligé de nous adresser au sieur Darnault, commandant led. régiment, qui se promenoit dans la cour avecq grande quantité d'aultres officiers, pour luy demander la raison et le motif de. telles violences, il nous avoit faict response qu'ils vouloient qu'on leur fist un nouveau logement et que jusques a ce qu'il fut faict ils s'estoyent résolus de demeurer soulz les aimes et d'empescher que pas un des Maire et Eschevin ne sortist et les obligeroyent de passer la nuict dans la chambre où ils estoient enfermez. Sur quoy, nous avons dict aux officiers qu'il falloit entendre lesd. Maire et 64 LE MAIRE ET LES ÉCHEVINS. DE TROYES Eschevins, et estant monté dans la salle où on tient d'ordinaire les assemblées, nous avons trouvé deux sentinelles en dehors de la porte du degré, deux en dedans, deux au bas dud. degré, deux au milieu, et ayant tous les mèches allumées, et un hallebardiers au hault du degré contre la porte de lad. salle en dehors, et deux mousquetaires en sentinelle en dedans d'icelle, et les Maire et Eschevins et Conseillers de ville sont venus au devant de nous et nous ont faict plainte de ce que lesd. officiers du régiment du Roy pour les obliger à leur donner une somme d'argent que et au pardessus les ordres de Sa Majesté le jour de samedy dernier, s'estant emparez des portes de la ville et y ayant mis des soldats pour empescher les paysants d'apporter des vivres et danrées au marché duquel ils s'estoyent pareillement emparez et de toutes les places ou on a accoustumé de débiter lesd. danrées qu'ils avoyent remplies de soldats, prétendant par ce moyen exciter le peuple à sédition, quand il n'y a rien au marché; que la présence de M. le duc de qui passait fortuitement par cette ville avoyt dissipé cet orage et empescher leffect de leur mauvais desseins et quayant appris que le conseil de ville estoit assemblé, les officiers du régiment du Roy estoyent venus à la teste de leurs compagnies en armes et sestoyent rendus les maistres des advenues et de toutes les portes et les tenoyent assiégées, les menassant de les empescher d'en sortir jusques à ce qu'ils eussent faict ce qu'ils demandoyent, de quoy pensant nous donner advis, lesd. officiers ont faict maltraicter deux Eschevins qui nous estoient envoyez pour les empescher de sortir, les premières sentinelles leur ayant appuyé plusieurs fois le bout de leurs mousquets dans le ventre et menassé de les tuer sils ne rentroyent, et en mesme temps M. Pierre Gassement, advocat et doyen des conseillers de ville, aagé de plus de 80 ans, s'estant présenté à la porte pour se trouver à l'assemblée, reçut plusieurs coups de bout de mousquet et de picques sur le corps, qui l'ont obligé de se retirer. Nous priant d'entrer en la chambre du conseil de l'eschevinage pour adviser avecq eux aux moyens de faire retirer les trouppes qui les assiégeoient et empescher les désordres que les officiers de la garnison sefforçoient dexciter par toutes sortes de moyens. Sur quoy estant passé dans lad. salle, où nous estions dans lad. chambre du conseil, nous avons trouvé deux sentinelles, la mèche allumée, dans une petite gallerie qui est entre les deux, avecq dix ou douze officiers dud. régiment, et après PRISONNOERS A L'HÔTEL-DE-VILLE EN 1675. 65 avoir demeuré pendant quatre heures en lad. chambre du conseil pour adviser aux moyens de trouver quelque argent et achepter la paix avecq led. régiment. Le commissaire d'iceluy nous est venu donner en advis que nous debuions au plutost séparer lesd. trouppes parce quil y avait tout à craindre, que pendant la nuit qui estoit desjà fort avancée, les soldats ne se servissent de cette occasion pour piller la ville, qu'en passant par le marché au bled il avoyt entendu beaucoup de bruit et quil estoit d'advis que nous leur promissions tout ce qu'ils désiroient affin de les obliger à se retirer. Nous avons faict prier led. sieur Darnault de monter dans lad. chambre, que quoyque nous ne pussions despartir de lexécution des ordres du Roy, neantmoings nous voyions bien quil falloyt payer nostre rançon, que la compagnye y estoit résolue et quon les priait de faire relever les trouppes, et que demain on satisferait à ce qu'ils ont tesmoingné de souhaiter, a quoy led. sieur Darnault a faict response quils ne souhaitoient rien qu'un nouveau logement, et qu'ils estoyent résolu de ne point sortir ny souffrir qu'aucun des Maire et Eschevins ne sortist quon. ne leur en eust délivré les billets et luy ayant représenté plusieurs fois que l'heure étoit tardive, estant près de neuf heures du soir, qu'il n'y avoit pas d'apparence d'obliger leurs soldats à aller chercher de nouveaux hostes toute la nuit et que les choses se faisant avecq tant de précipitation, il se trouverait que les logemens ne seroyent pas mieux faicts que ceulx dont ils se plaignent, que l'intention desdicts Maire et Eschevins estoit de les loger plus commodément que faire se pourrait, que nous l'interpellions de leur part de donner le rosle des soldats qu'il prétendait nestre pas bien loger et de sy transporter avecq le commre de leur regiment, en présence desd. Maire et Eschevins, pour en congnoistre la vérité, mais que cela ne se pouvait pas faire à l'heure présente, nous le pryons de se retirer et de nous laisser la liberté d'en faire de mesme de nostre part. Led. sieur Darnault, un grand nombre, d'officiers qui estoient entrez après luy en lad. chambre du Conseil, ayant protesté en leur première résolution d'obliger led. corps de ville, nous avons dict ausdicts Maire et Eschevins de nous suivre quil y avoit assez longtemps qu'il travailloyent et que nous verrions sil y avait quelqu'un sy téméraire que de les toucher en nostre présence. A quoy l'un desd. officiers, dans la foule des austres, auroit répondu que nostre robbe n'estoit pas à l'épreuve du mousquet et voyant que nonobstant leur sentiT. sentiT. 5 66 LE MAIRE ET LES ÉCHEVINS DE TROYES nelle nous allions nous présenter à la porte pour sortir, dix ou douze desd officiers s'y seroyent présentez tous à la fois pour couvrir lad. sentinelle et nous empescher de laborder pendant que le Maire et nous avecq des Eschevins ayant dict audiçt sr Darnault que s'il ne voulait qu'un logement nouveau on luy promettoyt de luy en délivrer les billets le lendemain matin conformémt au projet qui en avoyt esté faict avec le Commre dud. régiment, nous a led. Procureur du Roy ayant assuré que d'autre part nous y tiendrions la main, ils s'estoient retirez et faict retirer toutes les trouppes, et en mesme temps plusieurs particuliers s'estant venu plaindre de quantité d'exceds qui venoient d'estre commis à leurs personnes, pillages de leurs maisons par les soldats dud. régt du Roy et de plusieurs aultres viollences ; nous aurions ordonné qu'il en sera informé à la requeste du Procureur du Roy pour l'information et le présent procès-verbal être envoyé à Sa Majesté. LEFEBVRE; PRUDOT. Les officiers municipaux arrangèrent cette affaire en donnant de nouveaux logements aux soldats du régiment royal. Mais, dès l'année suivante, la guerre recommença à l'occasion de la subsistance. Voici une lettre écrite, par M. l'Intendant, aux Maire et Echevins. Son style nous apprend que, si la ville résistait toujours, la caisse du ministère de la guerre était aux abois. MESSIEURS, » Je suis surpris de voir le foudre prest à tomber » sur vostre ville et que vous ne songez à détourner » le nuage. M. Paillot ayant veu ce qui s'est passé à " Chaalons. Je n'ay pas douté que vous n'envoyas» n'envoyas» un député exprès à Paris en poste pour scauoir » la volonté du Roy qui sera expliquée' en voyant » M. le marquis de Louvoy. Par une lectre du 5e de PRISONNIERS A L'HÔTEL-DE-VILLE EN 1675. 67 » ce mois, M. le Maire m'escrit qu'on ne peut rien » donner au Régiment du Maine, parce qu'on n'a » point d'argent. Je dois à ma conscience et à mon » honneur de vous dire que vous aurez grand nom» bre de troupes, dans peu, qui vous cousteront six » fois ce que vous donneriez. Messieurs de la ville de » Chaalons se sont présentés à M. le marquis de » Louvoy lequel a fixé la gratification à 5,000 livres » par bataillon avec ordre de les payer dans trois » jours... Cette obéissance de Chaalons vous con» vaincra d'opiniâtreté. C'est à vous d'y pourveoir » après ce que je vous viens de dire; j'ay satisfait à » mon deuoir vous enupyant cet homme exprès vous » dire que vous n'avez pas un moment de temps à » perdre pour enuoyer de jour et de nuit encor. Et » ce-pendant à trouuer de l'argent par toutes voyes, » il y va du salut du peuple. » Je suis, etc. » HUE DE MIROMESNIL. » Chaalons du 9 febvrier 1677. » On députa en Cour, mais sans succès. Pour avoir dé l'argent, on avisa d'imposer dix sous sur chaque cheminée ou foyer des maisons de la ville et des faubourgs pouf ceux qui avaient garnison, et trente sous pour ceux des habitants qui avaient été dispensés de cette charge. 68 LE MAIRE ET LES ÉCHEVINS DE TROYES VII. Louis XIV faisait les efforts les plus louables pour discipliner les troupes qui lui avaient été d'un si puissant secours pour asseoir la monarchie française sur de solides bases et pour soumettre l'Europe. Les documents réglementaires sur la discipline militaire ne sont pas moins nombreux sous son règne que ceux qui intéresssent l'administration civile. Si dans les hautes régions de l'Etat, ce besoin d'unité était admis et compris, il n'en était pas de même dans la province. Là , l'ordre civil et judiciaire ne marchait pas toujours d'accord avec l'autorité militaire, et l'épée ne prêtait point le prestige de sa puissance pour assurer l'exécution des arrêts émanés de la magistrature. Souvent les deux pouvoirs, loin de se fortifier l'un par l'autre et de se prêter un mutuel concours, formaient, on peut le dire, deux camps ennemis. En voici un exemple choisi entre plusieurs Il y avait déjà bien longtemps que les événements que nous venons de raconter étaient du domaine du passé, lorsque la ville eut en garnison le régiment de Bourbitou. Quelques soldats, pour des motifs sans gravité, avaient exercé des violences non pas envers de simples citoyens, mais bien envers des bourgeois de la ville, et même contre la personne du Subdélégué de l'Intendant. Une condamnation prononcée par le bailliage avait été la conséquence de ces excès. Alors ces faits, pour être plus sûrement PRISONNIERS A L'HÔTEL-DE-VILLE EN 1675. 69 réprimés, tombaient sous la compétence de la justice civile et locale. Mais le plus difficile était de faire exécuter la sentence. Le jour venu, M. le lieutenant criminel se rendit aux prisons pour y donner l'ordre de conduire le patient au lieu de l'exécution. A son arrivée, il trouva les abords de la prison occupés par des soldats du régiment, ayant à leur tête un capitaine; on menaçait d'empêcher l'exécution du condamné, nommé Gauthier dit La Fontaine. Après quelques explications aigres-douces entre le capitaine et le lieutenant criminel, celui-ci fit sortir le patient sous la garde de vingt huissiers. Le funèbre cortège se dirigea de la place des Prisons sur celle du Marché-au-Blé, lieu de l'exécution. Chemin faisant, et tout en se tenant sur leur garde, MM. les ser. gents et huissiers du bailliage furent attaqués par des soldats du régiment de Bourbitou, au nombre de plus de cent hommes. Les gens de la justice ne purent résister au choc. Ils furent mis en complète déroute, et le condamné fut enlevé par ses camarades des mains de l'exécuteur qui fut battu et fort maltraité. Si le succès, qui suivit cette attaque, n'eût pas couronné l'entreprise, l'exécution n'en était pas moins devenue impossible. Un autre détachement, avant à sa tête un soldat surnommé Va-de-Bon-Coeur, s'était rendu sur la place du Marché-au-Blé, avait arraché le poteau qui devait servir à pilorier » le condamné et l'avait jeté dans un puits voisin. Un siècle et demi nous sépare de l'époque de ce dernier épisode. Les temps ont bien changé! La robe et l'épée se réunissent pour faire respecter l'autorité souveraine, et leur action commune s'exerce sans conflit comme sans rivalité. 70 LE MAIRE ET LES ÉCHEVINS DE TROYES Dans l'ordre militaire, cbtntne dans les relations civiles, il y avait certaines coutumes et certains droits qui nous paraissent vexatoires autant que bizarres, aujourd'hui que nous n'en connaissons pas l'origine. Ainsi, pourquoi les tambours et les trompettes exigeaient-ils cinq sous des meuniers lorsque les troupes passaient près des moulins? Ce droit singulier peut devoir son origine à la force. Sous Louis XIV, ce droit ne se percevait plus qu'à l'aide de violences. Les meuniers résistaient le plus qu'ils pouvaient, et leur refus était trop souvent puni par le pillage de leurs moulins et l'enlèvement de leurs meubles. Enfin, Louis XIV leur vint en aide par une ordonnance qui porte la date de 1680, en défendant l'exercice d'un pareil usage qu'il qualifie d'abusif et de vexatoire. VIII. Les faits que nous venons de réunir et de grouper sont renfermés entre les années 1638 et 1702. Avec beaucoup d'autres, ils se rapportent aux profondes modifications qui s'opéraient dans l'administration militaire; sous le règne de Louis XIII et de Louis XIV. Comme tous les changements administratifs, celuici n'eut pas lieu sans déplacer des droits depuis longtemps acquis, et sans froisser de gravés intérêts. L'avènement de Henri IV au trône de France PRISONNIERS A LHÔTEL-DE-VILLE EN 1675. 71 amena la réorganisation,— qu'on me passse le mot, — de la Royauté française. Avec le fondateur de la race royale de Bourbon tout change. La noblesse est comprimée, et ses exigences se traduisent en vains efforts pour retourner vers un passé devenu impossible. La bourgeoisie commence à perdre les libertés qu'elle tenait des rois de France, et sa puissance déchoit chaque jour. L'attaque dirigée contre les priviléges de la bourgeoisie caractérise l'arrivée et le passage de Henri IV et de Richelieu aux affaires de l'Etat. Louis XIV ne fut que le continuateur de la politique inaugurée par son illustre aïeul. Si, aux dernières années du XVIe siècle et au commencement du XVIIe siècle, on jette un coup-d'oeil sur l'administration en général, qu'il s'agisse des finances, de la justice, de la police et de l'armée, ou de l'administration intérieure des cités, on sent l'autorité royale pénétrer profondément dans toutes les affaires. Dans le cours du XVIIe siècle, les privilèges et les libertés municipales tombent les uns après les autres. L'anéantissement de ces libertés, qui marquent dans l'histoire les premiers pas vers un affranchissement plus complet, et faisaient, de chaque cité, un petit gouvernement isolé, était nécessaire pour assurer l'oeuvre immense entreprise par la royauté, et dont les futures conséquences devaient profiter autant aux populations qu'à la monarchie. La bourgeoisie, organisée en corps de cités, avait prêté un actif concours à Louis XI pour réduire les grands vassaux de la couronne. Plus d'un siècle se passa après cette lutte impitoyable. Pendant ce temps, 72 LE MAIRE ET LES ÉCHEVINS DE TROYES la bourgeoisie recueillit et jouit des fruits de la victoire due à ses actifs travaux et à sa longue persévérance. Elle fut alors toute-puissante. Elle domina, au XVIe siècle, par les lettres, par les sciences et par les arts. Elle domina jusque dans la politique. Le roi de Navarre compta avec elle pour monter sur le trône de France, et s'il composa avec les grands seigneurs, il traita avec les cités. En possession du pouvoir, Henri IV frappa en bas comme il sévit en haut. Il comprima ces deux éléments dont lés intérêts étaient si opposés. Il sut vaincre et dominer les princes ligueurs, et avec eux tombèrent ces prétentions d'un autre temps, et qui, sans plus de succès, se firent jour pendant les minorités de Louis XIII et de Louis XIV, cette dernière fois pour ne plus reparaître. Mais là seulement n'étaient pas tous les obstacles. La bourgeoisie, fortement constituée, était une puissance avec laquelle il fallait compter. Henri IV commença l'attaque. Ce Roi, de si populaire mémoire, travailla avec habileté à la réduction de la classe moyenne. Mais le temps lui manqua pour achever son oeuvre. La voie était tracée. Richelieu y entra, et Louis XIV après lui. L'Echevinage de la ville de Troyes, au XVIIe siècle, comprit la position qui lui était faite par la royauté; sa politique fut celle de la résistance. L'autorité municipale se cabra contre chacun des envahissements qui, d'année en année, ruinaient les anciennes libertés dont la conservation lui était confiée par les habitants. Si l'attaque ne fut pas rapide, elle se continua sans interruption, et chaque nouveau coup, porté aux prérogatives de la cité, amena une défaite pour les assiégés. On leur enleva le droit de nommer PRISONNIERS A LHÔTEL-DE-VILLE EN 1675. 73 leurs maires. On déplaça l'autorité des officiers de la cité, et on la mit aux mains de ceux du Roi. On obligea les habitants à loger des gens de guerre et à les nourrir. La garde de la ville fut donnée aux agents du pouvoir royal. Les deniers patrimoniaux furent confondus avec ceux d'octroi. Les comptes des deniers communs furent soumis à l'approbation d'une cour souveraine. Les fortifications relevèrent d'une autorité supérieure à celle de la cité. La milice bourgeoise ne fut plus qu'un simulacre des anciennes connétablies, divisées en hommes de fer et en hommes de pourpoint. L'artillerie de la ville passa subrepticement des arsenaux de la cité dans - ceux du Roi. Chacun de ces changements, qui, dans leur ensemble, constituent une véritable révolution, fut marqué par des actes de résistance du côté des habitants de Troyes. Je n'ai abordé ici qu'un côté de ce grand mouvement opéré dans le cours du XVIIe siècle. Les faits qui intéressent les municipalités au grand siècle de la monarchie sont pâles, décolorés et sans intérêt dramatique, quelques-uns même paraissent sans dignité, si on les compare à ceux du siècle précédent; mais si on les observe dans leur ensemble, si on les coordonne, si on les étudie en les élevant à la hauteur du caractère qu'ils avaient dans l'esprit de ceux qui prenaient part à l'action ; et si surtout on les considère dans leurs conséquences, alors ils acquièrent une physionomie qui captive, on trouve 14 LE MAIRE ET LES ÉCHEVINS DE TROYES, ETC. qu'ils éclairent l'histoire de la monarchie française sous un jour encore nouveau aujourd'hui. Je n'ai pas la prétention d'avoir écrit une page d'histoire. Ma tâche était beaucoup plus modeste; elle se bornait à raconter des faits qui se sont accomplis dans notre cité, et à vous faire apprécier quelques-uns des événements qui rappellent, à Troyes, le travail si considérable de la monarchie absolue au profit de l'unité française. Si, Messieurs, j'ai pu captiver quelques instants vôtre attention en évoquant des souvenirs qui intéressent notre commune patrie, j'aurai atteint le but que je m'étais proposé, et obtenu la plus honorable récompensé à laquelle je puisse prétendre. Troyes, le 27 novembre 1857. APERÇU SUR LES RÉSULTATS DU DRAINAGE DANS LE DEPARTEMENT DE L'AUBE, Présenté à la Société Académique, DANS SA SÉANCE DU 15 JANVIER 1858, Par M. le Comte DE LAUNAY, Membre associé. MESSIEURS, Grâce à l'initiative de la Société Académique de l'Aube, à l'intérêt qu'elle a toujours témoigné à la question du drainage, aux encouragements qui, sur sa demande, ont été accordés à cette manière nouvelle d'améliorer le sol, grâce, enfin, aux membres de la Société Académique dont le généreux concours a aplani, pour un grand nombre de propriétaires, les difficultés inhérentes à un semblable travail, le drainage est pratiqué, dans notre département, depuis trois années environ. Maintenant, que près de cinq cents hectares sont 76 APERÇU SUR LES RÉSULTATS DU DRAINAGE drainés, que deux récoltes ont été faites dans des conditions atmosphériques complètement différentes, il est possible d'apprécier les résultats obtenus. Je vais essayer de les mettre sous vos yeux, certain que vous écouterez avec bienveillance le compte-rendu de travaux qui sont, en quelque sorte, votre oeuvre. Vous connaissez, Messieurs, la nature des terres auxquelles le drainage est nécessaire. Ce sont celles où l'eau séjourne, les terres froides. Plus ou moins imperméables par elles-mêmes, elles reposent sur un sous-sol imperméable. Les eaux pluviales et les sources qui sont fréquentes dans ces sortes de terrains les maintiennent dans un état constant d'humidité, très-défavorable à la végétation. Les racines des plantes utiles y pourrissent, tandis que les mauvaises herbes y rencontrent les meilleures conditions d'existence. Les engrais, toujours imbibés d'eau, ne sont point convertis en humus par la fermentation, ou sont entraînés par les eaux superficielles. Ces terres pèchent alternativement par un excès de sécheresse et par un excès d'humidité. Mortier en hiver, elles deviennent pierre en été. Il est extrêmement malaisé de les cultiver. Si l'on s'y prend trop tôt, la terre est trop dure et est difficilement attaquée par les instruments. Si l'on attend trop tard, le sol est détrempé et pâteux, les chevaux y enfoncent et la terre se met en boule sous la charrue. DANS LE DÉPARTEMENT DE L'AUBE. 77 Leur culture exige donc bien plus de peine, de temps, et, par conséquent d'argent, que celle des terres plus légères. Cette légèreté qui leur manque, le drainage la leur donne. Dès qu'une terre est drainée, l'eau coule, l'air circule, la terre se divise et s'effrite, les herbes qui ne vivent que dans l'humidité périssent, les labours deviennent faciles par tous les temps et dans toutes les saisons; l'eau du ciel pénètre dans la terre et y fait pénétrer les sels fécondants. Les racines des plantes utiles vont chercher profondément, dans ce sol meuble et sain, les sucs nourriciers. Si la facilité avec laquelle l'eau entre dans un sol drainé s'oppose à ce que, par les temps humides, l'humidité le sature, il ne s'ensuit pas que, par les temps secs, la sécheresse soit augmentée. Le contraire a lieu. Au moyen de la perméabilité du sous-sol, l'humidité remonte à la surface et vient y entretenir une fraîcheur bienfaisante. J'ai remarqué que souvent l'argile pjastique, formant les sous-sols d'un grand nombre de terrains drainés, se trouvait mélangée dans d'assez fortes proportions à du carbonate de chaux. On pourrait, en répandant sur les sols argilosiliceux les terres calcaires extraites des tranchées, opérer un marnage qui ne coûterait rien et qui serait éminemment utile. Des projets de drainage sont proposés aujourd'hui pour 650 hectares appartenant à 140 propriétaires. 472 hectares sont entièrement terminés. 78 APERÇU SUR LES RÉSULTATS DU DRAINAGE Ils se répartissent ainsi entre les cantons Lusigny . 469 Piney . . ..... 87 Bouilly . . . . . . . 55 Vendeuvre ....... 45 Brienne. . . . . . . . 39 Soulaines ....... 29 Ervy ........ 22 Chaource . . . . . . . 12 Bar-sur-Aube . ..... 8 Bar-sur-Seine .. ... . 3 Essoyes. .. .. .. . . . 3 TOTAL . . . .472 La dépense varie sous l'influence de diverses causes, telles que le prix plus ou moins élevé de la main-d'oeuvre, le degré de résistance du sous-sol, la différence d'espacement des drains, la distance des fabriques de tuyaux, entre 150 et 891 francs l'hectare. Ces chiffres extrêmes résultent des déclarations des propriétaires eux-mêmes. Dans un cas comme dans l'autre, les circonstances étaient évidemment exceptionnelles. La dépense moyenne, dans la plupart des cantons, s'élève à environ 300 francs l'hectare. Dans le canton d'Ervy elle n'a été que de 210 fr. au plus bas, et de 235 fr. au plus haut. Je suis persuadé qu'à mesure qu'il se formera des ouvriers draineurs en nombre plus considérable, et que les fabriques de tuyaux se multiplieront, le prix de revient diminuera dans de fortes proportions. DANS LE DÉPARTEMENT DE LAUBE. 79 Il ne devrait pas dépasser 220 à 250 fr. par hectare. Mais, aujourd'hui, c'est le chiffre de 300 fr. qui est ce que l'on peut appeler le chiffre normal, celui sur lequel on doit baser les calculs. Dans quelles proportions le drainage a-t-il augmenté les récoltes ? Quel a été, par conséquent, l'intérêt produit par l'argent dépensé ? Les résultats sont loin d'être partout identiques. Ici l'influence du drainage est immédiate, là elle est longue à se faire sentir. Sur un point on aura été prodigue de labours et de fumiers, sur un autre on les aura économisés. Enfin, la différence de rendement est bien plus sensible dans une année humide que dans une année sèche. L'augmentation de récolte peut dépasser cent pour cent, comme chez M. de La Mothe, à Montceaux, où des terres humides achetées des hospices de Troyes, à raison de 1,500 fr. l'hectare, ont été drainées, bien labourées, fortement fumées, et ont produit 80 doubles-décalitres l'arpent. Elle peut n'être que de dix ou quinze pour cent; mais, forte ou faible, elle est incontestable partout. Voici, Messieurs, quelques observations faites sur des terres de qualité ordinaire, qui ont été traitées exactement comme les terres voisines non drainées. On peut considérer les résultats du drainage sur ces terres comme la moyenne de ceux obtenus dans le département. M. Thoureau, propriétaire de fermes considérables, entre Lusigny et Piney, a drainé environ. 100 hectares depuis trois ans, Les terres drainées, visitées par 80 APERÇU SUR LES RÉSULTATS DU DRAINAGE moi quelques heures après une pluie abondante, étaient parfaitement étanches, tandis que les terres voisines, non drainées, étaient couvertes d'eau. En 1856, 19 hectares ont produit du froment, et environ 1 hectare a porté de l'avoine. En 1857, il y a eu du froment sur 22 hectares, et de l'avoine sur 19. Le rendement en froment a peu varié dans ces deux années sur les terres drainées; il a été de 21 à 22 hectolitres par hectare; mais il a considérablement varié sur celles qui ne le sont pas. 1856, année humide, a démontré d'une manière victorieuse les bons effets du drainage. Les terres non drainées n'ont porté en moyenne que 14 hectolitres. 1857, année sèche, a été favorable aux terres froides et argileuses; les produits en froment se sont élevés à environ 19 hectolitres sur les terres non drainées. L'excédant sur les terres drainées a donc été, en 1856, de 7 à 8 hectolitres, soit 7 1/2, qui, a 30 fr. l'un, font 225 fr. d'augmentation de recette pour une dépense de 300 fr. ; c'est-à -dire 75 0/0 de la dépense. En 1857, l'excédant n'a pas dépassé 2 à 3 hectolitres, soit 2 1/2, à 15 fr. l'un, ou 37 fr. 50 cent. En prenant la moyenne de ces deux années si différentes, on obtient une plus-value annuelle de 130 fr. par hectare, — soit 43 0/0 de la dépense. Ces résultats, pour les froments, sont extrêmement remarquables. Les orges en ont donné d'analogues, car elles sont venues très-belles, là où elles DANS LE DÉPARTEMENT DE L'AUBE. 81 ne réussissaient pas avant le drainage; mais les avoines n'ont pas présenté de différence sensible. Il est juste de dire que l'avoine ne craint pas autant l'humidité que l'orge et le froment. Les résultats observés chez moi ont été à peu près semblables; cependant ils ont été encore plus décisifs. L'augmentation de produit en froment a été, en 1856, de près de 10 hectolitres, qui ont payé le drainage en une seule année. Elle a été à peu près de 5 hectolitres en 1857. Quant aux avoines, il en a été chez moi comme chez M. Thoureau ; elles n'ont produit, sur drainage, que 2 ou 3 hectolitres de plus que sur les terres non drainées. En résumé, Messieurs, le drainage augmente les récoltes grains et paille de 30 0/0 en moyenne. Il diminue les frais de culture dans une proportion considérable, puisque l'on n'emploie que trois chevaux là où il en fallait six. Il double donc à peu prés le produit net. En tenant compte de la jachère qui, dans l'assolement encore usité généralement, revient tous les trois ans, et en admettant que cette jachère soit morte ce qui ne sera pas, car lés terres ameublées et facilement cultivées porteront tous les ans, en comptant l'hectolitre de blé à 20 fr., et l'hectolitre d'avoine à 7 fr. 50 cent., on peut estimer, sans exagération et même en restant au-dessous de la vérité, la plus-value annuelle donnée à la terre par le drainage à 60 fr. par hectare, soit 20 0/0 de la somme dépensée. En six ans, l'agriculteur-draineur doit être rentré T. XXII. 6 82 APERÇU SUR LES RÉSULTATS DU DRAINAGE, ETC. dans le capital et les intérêts de son argent, et avoir doublé la valeur vénale de ses terres. Ce n'est pas tout. Le perfectionnement de l'agriculture est la conséquence naturelle et forcée du drainage. Comme celui-ci rend, pour ainsi dire, les bonnes récoltes certaines, on ne craindra plus de faire à la terre des avances qu'en bonne mère elle rembourse toujours largement. Le drainage qui augmente et surtout qui régularise les récoltes deviendra, lorsqu'il sera appliqué avec tous les développements qu'il comporte, le meilleur moyen d'éviter le retour des crises alimentaires. Appelons donc de tous nos voeux des mesures qui, en mettant les capitaux à la disposition des propriétaires qui en manquent, permettraient de drainer une bonne partie des 60,000 hectares qui dans notre département réclament cette amélioration. Courcelle, le 11 Janvier 1858. DOCUMENTS SUR LA VILLE DE TROYES, Extraits du Géographe arabe EDRISI, COMMUNIQUÉS Dans la Séance du 21 Août 1857, Par M. CLÉMENT -MULLET, Membre honoraire. Le géographe arabe Edrisi nous fournit un document qui prouve combien, vers le XIIe siècle, la ville de Troyes était florissante. A cette époque, où les communications étaient si difficiles, les opérations commerciales de notre cité s'étendaient déjà au loin, franchissaient les mers et fixaient l'attention des historiens étrangers. L'auteur du Traité de géographie, ou plutôt de l'Itinéraire dont il s'agit, s'appelait Abon-AbdallahMohammed - ben - Abdallah -ben-Edriz ou Edrisi l'Edrisite, fils d'Edris. Il vivait à la cour de Roger, roi de Sicile et de Calabre. Il composa cet ouvrage, 84 DOCUMENTS SUR LA VILLE DE TROYES. dit d'Herbelot 1, pour servir à la description d'un globe, de 800 marcs d'argent, que son souverain avait fait exécuter. Aussi porte-t-il le nom de Kitab Rodjiar, livre de Roger. Conformément à l'habitude des Orientaux, son titre excentrique a peu de rapport avec le sujet qu'il traite. Il fut terminé, d'après la préface, dans les derniers jours du mois de Schewal 548 de l'Hégire correspondant à la mi-janvier 1154 de l'ère chrétienne. La division territoriale y est établie d'une manière bien différente de celle que nous trouvons dans nos auteurs occidentaux. La France est partagée en treize provinces seulement. Troyes se rattache à la Bourgogne des Francs. Paris est annexé à la province, dont le nom, par une de ces erreurs de copiste si fréquentes dans les manuscrits arabes, se lit Afflandris ou Affrandjis. Troyes y est cité comme une des villes importantes de la chrétienté, du pays de Roum, tandis que Paris n'aurait eu, à cette époque, qu'une grandeur médiocre. Dijon passait alors pour une ville peu considérable, mais bien peuplée. La géographie d'Edrisi avait déjà été publiée, en latin, par Gabriel Sionita, sous le titre de Geographia Nubiensis. Ce n'est qu'un abrégé du grand Traité traduit par le comte Jaubert. Aussi la ville de Troyes n'y est désignée que par son nom seul et sans aucuns détails historiques. 1 Bibliothèque orientale. DOCUMENTS SUR LA VILLE DE TROYES. 85 Extraits de la Géographie d'EDRISI, intitulée Délassements de l'homme désireux de connaître à fond les diverses contrées du monde, Traduite par A. JAUBERT 1. Les principales villes de la Bourgogne des Francs sont Besnis, Mâcon, Dijon, Nevers, Ikchoun Auxonne, Troyes et Langres. De Langres à Troyes, ville solidement bâtie, dans une position pittoresque, et réunissant toute espèce d'agrément et de ressources, 60 milles. De Troyes à Orléans, dépendance du pays de France, 60 milles. De Langres à Troyes — 60 milles. Cette dernière ville, résidence importante dans le pays des chrétiens, se fait remarquer par la facilité qu'on a de s'y procurer toutes choses à bon compte, par ses vignobles, ses jardins et la grandeur de son étendue. Delà à Antichoun Auxonne ... 30 milles. La Bourgogne des Francs est bornée du côté du midi par les montagnes dites monts Djouz les Alpes; vers l'orient, par la Bourgogne des Allemands; 1 2 vol. in-4° formant le tome V des Mém. de la Soc. de Géographie. — 1836. 86 DOCUMENTS SUR LA VILLE DE TROYES. à l'occident, par le Berry et par quelques parties de la Provence, et au nord par la France. Les principales villes de la Bourgogne des Francs sont Besnis. V. sup. La Bourgogne des Francs est un pays couvert de villages et offrant de grandes ressources, soit en vignobles, soit en céréales. Ses habitants sont renommés pour leur bravoure à la guerre et leur capacité dans les affaires. Ils passent pour les plus belliqueux d'entre les Francs. Leurs rois sont les plus considérables d'entre les rois de cette nation. A celle province touche la Bourgogne allemande, qui compte au nombre de ses villes Aghints Aix, en Savoie? Djinevra Genève, Lausanne, Besançon et Verdoun Yverdun, qui est l'une des contrées les plus abondantes en productions et les plus fertiles qu'il soit possible de voir. Le roi des Allemands y habite et s'y maintient. Cette province est bornée au midi par le mont Djouz les Alpes, au levant par l'Allemagne, au couchant par la Bourgogne des Francs, et au nord par le pays de Lotaringa la Lorraine. La Lorraine est un pays limitrophe à l'Afflandris la Flandre ou la France, qui est bornée du côté du nord par la mer. Au nombre des dépendances de ce dernier pays, il faut compter Louns Laon, Abriz Paris, Bontiz Pontoise, Djindorz Gisors, El-Zaïz Beauvais, la rivière de Saint-Walerin Saint-Valéry, Rewa Eu ?, et Boratriz Tréport. De Louns Laon à Abriz Paris, 70 milles. Cette ville, de grandeur médiocre, environnée de vignobles et de bois, est située, dans une île de la DOCUMENTS SUR LA VILLE DE TROYES. 87 Seine, fleuve qui l'entoure de tous côtés; elle est extrêmement agréable, forte et susceptible de défense. De Paris, qu'on prononce également Abarisch, au Mans, en se dirigeant vers le midi, 70 milles. La Flandre, la Frise, la Bourgogne des Francs, la Normandie, la Bretagne, le Maine, l'Anjou, la Touraine, le Berry, l'Albernia l'Auvergne, le Poitou, la Gascogne, la Provence; toutes ces treize provinces sont sous l'obéissance du roi des Franks. Le sol y est plus fertile en céréales et en fruits excellents, et les habitants y sont plus riches que dans le pays des Allemands. RAPPORT A la Société Académique de l'Aube, SUR UN MANUSCRIT DE M. GÉROST, MEMBRE ASSOCIÉ, par M. LE BRUN-DÀLBANNE, Membre résidant MESSIEURS, Dans une de vos précédentes séances, vous avez renvoyé à mon examen deux communications de M. Gérost, de Villenauxe, membre associé de la Société Académique de l'Aube, la première intitulée Extrait analytique de l'Histoire de l'Abbaye de Nesle-la-Reposte, et Notice sur deux Châsses de cette abbaye, actuellement conservées dans l'église paroissiale de Villenauxe-la-Grande ; la seconde ayant trait à la vente faite le 3 février 1856, de la châsse de SaintAlban, le plus remarquable de ces deux reliquaires. Vous ne demandez pas que je vous entretienne 90 RAPPORT SUR UN MANUSCRIT DE M. GÉROST. de la première partie du travail de notre honorable collègue, contenant les Annales chronologiques et historiques de l'Abbaye de Nesle-la-Reposte, parce que vous les connaissez et que vous les avez remarquées depuis longtemps dans le Voyage archéologique de l'Aube, où M. Gérost les a publiées sous le voile de l'anonyme, ainsi qu'il nous l'apprend lui-même dans l'avant-propos du manuscrit dont j'ai l'honneur de vous rendre compte en ce moment. Si j'avais à parler de ces annales, je dirais qu'elles brillent entre tant d'autres notices du même ouvrage, par leur netteté, leur exactitude et le savoir de l'auteur. La seconde partie indique l'histoire des châsses et des reliques de Nesle-la-Reposte et de Villenauxe. Malheureusement, au lieu d'y trouver ce qui semble annoncé l'origine des reliquaires; par quelles mains pieuses et dans quelle intention ils ont été donnés ; quels sont les maîlres-orfèvres qui les ont exécutés, ciselés, émaillés; pourquoi le même reliquaire renferme des reliques si mêlées la tête de saint Calixte, pape, et un doigt de saint Eloy; quatre grands ossements de saint Alban, premier martyr de l'Angleterre, et une dent de saint Gengoul ; un os de saint André, apôtre, et un bras de saint Théodulphe; une partie du bras droit de saint Jean-Baptiste, et un osselet de saint Gosselin ; une jambe de saint Bavon, et des reliques de saint Etienne, de saint Laurent et de saint Philippe, etc., etc., je ne rencontre que des procès-verbaux de visite, d'ouverture et de translation, dont le plus ancien remonte seulement à l'année 1671, et dont le dernier est de 1819. Sans contredit, ces documents ont une réelle im- RAPPORT SUR UN MANUSCRIT DE M. GÉROST. 91 portance, mais il eût été désirable qu'ils fussent reliés entre eux par l'histoire des reliquaires et des événements de toute sorte que depuis le XIIe siècle ils ont traversé. Puisque notre laborieux et savant collègue ne nous a envoyé que ces feuillets détachés et les derniers d'une intéressante histoire qu'il était, mieux que personne, en état de réussir, permettezmoi, Messieurs, de vous en présenter une succincte analyse, en vous priant de ne pas oublier que c'est à M. Gérost seul qu'appartient le mérite des citations. En 1671, dom Amand Tribout, et dom Médard Gillet, visiteurs de la communauté des Bénédictins de Saint-Vanne et de Saint-Hydulphe, du diocèse de Verdun, font ouvrir une châsse de bois autrefois couverte et ornée de lames d'argent et de plaques de cuivre émaillé, aujourd'hui dépouillée par les hérétiques, Hoereticorum vi ac vabie jà m nunc planè dirutam et expilatam, et après y avoir reconnu des reliques d'un très-grand nombre de saints, ils règlent la solennité et l'époque des fêtes de ces saints parmi lesquels, disent-ils, il y en a d'assez notables dont on ne fait assez de solennité. De 1674 à 1789, les deux châsses des bénédictins de Nesle reposent intactes dans leur église de Villenauxe. Mais la révolution est arrivée, les communautés religieuses sont supprimées, leurs biens attribués à l'Etat, et comme à cette époque on avait encore le respect de la religion et que le temps n'était pas tout-à -fait venu où, après avoir aboli le culte catholique et cherché à guérir le Pape de ses erreurs, on décréterait la fête du culte de la Raison, les châsses des bénédictins de Nesle-la-Reposte furent 92 RAPPORT SUR UN MANUSCRIT DE M. GÉROST. processionnellement transportées, en vertu de l'ordonnance des administrateurs du district de Nogentsur-Seine, de l'église des Bénédictins en l'église paroissiale de Saint-Pierre et Saint-Paul de Villenauxe. Le procès-verbal en fut dressé le 8 mai 1791, toutefois son contenu ne diffère guère du précédent ; on avait supposé, à juste titre, que les visiteurs des Bénédictins devaient s'y connaître, et les délégués de Messieurs du district s'étaient contenté de traduire, tant bien que mal, le procès-verbal latin de 1671. La vente des biens meubles des Bénédictins de Villenauxe eut lieu en 1791. Leur église fut vendue, puis démolie en 1793. Quant aux reliquaires, ils furent relégués dans la sacristie de l'église de Villenauxe, comme des monuments de la superstition et du fanatisme, après qu'on en eut arraché et foulé aux pieds les reliques, dans un de ces tristes jours où les honnêtes gens courbant la tête et retirés dans leurs demeures, les méchants se trouvaient le courage de tout oser. Heureusement qu'un digne citoyen, Michel Messageot, attaché à l'église de Villenauxe, veillait sur les précieuses reliques; il avait été impuissant à empêcher leur profanation, mais il put les recueillir au péril de sa vie, et le 11 septembre 1819, Monseigneur de Boulogne, évêque de Troyes, rendait une ordonnance constatant leur parfaite identité avec celles énoncées dans le procès-verbal du 14 septembre 1671. M. Gérost termine sa notice en se livrant à quelques conjectures sur les personnages que les sta- RAPPORT SUR UN MANUSCRIT DE M. GÉROST. 93 tuettes, ornant le reliquaire de Saint-Alban, devaient représenter. La seconde communication de notre collègue relate la vente que le Conseil de Fabrique de l'église de Villenauxe avait cru pouvoir faire, le 3 février 1856, du reliquaire de Saint-Alban, à deux marchands d'antiquités de Paris, et l'avertissement ou cri d'alarme que M. Gérost s'empressa d'adresser au Ministre des Cultes. L'initiative que notre honorable collègue a prise dans cette circonstance a eu les plus heureux résultats, la vente a été annulée, et le reliquaire de Saint-Alban a repris le chemin d'une contrée qui le vénérait depuis près de six siècles. L'église de Villenauxe saura-t-elle le garder maintenant, et le désir de l'échanger contre des ornements sacerdotaux, qu'il suffit de quelques années pour anéantir, prévaudra-t-ii contre le respect qu'un si merveilleux reliquaire devrait inspirer? S'il devait quitter Villenauxe, qu'il soit du moins recueilli et abrité dans le trésor de la cathédrale de Troyes, qui saura lui rendre son ancien lustre et le conserver à la piété des fidèles du diocèse, c'est le voeu sincère que nous formons 1. N'est-il pas, en effet, douloureux de voir les monuments de l'art admirable du moyenâge déserter peu à peu nos églises, d'où le goût, 1 Le voeu exprimé par l'auteur du rapport a été rempli, et, grâce à Monseigneur Coeur, et à M. Fortoul, Ministre des Cultes, la Fabrique de la Cathédrale de Troyes est devenue, au mois d'août 1856, propriétaire du reliquaire de Saint-Alban, qui avait déjà pris la route de la Belgique. Note de la Commission de publication. 94 RAPPORT SUR UN MANUSCRIT DE M. GÉROST. je dirais presque la manie des collections, les arrache successivement? Si l'amour de l'art en a sauvé quelques-uns, combien n'en a-t-il pas enlevé au culte et fait émigrer à l'étranger pour y demeurer confondus à l'état de curiosités et de numéros de musée avec les objets les plus vulgaires, les plus étranges et les plus disparates ! Mais je m'arrête, je ne voudrais pas dire trop de mal de cette passion pour l'art des temps passés, c'est elle qui a inspiré et soutenu M. Gérost dans son intéressante notice et dans sa croisade pour la réintégration, à Villenauxe, de l'un des plus précieux monuments de l'art chrétien au XIIe siècle. Je vous demande donc d'ordonner le dépôt aux archives de la Société du mémoire de M. Gérost, et de décider que de vives félicitations lui seront adressées pour son travail et ses actives démarches dans le but de conserver à sa ville natale les richesses archéologiques dont elle devrait se montrer fière. Troyes, le 20 juin 1856. Mém. de la Soc. d'Agric. Sc Arts et Belles L. de l'Aube Tome XXII, 1858. CAVERNE DE MONTGUEUX EXCURSION A LA CAVERNE DE MONTGUEUX, PAR M. GUSTAVE LE GRAND, Membre résidant. Dès l'année 1851, alors que l'administration municipale recherchait, sous l'habile et active direction de l'honorable M. Ferrand-Lamotte, les moyens à employer pour alimenter la ville d'eaux abondantes et salubres, l'attention de la Société Académique fut appelée sur l'existence d'un cours d'eau souterrain à Montgueux. Une excursion, dont il a été rendu compte, fut même entreprise dans le but de recueillir des indications sur ce cours d'eau. Voir Mémoires de la Société, tome XVI, 1851, page 227. Les habitants de Montgueux affirmaient qu'en 1789 un homme, en creusant un puits, avait été surpris dans son travail par une irruption d'eau soudaine, abondante; qu'il n'avait eu que le temps de fuir en abandonnant ses outils. On ajoutait que 96 EXCURSION A LA CAVERNE DE MONTGUEUX. le courant était tellement impétueux que les seaux étaient heurtés, entraînés de côté ; que cet inconvénient fit abandonner le puits, et qu'on le combla. — Une dépression très-marquée du sol dans le jardin du sieur Clément Armand, au-devant de son habitation, marquait encore le lieu de la fouille. Pendant l'année sèche qui vient de passer, le manque d'eau se fit partout ressentir, surtout dans les villages des plateaux élevés de la craie; les souvenirs de la tradition furent naturellement ravivés; l'on reprit l'ancien décombrement, et cette fois l'existence certaine non pas d'un torrent, mais d'une caverne au centre même de la masse crayeuse, fut de nouveau signalée à la Société Académique. Celle-ci s'empressa de faire examiner un fait aussi intéressant; plusieurs de ses membres se rendirent à Montgueux. Voici ce qu'ils constatèrent A une profondeur de 39m 50, dans la paroi sudest du puits dont il s'agit, se trouve une ouverture de Om 80 de largeur, de 2 mètres de hauteur, formant un couloir que les ouvriers ont sensiblement agrandi, et par lequel on pénètre directement dans une première et grande excavation. La forme de celle-ci est fort irrégulière, pourtant elle se rapproche d'un ellipsoïde de révolution fort allongé, ayant son grand axe placé verticalement. Sa hauteur est d'environ 10 mètres, son petit axe en a 6m 40. A droite, tout près de l'entrée, on remarque un trou de trente centimètres de diamètre, s'inclinant à 45°, et qui paraît se bifurquer. Au fond, presqu'en face de l'entrée de la même excavation, il existe un pareil trou, s'inclinant de même. Du côté opposé, et plus bas, se trouvent de EXCURSION A LA CAVERNE DE MONTGUEUX. 97 nombreuses fissures. Du sommet de la voûte, audessus de ces fissures, l'eau coule sur la paroi, mais en si faible quantité, qu'un orifice de la grandeur d'un verre à boire en débiterait autant. Le sol tout entier, et les parois en quelques endroits, sont recouverts d'un limon jaunâtre. — Sur tous les points le doigt fait de faciles empreintes dans la craie qui est ramollie par l'humidité. — Les strates sont trèsdistinctes ; elles sont horizontales, formées de couches d'environ 2 mètres chacune. En face de l'entrée de cette première caverne, à cinq mètres au-dessus du sol, on voit l'entrée d'une autre excavation. On y arrive au moyen d'une échelle; puis, en rampant sur les genoux et sur les mains pour traverser une galerie de 4 mètres de longueur, de 4m 50 de largeur et 0m 80 de hauteur, on pénètre dans une seconde caverne qui a 6 mètres de longueur, 3 mètres de largeur et 2m 50 de hauteur, non compris une sorte de fissure ou de cheminée fort élevée, et qui paraît se terminer en pointe. Dans ce petit lieu de désolation, situé à cent pieds sous terre, on voit partout les traces de la violence et du fracas des eaux; le sol est couvert de morceaux de craie de toute grosseur, d'autres semblent prêts à tomber de la voûte et des parois. Telles sont les excavations pu cavernes visitées; le dessin ci-joint en donne une idée plus précise. Nous ajouterons que la respiration est facile dans la première, qu'elle l'est beaucoup moins dans la seconde, où l'on est quelque peu oppressé. La température à l'air libre, dans la campagne, étant de 14°, a été trouvée de 12° 1/4 dans les cavernes. T. XXII. 7 98 EXCURSION A LA CAVERNE DE MONTGUEUX. Qu'il nous soit permis de dire un mot sur le mode de formation probable de pareils vides. Ainsi que MM. Léymerie et Clément-Mullet le font observer dans leurs écrits, il existe dans la colline de Montgueux beaucoup de fissures, de nids ou de crevasses remplis de terre; parfois des filets d'eau doivent y pénétrer et entraîner avec eux dans les fentes inférieures, et peut-être même jusqu'à la rivière de Vannes, les matières friables qui se trouvent sur leur passage. C'est ainsi que les cavernes visitées auront été déblayées, et leur aspect semble démontrer qu'aujourd'hui l'eau s'y rend parfois en grande abondance. Elles doivent offrir alors un bien curieux spectacle ; nous nous proposons d'en être le témoin en temps opportun, c'est-à -dire après une saison pluvieuse, et d'en rendre compte. Quoi qu'il en soit, à cause de l'intermittence de ces eaux, on ne peut les utiliser au profit de la contrée ; l'on ne peut malheureusement songer à cette bonne fortune de détourner pour la ville de Troyes une source située à cent mètres au-dessus du Ravelin. Bien que sous ce rapport le résultat soit négatif, la visite faite à Montgueux n'aura pourtant pas été stérile, puisqu'elle contribue à fixer plus précisément les données précédemment recueillies sur la constitution géologique de cette très-intéressante colline. Troyes, le 16 avril 1858. ANALYSE DE L'EAU DE LA CAVERNE DE MONTGUEUX, Par M. HENRI OUDART, Pharmacien à Troyes. MESSIEURS, La découverte d'une source, ou d'un cours d'eau, a toujours de l'importance pour les lieux où on les trouve; aussi, la Société Académique de l'Aube, jalouse de tout ce qui peut intéresser le pays, a-t-elle voulu connaître la nature de l'eau découverte dernièrement sous la côte de Montgueux. C'est pourquoi j'ai procédé avec soin à l'examen et à l'analyse de cette eau, dont un litre seulement m'a été remis. Voici les principaux résultats obtenus Physiquement, elle est comme toutes les eaux du département, incolore, inodore, insipide; cependant je lui trouve un peu de crudité, et elle m'a paru d'une lourde digestion. 100 ANALYSE DE L'EAU Recueillie avec soin dans un litre, et rien à son arrivée en vase clos n'en troublant la transparence, elle a laissé déposer, après 48 heures d'exposition à l'air, un précipité pondérable de carbonate de chaux. Ce fait s'explique, on le sait, par le dégagement d'une petite quantité d'acide carbonique, qui, sous une pression plus ou moins grande au centre de la terre, était combiné à la chaux et la tenait en dissolution, à l'état de bi-carbonate soluble. La pression venant à cesser, une partie de cet acide, en combinaison forcée, se dégage, et le sel de chaux, devenu sous-carbonate insoluble, se dépose lentement au fond du vase, à mesure que sa décomposition s'opère, sous l'absence de toute pression. C'est ainsi que nous connaissons des eaux, dites incrustantes, qui recouvrent très-promptement d'une couche épaisse de calcaire les objets soumis à leur action au sortir de la source. Examinée chimiquement, elle a donné, sous l'action de l'ammoniaque, un précipité gris blanc de carbonate de chaux. L'acide oxalique a également offert un précipité abondant d'oxalate de chaux. Le phosphate de soude a indiqué des traces de magnésie. Elle est donc éminemment calcaire. L'azotate d'argent ayant aussi donné un précipité blanc, abondant, cailleboté, m'a indiqué que, dans cette eau, la chaux est plus particulièrement unie à l'acide hydrochlorique hydrochlorate de chaux. La baryte, ce réactif toujours si sensible, si DE LA CAVERNE DE MONTGUEUX. 101 tranché, n'a occasionné aucun précipité, môme après un long contact et en variant ses sels ; ce qui, à mon grand étonnement, démontre l'absence de tout sulfate dans cette eau cependant c'est à sa présence que la plus grande partie des eaux du pays doivent leur crudité. Ladite eau versée dans de la teinture rouge de bois de campêche, l'a fait passer au violet, indice d'une eau calcaire impropre à la teinture. Après quelques minutes de contact avec l'eau de savon, elle a cailleboté ce dernier, qui s'est précipité insoluble en oléate et en stéarate de chaux; d'où cette conclusion, qu'elle est impropre au savonnage. Si, à l'air libre, elle abandonne une partie de la chaux y contenue, ce résultat devra être plus grand encore lorsqu'on la soumettra à l'ébullition. Elle sera donc impropre à la cuisson des légumes, de la viande, etc., qui, une fois recouverts d'une couche de calcaire, ne se laisseront plus ramollir, même par l'eau bouillante. Le cyanure potassique, ajouté à cette eau préalablement acidifiée, n'y a occasionné aucune coloration ; il y a donc absence absolue de fer. Conclusion Cette eau est éminemment calcaire, Très-peu magnésienne, Sans traces de fer ; Elle tapisse d'une couche de chaux les vases qui la contiennent ; Son dépôt calcaire sera considérable si on la fait bouillir; 102 ANALYSE DE L'EAU DE LA CAVERNE DE MONTGUEUX. Elle décompose le savon et les matières tinctoriales; Elle sera impropre aux usages domestiques, ne pourra servir à la cuisson des légumes, de la viande ; La plus grande partie de la chaux soluble y contenue est à l'état de bi-carbonate, et surtout de chlorure ; Mais, fait assez rare en ce pays, elle ne contient pas de sulfate de chaux, si abondant dans toutes les eaux du département. Troyes, le 16 Avril 1858. RAPPORT SUR LE LIVRE DE PAILLOT DE MONTABERT, INTITULÉ L'ARTISTAIRE, ou LIVRE DES PRINCIPALES INITIATIONS ADX BEAUX-ARTS, Par M. SCHITZ, Membre résidant. MESSIEURS, Regardez au sommet de cette montagne élevée; voyez cet homme qui paraît sous l'influence d'un désir ardent, d'une pensée secrète. Cet homme, c'est Homère, Michel-Ange, Virgile, Goëthe, ou Shakspeare. La nuit retire ses ombres ; et, sous les premières lueurs du jour, se dessinent déjà les plaines immenses qui se déroulent à ses pieds. Tout-à -coup l'horizon resplendit, le soleil envahit l'espace, tous les êtres animés commencent à élever la voix, et la nature s'éveille, au milieu de ces bruits harmonieux et de ces torrents de lumière. Lui, notre 104 RAPPORT SUR L'ARTISTAIRE poète, reste debout, pendant quelques instants, immobile comme une statue ; puis, sa figure s'anime, ses traits s'illuminent, une larme vient mouiller sa paupière, ses genoux fléchissent, et, les bras tendus vers la voûte embrasée du ciel, Dieu tout-puissant, s'écrie-t-il avec enthousiasme, que cela est beau ! Remontons, par la pensée, le cours des siècles écoulés, traversons la place publique de Rome au temps du Consulat. Foule immense, grande agitation sur le Forum on va conduire deux hommes à la mort; ces deux hommes ont levé le bras contre la liberté de leur patrie. C'est juste, disons-nous ; c'est le droit de la patrie qui se venge ; et nous passons. Quelqu'un nous arrête et nous dit Mais, ces deux hommes qui marchent à la mort, ce sont les deux fils de celui qui condamne ; car, le Consul, qui vient de prononcer l'arrêt fatal, se nomme Brutus. Nous nous arrêtons soudain ; et, les yeux fixés sur ce visage, où se peint en traits éloquents la lutte qui se passe entre l'amour du père et l'amour du citoyen, nous nous sentons remués, par une mystérieuse influence, dans toutes les profondeurs de notre être. Pourquoi, Messieurs, cet enthousiasme ? Quel est le secret de cette mystérieuse influence? Pourquoi encore ces frissons émouvants, lorsque les Malibran, ou les Pasta, nous transmettent les inspirations sublimes d'un Mozart, ou d'un Rossini? Pourquoi cet empressement de la foule, qui assiége les portes de nos Musées ? Pourquoi encore, autrefois, sous le beau ciel de la Grèce, cet entraînement d'une nation guerrière, aux accents d'un Tyrtée inspiré ? Qui répondra, Messieurs, à toutes ces questions? DE PAILLOT DE MONTABÉRT. .105 Qui nous expliquera ces mouvements de notre coeur, ces aspirations de notre âme vers le bien, lorsque nous sommes sous l'influence du beau? Qui nous dira ce que c'est que le beau; si c'est quelque chose d'absolu ou de relatif; s'il y a un beau essentiel, éternel, immuable, règle et modèle du beau subalterne ? Avons-nous un sens interne du beau, une faculté esthétique, ou tout cela n'est-il que le résultat de l'instruction, et en est-il de la beauté comme des modes ? Le sens du beau dépend-il de l'éducation, du préjugé et de la coutume ; et, si le beau existe indépendemment de toutes ces choses, qui nous dira si c'est une affaire de sentiment, ou de raison ; s'il y a des règles générales qui puissent diriger dans son application et dans son emploi ? Qui nous dira à quelles qualités est attaché notre sentiment d'admiration, ou de plaisir ; et pourquoi cette diversité, ce désaccord dans le jugement, que les hommes portent sur la beauté ? Je m'arrête, Messieurs. Ce que je viens de dire suffit pour vous faire sentir de quel intérêt sont les questions que soulève le sujet qui va nous occuper. Car, vous m'avez chargé de vous rendre compte d'un ouvrage de Paillot de Montabert, où toutes ces choses sont traitées de main de maître. Cette oeuvre, en effet, une des plus importantes sorties de la plume de notre compatriote, est un traité de pure esthétique. Si ce compte-rendu n'eût dû être qu'un exposé scientifique de la théorie de l'auteur, j'en aurais laissé le soin à un esprit plus habitué que le mien au langage philosophique. Mais, c'était une occasion de vous faire apprécier la haute intelligence de 106 RAPPORT SUR L'ARTISTAIRE l'homme de bien qui fut notre compatriote ; c'était une occasion de combattre ce fatal préjugé des gens du monde, esprits faibles ou frivoles, qui s'en vont répétant que les beaux-arts ne sont destinés qu'à nos amusements. Aussi cette occasion, vous le comprenez, Messieurs, par sentiment et par devoir, je n'ai pas voulu la laisser échapper. On lit au frontispice du livre de de Montabert Initiation aux Beaux-Arts. Or, qu'est-ce que les beaux-arts? Tout le monde raisonne du beau. Que c'est beau ! Que c'est laid ! sont des expressions que l'on trouve à chaque instant sur toutes les lèvres, en présence des ouvrages de la nature et des productions de l'art. Demandez à ceux qui se prononcent aussi nettement ce que c'est que le beau, quelle est son origine, sa nature, son exacte définition. Demandez-leur s'ils ont une règle, un criterium, qui serve de base à leurs jugements, Combien avoueront leur ignorance à ce sujet? Cependant, il y a un beau presque tous les hommes sont d'accord sur ce point; beaucoup le sentent vivement et le reconnaissent là où il est; mais combien il en est peu qui savent ce que c'est! Tels furent les motifs qui engagèrent Paillot de Montabert à écrire le livre dont j'ai à vous entretenir aujourd'hui. C'est donc avec la philosophie pour guide et le livre d'un peintre philosophé à la main, que nous allons pénétrer dans le sanctuaire des beaux-arts. Et n'allez pas croire, Messieurs, que le flambeau de la philosophie, que la froide raison, DE PAILLOT DE MONTABERT. 107 n'aient rien à voir dans les régions élevées de l'art; car nous disons, avec M. Cousin " la philosophie » ne coupe point à l'art ses ailes divines, mais elle le » suit dans son vol, mesure sa portée et son but. » Vous pressentez au contraire d'avance, Messieurs, tout l'intérêt qui s'attache à une telle étude, et quels avantages, artiste ou amateur, nous devons en retirer. Dans la connaissance des principes de l'art et des règles qui en découlent, l'un trouvera un guide sûr dans l'exécution de ses oeuvres, l'autre un moyen d'apprécier avec discernement les productions de l'art, et d'en tirer toutes les jouissances et toute l'utilité dont elles sont susceptibles. La poésie, dans le sens le plus large de ce mot, c'est l'âme des beaux-arts. Elle en est la partie vivifiante. C'est, pour me servir d'une comparaison de vieille date, c'est le feu sacré que Promethée poursuivit de son audacieuse tentative. Or, la poésie, ainsi interprétée, qu'est-ce? sinon la représentation du beau modifié par les conceptions de l'intelligence, sous l'influence des émotions de la sensibilité. Les beaux-arts ont donc le beau pour objet. Or, qu'est-ce que le beau? Nous touchons ici au domaine de la métaphysique. Nous sommes portés vers ces régions de l'infini et de l'absolu par notre sentiment, attirés par un charme irrésistible, qui agit dans les profondeurs de notre âme. Mais là , où nous entraîne notre sensibilité, notre intelligence s'effraie; et devant ces champs sans bornes de l'inconnu, en face de ces horizons resplendissants mais sans limites, notre raison craint d'être prise de vertige. C'est pourquoi nous prendrons, pour nous guider, ceux qui se sont 108 RAPPORT SUR L'ARTISTAIRE lancés sur cet océan sans rivages du monde de la pensée. Interrogeons done les philosophes, demandonsleur des notions sur la nature intime, l'essence du beau, sur ses caractères constitutifs, son objet, son but et sa loi. Un des plus brillants génies de l'antiquité, Platon, s'exprime à peu près en ces termes Le beau ne se trouve nulle part complet, exempt de tache et d'altération; il ne faut le rechercher dans rien de particulier, dans rien de relatif. Un objet est beau, mais il ne l'est pas par lui-même; il faut chercher le beau au-delà des choses individuelles. Il y a, dans notre âme, un rayon de lumière émané de la divinité; mise en action par cette influence divine, notre âme aspire sans cesse après le beau essentiel, le poursuit dans les ouvrages de la nature, et traduit souvent l'idée qu'elle s'en est formée par les chefs-d'oeuvre des arts. Platon a encore donné cette formule d'une inspiration sublime Le beau est la splendeur du vrai. » Une autre grande autorité parmi les anciens, le disciple de Platon, Aristote s'est contenté de dire Le beau, c'est l'ordre dans la grandeur, l'ordre supposant toujours la symétrie, la convenance, l'harmonie; et la grandeur supposant toujours la simplicité, l'unité et la majesté. C'est à la remorque de cette formule qu'ont marché tous les philosophes sensualistes, lorsqu'ils ont voulu formuler une définition. Mais, disons-le en passant, ce n'est pas là tout Aristote. Si nous pénétrons plus avant dans la métaphysique du précepteur d'Alexandre, nous retrouvons le disciple de Platon. Car, pour Aristote, il y a Dieu DE PAILLOT DE MONTABERT. 109 et le monde, et le seul lien qui unisse le monde à Dieu, c'est la beauté de Dieu et l'amour du monde. Un médecin philosophe, Galien, a dit, dans le même sens, mais d'une manière moins générale Le beau est le résultat de la correspondance des » parties et de la justesse des proportions. » Une des plus grandes gloires de l'église latine, saint Augustin, présente dans ses écrits des idées sur le beau qui peuvent être réduites à celles-ci Le rapport exact des parties d'un tout entr'elles le constitue un; c'est là le caractère distinctif de la beauté. La similitude, l'égalité, la convenance des parties réduisent tout à une espèce d'unité qui satisfait la raison; mais il n'y a point de vraie unité dans les corps, puisqu'ils sont tous composés d'une infinité de parties. Rien sur la terre ne peut être parfaitement un. Il faut reconnaître qu'il y a, au-dessus de nos esprits, une certaine unité originale, souveraine, éternelle, parfaite, qui est la règle essentielle du beau, et que l'on cherche dans la pratique de l'art. D'où ce grand Docteur conclut que c'est l'unité qui constitue, pour ainsi dire, la forme et l'essence du beau en tout genre. Djgne admirateur de Platon, saint Augustin a aussi donné une formule inspirée en disant Le beau est l'éclat du bon. » Interrogeons maintenant quelques philosophes des siècles plus rapprochés de nous. IL y a, pour Wolf, des choses qui nous plaisent, il y en a d'autres qui nous déplaisent; cette différence est ce qui constitue le beau et le laid. Ce qui nous plaît s'appelle beau, ce qui nous déplaît s'appelle laid. Il admet de plus le beau vrai, ou celui qui naît 110 RAPPORT SUR L'ARTISTAIRE d'une perfection réelle, et le beau apparent, ou celui qui naît d'une perfection apparente. Si je fais attention, selon Crouzas, à ce qui se passe en moi, à la manière dont je pense, à ce que je sens lorsque je m'écrie cela est beau! je vois que j'exprime un certain rapport d'un certain objet avec des sentiments agréables, où avec des idées d'approbation. C'est-à -dire, j'aperçois quelque chose que j'approuve et qui me fait plaisir, et dans tous les objets qui m'arrachent cette exclamation, je reconnais les caractères constitutifs suivants La variété, l'unité, la régularité, l'ordre et la proportion. Nous avons, d'après Hutcheson, un sens intérieur, une faculté par laquelle nous distinguons les belles choses, comme le sens de la vue est une faculté par laquelle nous recevons la notion des couleurs et des figures, et il faut entendre par le beau tout ce qui est fait pour être saisi par ce sens intérieur du beau. Il admet un beau absolu, c'est-à -dire, le beau que l'on reconnaît en quelques objets, sans les comparer à aucune chose extérieure dont ces objets soient l'imitation et la peinture; et un beau relatif, celui qu'on aperçoit dans les objets considérés communément comme des imitations et des images de quelques autres. Quant aux qualités que doit posséder un objet pour émouvoir le sens interne du beau, il les réduit à l'uniformité dans la variété. Le P. André, un de ceux qui ont le plus approfondi cette matière, et qui a donné les principes les plus vrais et les plus solides, paraît faire consister le DE PAILLOT DE MONTABERT. 111 beau, en général, dans l'unité. Le beau a toujours pour fondement l'ordre et pour essence l'unité. Quant à la nature des notions que nous avons à ce sujet, il distingue les notions générales de l'esprit pur, qui nous donnent les règles essentielles du beau; les jugements naturels de l'âme, où le sentiment se mêle avec les idées purement spirituelles, mais sans les détruire; et les préjugés de l'éducation et de la coutume, qui semblent quelquefois les renverser les uns et les autres. Quant aux différents genres que présente le beau, il distingue un beau essentiel, absolu, indépendant de toute institution même divine, consistant dans la régularité, l'ordre, la proportion, la symétrie en général ; un beau naturel, dépendant de l'institution du créateur, mais indépendant de nos aspirations et de nos goûts, consistant dans la régularité, l'ordre, la proportion, la symétrie observée dans les êtres de la nature; un beau artificiel,* et, en quelque sorte arbitraire, mais toujours avec quelque dépendance des lois éternelles, consistant dans la régularité, l'ordre, la symétrie, les proportions observées dans les productions des arts. Dans le beau artificiel ou arbitraire, notre auteur reconnaît un beau de génie fondé sur la connaissance du beau essentiel, qui donne des règles invariables; un beau de goût, fondé sur la connaissance des ouvrages de la nature et des productions des grandsmaîtres, qui dirige dans l'emploi et l'application du beau essentiel ; et un beau de caprice, qui, n'étant fondé sur rien, ne doit être admis nulle part. L'exercice, pour Diderot, le plus immédiat de nos facultés de sentir et de penser, conspire, aus- 112 RAPPORT SUR L'ARTISTAIRE sitôt que nous naissons, à nous donner des idées d'ordre, de symétrie, de proportion, d'unité. Ces notions sont expérimentales, positives, distinctes, universelles. Ces notions, ébauchées dans notre entendement par l'exercice de nos facultés, sont entretenues et perfectionnées par tous les objets qui nous environnent ; on peut les employer dans les définitions qu'on en donne. J'appelle donc beau, hors de moi, tout ce qui contient, en soi, de quoi réveiller, dans mon entendement, l'idée de rapport; et beau, par rapport à moi, tout ce qui réveille cette idée. La potion du rapport constitue la beauté. Diderot admet un beau relatif et un beau réel; et, de plus, il distingue plusieurs espèces de beau tel que le beau moral, littéraire, musical; le beau naturel, artificiel; le beau d'imitation ; beaux qu'il définit tous, d'après son principe. Le beau, selon Montesquieu, soit dans la nature, soit dans l'art, est ce qui nous donne une haute idée de l'une et de l'autre, et nous porte à les admirer. La nature et l'art ont trois manières de nous affecter 1° par la pensée, 2° par le sentiment, 3° par la seule émotion des organes; d'où trois espèces de beau dans la nature et dans les arts 1° le beau intellectuel, 2° le beau moral, 3° le beau matériel et sensible. Les qualités distinctives du beau se réduisent à trois la force ou l'intensité d'action, la richesse ou l'abondance et la fécondité des moyens, et l'intelligence ou la manière utile et sage de les appliquer; et, de tous les objets qui frappent nos sens, la vue et l'ouïe surtout, ïl n'y a de beau que ce qui annonce, DE PAILLOT DE MONTABERT. 113 dans l'art ou dans la nature, un haut degré de force, de richesse, ou d'intelligence. Ce qu'il y a de plus beau est ce qui paraît résulter de l'ensemble et de l'accord de ces qualités; et, à mesure que l'une d'elles manque, ou que chacune est moindre, l'admiration, et avec elle le sentiment du beau, s'affaiblissent en nous. Mendelsohun, et quelques écrivains anglais, disent du beau que c'est l'unité dans la variété. Winkelmam, en parlant du beau, dit qu'il est plus facile » de dire ce qu'il n'est pas que de dire ce qu'il » est. » Il écrit aussi que le beau suprême réside » en Dieu, et que l'unité et la simplicité sont les » deux véritables sources de la beauté. » Miungs définit le beau une perfection visible, » image imparfaite de la perfection suprême. » Pour Tieck et Wackenroder, le beau est un seul » et unique rayon de la clarté céleste ; mais en pas» sant à travers le prisme de l'imagination, chez les » peuples des différentes races, il se décompose en » mille couleurs et en mille nuances. » Burk définit le beau les qualités des corps par » lesquelles ils produisent l'amour ou une passion » semblable. » Hamsterhuis dit l'âme juge le plus beau, ce » dont elle peut se faire une idée dans le plus court » espace de temps. » Goethe fait consister le beau dans l'expression. Schelling a dit le beau, c'est l'infini représenté » dans le fini; c'est une révélation de Dieu dans » l'esprit humain. » Plusieurs écrivains ont dit, les uns tout simplement le beau, c'est l'ordre; d'autres c'est l'unité T. XXII. 8 114 RAPPORT SUR L'ARTISTAIRE du vrai, ou le vrai complet, un et parfait ; d'autres enfin le beau est pour l'artiste ce que la perfection spirituelle est pour le saint, un but vers lequel il est entraîné avec amour et par une force divine. Nous ayons cru, Messieurs, devoir mettre devant vos yeux cette sorte de tableau synoptique, afin que vous pussiez voir par quels liens la doctrine exposée dans le livre de Paillot de Montabert se rattache au passé, Augmenter le nombre des citations eût été aussi inutile que fatiguant pour l'esprit. Toutes les définitions, toutes les opinions émises sur ce sujet, ne sont que des dérivés, des transformations de celles de Platon et d'Aristote. Car, Messieurs, mettons d'un côté ceux qui vont au-delà des notions fournies par les sens, qui, partant d'idées qu'ils trouvent en nous, comme faisant partie de la portion spirituelle de notre être, s'élèvent, d'un élan spontané, jusqu'à l'infini et l'absolu; qu'ils portent le nom de spiritualistes, d'idéalistes, ou de mystiques; mettons, d'un autre côté, ceux qui, se contentant de la notion que les sensations fournissent à notre entendement, s'élèvent simplement aux idées générales que ces notions acquises font surgir dans leur esprit; qu'ils soient sensualistes, matérialistes ou sceptiques; faisons-en deux grandes catégories qui sont, du reste, dans la loi du développement de l'esprit humain, et nous pourrons rapporter à deux chefs principaux, Platon d'un côté et Aristote de l'autre, les diverses opinions des philosophes, qui toutes viennent se résoudre et s'absorber dans ce que ces deux grands philosophes ont dit du beau. Car tous, par des chemins divers et sous des expressions plus ou moins variées, arrivent à dire, les uns le beau, dans son DE PAILLOT DE MONTABERT. 115 ensemble absolu, c'est Dieu; les autres le beau c'est l'ordre dans la grandeur, l'ordre comprenant la symétrie, la convenance et l'harmonie, et la grandeur comprenant la simplicité, l'unité et la majesté. Ouvrons maintenant, Messieurs, le livre de notre compatriote. L'idée et le sentiment du beau ont été déposés par Dieu dans le coeur des hommes ; tous ont l'idée et le sentiment d'un beau supérieur. Le beau absolu, ne résidant qu'en Dieu, est inaccessible à la perception de notre débile humanité, ainsi que l'essence même de Dieu. Mais il est un degré de beau inférieur que Dieu a mis à la portée de cette faiblesse de l'humanité ; et c'est ce beau qui nous fait aspirer au beau suprême. L'homme est un composé de sens et d'intelligence c'est donc par les sens et par l'intelligence qu'il a l'idée du beau. L'homme possède de plus, dans la profondeur de son être, une faculté toute divine, celle de reconnaître le beau, ou plutôt son principe éternel. Le beau, » dit Paillot de Montabert, n'est que l'effet que nous éprouvons; mais » où est la cause de ce beau? Elle est en Dieu. » Mais l'âme doit dominer le corps qui lui est confié; l'âme étant, pour ainsi dire, tout notre être, c'est surtout l'âme qu'il s'agit de satisfaire et de perfectionner par le beau. Ainsi, dans l'analyse de la théorie du beau, on doit distinguer le beau sensible et le beau intellectuel; le beau sensible et le beau intellectuel constituent donc le beau général. Mais ces diverses sortes de beau sont dominées par leur principe, et c'est par leur principe même qu'on peut expliquer ce qui les constitue. On doit, » dit Paillot de Montabert, reconnaître qu'il faut sur- 116 RAPPORT SUR L'ARTISTAIRE » tout, pour que les sens soient exercés agréable» ment et éprouvent le plaisir qui résulte du beau » sensible, qu'ils ne soient pas affectés par deux » perceptions également dominantes ; car notre sen» timent est un, et ne saurait partager ses affections » sans les affaiblir ; de cette duplicité; résulterait » donc une corruption de l'unité, c'est-à -dire que la » chose qui devrait dominer ne domine plus, à » cause de l'envahissement qu'elle subit d'une unité » qui aurait dû rester secondaire. » Le beau intellectuel ne saurait être autre chose » que l'unité elle-même; et, pour dire autrement, » ça ne peut être que dans l'unité que réside le beau » pour l'intelligence, de même que ça ne peut être » que dans l'unité que réside le beau pour les sens. » Il importe, » ajoute-t-il ailleurs, de ne jamais » désassocier l'idée du beau pour l'esprit ou pour » l'intelligence de l'idée du beau pour les sens, dès » qu'il s'agit de l'appréciation du beau général. On » doit reconnaître, tout en entrant dans cette ques» tion si importante du beau, que tout sujet ou objet » devenant un sujet doit, pour faire éprouver le » beau à l'intelligence, être lui-même un, c'est-à -dire constitué de toutes ses parties, sans qu'aucun » autre objet, ou partie étrangère, vienne apporter » une seconde unité disputante avec lui ; car cette" » seconde unité ne pourrait être perçue sans peine, » par l'esprit, en même temps que l'unité princi» pale. » Ainsi, il y a quelque chose au-dessus du beau, il y a son principe. Le beau général, le beau sensible, le beau intellectuel, sont dominés par leur principe, l'unité, ainsi que le beau suprême, dont le prin- DE PAILLOT DE MONTABERT. 117 cipe est Dieu lui-même, ou l'unité des unités par excellence. Voilà donc la règle des phénomènes du beau, la loi du beau trouvée pour Paillot de Montabert. Cette loi, c'est le principe de l'unité; principe qui permet de dire avec autorité, cela est beau, et cela ne l'est pas ; loi qui marque au sceau de la perfection toutes les oeuvres du génie antique. Continuons de parcourir le livre de notre compatriote, et voyons quel est son sentiment sur les caractères généraux des beaux-arts, leur but et leur rôle dans la société ; sans nous rendre responsables de certaines idées abstraites, quelquefois obscures et même exagérées, mais toujours, nous sommes heureux de le proclamer hautement, toujours nobles et élevées. Tous d'origine divine, les beaux-arts prennent naissance dans l'amour et dans l'étude du beau. Leur éclat, sur cette terre, reflet d'un foyer tout divin, symbole perceptible de la beauté parfaite et infinie, exerce sur les esprits un charme et une magie qui lient entr'eux, comme une grande famille, tous les peuples du globe. C'est une langue universelle, douée d'une éloquence spéciale, d'une persuasion entraînante, langue comprise par tous les hommes et qui révèle le principe du beau et de toute perfection . Dépositaires et dispensateurs du feu sacré du beau, les beaux-arts sont frères et le même principe les domine tous ; principe dont la possession et la démonstration sensible font toute leur puissance. C'est cette puissance attractive et bienfaisante, exerçant son influence sur tous les individus, qui donne aux beaux-arts un cachet tout particulier d'excel- 118 RAPPORT SUR L'ARTISTAIRE lence, car les beaux-arts s'adressent, non-seulement aux citoyens, aux nations, à toute l'humanité, mais encore aux générations futures, dans l'avenir le plus éloigné. Il faut le reconnaître, » dit Paillot de Montabert, Dieu a voulu que l'homme fût privilégié » par l'idée et le sentiment d'un beau supérieur, et » il a voulu nécessairement que cette faculté fût » entretenue par l'influence particulière des beaux» arts, révélateurs obligés du principe de ce beau » supérieur de là , l'empire de ces mêmes beaux» arts. » En effet, par les beaux-arts, tous conducteurs de la beauté jusqu'à l'âme par les sens, tous chargés de manifester et de produire le beau et son principe, nous acquérons mieux l'idée et le sentiment du beau possible. Mais, Messieurs, cette idée, ce sentiment, cette faculté, qui sont dans l'âme humaine, dans quel but Dieu les y a-t-il déposés ? En un mot, quelle est la fin des beaux-arts ? Est-il permis de rester indifférent à cette question ? Non, Messieurs, et cependant aujourd'hui, quelle insouciance, quelle incertitude, quelle ignorance dans les esprits à ce sujet ! Ceux-ci ne verront dans les beaux-arts que d'agréables et innocentes récréations, dont l'homme a tant besoin sur cette terre ; ceux-là , gens affairés de toute sorte, n'en comprenant ni le charme, ni l'utilité, vous jetteront, en passant au milieu de vos contemplations, ces paroles impies vous êtes bien heureux d'avoir du temps à perdre. Les jouissances qu'ils nous font goûter seraient-elles stériles? Faudrait-il, comme l'ont voulu certains philosophes, enlever les beauxarts du sein des sociétés ? Faudrait-il, d'une main sacrilége, couper cet arbre divin dans sa racine, sous DE PAILLOT DE MONTABERT. 119 prétexte que son ombre est énervante et que ses fruits sont sans utilité? Cette question serait au moins ridicule, si elle n'était absurde. L'homme, Messieurs, a une fin, une destinée. En principe, notre devoir unique est la réalisation de notre destinée, et cette destinée, du consentement de la religion et de la philosophie, consiste à nous rapprocher de Dieu par le perfectionnement, à nous élever sans cesse vers Dieu, centre de toute perfection. Or, quel rôle les beaux-arts jouent-ils dans l'accomplissement de ce devoir? Laissons parler Paillot de Montabert Dieu a donné à l'homme les » beaux-arts pour l'aider à comprendre sa propre » dignité, son origine, ses devoirs et sa haute desti» nation. Les beaux-arts doivent éclairer l'humanité » dans la voie du perfectionnement, auquel elle doit » tendre pour parvenir à la félicité ; don suprême, » feu sacré et tout divin, d'où notre âme, toute di» vine elle-même, peut et doit faire jaillir la lumière » éclairant les sociétés dans l'étude progressive du » beau. La nature, qui a donné à l'homme tous les » éléments nécessaires pour progresser vers sa desti» nation et pour servir à la perfectibilité sociale, lui » a nécessairement accordé le nombre complet des » beaux-arts, qui, chacun en particulier et collecti» vement, ont la faculté de convertir en principes " et en exemples sensibles les principes et les exem» ples métaphysiques du beau. Chacun des beaux» arts se rapporte et tend à la même fin, et cette fin, » c'est l'enseignement du beau, c'est le perfection» nement de l'espèce, c'est, par conséquent, l'étude » des merveilles de Dieu et de son principe éternel, » étude qui conduit à l'adoration de l'auteur de 120 RAPPORT SUR L'ARTISTAIRE » toutes les merveilles. En un mot, par la réunion » des beaux-arts, tous les exemples sensibles et in» tellectuels de la beauté se présentent à l'envi, pour » nous rappeler à la vertu et pour entretenir eh nos » coeurs le feu de l'amour de Dieu et de l'amour de » l'humanité. » Noble langage, Messieurs, qui nous fait aimer notre compatriote ; car, à travers ces paroles élevées, ne sentez-vous pas l'âme d'un honnête homme, d'un chrétien fervent et d'un citoyen généreux? Les beaux-arts ont donc une mission; ils sont un enseignement au sein des sociétés, et leurs leçons peuvent être individuelles, sociales et divines, c'està -dire qu'ils prennent part à la notion des devoirs de l'homme envers lui-même, envers ses semblables et envers Dieu; ce qui leur donne un caractère essentiellement moral. Le philosophe vante les beauxarts, non-seulement parce qu'ils nous instruisent, mais encore parce qu'ils nous rendent meilleurs. L'art féconde et fait germer les plus grandes vertus; car l'idée du beau ne peut être conçue sans l'idée du bien et du bon, idées qui nous mènent invinciblement à leur application, c'est-à -dire à la vertu. Or, par les beaux-arts, nous possédons les moyens d'étudier et de démontrer le principe du beau, lequel comprend toujours le bon. Les beauxarts sont donc pour l'homme un agent moral. En nous rendant familière la démonstration de ce principe fécond de l'unité, et en nous fournissant le moyen d'en faire l'application à tous nos devoirs envers nous-mêmes, leur bienfait devient immense; car qu'est-ce que la vertu ? Chez les Grecs, nos maîtres en tout genre, les DE PAILLOT DE MONTABERT. 121 beaux-arts étaient de grands moyens d'hygiène morale; ils devenaient, dans les mains du philosophe, des remèdes puissants et efficaces contre les défaillances du coeur et de l'esprit. Qui ne veut pas » devenir connaisseur en beaux-arts, » dit Paillot de Montabert, ne veut pas devenir connaisseur en » vertu, l'étude de la beauté, manifestée par l'art, » étant la meilleure préparation à l'étude de la vertu. » L'art est nécessaire, parce qu'il faut que l'imagi» nation soit dirigée par l'art vers le beau, c'est» à -dire vers la vertu. Par l'art, nous pouvons nous » connaître et nous perfectionner en nous rap» prochant du beau ou de l'archétype qui nous » concerne. » L'homme, Messieurs, devant vivre dans un milieu social, est doué de toutes les facultés qui lui permettent de vivre en société, et la faculté artistique en est une. Si nous considérons, en effet, les beaux-arts au sein des sociétés, nous serons amenés à voir encore en eux un des grands bienfaits accordés à l'espèce humaine ; et leur caractère social deviendra évident. Les beaux-arts ne sont pas de stériles distractions et d'inutiles frivolités, mais d'attrayants moyens d'instruction. Ils polissent et adoucissent les moeurs, ils développent le goût, fortifient le jugement, ennoblissent les sentiments, prédisposent l'âme aux grandes pensées, et dirigent la volonté dans la voie des grandes actions. Les beaux-arts ne se contentent pas de charmer les sens, de séduire l'intelligence, d'émouvoir la sensibilité ; leur puissance va plus loin, au point de vue des destinées humaines, ils rendent sensible et attrayant le sentiment de la vertu, en facilitant l'étude de son prin- 122 RAPPORT SUR L'ARTISTAIRE cipe, d'après lequel ils provoquent irrésistiblement les hommes à régler leur conduite; Et c'est là la vraie destination des beaux-arts. Vous le voyez, Messieurs, par leur nature, parleur destination, les beaux-arts imposent à l'humanité des commandements qui sont de tous les temps. Réformateurs nés de tout ce qui est contraire à la beauté, ils doivent combattre le mauvais goût répandu dans les moeurs; ils ont le droit de contrôler et de flétrir tout ce qui est immoral et anti-social, puisqu'ils doivent entretenir parmi les hommes le sentiment de la vertu. Les gens du monde répètent sans cesse que les beaux-arts sont choses d'agrément, d'innocentes récréations, voir même d'inutiles futilités. Délassement, amusement, divertissement,voilà leur but. Payez les arts, mais ne les cultivez pas, disent nos voisins d'outre Manche. A ceux-là , nous pouvons dire que l'art s'agite dans une sphère plus élevée, que l'éloquence des beauxarts a un but plus noble, celui de nous instruire et de nous rendre meilleurs, et que nous ne voyons, dans leurs paroles, que le langage de l'ignorance et de l'égoïsme. Le caractère essentiel et principal » des beaux-arts, » dit Paillot de Montabert, est » d'être un enseignement moral et social. » Que les beaux-arts, oubliant leur haute destination, viennent à se transformer en industrie, qu'ils ne produisent que pour satisfaire les caprices de la mode, flatter le mauvais goût, les passions et les moeurs dissolues, et bientôt la société morale se dégradera et s'abîmera dans la corruption. Mais que leur voix » magistrale et solennelle s'élève dans ces moments » de détresse morale, » comme dit Paillot de Mon- DE PAILLOT DE MONTABERT. 123 tabert, et la société est sauvée de l'abîme de la » barbarie où elle allait tomber. » Aussi, Messieurs, l'art doit rester un et incorruptible au milieu des moeurs changeantes et variables des sociétés. L'influence des moeurs est un fait, mais ce n'est pas un droit. L'art, pas plus que la vertu, n'a des lois et des enseignements que les circonstances aient le droit de déprécier. Le beau et le bien sont absolus; les moeurs changeantes ne sauraient en altérer la valeur ; ils n'ont pas à s'inquiéter de nos caprices et de nos fantaisies, et c'est pourquoi l'art, cette langue universelle et sublime, qui se parle dans tous les pays et dans tous, les temps, et toujours avec les mêmes accens, l'art ne saurait être seulement et expressément national, pour nous servir de l'expression de Paillot de Montabert. L'art est un et incorruptible comme la vertu. Aussi, lorsqu'on dit l'art progresse, l'art rétrograde, reculer les limites de l'art; ces propositions sont aussi nulles en réalité que si elles s'appliquaient à la vertu. Ce sont les artistes qui progressent ou rétrogradent; et, au-delà des limites de l'art, il n'y à plus que des excentricités et des tours de force. L'éclat de l'art, » dit Paillot de Montabert, est » inaltérable et éternel, comme le foyer divin d'où il » émane. » En saine philosophie, comme en religion, la vie n'est qu'une très-courte période de notre existence totale. Mourir, c'est changer de vie. La mort est un sommeil, c'est un réveil peut-être, dit Shakspeare; doute sublime d'un grand génie artistique. L'éclat » des beaux-arts sur cette terre, » dit Paillot de Montabert laissant là la forme du doute, ne peut 124 RAPPORT SUR L'ARTISTAIRE » être que le reflet d'un foyer tout divin ; mais il » nous prépare à un plus grand éclat que percevra » l'âme dans les phases supérieures qu'elle aura » mérité de parcourir. La sympathie que notre âme » éprouve pour le beau suprême est donc un doux » pressentiment de notre immortalité. » Le christianisme, Messieurs, a déterminé la destinée humaine et indiqué nos devoirs dans ces simples paroles connaître Dieu, l'aimer et le servir. Paroles admirables, dont les conséquences sont immenses, et qui font appel aux facultés qui sont tout l'homme l'intelligence, qui peut nous élever jusqu'à la connaissance des attributs de la divinité; la sensibilité, qui nous la fait aimer, et l'activité, qui lui consacre toutes nos forces. Vous pressentez, Messieurs, quels rôles doivent jouer les beaux-arts dans les rapports de l'homme à Dieu. L'art est un envoyé de Dieu, " disait Raphaël, je dois donc étudier l'art pour » servir Dieu. » La religion a pour base l'amour de Dieu, centre du beau et de toute perfection. C'est au feu de cet amour divin que les beaux-arts ont allumé leur flambeau. Mépriser," dit notre vertueux compatriote dans un saint enthousiasme, délaisser » les beaux-arts, en déguiser ou en altérer les bien» faits, c'est insulter à Dieu. » Jésus-Christ est venu enseigner sur la terre l'amour de Dieu, amour d'où résulte la charité; et les beauxarts, en nous dirigeant dans cette voie, tendent à satisfaire les premiers besoins du coeur de l'homme, savoir la reconnaissance envers Dieu, et la fraternité envers les hommes. Aussi, pour Paillot de Montabert, s'initier aux beaux-arts, c'est apprendre à connaître la dignité et les devoirs de l'homme, DE PAILLOT DE MONTABERT. 125 c'est apprendre à estimer, puis à chérir nos semblables; c'est tendre à l'union sociale, à l'unité humanitaire par la charité ; c'est s'initier au culte de Dieu; c'est s'éclairer dans la vraie religion; c'est aspirer à Dieu, notre principe et notre fin ultérieure ; c'est, en un mot, connaître, aimer et seconder les lois et les décrets de la Providence. Jetant maintenant une sorte de coup-d'oeil rétrospectif sur tout ce que nous venons de voir, nous ne pouvons, Messieurs, sans entrer dans la discussion de toutes ces doctrines, tâche beaucoup trop au-dessus de nos forces, nous ne pouvons, disonsnous, nous empêcher de faire quelques réflexions. Que voyons-nous, en effet ? Les uns ne nous donnent du beau qu'une idée incomplète, quand ils nous disent le beau, c'est l'ordre; le beau, c'est l'expression. Nous ne saurions voir là des dénominations suffisantes; ce sont des termes vagues, qui ne répandent qu'une bien faible lumière sur la question. D'autres font intervenir, dans leurs définitions, une idée qui n'est ni plus claire ni plus intelligible que, celle du beau luimême, telle que celle de perfection, par exemple, qualité qui n'entre nullement, d'une manière nécessaire, dans la constitution du beau; car, combien d'êtres sont susceptibles de la dernière perfection sans être susceptibles de la moindre beauté ? Ceuxci prennent l'effet pour la cause, et le plaisir que le beau nous produit pour le beau lui-même; et, cependant, combien d'êtres sont beaux sans plaire, et combien d'êtres aussi qui plaisent sans être beaux! Ceux-là nous donnent des principes qui peuvent bien convenir dans quelques cas particuliers, mais 126 RAPPORT SUR L'ARTISTAIRE qui sont loin d'être d'une application générale; tels que l'uniformité dans la variété, l'unité dans la variété, l'ordre dans l'unité, l'unité et la simplicité; car la simplicité, l'uniformité, la variété, ou l'ordre réuni à l'unité, que l'on peut, il est vrai, considérer comme une condition générale importante, ne peuvent, dans bien des cas, servir à compléter la définition du beau. On peut, en effet, satisfaire à toutes ces conditions de simplicité, d'uniformité, de variété, et même d'unité, toutes choses qui peuvent se faire avec de la volonté et du calcul, et cependant ne pas produire le beau. D'autres ne voient le beau que dans les modifications de notre esprit, lorsque celuici est soumis à son influence; telles que l'instantanéité du jugement, la perception de rapport. Le beau, il est vrai, est senti et jugé instantanément dans la plupart des cas. Dans toute idée du beau, il est vrai, il y a perception de rapport; mais combien, parmi nos jugements, n'y en a-t-il pas qui ont l'instantanéité comme attribut, sans être nullement provoqués par le beau; combien d'idées sont le résultat d'une perception de rapports, et cependant combien qui sont loin d'entraîner, après elles, la notion du beau ! Que dire de ceux qui ne voient le beau que dans l'utile, et de ceux qui ne voient le beau que dans les corps, et seulement dans les corps qui produisent l'amour ? Quant à ceux qui, pour nous donner une idée du beau, remontent à la source de toute beauté, ceuxlà ne font que constater que nous avons en nous le sentiment et l'amour du beau; ils nous donnent tout autant une idée de la perfection, du bon, du vrai, qu'ils DE PAILLOT DE MONTABERT. 127 nous donnent celle du beau, mais ils ne le définissent pas. L'absolu, l'infini, Dieu, en un mot, ne peut être embrassé dans nos définitions. Le mot de Platon, le beau est la splendeur du vrai; et celui de saint Augustin, le beau est l'éclat du bon, sont, ou des inspirations sublimes, ou des subtilités plus ou moins ingénieuses; mais ce ne sont pas là des définitions, et ce n'est pas définir le beau que de dire qu'il réside en Dieu. Cependant, Messieurs, dans toutes ces opinions, dans toutes ces définitions, il doit y avoir un grain de vérité. Une opinion complètement fausse n'eût pas eu cours. Nous allons donc, pour nous résumer, essayer de formuler une opinion sur cet important sujet, en faisant un peu d'éclectisme et en prenant le vrai là où nous croyons le voir. Il y a un beau supérieur, essentiel, suprême,, absolu; ce beau, c'est Dieu. Par la nature toute divine de la partie spirituelle de notre être, nous sommes en contact avec Dieu; aussi trouvons-nous dans le fond de notre âme cette idée du beau suprême, aussi bien que celle du bon et du vrai absolus. Le beau supérieur et le sentiment du beau que nous avons en nous ne sont pas choses stériles, inactives; tous deux ont leur mode de manifestation l'un se traduit dans les merveilles de la nature, l'autre par les productions des arts. Nous avons donc déjà un beau essentiel, suprême, invariable, comme tout ce qui est absolu, et un beau manifesté qui comprend le beau naturel ou le beau de la nature, et le beau artificiel ou le beau de l'art, le beau artistique. De ces deux sortes de beau, l'un est invariable 128 RAPPORT SUR L'ARTISTAIRE aussi, parce que les lois de la nature sont invariables et éternelles; mais l'autre est variable, parce qu'il participe de la nature imparfaite de l'homme, parce qu'il est soumis aux influences extérieures, à l'incertitude des jugements, aux illusions des sens, aux. habitudes individuelles et nationales, à la mode, aux préjugés, à l'ignorance et à la corruption. Nous aurons une idée d'autant plus complète du beau, que nous entrerons plus avant dans la connaissance de ses caractères constitutifs. Or, les caractères constitutifs du beau absolu sont, en quelque sorte, les attributs de la divinité, dont la connaissance est au-dessus des forces de notre intelligence, et dont nous n'avons en nous qu'un sentiment vague, confus, accablant. Si nous observons maintenant quels sont les caractères constitutifs du beau manifesté, étude qui est à notre portée, nous aurons à le considérer, et dans les objets qui le présentent, et dans notre esprit qui le conçoit. Ainsi, dans tous les objets de la nature ou de l'art qui manifestent le beau, nous trouvons, tantôt séparées, tantôt réunies, les qualités suivantes l'ordre, la symétrie, la convenance, la proportion, l'harmonie, la grandeur, l'uniformité, la simplicité, l'unité, la majesté, la variété, la régularité, l'égalité, la similitude, et, par-dessus tout, l'expression qui, d'ailleurs, n'est que le résultat de la combinaison heureuse de plusieurs de ces qualités. Si nous considérons les caractères du beau, par rapport à l'esprit qui le conçoit ou le produit, nous trouvons dans notre âme des idées d'approbation dans nos jugements, d'instantanéité dans nos conceptions, des notions de rapport, de bonté, de vérité, de perfection, des sentiments DE PAILLOT DE MONTABERT. 129 agréables, des sentiments de plaisir, l'aspiration de l'âme, l'amour de la beauté absolue, enfin la force ou l'intensité d'action, la richesse ou l'abondance des moyens, et l'intelligence ou la manière utile et sage de les appliquer, et, au fond de tout cela, un sens intérieur, un rayon de la lumière divine, une faculté esthétique, la bosse, en un mot, pour nous servir d'une expression vulgaire. Si, ne nous attachant maintenant qu'au beau dépendant de l'homme, au beau artificiel ou artistique, nous le considérons par rapport à son origine, à sa nature, et par rapport à la manière dont il est rendu sensible, nous aurons le beau conçu, qui comprend le beau intellectuel et le beau moral; et le beau réalisé, matériel, plastique, qui comprend tous les moyens d'expression que l'art a à sa disposition, et produit divers genres secondaires, tels que les beaux Pictural, Sculptural, Musical, Architectural, Mimique et Gymnastique. Quant aux autres sortes de beau, tels que le beau réel, apparent, le beau relatif, le beau particulier, le beau général, le beau idéal, les beaux de génie, de goût, de caprice, toutes ces sortes de beaux, il ne faut les considérer que comme des modifications, des transformations, des combinaisons diverses des genres de beau que nous avons indiqués. Et maintenant s'il fallait nous ranger sous une bannière, nous adopterions celle du philosophe chrétien, celle de notre compatriote. Elle est l'écho des opinions des philosophes des plus beaux temps de la Grèce ; mais les idées des anciens ont encore gagné en simplicité, en grandeur et en majesté, en passant à travers l'intelligence d'une âme éclairée T. XXII. 9 190 RAPPORT SUR L'ARTISTAIRE, ETC. par la lumière nouvelle émanée de la croix du Christ. Nous ajouterons, de plus, que la loi de l'intelligence, pour l'artiste, est la loi mystique; que l'intuition qui s'élève soudainement aux idées générales et la faculté esthétique, ont beaucoup d'analogie, si elles ne se confondent pas en une seule et même faculté. En effet, Messieurs, amour ardent, union intime de l'âme avec Dieu, foi enthousiaste, intuition des vérités éternelles, c'est-à -dire, aspiration vers le beau absolu, et reflet dans l'âme de ce beau suprême, voilà , pour l'artiste, les seules conditions d'existence et de développement; Troyes, le 16 avril 1858. NOTÉ L'ANALYSE DU LAIT FALSIFIÉ, Par M. DOULIOT, Professeur de Chimie au Lycée Impérial de Troyes. Pour juger de la pureté des substances commerciales sujettes à être falsifiées, on suit communément certains procédés d'une exécution prompte et facile, et qui n'exigent de la part de l'opérateur aucune connaissance spéciale. Parmi ces procédés, celui qui consiste à employer l'instrument que les physiciens nomment aréomètre est devenu très-vulgaire. Aussi cet instrument est-il répandu dans le commerce; il y en a plusieurs espèces, chacune avec un nom et des usages particuliers. Tels sont les pèse-esprits, les pèse-sirops, les pèse-sels, déjà anciens et trèscommuns ; tels sont encore l'oenomètre pour les vins, l'élaïomètre et l'oléomètre pour les huiles. Le lait, pour sa part, a plusieurs aréomètres. Il existe, en effet, des pèse-lait, des lactomètres, des lactodensimètres, des galactomètres. Ces instruments sont 132 NOTE SUR L'ANALYSE DU LAIT FALSIFIÉ, extrêmement commodes, puisqu'il suffit de les plonger dans le liquide suspect pour obtenir immédiatement le renseignement qu'on désire. Mais il ne faut pas se méprendre sur la nature des renseignements qu'ils donnent. C'est une erreur de croire qu'ils prouvent, d'une manière incontestable, que le lait soumis à l'épreuve est falsifié et qu'il renferme un tiers, un quart ou un cinquième d'eau, selon que l'affleurement a lieu en tel ou tel point déterminé à l'avance sur la tige de l'instrument. Un aréomètre, quel que soit le nom qu'il porte, s'enfonce d'autant plus dans le liquide où il est plongé, que la densité de ce liquide est moins grande, et il s'enfonce exactement de la même quantité dans deux liquides de nature différente qui ont la même densité. Il ne peut donc servir qu'à déterminer la densité des liquides pour lesquels on l'emploie, et non pas leur nature. Il est évident que si la densité du lait était constante, et si on ne pouvait le falsifier qu'en y ajoutant de l'eau pure, la densité du mélange aurait, avec la quantité d'eau qu'il contient, un rapport tel que de la connaissance de la densité on pourrait, avec certitude, déduire la quantité d'eau ajoutée. Or, la densité du lait n'est pas constante, en ce sens qu'elle varie suivant les vaches, et même chez une seule vache, suivant les moments; les limites entre lesquelles cette densité varie sont représentées par les nombres 1,029 et 1,033, la densité de l'eau étant 1,000. Non-seulement le lait présente une densité variable, mais encore on peut le falsifier sans changer sa densité. Que l'on dissolve, par exemple, dans l'eau une petite quantité de dextrine, de gomme ou NOTE SUR L'ANALYSE DU LAIT FALSIFIÉ. 133 de sucre, on pourra en élever la densité jusqu'à ce qu'elle se trouve comprise entre les limites de celle du lait pur, et l'on pourra mêler cette dissolution au lait en toute proportion, sans que le pèse-lait cesse de donner l'indication du lait pur. Si on enlève la crème qui monte à la surface du lait après quelques heures de repos, la crème étant moins dense que le lait pur, ce qui restera après l'écrémage aura une densité plus grande que le lait pur ; mais en remplaçant la crème enlevée par une quantité convenable d'eau, on rendra au lait sa densité primitive, et l'aréomètre sera encore impuissant pour déceler la fraude. Il est donc certain que les instruments qui nous donnent la densité du lait ne suffisent pas pour nous indiquer son degré de pureté. Ce n'est pas à dire pour cela qu'ils doivent être abandonnés la densité est par elle-même un renseignement utile; mais on ne doit alors se servir que d'instruments gradués avec soin, et ne pas négliger de déterminer, en même temps que la densité, la température du liquide pour faire la correction indiquée dans les tables construites à cet effet par M. Quévenne. Nous pourrions dire la même chose du lactoscope et du crémomètre l'un sert à mesurer l'opacité du lait, et l'autre fait connaître la quantité relative de crème qui monte à sa surface au bout de 24 heures. Ces instruments ne mesurant encore qu'une des propriétés du lait, on pourra rendre leurs indications vaines, par l'addition d'un mélange d'eau et de matières qui lui donneraient de l'opacité, ou qui, par le repos, iraient se mêler à la crème et en augmenteraient le volume. Il faut donc se méfier de ces procédés empiriques, d'autant moins exacts qu'ils 134 NOTE SUR L'ANALYSE DU LAIT FALSIFIÉ. sont plus simples, et se faire, avant de les employer, une juste idée de ce qu'on peut leur demander. L'analyse chimique seule conduit à des conclusions précises; ce n'est, en effet, que par la décomposition du lait suspect en ses principes immédiats qu'on peut acquérir une connaissance exacte de sa nature. On a proposé plusieurs moyens d'analyser le lait; voici, en quelques mots, celui qui est le plus généralement suivi On fait évaporer dans une étuve ou au bain-marie, à la température de 110°, un poids déterminé de lait; le résidu bien desséché est pesé, son poids doit être de 12 à 14 pour cent delait. La perte représente la quantité d'eau. La matière sèche est épuisée par l'éther ; celui-ci dissout le beurre, dont le poids se détermine par l'évaporation de la dissolution éthérée. Le résidu du traitement précédent est épuisé par l'eau chaude; la perte de poids qu'il éprouve donne le poids du sucre et des sels solubles 1; enfin, ce qui reste après ces . divers traitements donne le poids de la caséine, de l'albuminé et des sels insolubles. C'est d'après cette méthode qu'ont été obtenus les résultats inscrits dans le tableau suivant 1 On dose généralement le sucre et les sels solubles en même temps on pourrait déterminer le poids du sucre seul ; mais cette recherche, qui aurait de l'importance dans des études spéciales sur la composition du lait, n'en a pas dans te question qui nous occupe ici. NOTE SUR L'ANALYSE DU LAIT FALSIFIÉ. 135 TABLEAU DE DIVERSES ANALYSES DU LAIT DE VACHE. NOMS DES CHIMISTES. Eau .87,2 86,8 87,4 87,0 87,3 85,6 86,3 85,8 87,6 Beurré 5,4 3,6 4,5 3,1 3,0 3,9 4,4 3,8 3,2 Sucres et Sels solubles. . 5,8 4,0 5,0 5,4 4,6 3,5 5,5 3,6 4,3 Caséine, Albumine et Sels 4,20 insolubles 3, 6 5, 6 3, 6 4, 5 5, 1 7,0 3, 8 6, 8 sels 0,70 Lait 100 100 100 100 100 100 100 100 100 En opérant avec le lait suspect, comme il a été dit plus haut, et en comparant les principes qu'on en extrait à ceux que fournit le lait pur, on ne peut manquer d'y découvrir les substances étrangères qui auraient été ajoutées; et, si le lait suspect a été allongé d'eau ou écrémé, il y aura un désaccord entre les proportions de ses principes immédiats et les proportions dans lesquelles se rencontrent ces mêmes principes dans le lait pur. La question revient alors à déduire de ce désaccord le genre de falsification, c'est-à -dire à résoudre les trois questions suivantes Le lait suspect est-il écrémé? Est-il seulement allongé d'eau? A-t-il été écrémé et allongé d'eau 1 ? 1 C'est sur ce point que les chimistes qui ne sont pas ha- 136 NOTE SUR L'ANALYSE DU LAIT FALSIFIÉ. Pour arriver à la solution de ces questions, voyons de quelle manière on modifie les proportions dans lesquelles sont mêlés les principes du lait pur, soit qu'on y ajoute de l'eau, soit qu'on l'écréme. Le lait, abandonné pendant vingt-quatre heures dans un endroit frais, se divise en deux couches la couche supérieure, qui est la crème, contient la presque totalité du beurre et une grande partie de la caséine ; le sucre et l'eau forment une dissolution sucrée dont une partie est mêlée à la crème, et dont l'autre constitue, avec le reste de la caséine et l'albumine, la couche inférieure. Il en résulte que, dans le lait écrémé, le beurre et la caséine n'entrent que pour une très-faible part, tandis que l'eau et le sucre y sont dans une plus grande proportion que dans le lait pur 1. Or, en examinant le tableau qui précède, on remarque que le poids du beurre n'est jamais inférieur à 3 pour 100, et que celui du sucre et des sels insolubles n'est jamais supérieur à 5,8; en forçant ce dernier nombre, nous pouvons dire que le rapport du poids du beurre à celui du sucre est plus petit que celui de 3 à 6 ou de 1 à 2; en d'autres termes, le poids du beurre n'est jamais au-dessous de la moitié de celui du sucre et des sels solubles. Donc, si on trouve par l'analyse du lait suspect un poids de beurre moindre que la moitié de celui du bitués aux discussions mathématiques se trouvent arrêtés; les ouvrages qui traitent de l'analyse du lait n'indiquant aucun moyen de déduire de la composition du lait suspect le genre de falsification. 1 Le rapport du poids de l'eau à celui du sucre restant le même que dans le lait pur. NOTE SUR L'ANALYSE DU LAIT FALSIFIÉ. 137 sucre et des sels solubles, on en concluera, avec certitude, que le lait suspect provient d'un lait écrémé. On remarque encore, en examinant le tableau, que le poids de l'eau n'est jamais supérieur à 88 pour 100 puisque, dans les résultats fournis par les analyses que nous citons, il n'atteint pas ce nombre, et que le poids du sucre et des sels solubles n'est jamais inférieur à 3,5. Or, le rapport de 88 à 3,5 est environ égal à celui des nombres 23 et 1 ; donc le poids de l'eau n'est jamais plus de 23 fois celui du sucre et des sels solubles dans le lait pur ou dans le lait écrémé. On concluera donc qu'il y a eu addition d'eau, si, en comparant le poids de l'eau et le poids du sucre du lait suspect, on trouve que le premier surpasse 23 fois le second. Ces considérations permettent donc de reconnaître si le lait soumis à l'analyse est falsifié, et de quelle nature est la falsification. Les conséquences qu'on en tire peuvent être contrôlées par le pèse-lait, qui donnera une densité forte pour le lait écrémé, faible pour le lait non écrémé et allongé d'eau, et peu différente de celle du lait pur pour le lait écrémé et allongé d'eau. Lorsque la falsification ne consiste que dans une addition d'eau et c'est le cas le plus fréquent, on peut évaluer, avec une approximation d'un dixième environ, quelle est la quantité d'eau ajoutée. On y arrive en effectuant les opérations indiquées par les formules suivantes 100 x p. Poids du lait pur = - 13,59 Poids de l'eau ajoutée = 100 — poids du lait pur trouvé. T. XXII. 10 138 NOTE SUR L'ANALYSE DU LAIT FALSIFIÉ. Dans ces formules, p est le poids de matière sèche que donne l'évaporation de 100 grammes du lait suspect. Tel est le procédé qui présente le plus de certitude dans la recherche des falsifications du lait; il exige malheureusement un temps assez long, ce qui le rend inapplicable par les agents de l'autorité chargés de prévenir la fraude. Troyes, le 21 mai 1858. MAUDIT NOVEMBRE. BOUTADE, PAR M. LE BARON DOYEN, MEMBRE RÉSIDANT. Savez-vous quel mois dans l'année Me rend triste, et souvent rêveur? C'est le mois où chaque journée Emporte une feuille, une fleur ; Celui qui de leur chevelure Aime à découronner les bois, L'ennemi de toute verdure ; C'est Novembre ; oh! le vilain mois. I. XXII. 140 MAUDIT NOVEMBRE. Mes fleurs étaient fraîches et belles, Et, de tous mes yeux, le matin, J'admirais des couleurs nouvelles Naître sous un pinceau divin. Pauvre rose, où t'entraîne Eole, Toi, la perle de mon éçrin? Oh ! le vilain mois, qui me vole La parure de mon jardin. Et vous, géants au noir feuillage, Grands arbres si beaux et si frais, Qu'avez-vous fait de cet ombrage, Où le soleil n'entra jamais ? Où donc est la verte coupole Que je trouvais sur mon chemin? Oh! le vilain mois, qui me vole Tous les abris de mon jardin. Je n'entends plus dans mes allées Tous ces harmonieux défis, Que se jetaient des voix ailées, Comme un écho du paradis. Plus de ces chants dont je raffole, Avec la bise ils ont pris fin; Oh ! le vilain mois, qui me vole Tous les concerts de mon jardin. MAUDIT NOVEMBRE. 141 Pauvres familles voyageuses, Allez sous des climats plus doux, Réchauffer vos plumes frileuses, Mais revenez au rendez-vous. Il ne vous faut pas de boussole Pour retrouver votre chemin ; Oh! le vilain mois, qui me vole Tous les hôtes de mon jardin. Va-t-en, mois maudit, va-t-en vite, Ton règne a duré trop longtemps, Et surtout emmène à ta suite La neige, la pluie et les vents. Je crois au printemps qui console, Avril me rendra ton butin ; Oh ! le vilain mois, qui me vole Tous les trésors de mon jardin. Novembre 1858. MOLLUSQUES MARINS DES ILES AÇORES, PAR HENRI DROUET, Membre résidant. PRÉAMBULE. Des quatre groupes d'îles qui se trouvent dans l'Océan Atlantique au nord de Péquateur, à une distance plus ou moins grande des côtes d'Afrique et d'Europe, les Açores et les îles du Cap-Vert paraissent avoir été jusqu'ici négligées par les malacologistes. Bowdich, Lowe et Albers ont, à différentes époques, exploré les îles de Madère et de Porto-Santo, et ils ont donné dans diverses publications le résultat de leurs recherches en ce qui concerne les mollusques 144 MOLLUSQUES MARINS terrestres. On connaît peu les espèces marines de ces parages. En second lieu, Webb et Berthelot ont étudié les mollusques des Canaries ; et M. d'Orbigny, réunissant les matériaux rapportés par ces deux naturalistes et ceux qu'il avait lui-même amassés, a publié un fort beau travail d'ensemble sur la conchyliologie marine et terrestre de cet archipel. Depuis, Blauner paraît avoir exploré de nouveau ce groupe, et le résultat de ses recherches a été mis au jour par M. Shutlleworth. Seules, les Açores et les îles du Cap-Vert n'ont encore été l'objet d'aucune publication spéciale; et pourtant ce sont peut-être les deux groupes les plus importants de cette partie du globe. Les Açores, qui appartiennent au Portugal, se composent de neuf îles ainsi nommées San-Migùèl, Santa-Maria, Terceira, San-Jorge, Pico, Fayal, Graciosa, Florès, Corvo ; elles sont comprises entre 39° 45' et 36° 50' de latitude Nord, et entre 27° et 33° 40' de longitude Ouest. Pendant le printemps et l'été de l'année qui vient de s'écouler, j'ai exploré ces îles avec M. Arthur Môrelet, de Dijon, et durant les cinq mois de mon séjour dans cet archipel où bien peu de naturalistes ont encore pénétré, j'ai recueilli les mollusques terrestres, les mollusques marins, les vertébrés, les insectes coléoptères, les zoophytes, les plantes et les roches. Mon savant compagnon de voyage devant publier bientôt une histoire des mollusques terrestres que nous avons observés il n'y a pas une seule coquille fluviatile aux Açores, je laisserai en- DES ILES AÇORES. 145 tièrement de côté cette partie de mon exploration, pour ne m'occuper ici que des mollusques marins. Les conchyliologues remarqueront sans doute une certaine analogie entre la faune des Açores et celles de la Corse, de la Sicile, du golfe de Naples, et il leur suffira, pour apprécier ces rapports, d'ouvrir les catalogues de Payraudeau, de Requien, de Philippi, de Maravigna et de Scacchi. Il sera facile également de se convaincre que la plupart des espèces mentionnées dans notre opuscule se retrouvent soit dans la Méditerranée, soit aux îles Canaries, soit enfin dans a mer des Antilles, fait que la position des Açores, intermédiaire entre ces différents points, explique parfaitement. D'un autre côté, on sera surpris peut-être de trouver cette faune moins riche que celles des régions que je viens de citer, moins riche aussi que celles des côtes du midi de la France, de la Sardaigne, du golfe Adriatique,et de plusieurs autres contrées analogues par leur constitution géologique et leur latitude. Spécialement, elle est plus restreinte que celle,des îles Canaries, où l'on trouve, selon M. d'Orbigny, 196 espèces de mollusques, dont 139 marines et 57 terrestres ou fluviatiles, tandis que notre catalogue ne comprend que 75 espèces marines, dont cinq, seulement sont nouvelles 1; mais l'archipel canarien, par sa proximité du tropique et du continent 1 L'ouvrage de M. Morelet comprendra l'indication de 70 espèces environ de mollusques terrestres, dont près de 30 sont inédites! 146 MOLLUSQUES MARINS africain, se trouve évidemment dans des conditions plus heureuses. En outre, je n'ai observé aucune des espèces rares du Portugal, telles que le Fusus contrarius, le Priamus stercus-pulicum, le Donax fragilis, le Panopoea Aldrovandi, et plusieurs autres qui se rencontrent quelquefois sur les côtes occidentales de la Péninsule, et que j'avais l'espoir de retrouver dans l'archipel açoréen ; enfin, il n'y a point d'huître dans ces parages, tandis qu'on en trouve au moins deux ou trois sur les côtes de Portugal, et deux aussi aux Canaries les Ostrea cochlear et crista-galli. A quoi donc attribuer le peu de développement de la vie malacologique s'il est permis de s'exprimer ainsi dans l'océan qui baigne des rivages enveloppés par un ciel si doux ?... Est-ce à la nature des roches, qui sont toutes basaltiques et trachytiques, ou bien à la profondeur énorme de la mer le long des côtes, ou bien à la conformation même de ces côtes, qui sont accores, presque toujours à pic et sans plage, ou bien encore, et surtout, à la violence continuelle des vagues qui battent sans cesse les rivages avec une fureur extrême ?... Sont-ce toutes ces causes réunies qui produisent ce résultat?... Je ne saurais me prononcer ; mais je ne puis mieux comparer la rareté de la vie animale sur les côtes de cet archipel qu'à celle reprochée, par M. de Quatrefages, à certains points de la Sicile 1. J'ai quelquefois parcouru plusieurs lieues de côte et des plages d'une 1 Souvenirs d'un naturaliste. Paris, 1854; 2 vol. in-18; passim. DES ILES AÇORES. 147 certaine étendue sans voir une seule coquille, soit vivante, sur les rochers, soit morte, sur le sable, apportée par les flots. Cependant la température de la mer est extrêmement douce et égale dans ces parages, et elle est encore entretenue dans cet état par le passage du Gulf-stream, dont la présence a été signalée au nord et à l'ouest de l'archipel 1. J'avais d'abord pensé au manque de végétation sous-marine comme pouvant être une des causes de la rareté des mollusques dans ces localités. Mais j'ai bien vite abandonné cette idée quand j'ai songé aux masses énormes de Fucus dont on a constaté l'existence dans ces mers au point de les faire nommer mar de Sargasso!, et quand j'ai pu vérifier moimême ce fait autour des îles de Florès et de Corvo, où la mer est littéralement couverte d'algues à certaines époques de l'année 2. Peut-être aurais-je fait une moisson plus abondante si j'avais pu mettre à profit la rencontre que je fis de 1 Voyez de Humboldt, Voyage aux régions équinoxiales du Nouveau Continent; Tableaux de la Nature, etc. — J'ai recueilli, sur les côtes de Florès, des graines de Mimosa scandens charriées par ce courant depuis l'Amérique tropicale. 2 Les Açoréens donnent le nom de Sargasso à plusieurs plantes marines de la famille des Algues et de l'ordre des Fucus, particulièrement aux Sargassum vulgare Ag., bacciferum Ag. et stenophyllum Mart. Dans les parages de Florès et de Corvo, la mer est quelquefois couverte d'une telle quantité de ces Fucus, que les insulaires l'ont appelée mer de Sargasso mar de Sargasso; c'est ce que les anciens navigateurs espagnols nommaient des prairies praderias de yerva. Cest avec ces plantes, de petits coquillages et des fragments de polypiers que les jeunes 148 MOLLUSQUES MARINS ces prairies de la mer, comme les appellent les anciens auteurs espagnols, et si j'avais pu porter mes investigations a une certaine profondeur. Malheureusement, les circonstances ne m'ont pas servi pour tout cela, et mes recherches ne se sont guère étendues qu'aux espèces qui habitent le littoral. Je me suis adressé aux pêcheurs, qui sont nombreux, notamment dans les îles de San-Miguel et de Pico ; mais leur concours a été, je puis le dire, on ne peut pas plus faible, ils ne comprenaient pas qu'on pût venir de si loin pour ramasser de semblables choses, et je n'ai jamais pu les décider, ni pour or ni pour argent, à me rendre, sous ce rapport, de véritables services. Ils n'aiment pas, d'ailleurs, à rien changer à leurs habitudes. C'est un pêcheur de Pico qui, me voyant déployer une certaine ardeur à la recherche des petits mollusques terrestres, dit un jour confidentiellement à mon muletier C'est bien dommage, mais ce seigneur français est pris de là ! » et en disant ces mots, il se touchait le front d'une manière très-significative. Au reste, il faut bien le reconnaître, pour étudier convenablement la conchyliologie marine, il est indispensable d'habiter longtemps une contrée. Ce n'est pas au bout de quelques mois de séjour et de recherches plus ou moins suivies, qu'on peut se flatter de connaître la faune d'une région un peu étenfilles étenfilles Fayal lesquelles, pour le dire en passant, sont avec celles de San-Miguel les plus industrieuses et les plus adroites de l'archipel composent, avec infiniment de goût et d'habileté, des groupes très-remarquables par l'heureuse combinaison des couleurs et la délicatesse des matériaux. DES ILES AÇORES. 149 due, surtout d'un archipel. L'on pourra signaler les espèces vulgaires et sédentaires, mais combien d'espèces rares ou voyageuses vous auront échappé ! Il est donc nécessaire de ne considérer ce catalogue que comme un premier essai, un premier jalon planté sur la route, indiquant les mollusques marins les plus communs des Açores, et je ne serais point étonné si le nombre en était un jour doublé. D'ailleurs, j'aurais pu enrichir ma liste de plusieurs autres espèces signalées dans des régions voisines et analogues ; mais je ne l'ai pas voulu faire, me bornant à indiquer ce que j'ai moi-même observé. Quoiqu'il en soit, il est à remarquer que certaines espèces prédominent dans ces parages, et reparaissent fréquemment sur les côtes au préjudice ou à l'exclusion de toutes autres. Elles y sont presque toujours réunies par groupes assez nombreux, et depuis longtemps déjà les indigènes ont tiré parti de ces-espèces sédentaires, dont la prise de possession des localités est parfaitement assise et assurée, au point de vue de l'alimentation. Telles sont, par exemple, le Patella crenata et les autres espèces du genre, qui peuvent être regardées comme les mollusques essentiellement prédominants sur les côtes açoréennes ! , le Balanus tintinnabulum, le Purpura hoemastoma, le Littorina striata, toutes édules, et très-abondantes sur presque toutes les côtes de l'archipel ; telles sont encore l' Anatifa loevis et les Haliotis, non moins répandues que les précédentes ; et enfin, les Pecten pusio, Cardium fasciatum et Columbella rustica, qui pullulent également sur le littoral de plusieurs îles. D'-autres, au contraire, sont fort rares et ne se rencontrent pour ainsi dire qu'accidentellement, 150 MOLLUSQUES MARINS amenées de lointains rivages par les courants, ou soulevées des profondeurs de l'Océan par la tempête. Tel est le cas, par exemple, du Carinaria fragilis, dont on ne connaît guère qu'une capture ou deux près de l'archipel, du Janthina exigua, du Solarium luteum, du Nassa Deshayesii, des Litiopa nitidula et Gratelupeana, du Solen marginatus, et de quelques autres encore, qui ne sont que de passage ou accidentelles, si l'on peut s'exprimer ainsi. Cependant, de la rareté des mollusques en général, il ne faudrait pas conclure à la complète extinction de la vie animale dans la mer des Açores et sur ces côtes éminemment volcaniques, trop souvent éprouvées par des tremblements de terre. C'est ainsi que l'on rencontre fréquemment dans ces parages plusieurs grands mammifères de l'ordre des Cétacés, notamment le Catodon macrocephalus ou cachalot, qui fait l'objet d'une pêche active et étendue de la part des baleiniers américains, le Phocoena communis marsouin qui est abondant, et d'autres espèces des genres Delphinus, Physeter et Baloenoptera. Une centaine environ de bà timents croisent annuellement dans la mer des Açores pendant la belle saison, c'est-à dire depuis le mois d'avril jusqu'en novembre, et se livrent exclusivement à cette pêche, ou plutôt à ce genre de chasse, qui a ses dangers. L'on pêche souvent, et l'on mange une tortue d'assez forte taille et de grands crustacés correspondant à nos homards et à nos langoustes. Les poissons sont nombreux en espèces et extrêmement abondants en individus. C'est la base de la nourriture de toutes les classes, riches et pauvres, et la profession de pêcheur est, entre toutes, celle qui DES ILES AÇORES. 151 compte le plus de représentants. Chaque matin, des centaines de barques s'éloignent de la côte et vont demander aux innombrables phalanges qui sillonnent l'Océan un pain quotidien. Quelquefois la pêche a lieu pendant la nuit, surtout pour les tortues, les langoustes et les homards, et plus d'une fois j'ai vu les côtes éclairées, de distance en distance, par des feux dont la signification m'était d'abord inconnue, mais que le navigateur voit toujours avec plaisir. — Il n'est pas un voyageur, dit M. Berthelot, qui, en traversant l'Atlantique, n'ait observé comme moi ces brillantes coryphènes et les bonites légères qui se jouent dans le remou, les poissons pilotes qui s'attachent au vaisseau et se plaisent dans son écume, les légions de thons, dont la pêche providentielle fait la joie de l'équipage, et ces dauphins navigateurs que le marin signale de loin comme un heureux présage avant-coureurs d'un vent frais, ils arrivent du bout de l'horizon, bondissent sur la lame comme pour saluer le navire, plongent sous sa quille, le croisent dans sa marche, s'éloignent et reviennent dans un clin-d'oeil pour recommencer vingt fois leurs évolutions. Et le terrible requin, aux sinistres traditions, toujours de l'arrière, prêt à engloutir ce que la fatalité, le hasard ou la ruse viendront offrir à sa voracité 1. » — Ces poissons paraissent appartenir plus particulièrement aux genres Zeus, Mugil, Thynnus, Zigoena, Xiphias, Serranus, Scomber, Caranx, Sparus, Boops, etc. Je me souviens d'en 1 De la Pêche sur la côte occidentale d'Afrique, par Sabin Berthelot. Paris, 1840; in-8°, page 57. 152 MOLLUSQUES MARINS avoir vu sur les marchés qui ressemblaient,; pour la forme, à de grands serpents marbrés de noir et de jaune. Les polypes et les coraux paraissent aussi assez répandus, surtout autour de San-Miguel, de Fayal et de Pico. Hien de plus élégant que le Gorgonia verrucosaet plusieurs autres espèces coralligènes qui étendent leurs rameaux tantôt flexibles, tantôt rigides, comme des palmes délicates ou comme des fleurs pétrifiées. On rencontre encore assez communément plusieurs échinides et stellérides, notamment les Echinus brevispinosus et lividus, dont les baigneurs redoutent les pointes acérées, et les Asterias glacialis et loevigata vulgairement étoiles de mer, dont les formes insolites causent un certain effroi à l'ignorance et à la crédulité. Enfin la mer est souvent parsemée, sur des espaces considérables, d'acalèphes de toutes les couleurs, surtout de Méduses jaunâtres et de Béroés. La géographie zoologique est une science d'une haute importance et d'un intérêt majeur elle indique la sphère d'activité de chaque espèce animale, et circonscrit les limites qui lui sont propres. C'est une des branches principales de la philosophie de l'histoire naturelle, et son perfectionnement se poursuit, de nos jours, avec une louable ardeur. Tel est le but que se sont proposé tous les auteurs de catalogues locaux travail ingrat et aride!; tel est celui que je me propose encore aujourd'hui en publiant DES ILES AÇORES. 153 le Catalogue des Mollusques marins des îles Açores, pour lequel j'ai adopté la classification proposée dans le Genera de Sander Rang. Je dois une mention spéciale à M. ERNEST DO CANTO, de San-Miguel, pour l'obligeance avec laquelle il m'a secondé dans mes recherches et fait part de ses propres découvertes je la lui donne avec le sentiment d'une amitié sincère et le plaisir de la reconnaissance. Le savant M. DESHAYES, de Paris, a bien voulu se charger du soin de réviser et de nommer la plupart de mes espèces je saisis avec empressement cette occasion de publiquement ma gratitude, et je suis heureux de pouvoir m'appuyer sur l'autorité de son nom et de son talent, comme la garantie la plus sûre de l'exactitude des déterminations spécifiques inscrites dans cet opuscule. Arcis-sur-Aube, août 1858. 154 MOLLUSQUES MARINS PRINCIPAUX OUVRAGES CONSULTÉS AUTEURS CITÉS. ADANSON. Histoire naturelle du Sénégal. Coquillages. Paris, 1757; in-4° avec planches. LIMNÉ. Systema naturx. Ed. XII. Holmiae, 1766-1767; 3 vol. in-8°. GMELIN. Systema naturae. Ed. XIII Leipsig, 4788-4790; 10 vol. in-8°. BRUGUIERE. Histoire naturelle des Vers. Encyclopédie méthodique, tome VI. Paris, 4789-1792; in-4° av. pl. MONTAGU. Testacea Britannica. London, 1803; 2 vol. in4° av. pl. BROCCHI. Conchyliologia fossile subapennina. Milan, 4844 ; 2 vol. in-4°. LAMARCK. Histoire naturelle des Animaux sans vertèbres. Paris, 1843-4822 ; 7 vol. in-8°. FÉRUSSAC. Tableaux systématiques des Animaux mollusques. Paris 4824; in-40. TURTON. Conchylia insularum Britannicarum. Exeter, 4822; in-4°av. pl. PAYHAUDEAU. Catalogue descriptif et méthodique des Annélides et des Mollusques de l'île de Corse. Paris, 4 826 ; in-8° av. pl. DES ILES AÇORES 155 Risso. Histoire naturelle des principales productions de l'Europe méridionale. Paris, 4826; 5 vol. in-8° av. pl. RANG. Manuel de l'histoire naturelle des Mollusques. Paris, 4829; in-48. A. D'ORBIGNY. Mollusques, Echinodermes, Foraminifères et Polypiers, recueillis aux îles Canaries par MM. Webb et Berthelot. Paris, 4839 ; in-4° av. pi. In Webb et Berthelot, Histoire naturelle des îles Canaries. REEVE. Conchologia iconica. London, 4843-4858; in-4° av. pl. DUNKER. Index molluscorum quse in itinere ad Guineam inferiorem collegit Georgius Tams. Cassel, 4853; in-4° av. pl. A. D'ORBIGNY. Mollusques vivants et fossiles. Paris, 4855 ; in-8°. Volume contenant la Monographie des Céphalopodes acétà buliféres. T. XXII. 12 156 MOLLUSQUES MARINS CÉPHALOPODES. Genre ARGONAUTE, ARGONAUTA Lam. t. Argonatrta Argo Lin. Cette belle espèce, répandue dans les collections, et connue vulgairement sous le nom de Nautile papyracé, se rencontre de temps à autre aux Açores, surtout dans les parages de Fayal et de Pico. J'en ai vu de très-grands exemplaires chez M. Dabney, à Fayal, ainsi que de charmants polypiers. L'Argonaute est un des plus beaux animaux marins que l'on puisse observer. Sans parler de la coquille, qui est l'élégance même, l'animal est blanc dans toutes ses parties, mais orné de fines mouchetures et pointillures des couleurs les plus vives et les plus agréables. Il y en a de rouges, de brunes, de violettes, lie-de-vin, argent, or, bleues, et plusieurs autres nuances ; le tout disposé avec art, suivant les diverses parties du corps. L'exemplaire que j'ai rapporté a été capturé près d'Horta, et il vivait encore quand je le reçus à Pico. En détachant l'animal que je désirais conserver dans l'alcool de sa fragile enveloppe, je trouvai dans celle-ci une masse d'oeufs, petits, ovalaires, d'un blanc un peu laiteux. Certains tests mesurent jusqu'à 2 décimètres de grand diamètre. DES ILES AÇORES. 157 Genre POULPE, OCTOPUS Lam. 2. Octopus vulgaris LAM. Grande et belle espèce, d'un gris violet, marbrée de,taches de rouille foncées. Hauteur 5 décimètres, et même plus. Habite en abondance les côtes de San-Miguel; édule pour le bas peuple. Les pêcheurs m'ont dit que ce mollusque répandait une lumière phosphorescente pendant la nuit, mais je n'ai pu m'assurer du fait. Observation. J'ai tout lieu de croire que ce n'est pas là la seule espèce du genre Octopus ou même des genres voisins qui se trouve aux Açores. On m'en a signalé une autre plus petite et d'une couleur différente, que je n'ai pu réussir à me procurer. Je suppose que c'est l'Octopus Cuvieri d'Orb. qu'on rencontre également sur les côtes des îles Canaries. Genre ONYCHOTEUTHIS, ONYCHOTEUTHIS Licht. 3. Onychoteuthis cardioptera PÉR. LOLIGO. M. d'Orbigny Mollusques des îles Canaries, 1839, p. 25 désigne ce Céphalopode comme se trouvant dans les parages des Açores, principalement dans les bancs de sargasso ; je l'indique sur la foi de cet auteur. 158 MOLLUSQUES MARINS Genre CALMAR, LOLIGO Lam. 4. Loligo vulgarle LAM. Espèce très-connue, commune dans l'Océan Atlantique. Les pêcheurs de San-Miguel la capturent fréquemment je l'ai vue sur le marché à Porita-Delgada, avec l' Octopus vulgaris. Genre SEICHE, SEPIA Lin. 5. Septa officinulis LIN. Avec la précédente côtes de San-Miguel et de Pico. Genre SPIRULE, SPIRULA Lam. 6. Spirula Peronli Lui. Quelques rares exemplaires ont été recueillis dans la petite baie de Rosto-de-Câo, à San-Miguel, par M. Ernesto do Canto. La présence de cette espèce, sous cette latitude, est un fait intéressant. Lamarck ne l'avait signalée que comme appartenant aux mers australes et à l'Océan des Moluques. Depuis, d'Orbigny l'a rencontrée en grande abondance aux Canaries, à SantaCruz-de-Ténériffe Mollusques des Canaries, 4839, p. 24 et 25, et elle. est indiquée par Dunker Index moll. ilin. ad Guineam, 1853, p. 1, comme ayant été recueillie dans le voisinage de l'île Saint-Vincent. DES ÎLES AÇORES. 159 Suivant d'Orbigny Moll. viv. et foss. 1855, p. 316, cette coquille serait même jetée quelquefois sur les côtes d'Europe par les vents et les courants. C'est ainsi que, de jour en jour, l'aréa des espèces tend à s'agrandir et prend une extension nouvelle. MÉTÉROPODES. Genre CARINAIRE, CARINARIA Lam. 7. Carinarla fragilis LAM. J'ai vu, chez M. Dabney, un exemplaire de cette rare et curieuse espèce. Il avait été capturé dans la mer des Açores. non loin de l'île de Fayal. C'est à peu près, m'a ton dit, la seule rencontre qui en ait été faite dans ces parages. Quoique je n'aie pas rapporté cette coquille, et que ce soit de mémoire et d'après mes notes que je la désigne ainsi, je crois pouvoir affirmer que ma détermination est exacte. GASTEROPODES Genre BULLE, BULLA Lam. 8. Bulla striata BRUG. Habite lés rivages de Fayal et de Pico. — Me paraît une variété chez laquelle les stries caractéristiques du type sont à peine apparentes. 160 MOLLUSQUES MARINS Genre PIÉTIN, PEDIPES Adans. 9. pedipes afra FÉR. Jolie petite coquille de forme ovoïde, imperforée, profondément et régulièrement striée dans le sens de la spire stries espacées, d'un gris jaunâtre, terne, solide ; six tours de spire séparés par une suture peu sensible, le dernier très-grand; ouverture grimaçante, munie de quatre à cinq dents ou lames d'un blanc de lait très-luisantes, savoir deux plis et une lame très-saillante sur le bord columellaire, et une ou deux dents sur le bord droit, lequel est tranchant quoique légèrement épaissi. Suivant Adanson Histoire naturelle du Sénégal; Coquillages; p. 11, pl, 1 ; 1757 qui,, le premier, a fait connaître le Piétin et qui l'a très-bien décrit et figuré, la grosse lame de la columelle partage le pied de l'animal en deux talons, séparés par un large sillon transversal. Ce mollusque habite le creux des rochers au bord de la mer, à Pico, dans la partie occidentale de l'île. Il peut rester un certain temps hors de l'eau, car les rochers sur lesquels on le rencontre sont tantôt envahis par les vagues et tantôt à découvert. Il vit en compagnie de l'Auricula oequalis Lowe 1 que, par parenthèse, je suis porté à considérer comme un mollusque tout aussi marin que le Pedipes afra, et 1 L'Auricula oequalis, ainsi que je viens de le dire, vit avec le Pedipes afra, sur les rochers au bord de la mer, particulièrement près des sources d'eau saumâtre. Selon la violence des vagues et les marées, ces rochers sont tantôt submer- DES ILES AÇORES. 161 se nourrit des algues qui croissent en abondance dans ces localités. Genre LITTORINE, LITTORINA Fér. 10. Littorina coerulescens LAM. TURBO. Habite sur les rochers, le plus souvent hors de l'eau, à Santa-Maria et à Pico. Peu abondante. Le Littorina Basterotii, décrit par Payraudeau, Mollusques de l'île de Corse, 1826; p. 115, pl. 5, fig. 19-20, paraît n'être qu'une variété différemment colorée de cette espèce. 11. Littorina striata Kiso. Habite les côtes de San-Miguel et de Pico, sur les rochers submergés. Très-abondante. Les Açoréens la mangent et l'appellent caramujo. Facile à distinguer de la précédente espèce par sa taille beaucoup plus forte et par les côtes transversales dont sa surface est ornée. Le bord droit du péristôme est légèrement plissé-ondulé. Genre VERMET, VERMETUS Adans. 12. Vermettut triqueter LIN. SERPULA. Habite fixé sur les , rochers et sur d'autres coquilles plus grosses le Pinna rudis, par exemple, à gés. tantôt laissés à découvert. Que penser de la place à assigner à un mollusque vivant dans de semblables conditions? Est-il aquatique,' est-il terrestre, ou n'est-il pas plutôt amphibie?....' 162 MOLLUSQUES MARINS San-Miguel. – Deux variétés l'une d'un jaune rosé, très-côtelée; l'autre blanchâtre, moins rugueuse peut-être une autre espèce?.... Genre JANTHINE, JANTHINA Lam. 13. janthina communis LAM. Cette élégante coquille, violette et blanche, se rencontre; assez fréquemment sur les côtes, à Pico. Quelquefois on trouve, implantés sur là suture du deuxième tour de spire, de très-jeunes individus d'Anatifa. L'animal, qui est d'un violet foncé, répand, quand on le tourmente, une bave abondante, incolore, assez consistante; et en outre, au bout de quelque temps, une belle teinture violette. Les gens de Pico appellent ces mollusques agda viva eau vive, et ils prétendent qu'ils s'attachent aux jambes des baigneurs. 14. Janthina exigua LAM. Très-petite coquille ovale-conoïde, subperforée, finement et régulièrement striée-côtelée dans le sens longitudinal ces stries forment angle au milieu du dernier tour de spire, ce qui fait paraître la coquille comme très-légèrement carénée, violette et blanchâtre dans la partie supérieure du dernier tour, mince et fragile; cinq à six tours de spire convexes, suture assez profonde, dernier tour très-grand, les deux premiers lisses et brillants, sommet assez aigu; columelle rectiligne, péristôme tranchant, sinué. — Hauteur 5, diamètre 4 millimètres DES ILES AÇORES. 163 Rare; deux ou trois individus trouvés à Pico, sur les rochers au bord de la mer, avec le Pedipes afra. J'en ai vu encore quelques exemplaires sur les groupes en sargasso 1 que composent avec tant d'art et d'adresse les jeunes filles de Fayal. Facile à distinguer de la précédente par sa taille beaucoup plus petite et par l'absence des stries transversales. Observation. — Les Janthines sont des mollusques flottants. Je les ai vues souvent dans le voisinage des côtes tenir leur coquille renversée comme pour ramper à la surface de la mer, et se laisser aller au gré des vagues, en attendant sans doute la rencontre de quelque plante. Souvent aussi elles deviennent la proie d'animaux supérieurs en force ou en gloutonnerie. Genre LITIOPE, LITIOPA Rang. 15. Litiopa nitidula PREIFF. Testa ovato-turrita, solidula, loevigata, nitide alba vel flavida, soepe punctorum rubrorum seriebus ornata ; anfractibus sex convexiusculis ; columella torta, truncala; labro subincrassato. — Long. 2 1/2, diam. 1 1\4 lin. Pfeiff. Wiegm. Arch. 1840, I, page 255. Sur le sargasso, à l'ouest et au sud de l'archipel des Açores. Rare. 16. Litiopa Crafelupeana Nos. Figurée. Testa oblonga, acutissima, lucida, cornea, anfractibus 8-9 sutura superficiali separatis, ultimo maximo, aper1 aper1 le préambule, page 147, note en bas de page. 164 MOLLUSQUES MARINS tura obliqua, angusta, marginibus distinctis. — Haut. 5, diam. 2 mill. Habite sur le sargasso, entre Florès et Corvo; peu abondante. Je dédie cette espèce à mon excellent collègue et ami, M. le docteur de Grateloup, de Bordeaux, auteur de plusieurs travaux remarquables sur la conchyliologie. Genre TROQUE, TROCHUS, Lin. 17. Trochus conulus Lin. Habite la côte méridionale, à San-Miguel. Coquille variable dans sa coloration ; le le plus souvent elle est,d'un roux brunâtre avec des taches bleuâtres. 18. Trochus erythroleucos GMEL. Coquille petite, conique-aigue, imperforée, fortement striée-côtelée dans le sens de la spire, avec des pointillures entre les stries, surtout à la région supérieure, roussâtre ou rosâtre, avec de petites flammules jaunes ou blanches; sommet aigu, rougeâtre; péristôme rose.— Hauteur 10, diamètre de la base 5 millimètres. Habite San-Miguel, particulièrement sur la côte méridionale. 19. Trochus magus LIN. Quelques individus jeunes ont été recueillis dans la baie de Rosto-de-Câo, à San-Miguel. 20. Trochus En outre des trois espèces qui précèdent, j'ai re- DES ILES AÇORES. 165 cueilli dans le sable, à Pico, un Trochus plus grand et distinct, mais tellement roulé et endommagé, que sa détermination spécifique a été impossible. Genre CADRAN, SOLARIUM Lam. 21. Solarium luteum LAM. Coquille sous-conoïde, ombiliquée ombilic orné de crans blancs, lisse, bicarénée, jaunâtre, avec des taches blanches sur les carènes, plus pâle en dessous ; cinq tours de spire convexes; bord columellaire blanc, un peu réfléchi. — Hauteur 5, diamètre 7 1/2 millimètres. Habite la côte méridionale de San-Miguel. Trèsrare. Genre SCALAIRE, SCALARIA Lam. 22. Scalaria pseudoscalaris Risso. Charmant coquillage à test brun orné de côtes blanches, très-élégantes; sommet blanc, très-aigu; péristôme blanc, bordé. — Hauteur 13, diamètre grand 6 millimètres. Habite lès côtes de San-Miguel. Genre CÉRITE, CERITHIUM Adam. 23. Cerithium zebrum KIEN. Un exemplaire, roulé et décoloré, a été recueilli dans le sable à Rosto-de-Câo, de San-Miguel ; un autre à Magdalena, de Pico. 166 MOLLUSQUES MARINS 24. Cerithium tunerculare MONT. Elégante et jolie petite coquille subfusiforme, grisâtre et brunâtre, fortement striée transversalement, et côtelée tuberculeuse; ouverture rétrécie aux deux extrémités, canaliculée inférieurement ; 8-9 tours de spire, suture très-superficielle. — Hauteur 10, diamètre 4 millimètres'. Habite Fayal. Rare. Genre BUCCIN, BUCCINUM Adans. 25. Buccinum vulgatuni GMEL. Gmelin Sysl. nat., éd. XIII, p. 3496, n° 120 caractérise ainsi cette coquille, commune, suivant lui, aux Açores Testa ventricoso-oblonga, striis longitudinalibus pliciformibus transversas subtiliores undulatas decussantibus, et il cite des figures de Séba et de Martini rapportées au Buccinum reticulatum L. Dilwyn Descr. Catal, t. II, p. 637, n° 120 rapporte ce Buccin au B. reticulatum de Linné, et il cite des figures de Pennant et de Da Costa qui cadrent également avec l'espèce linnéenne. Il indique les Açores, d'après-Adanson. Adanson Hist. nat. Sénég., p. 114, t. 8, f. 9 lui donne le nom de Covet, et l'a observé à Fayal. Je n'ai pas vu ce Buccin aux Açores. Genre POURPRE, PURPURA Lam. 26. Purpura hoemaatoma LIN. BUCCINUM. Très-commune sur les rochers du littoral de San- DES ILES AÇORES, 167 Miguel et de Santa-Maria. Se trouve également dans les autres îles de l'archipel. Edule. Les indigènes nomment ce mollusque buzio. Coquille facile à reconnaître à son ouverture orangée, et aux plis de son bord droit; recouverte de son drap marin, elle est d'un cendré blanchâtre. De jeunes Balanus vivent souvent sur cette espèce. Genre NASSE, NASSA Lam. 27. Nassa Ascantas BRUG. BUCCINUM. Très-répandue dans tout l'archipel, mais surtout sur le littoral de San-Miguel et de Pico. — Varie beaucoup dans sa coloration. 28. Nassa aspcrula BROCCHI. BUCCINUM. Habite San-Miguel. Peu abondante. Se distingue de la précédente par sa forme plus allongée, moins ventrue, par ses côtes moins saillantes, et en général par un faciès plus élégant. Sa coloration est, le plus souvent, rosâtre ou roussâtre. 29. Nassa neshayesii NOB. Figurée. Testa conico-acuta, grosse coslata, violacea cum fasciis brunneis minulis, crassa, solida; anfractibus 8; apertura ovali-acuta, crassissima, candida, plicata; margine columellari reflexo, altero marginato, 8-plicato. Coquille conique-aiguë, munie de fortes côtes longitudinales, d'un gris-violacé, avec des linéoles brunes spirales faisant paraître le test comme strié-plissé, 168 MOLLUSQUES MARINS épaisse et très-solide ; huit tours de spire ; ouverture ovale-aiguë, très-épâissie, blanche, plissée-crénelée, bord columellaire très-réfléchi, bord droit muni d'un fort bourrelet et de huit plis. —Hauteur 15, diamètre diamètre 9 millimètres. Habite la côte méridionale de San-Miguel, sur les rochers submergés. Peu abondante. Dédiée à M. Deshayes, continuateur ides ouvrages de Bruguière, de Férussac et de Lamarck, auteur du Traité de Conchyliologie ouvrage malheureusement interrompu, l'un des premiers conchyliologistes de notre époque. Genre CASQUE, CASSIS Brug. 30. Cassis sulcosa LAM. Se rencontre de temps à autre à Pico, sur la côte qui regarde Fayal. Peu abondant. Genre ROCHER, MUREX Lin. 31. Murex imbricatus BROCCHI. Coquille grisâtre, fortement plissée dans le sens de la spire, et munie en outre de grosses côtes longitudinales. L'ouverture est blanche et le bord droit garni de plis nombreux. – Hauteur 18 diamètre 12 millimètres. — Elle paraît aussi voisine des Fusus que des Murex. Habite les côtes de Pico. Assez rare. 32. Murex erinaceus LIN. ? 33. Murex distinctus PHIL. ? 34. Murex varius Sow. ? Ces trois espèces, recueillies avec la précédente à DES ILES AÇORES. 169 Pico, dans le sable, n'ont pu être rigoureusement déterminées à cause de leur mauvais état de conservation. Ce n'est donc qu'avec doute que je donne ces dénominations, surtout pour les deux dernières espèces. Genre TRITON, TRITONIUM Fabr. 36. Tritonium nodirerum LAM. La mer apporte quelquefois quelques beaux exemplaires de cette coquille sur les côtes de Pico, entre Area-Larga et Magdalena. Je l'ai recueillie aussi à San-Miguel, dans la baie de Rosto-de-Câo. 36. Tritonium scroblculator LIN. MUREI. Se trouve avec le précédent, à Pico. Genre COLUMVBELLE, COLUMBELLA Lam. 37. Columbella rustica LIN. VOLUTA. Var. Azorica NOB. Figurée. Cette variété remarquable tient le milieu entre le type du Columbella rustica et le Columbella mercatoria. Elle est légèrement striée, marquée de nombreuses taches d'un brun-rougeâtre sur un fond jaunâtre, quelquefois flammulée. Son ouverture est étroite et très-dentelée. Très-commune dans tout l'archipel. Je l'ai recueillie abondamment sur les côtes de Florès, de Graciosa, de San-Miguel, de Fayal et de Pico. Les femmes de Florès, qui sont très-coquettes, préparent avec ce coquillage différents ornements, notamment des colliers. 170 MOLLUSQUES MARINS 38. Columbella mercatoria LIN. VOLUTA. Le fond de cette espèce est blanc avec des marbrures ou chinures, d'un brun-roux ; elle est striée et même sillonnée. Avec la précédente, mais beaucoup moins abondante. Genre FUSEAU, FUSUS Lam. 39. Fusus corallinus SCACCHI. Cette jolie coquille, haute de 8 millimètres, large de quatre, est rouge de corail ou jaune orangé, ou même brunâtre. Elle est très-rugueuse, portant tout à la fois des stries transversales et de fortes côtes longitudinales. L'ouverture en est rose. Elle habite les côtés de San-Miguel. Genre MITRE, MITRA Lam. 40. Mitra loricea LAM. Très-abondante dans les parages de San-Miguel et de Pico. Elle est ventrue dans toutes ses parties et aiguë au sommet. Son épiderme est d'un brun-olivâtre. Sept tours, de spire planes, à peine séparés par la suture, le dernier très-grand, formant plus de la moitié de la hauteur totale; cinq plis sur la columelle.— Hauteur 35, diamètre 13 millimètres. Genre OLIVE, OLIVA Brug. 41. Ollva ? Il a été impossible de déterminer d'une manière DES ILES AÇORES. 171 précise l'espèce à laquelle se rapporte un seul individu de ce genre, roulé et décoloré, recueilli sur les côtes de Fayal. Sa taille et des vestiges de coloration le rapprochent des Oliva candida et oriola. Genre PORCELAINE, CYPRAEA Lin. 42. Cyprsea Iurida Lin. Habite les côtes de Santa-Maria, Fayal et Pico. N'est pas rare. Cette espèce est aisément reconnaissable à sa couleur gris-de-souris, à ses deux zones transversales très-pâles, et surtout aux deux taches noires qui se trouvent à chaque extrémité. Les femmes de Pico emploient ce coquillage en guise d'anneau à clefs. Elles le perforent à la partie antérieure, passent un fil et suspendent leur trousseau de clefs à cet anneau d'un nouveau genre. 43. Cyproea pediculus LIN. Quelques rares exemplaires ont été rencontrés sur le littoral méridional de San-Miguel. Coquille grisâtre, un peu rosée, avec quelques taches brunes; le sillon dorsal n'atteint pas les extrémités. 44. Cyproea pulex SOLAKD. Habite, avec la précédente, à San-Miguel ; recueillie également sur le rivage occidental, à Pico. Cette petite Porcelaine est d'un gris violacé en dessus, blanche en dessous; elle est élégamment striée sur les côtes, lisse à la partie supérieure. — Longueur 9 millimètres. T. XXU. 13 172 MOLLUSQUES MARINS 45. Cypraea producta GASK. D'une taille encore plus réduite que la précédente, cette Porcelaine est très-bombée, élégamment striée dans toutes ses parties et entièrement blanche. — Longueur 8 millimètres. Habite San-Miguel ; recueillie sur la plage à Rostode-Cà o. Genre HALIOTIDE, HALIOTIS Lin. 48. Haliotis tuberculata LIN. Très-abondante sur les côtes de Fayal et de Pico. On la trouve appliquée contre les rochers submergés. Les Açoréens l'appellent lapa burra. Animal noir; quand on l'irrite, il laisse échapper par toutes ses parties une humeur laiteuse. Suivant d'Orbigny Mollusques des îles Canaries, 1839, p. 95, on le mange aux Canaries et sur les côtes de Bretagne il n'est pas édule aux Açores. Le test est presque toujours recouvert de nombreux parasites appartenant aux genres Serpula,Vermelus, Vermilia, Balanus, et de polypiers microscopiques. 47. Ballotta striata LAM. Rencontrée sur les côtes de Fayal. Peu abondante. Distincte de la précédente, en ce qu'elle n'offre pas de tubercules entre les rides et les stries ; n'est peut-être, cependant, qu'une variété. Elle est toujours moins grande. DES ILES AÇORES. 173 48. Haliotis coccinea REEVE. Abondante sur le littoral de San-Miguel. Recueillie également à . Fayal et à Pico. Se distingue des précédentes par sa taille trèsinférieure, son test moins épais, un peu rougeâtre, beaucoup moins rugueux. Ses plis spiraux sont larges, fortement accusés; ils sont traversés par des stries très-fines, surtout visibles dans la partie postérieure, vers le sommet. Sa nacre est fort brillante et porte très-visiblement l'empreinte des plis de la surface. — Longueur 40-45, hauteur 20-25 millimètres. Genre PATELLE, PATELLA Lin. Observation. — Toutes les espèces de ce genre sont édules aux Açores; elles sont connues vulgairement sous le nom de lapa. J'aurais pu en multiplier le nombre; mais j'ai préféré me tenir dans une prudente réserve et ne signaler que les types parfaitement distincts et nettement caractérisés. 49. Pattella candei D'ORB. Coquille plus ou moins convexe suivant l'âge et la taille plus convexe dans le jeune âge, rugueuse, portant des rides longitudinales à peine apparentes, plus ou moins épaisse, mate, grisâtre, ou d'un cendré brunâtre; sommet assez aigu; péristôme formant un ovale régulier; intérieur roussâtre, lisse, un peu nacré surtout vers le sommet. — Longueur 60, diamètre 45, hauteur 20 millimètres. 174 MOLLUSQUES MARINS Habite les côtes de Santa-Maria, notamment la baie de San-Lourerizo. Peu abondante] 60. Patella Gomesil NOB. Figurée. Testa majuscula, subdepressa, rugnsa, costutalo-plicatula, solidula, extus griseo-brunnea vel rufescens, intus nitida, brunnea, margaritacea; vertice ad tertiam longitudinis partent sito, obtuso; apertura ovali, integra. Habite les rochers à fleur d'eau, à Santa-Maria baie de San-Lourenzo et à Pico. Rare. Cette Patelle est assez grande, un peu déprimée, rugueuse, plissée-côtelée plis et côtes plus ou moins apparents, peu épaisse; son sommet est obtus et rapproché du bord antérieur; l'épiderme autant que l'on peut juger sous les végétations qui recouvrent ces coquilles et qui varient leur coloration suivant leur nature est d'un gris roussâtre ou brunâtre, plus rarement rougeâtre ; l'ouverture est un ovale assez régulier, un peu arrondi, quelquefois un peu atténué a la partie postérieure; l'intérieur est roussâtre ou brunâtre, avec une couche légère de nacre bleuâtre, très-brillante. — Longueur 50-60, diamètre 50-53, hauteur 12-15 millimètres. Il est aisé de la distinguer de la précédente espèce à sa forme plus déprimée et moins allongée, à ses. plis et à ses côtes plus saillants, enfin à l'état mousse et obtus de son sommet. Je la dédie à M. le docteur Bernardino Antonio Gomès, premier médecin de Sa Majesté le Roi de Portugal, et botaniste distingué, comme un faible témoignage de mon sincère attacheraient pour lui. DES ILES AÇORES. 175 51. Patella apectabills DUNK. Habite les côtes de Pico. Rare. Cette Patelle est assez grande, plus ou moins épaisse, convexe, très-rugueuse, fortement plissée et côtelée; son péristôme est très-sinueux et crénelé. Son épiderme est d'un brun-rougeâtre. 52. Patella crenata GMEL. Abondante sur les côtes de Santa-Maria. Coquille très-élégante, peu élevée, rayonnée de roussâtre et de brunâtre, extrêmement rugueuse, ornée de plis nombreux, imbriqués, saillants, faisant paraître le test comme hérissé; son intérieur est bleuâtre, sauf le fond qui est blanchâtre; le péristôme est crénelé et sinueux. 53. Patella Lowei D'ORB. Commune à Pico et à Santa-Maria, sur les rochers du littoral. Elle est plus grande que la précédente, roussâtre ou brunâtre, presque toujours recouverte de fucus et de mousses marines, beaucoup moins rugueuse. Elle est fortement striée et plissée, mais Bon lamelleuse ni hérissée ; l'intérieur est bleuâtre avec une grande tache blanche au fond, et quelquefois tout-à fait blanc. — Longueur 70, diamètre 60, hauteur 20 millimètres. Suivant le Catalogue du docteur John Jay 4e édition, 1852, p. 100, n° 2798, le Patella Azorica Nutt. est identique à cette espèce, qu'il indique comme se trouvant à Fayal. 176 MOLLUSQUES MARINS 54. Patella Baudonil NOB. Figurée. Testa majuscula, subelevata, grosse costata, plicata, crassa, solida, extus griseo-viridula, intus candidula; vertice subacuto, submedio; apertura ovali, crenatula. Coquille assez grande, passablement élevée, trèsrugueuse, fortement plissée et côtelée, épaisse, solide; sommet conique, un peu aigu, pas trés-éloigné du centre; épiderme grisâtre ou verdâtre; ouverture ovalaire, avec les bords plissés et crénelés; nacre blanchâtre, avec une grande tache blanche vers le sommet. Cette Patelle est souvent recouverte de Balanes, de Serpules, de Vermets et de divers fucus, de façon qu'il est assez difficile de se faire une idée exacte de sa coloration réelle. — Longueur 60, diamètre 50, hauteur 25 millimètres. Habite les rochers à fleur d'eau, à Santa-Maria et à Pico. Assez abondante. Je la dédie à mon excellent ami le docteur Baudon, de Mouy-de-1'Oise, auteur de différents travaux conchyliologiques, anatomiste et dessinateur très-distingué. Cette dédicace n'est qu'un faible hommage rendu à l'amitié et au talent. Les planches qui accompagnent cet opuscule sont dues à son crayon habile et à son pinceau délicat. 55. Patella nigro-squamosa DUNK. Variet. minor. Dunker rapporte que cette jolie espèce a été découverte par le docteur Tams, aux environs de Horta, où elle est rare. Elle est d'un blanc sale ou jaunâtre, et munie de petites côtes portant des écailles noires, comme hérissées. — Longueur 20-35, diamètre 15-20, hauteur 8-12 millimètres. DES ILES AÇORES. 177 Conf. Dunker Index moll. Guin. infer., 1853, p. 41, n° 110, tab. vu, fig. 4, 5, 6, 7, 8, 9. Je n'ai point rencontré cette coquille, mais mon compagnon de voyage, a rapporté une Patelle qui en est extrêmement voisine, sinon identique. 55. Patella Moreletl NOB. Figurée. Testa subdepressa, rugosissima, coslulato-imbricata, solidula, extus brunneo-viridula, intus subbrunnea, margaritacea, nitidissima; vertice acuto; apertura ovata, plicata. Habite les rochers des bords de la mer, à Fayal. Peu abondante. Celte Patelle n'est pas grande, mais un peu surbaissée, très-rugueuse, fortement plissée-côtelée, avec les côtes chargées d'aspérités imbriquées rendant le test âpre au toucher, comme une lime ou une râpe, peu épaisse ; l'épiderme est brunâtre, entrecoupé de tons verdâtres produits par des végétations; l'ouverture est ovoïde, plissée-crénelée ; nacre brunâtre ou roussâtre, avec un glacis irisé et une tache blanchâtre au sommet; sommet aigu, projeté en avant. Longueur 40, diamètre 30, hauteur 12 millimètres. Elle est voisine, mais cependant distincte, du Patella granularis L. teste cl. Deshayes. Découverte par M. Arthur Morelet, mon compagnon de voyage et ami, auteur de la Description des Mollusques du Portugal, du Voyage dans l'Amérique centrale, à qui je me fais un plaisir de la dédier. 178 MOLLUSQUES MARINS Genre LOTTIA, LOTTIA Gray. 57. Lottia virginea MULL. PATELLA. Coquille très-petite, blanchâtre ou rosâtre, quelquefois blanche avec des rayons roses, ovale-oblongue, assez élevée, avec le sommet dirigé en avant. Pour la forme, elle ressemble beaucoup à un fort Ancylus. — Longueur 10, diamètre 7, hauteur 4 millimètres. Habite Pico, sur le littoral occidental, entre AreaLarga et Magdalena. ACEPHALES. Genre HINNITE, HINNITES Defr. 68. Hinnites sinuosus GMEL. OSTREA. Habite en petit nombre les côtes de San Miguel et de Pico. Espèce aisément reconnaissable aux difformités de ses valves. Rayons nombreux, serrés, rugueux. Couleur roussâtre avec des taches violettes. Genre PEIGNE, PECTEN Brug. 69. Pecten puslo LIN. OSTREA. Habite les côtes de San-Miguel. Commun. Cette espèce est extrêmement variable dans sa co- DES ILES AÇORES. 179 loration elle est tantôt jaune, tantôt orange, tantôt rouge, souvent blanche, quelquefois blanche et violette, ou brune, ou violacée, souvent mouchetée de violet, de rouge ou de brun, avec des passages entre toutes ces nuances. Elle n'atteint pas une forte taille, et sa forme générale est assez constante. 60. Pecten nodulifer Sow. Habite San-Miguel. Peu abondant. Jolie espèce, le plus souvent rouge ou rougeâtre, striée-plissée, portant de grosses côtes inégales, sinueuses et comme noueuses. Genre LIME, LIMA Brug. 61. lima tenera TURT. Coquille blanche, allongée, un peu translucide, fragile, finement et élégamment rayonnée, à bords crénelés. — Longueur 25, hauteur 14 millimètres. Habite San-Miguel. Genre PERNE, PERNA Brug. 62. Perna Rang Manuel, 1829, p. 283 indique, sans la nommer, une espèce de ce genre comme se trouvant aux Açores et aux îles du Cap-Vert. Je n'ai pas été assez heureux pour la rencontrer. Genre AVICULE, AVICULA Brug. 63. Avicula Tarenttna LAM. Jolie espèce, à forme oblique et à test mince, fra- 180 MOLLUSQUES MARINS gile, grisâtre, transparente avec des rayons bruns ; aile obliquement arrondie; valves de grandeur égale, couvertes d'un grand nombre de petites pointes écailleuses. M. Morelet l'a vue sur des polypiers pêchés sur les côtes de Fayal. 64. Avicula Atlantica LAM. Coquille brunâtre, à valves inégales; aile large, arrondie, à peine oblique. Avec la précédente et dans les mêmes conditions. Genre ARCHE, ARCA Lin. 65. Arca navicularis BRUS. Habite les côtes de Pico et de San-Miguel. Assez rare. — L'Arca tetragona, de Lamarck, paraît identique à cette espèce. Genre PINNE, PINNA Lin. 66. Pinna rudis LIN. Quelques individus ont été recueillis sur les côtes de San-Miguel et de Pico. C'est la plus grande coquille marine de ces parages. Lors de mon passage à Lisbonne, au retour de mon exploration des Açores, j'ai eu l'honneur de remettre un magnifique exemplaire de cette espèce à S. M. le Roi de Portugal, qui a bien voulu l'accepter pour son Musée particulier. Depuis mon retour en France, j'ai également eu l'honneur d'adresser à Sa Majesté, de concert avec M. Morelet, une collection des coquilles tant terrestres que marines de l'archipel des Açores, collection destinée au Musée du Roi. DES ILES AÇORES. 181 Genre CARDITE, CARDITA Brug. 67. Cardita sinuata BRUG. Habite Pico, sur la plage, entre Area-Larga et Magdalena. Rare. Plus abondante à San-Miguel, sur la côte du sud. Coquille grisâtre ou blanchâtre, avec des bandes brunes transversales, sinueuse inférieurement; côtes très-élevées, rugueuses, imbriquées; intérieur blanc et brun. Genre BUCARDE, CARDIUM Lin. 68. Cardium fasciatum MONT. Habite les côtes de San-Miguel. Très-commune. Petite coquille globuleuse, subarrondie, très-solide, blanche avec des zônes roussâtres, munie de côtes larges, aplaties, portant de petits tubercules en avant et en arrière, et dont les interstices sont ponctués; crochets aigus, recourbés ; intérieur blanc et violet, strié sur les bords. Genre ERVILIE, ERVILIA Turt. 69. Ervilia castanea MONT. DONAX. Très-commune sur la côte méridionale de SanMiguel. Genre TELLINE, TELLINA Lin. 70. Tellina incarnata LIN. Très-abondante à San-Miguel, sur le littoral méridional. Jolie espèce très-aplatie, lisse, luisante, blanche 182 MOLLUSQUES MARINS en dehors, le plus souvent orangée ou saumonée en dedans quelquefois toute blanche ou toute saumonée, très-faiblement rayonnée. Sa longueur est de 30 à 35 millimètres. Genre CYTHÉRÉE, CYTHEREA Lam. 71. Cytherea Chlone LIN. VENUS. De jeunes exemplaires ont été récoltés â San-Miguel, avec les espèces qui précèdent. Peu abondante. Genre SOLEN, SOLEN Lin. 72. Solen marginatus PULT.. Habite les côtes de San-Miguel; assez rare. Longueur 10 centimètres. CIRRHOPODES. Genre ANATIFE, ANATIFA Brug. 73. Anatifa loevis LAM. Habite Graciosa et San-Miguel ; abondante. Pendant une traversée entre les îles de Graciosa et de Florès, dans le courant de juillet, j'ai été à même de constater avec quelle abondance cette espèce se multiplie au milieu de certaines circonstances favorables. Les matelots du yacht sur lequel j'étais DES ILES ACORES. 183 monté le Santa-Cruz, de Fayal aperçurent une énorme poutre flottante, amenée sans doute des côtes d'Amérique par le Gulfslream ou débris de quelque navire naufragé, et s'empressèrent de la capturer. Quand cette poutre fut hissée sur le pont, quelle ne fut pas la surprise de tout l'équipage en reconnaissant qu'elle était recouverte de toutes parts par des masses compactes d'Anatifes ! Ces animaux étaient tellement serrés les uns contre les autres, qu'il eût été impossible d'en placer de nouveaux individus, à moins de les superposer, et cela, sur toutes les faces du madrier. J'en mis un bon nombre dans l'esprit-de-vin, après quoi les matelots s'étant armés de hachettes et de couteaux, débarrassèrent leur prise de sa bizarre enveloppe. Ils appellent l'Anatife buzano. Sur ce singulier asile vivaient également des annélides, de petits crabes, et d'autres animaux inférieurs. Genre BALANE, BALANUS Brug. 74. Balanus tintinnabulum LIN. LEPAS. Très-abondant sur les rochers des côtes de tout l'Archipel, mais surtout à San-Miguel. Les Açoréens sont très-friands de ce mollusque, qu'ils appellent vulgairement craca; ils le mangent après l'avoir fait cuire simplement à l'eau avec un peu de sel. J'ai goûté de ce mets par curiosité ; mais je déclare que, bien que je lui aie trouvé un peu de ressemblance pour le goût avec les crevettes, je n'ai pu partager leur engoûment pour lui. Cependant les amateurs prétendent que c'est un mets fort agréable, et c'est comme tel qu'il nous fut offert dans plusieurs 184 MOLLUSQUES MARINS localités. A Furnas île de San-Miguel, on en fait une grande consommation à l'époque de la saison des bains on les tire de Ribeira-Quente, qui a la réputation de les produire meilleurs que sur les autres points de l'île. Dans les cavités qui se trouvent autour des groupes de Balanes, j'ai souvent remarqué de jeunes individus de l'Echinus brevispinosus Risso. 75. Balanus semiplicatus LAM. ? Très-petite espèce, courte, ramassée, côtelée, vivant par groupes nombreux sur les rochers volcaniques de l'îlot de Villa-Franca San-Miguel. Je ne suis pas tout-à -fait certain de cette détermination spécifique. DES ILES AÇORES. 185 APPENDICE. mollusques fossiles. Sur les neuf îles de l'archipel des Açores, huit semblent être exclusivement le résultat d'une action volcanique sous-marine. Celles-ci portent à leur surface l'empreinte irrécusable de leur origine, et chez plusieurs encore, l'action des feux souterrains se manifeste au dehors par des phénomènes fort remarquables. C'est ainsi que le fameux Pic de l'île de Pico, cône immense qui ne mesure pas moins de 7,000 pieds de haut, fume encore quelquefois et dégage presque constamment des vapeurs sulfuriques et des gaz inflammables.' C'est ainsi encore que le voyageur admire, non sans émotion, dans le val de Fumas, à San-Miguel, des volcans d'eau bouillante en pleine activité, dont les vapeurs brûlantes entretiennent dans la vallée une humidité permanente, et qui s'échappent quelquefois de leurs gouffres souterrains avec un bruit terrible, recouvrant le sol brûlant et presque mouvant, qui les environne, de dépôts de soufre et de stalagmite siliceuse. Les éléments géologiques composant les chaînes de montagnes de ces îles et leurs masses énormes de rochers sont le basalte, le trachyte, des laves, des pierres ponces, des conglomérats de scories, de 186 MOLLUSQUES MARINS ponce et d'obsidienne, des tufs variés. Les roches et les laves basaltiques et trachytiques contiennent toutes plus ou moins de pyroxène, d'amphibolie, d'olivine et de mica; mais aucune trace, bien entendu, de corps organisés fossiles. La gracieuse île de SANTA-MARIA, la plus méridionale de toutes 36° 50' de latitude N. et la plus rapprochée du continent, présente seule un autre aspect et des conditions géologiques qui sembleraient indiquer, ou une origine différente, pu la combinaison chez elle de certains phénomènes de natures diverses, qui auraient sensiblement modifié sa structure et sa composition. Ce qui porta certains géologues à la considérer comme une dépendance de l'île Madère, tandis que d'autres la regardent simplement comme un prolongement de la partie orientale de San-Miguel. Quoi qu'il en soit, la base des roches est encore le basalte et le trachyte mais elle ne porte point à sa surface les traces récentes de l'effort des feux souterrains, ni courant de lave, ni cratère de volcan. De plus, j'y ai rencontré, en plusieurs localités et sur un grand espace, des couches assez puissantes de terrain calcaire, abondamment pourvues de nombreux fossiles. Malheureusement ces roches calcaires sont extrêmement dures et compactes. Dépourvu des instruments nécessaires, et donnant d'ailleurs tous mes soins à la zoologie et à la botanique, je n'ai pu recueillir qu'un très-petit nombre de fossiles, la plupart en mauvais état de conservation et presque méconnaissables. Voici les seules espèces que j'aie pu reconnaître d'une façon certaine, et dont je puis garantir la détermination comme exacte à l'exception DES ILES AÇORES. 187 toutefois des Anomia ephippium et Cardium loevigatum, qui me laissent encore dans le doute. J'ai soumis le tout à l'examen de M. Deshayes, et aussi à celui de M. Bronn, professeur à Heidelberg. 1. Terebratula capnt-serpentls LIN. 2. Anomia ephippium LIN. ? 3. Pecten latissimus BBOCCHI. 4. Pecten Burdigalensia LAM. 5. Pecten scabrellus LAM. OSTREA DUBIA Brocchi. 6. Arca Noae LAM. 9. Cardium loevigatum LIN. ? La présence du Pecten latissimus, propre jusqu'ici au terrain tertiaire supérieur de l'Italie et des autres points du littoral méditerranéen, n'indiquerait-elle pas une corrélation d'âge entre certaines couches du terrain de Santa-Maria et le terrain subapennin ?... On pourrait être tenté de former Cette hypothèse. Cependant, me dit M. Deshayes à propos de mes fossiles, en considérant ces formes dans leur ensemble, on reconnaît aisément qu'elles appartiennent à des espèces récentes, et que le terrain où elles gisent doit être très-moderne. Tels sont les seuls documents que je puisse à présent fournir sur les mollusques marins fossiles de Santa-Maria. L'un de mes compagnons de voyage, M. Hartung, s'occupant exclusivement de géologie, a recueilli des échantillons plus nombreux et aussi en meilleur état de conservation. Ces spécimens ont été remis à M. Bronn, d'Heidelberg, qui a reconnu bon nombre d'espèces inédites, et qui se propose, si je suis bien informé, de publier prochainement un mémoire spécial sur cet intéressant sujet; I. XXII. 14 188 MOLLUSQUES MARINS DES ILES AÇORES. EXPLICATION DES PLANCHES. Planche Ire. Fig. 1-2, Litiopa Gratelupeana Drouët. Fig. 3-4, Nassa Deshayeii Drouët. Fig. 5, Columbella rustica, var. Azorica. Fig. 6-7, Patella Gomesii Drouët. Planche 2me. Fig. 8-9, Patella Baudonii Drouët. Fig. 10-11, Patella-Moreleti Drouët. Mén de la SocAcad. de l'Aube. T. XXII. 1858. Baudon Lackerbauer del. Lith Bouquot à Troyes. MOLLUSQUES MARINS DES AÇORES . Pl. 1ère Mém. de la Soc Acad. de l' 1858. Baudon pinxt Lackerbauer del. Lith. Bouquot à Troyes. MOLLUSQUES MARINS DES AÇORES. Pl. 2e DE LA MÉTHODE DITE DE DÉPLACEMENT, APPLIQUEE AUX TISANES D'HOPITAL, Par M. OUDART, Pharmacien à Troyes, Membre du Jury médical de l'Aube. Les moyens les plus simples sont toujours les meilleurs, et donnent ordinairement de bons résultats ; c'est ce que je vais tâcher de démontrer une fois de plus. La méthode de déplacement, qui a déjà rendu d'immenses services à l'industrie, à la médecine et surtout à la pharmacie, d'où elle est sortie, mieux comprise, mieux appliquée, est appelée, je n'en doute pas, à en rendre de plus grands encore. Grâce à cette méthode, les extraits pharmaceutiques, ces héroïques médicaments, si souvent usités, sont aujourd'hui obtenus sans altération, sans mélange, et représentent au centuple la substance qui les a fournis. 190 MÉTHODE DITE DE DÉPLACEMENT L'industrie y trouvera bientôt, je l'espère, une source immense de richesses, pour l'extraction à peu de frais des matières tinctoriales ou sucrées. Appliquée à la préparation des vins, des teintures et surtout des tisanes usitées en médecine, elle sera un utile progrés. C'est de ces dernières que je veux parler aujourd'hui. On sait sans doute, déjà , que cette méthode consiste à soumettre à l'action dissolvant d'un liquide approprié un corps quelconque à l'état d'extrême division, afin d'en extraire plus facilement les principes solubles dans le liquide choisi. Le plus souvent, on humecte à froid la substance bien divisée avec un peu de liquide, on lasse plus, ou moins le tout dans un vase ad hoc, ayant à sa partie inférieure une ouverture armée d'un robinet pour faciliter l'opération, la ralentir ou l'activer. Après quelques instants de contact, suivant la dureté ou la porosité du corps soumis à l'action du liquide, on déplace ce dernier, tenant en dissolution beaucoup de matière soluble, en versant tout doucement à la partie supérieure du vase une nouvelle quantité du même liquide,; et ainsi de suite jusqu'à épuisement complet, ou jusqu'à ce que la liqueur passe à peu près incolores, inodore et insipide. L'épuisement de la matière a lieu très-promptement et nécessité très-peu de liquide, vu l'état de division de la substance à attaquer, et la pression constante exercée par le liquidé supérieur! Par cette méthode, on épuisé à froid tous les principes solubles, on obtient des liqueurs très-chargées, APPLIQUÉE AUX TISANES D'HÔPiTAL. 191 ordinairement limpides, et surtout sans mélange de corps étrangers. Il ne s'agit plus que d'utiliser le produit en l'évaporant avec ménagement, si on a pour but un extrait, ou en l'allongeant de beaucoup d'eau pure, si on se propose une tisane, une boisson. Comme l'on opère à froid, à l'abri du contact de l'air, les principes solubles passent avec le liquide sans altération, et l'opération est arrêtée à temps avec indice certain de l'épuisement de la substance. Cette méthode si simple, appliquée à la préparation de la tisane de réglisse, seule boisson économique du malade pauvre, offre des avantages si incontestables au triple point de vue de l'économie, de l'amélioration et de la santé du pauvre, que j'ai cru bien faire en m'en occupant. Puis j'ai trouvé son application si commode et si utile, que je crois devoir en faire le sujet d'une sérieuse communication à la Société Académique de l'Aube, jalouse de tout progrès utile, — mettant ainsi à profit mes loisirs et ma vieille expérience en cette matière. Ainsi donc du bois de réglisse grossièrement pulvérisé, et traité ainsi que je viens de le dire par de l'eau froide, donne beaucoup plus d'extrait que par la décoction du bois non divisé; cet extrait est pur de tout mélange, est entièrement soluble, a bon goût, bon aspect, n'est pas noir, et n'est pas âcre comme celui du commerce autant de preuves du bien opéré. La tisane obtenue par ce même moyen est limpide, douce, agréable, sans âcreté, ne provoque pas la soif, mais l'apaise, est parfaitement supportée par 192 MÉTHODE DITE DE DÉPLACEMENT l'estomac, se conserve longtemps sans altération autant de qualités qu'on ne trouve pas dans la tisane faite par décoction de cette substance. Tout le monde sait, en effet, et les marchands de coco, plus particulièrement, que l'infusion de réglisse dans l'eau froide est plus agréable que celle provenant de l'infusion dans l'eau chaude, et que cette dernière est elle-même bien préférable à celle obtenue par décoction. J'ajouterai qu'on améliorerait encore cette boisson économique, si on se donnait la peine de ratisser la réglisse avant que de l'employer. L'expérience nous a appris qu'il existait dans le bois de réglisse, dans l'écorce surtout, un principe âcre soluble dans l'eau chaude, insoluble à froid, et qui communique à la tisane faite par décoction une âcreté qui irrite la gorge, et rend cette tisane insupportable deux jours de suite. Par la décoction, la matière amylacée ou amidon, contenue dans cette racine, est dissoute, donne à la tisane un aspect louche et la rend lourde à l'estomac, peu appétissante, et d'une difficile conservation. L'amidon dissous, susceptible de fermenter, pendant la chaleur surtout, fait qu'on est obligé de renouveler la tisane toutes les vingt-quatre heures. Par la méthode de déplacement à froid, le principe âcre n'est point entraîné, la tisane obtenue est limpide, douce, agréable, n'irrite point la gorge, étanche la soif, et né la provoque pas. L'absence d'amidon en fait une boisson légère, d'une facile digestion, agréable à l'oeil et au goût, le principe sucré légèrement aromatique s'y trouve APPLIQUÉE AUX TISANES D'HÔPITAL. 193 tout entier, car il n'a point été altéré, volatilisé par la chaleur; l'eau n'ayant point été soumise à l'ébullition est aérée, et nous savons tous qu'il n'est pas d'eau potable sans un peu d'air interposé, et que c'est cette absence d'air qui est en partie cause que l'eau tiède provoque le vomissement, et que l'eau de puits est plus lourde que celle de rivière ou de fontaine. Par la méthode de déplacement, on épuise complètement, sans perte aucune, un kilogramme de réglisse pulvérisée par quatre ou cinq fois son volume d'eau, soit quatre à cinq litres. La liqueur ainsi obtenue est brune, limpide, trèsépaisse, très-sucrée, c'est un véritable sirop de réglisse qu'il ne s'agit plus que d'étendre de beaucoup d'eau, pour avoir une boisson agréable et utile que réclame la santé du malade. Cette liqueur, ou sirop de réglisse, est, de plus, d'une extrême commodité pour édulcorer les autres tisanes médicinales ; ainsi, il suffira d'une cuillerée ou deux de ce sirop pour rendre agréable un litre de tisanes pectorales, de bouillon blanc, de tilleul orangé, etc., etc., et d'un peu plus pour les tisanes amères de gentiane, de houblon, etc., etc. Ces dernières tisanes se font encore aujourd'hui par l'infusion de la substance dans l'eau bouillante, sans décoction, il est vrai ; mais le temps n'est pas éloigné, je l'espère, où la méthode de déplacement, mieux comprise, leur sera appliquée et l'eau chaude supprimée, au profit du malade et du médicament. Enfin, avec dix centimes de réglisse divisée, j'obtiens facilement, et presque sans travail, trente litres de tisane de bonne qualité. 104 MÉTHODE DITE DE DÉPLACEMENT Ces trente litres eussent coûté cinquante centimes et plus, faite par décoction, en tenant compte de la marchandise, du combustible, de l'altération des vases, du temps et des soins employés. Or, il se consommait autrefois soixante à quatrevingts litres par jour de tisane commune à l'hôpital de Troyes; il en est de même à la maison centrale de Clairvaux, ainsi que dans les hospices du département; c'est une notable économie de chaque jour à ajouter à l'amélioration d'une boisson reconnue indispensable. En effet, que faudra-t-il désormais, avec la méthode que je propose, pour faire chaque jour cent litres de tisane et plus ? Un vase en étain de la capacité de quatre litres, armé d'un robinet à sa partie inférieure, au-dessous une terrine d'égale capacité, le tout placé dans un coin de la pharmacie ou du laboratoire, sous un filet d'eau provenant du réservoir commun. Tout en circulant, occupé d'autre chose, on versera doucement à la partie supérieure du vase renfermant de la réglisse, un peu d'eau froide toutes les fois que l'on s'apercevra que le premier liquide est écoulé. Si le tassement de la poudre de réglisse humectée a été convenablement fait, l'écoulement; du liquide devra être lent, et c'est ce que la pratique indiquera bien vite. Il y a donc, on le voit, amélioration notable de la boisson, économie complète de soins, de temps, de combustible et d'emplacement. Je me résume en peu de mots APPLIQUÉE AUX TISANES D'HÔPITAL. 195 Amélioration notable d'une boisson utile, indispensable aux malades ; Bons résultats médicaux obtenus par suite de cette amélioration ; Economie de cinquante pour cent et plus sur là fabrication de cette tisane ; Economie de temps, de soins, et surtout de combustible. Résumé de l'opération. Un kilogramme de réglisse bien divisée a demandé, pour être bien humecté, 2 kilogrammes d'eau, soit deux litres. Après une demi-heure de contact, pour permettre à la réglisse de se gonfler par l'absorption de l'eau, le tout a été placé dans un vase convenable et légèrement tassé. J'ai versé à la partie supérieure du vase de l'eau froide, et une heure après, le premier liquide chassé s'était écoulé dans le récipient, soit deux litres. Ce liquide, noir-brun, épais, sucré, marquait sept degrés au pèse-sirop. Deux nouveaux litres de liquide, déplacés à leur tour, ne marquaient plus que cinq au pèse-sirop. Deux idem, trois. Deux idem, deux. Deux idem, un. Total 10 litres qui, mélangés, ne marquaient plus que quatre et demi au pèse-sirop. Il a fallu étendre ce dernier liquide de vingt fois son volume d'eau pour avoir une tisane convenable, sucrée, légère, soit 210 litres. 196 MÉTHODE DITE DE DÉPLACEMENT APPLIQUÉE, ETC. En continuant l'opération, qui alors marche trèsvite, j'ai encore pu extraire 20 litres de liquide parfaitement sucré, mais ne marquant presque plus au pèse-sirop, et qu'il n'a pas été nécessaire d'allonger d'eau, soit, au total, 230 litres. Un honorable et savant confrère, pharmacien en, chef d'un hôpital important, qui a bien voulu en faire l'expérience, m'assure avoir obtenu 300 litres de tisane. COUP-D'OEIL SUR LES INSTITUTIONS CIVILES DU COMTÉ DE CHAMPAGNE, SOUS THIBAUT IV, DIT LE CHANSONNIER, PAR M. L'ABBÉ ETIENNE GEORGES, Membre associé. A l'époque où vivait Thibaut 1201-1253, le mouvement d'émancipation communale se communiquait de proche en proche, et produisait des révolutions partout où se rencontrait une population assez nombreuse pour oser entrer en lutte avec la puissance féodale. Les habitants des villes, que cet esprit d'indépendance avait gagnés, se réunissaient dans la grande église ou sur la place du Marché ; et là , ils prêtaient sur les choses saintes, le serment de se soutenir les uns les autres, et se liaient entre eux par des devoirs réciproques de dévoûment et de fi- 198 INSTITUTIONS CIVILES délité. Pour garantie de leur association, ils constituaient, d'abord tumultuairement, ensuite avec des formes régulières, un gouvernement électif qui ressemblait, sous quelque rapport, à l'ancienne administration municipale des Romains. La Champagne, pas plus que les autres provinces de France, ne demeura étrangère à cette transformation sociale. Dès l'année 1146, les bourgeois de Sens, ayant fondé une association de défense mutuelle, l'adoptèrent avec l'agrément du roi Louis VII. Mais le clergé paroissial de la vieille cité sénonaise, et surtout les religieux de Saint-Pierre-le-Vif, poussèrent un cri d'alarme sur l'abolition de leurs justices. Le pape Eugène III intervint de concert avec le roi de France. La nouvelle commune fut immédiatement dissoute; les bourgeois, outrés de fureur, coururent aux armes, se rassemblèrent autour du monastère, enfoncèrent les portes et massacrèrent l'abbé. Des troupes, envoyées par le roi, investirent la ville de Sens, et arrêtèrent en grand nombre les auteurs et les complices de cette émeute excitée par la frénésie du désespoir et souillée par le meurtre. Plusieurs furent mis à mort sans forme de procès; par une sorte de raffinement de tortures, on les fit monter au haut de la tour de Saint-Pierre-le-Vif, d'où ils furent précipités. Les autres, emmenés et jugés à Paris, eurent la tête tranchée par la main du bourreau. Il y avait trop de vie et d'avenir dans l'institution des communes, pour que celle de Sens pérît par ce seul échec; elle se rétablit spontanément sous le règne de Philippe-Auguste, qui la toléra d'abord, et plus tard la sanctionna par un acte daté de 1189. DU COMTÉ DE CHAMPAGNE. 199 Une querelle non moins implacable avait éclaté presqu'en même temps à Reims, entre les partisans des libertés bourgeoises et ceux de la seigneurie épiscopale. Les conjurés aspiraient à s'organiser en société indépendante, non de l'autorité spirituelle, mais de la puissance temporelle des archevêques qui, d'abord magistrats eux-mêmes et défenseurs de la cité, avaient transformé à la longue ce patronnage légal en une domination absolue comme celle des princes féodaux. Les bourgeois coalisés résolurent de reconstituer, par un effort commun, et de rendre inattaquables les attributions politiques dont les débris s'étaient conservés chez eux pendant plusieurs siècles. La vacance du siége métropolitain, en 1138, favorisa cette audacieuse entreprise. Les différents corps du clergé de Reims, alarmés des progrès rapides que l'esprit d'insurrection faisait hors des murs de la ville, adressèrent des plaintes amères aux évêques suffragans de la province rémoise, aux légats du siége apostolique et au roi. La commune n'avait encore qu'une seule année d'existence; mais l'ardeur et l'opiniâtreté de ses membres fondateurs en rendaient la destruction impossible, sans beaucoup de violence et sans une abondante effusion de sang. Les archevêques Sanson de Malvoisin, Henri de France, Guillaume de Champagne, Aubry de Humbert, Henri de Braine, qui se succédèrent sur le siége de la ville du sacre, luttèrent vainement contre les prétentions de la bourgeoisie. Ils possédaient, à l'extrémité septentrionale de la cité, une forteresse où ils entretenaient continuellement une garnison nombreuse de chevaliers et d'archers. Du côté de la campagne, les fortifications 200 INSTITUTIONS CIVILES consistaient en quelques tours élevées sur le fossé même de la ville ; mais le côté opposé présentait des défenses formidables. Les murailles plus épaisses, les fossés plus profonds et plus larges, les remparts mieux terrassés et tout garnis de machines, indiquaient que cette citadelle avait pour destination, non-seulement de protéger la ville contre les attaques extérieures, mais surtout de contenir et d'effrayer les citoyens turbulents. C'était dans ce donjon, appelé le château de Porte-Mars, parce qu'un ancien arc de triomphe, consacré au dieu Mars, se trouvait enclos dans sa construction, que se tenaient les plaids de la cour archiépiscopale. On tremblait d'être cité devant elle ; car, une fois entré dans les sombres profondeurs de la forteresse, personne n'était sûr d'en sortir. Les officiers de l'archevêque, poussés à des mesures violentes par une opposition ombrageuse, opiniâtre, toujours menaçante, enlevaient au jugement des échevins la plupart des causes criminelles; ils multipliaient ces causes, en qualifiant de félonie la moindre plainte contre leurs sentences ou leurs excès d'autorité. Si quelqu'un refusait de se rendre aux sommations de leurs sergents, ils fondaient sur la ville à la tête d'une troupe armée, parcouraient les rues, fouillaient les maisons ; et, s'ils ne trouvaient pas de délinquant, s'emparaient du premier venu et le retenaient en ôtage. Le sort tombait ordinairement sur un bourgeois puissant par ses richesses et par ses alliances. Les parents de ce prisonnier, afin de le délivrer le plus promptement possible, se faisaient persécuteurs de l'accusé ; ils lé cherchaient de retraite en retraite, l'arrachaient des bras de sa DU COMTÉ DE CHAMPAGNE. 201 femme et de ses enfants; ils le soumettaient aux dures épreuves du cachot, des fers et, quelquefois même, de la faim. Telles furent les plaintes adressées à Louis IX, par les habitants de Reims, sous l'archevêque Henri de Braine, contemporain de notre Thibaut-le-Chansonnier. Comme réparation de tant de violences, ils demandèrent, maisr inutilement, que l'ancien palais des archevêques redevînt le centre de leur seigneurie temporelle, et que les malheureux, cités en justice, ne fussent pas obligés de comparaître au château de Mars. Les communes de la province rémoise profitèrent de cette effervescence pour hâter leur complet affranchissement. A Noyon, de fréquentes émeutes éclataient contre les chanoines. A Soissons, pour la moindre dispute survenue entre les citoyens et des membres du clergé, on prenait les armes. A Reims, les nouveaux ouvrages, que Henri de Braine ajouta au formidable château des archevêques, furent le signal d'une insurrection générale. Tous les bourgeois, réunis en armes, au son de la cloche, attaquèrent les ouvriers qui creusaient des fossés ou plantaient des palissades. Henri de Braine, toujours en voyage auprès de ses suffragants pour les engager à ne point faiblir dans la défense des privilèges ecclésiastiques, n'était pas à Reims pendant cette émeute. Le chapitre, resté sans chef au milieu des troubles, hésitait à se prononcer contre les bourgeois. Quelques-uns de ses membres se répandaient dans les groupes populaires formés à toute heure sur les places publiques et dans les rues. Ils faisaient appel à la prudence, contestaient la valeur des priviléges de la bourgeoisie, et cherchaient à affaiblir le 202 INSTITUTIONS VIVILES parti communal. De semblables tentatives férmèrent toutes les voies de conciliation; et les hostilités recommencèrent avec un nouvel acharnement. Le pape Grégoire IX et le roi Louis IX intervinrent dans cette lutte perpétuelle de deux puissances rivales. Mais l'ascendant des pontifes, pas plus que l'autorité des monarques, ne put terminer cette guerre sans cesse renaissante entre les prérogatives seigneuriales et les libertés bourgeoises. Le naturel débonnaire, du moins en apparence, des comtes de Champagne, et les habitudes d'obéissance et de fidélité qui caractérisaient les populations de la partie méridionale de cette province, rendirent presqu'impossibles les conflits violents et les tragiques représailles qui ensanglantaient l'établissement des communes du nord. Thibaut, loin de s'opposer au développement des associations municipales, en fut un des plus ardents promoteurs; il montra, selon la curieuse révélation du moine Albéric, chroniqueur contemporain, plus de confiance dans ces sortes de ligues que dans ses armées elles-mêmes. Il organisa, d'abord, par un diplôme de 1230, sa commune de Troyes. Rien ne prouve, sans doute, que ce diplôme soit précisément un établissement de commune à Troyes. Son objet principal consiste évidemment dans la mise en jurée des contribuables ; l'idée d'une organisation communale n'y apparaît que dans un ordre secondaire. D'où l'on pourrait conclure que la ville avait, dès les temps antérieurs, son administration municipale. Seulement il faut croire que jusque-là ce gouvernement local avait été, pour ainsi dire, naturel et spontané, et qu'il ne fut légâ- DU COMTÉ DE CHAMPAGNE. 203 lement consacré que par la constitution de Thibautle-Chansonnier. Les termes de cet acte fondamental démontrent que c'était l'oeuvre personnelle du comte de Champagne, émanée de son propre mouvement et de sa seule volonté. On connaît les moeurs essentiellement dociles des Champenois du moyen-âge, peuple laborieux et pacifique qui savait concilier une obéissance parfaite et une entière soumission avec l'administration seigneuriale. Le diplôme de Thibaut, si habile en l'art de faire valoir, dans ses chartes, toute la reconnaissance que lui devaient ses sujets, ne renferme aucune expression qui autorise à croire que les bourgeois eussent même été consultés pour l'obtenir. D'ailleurs, parmi les diverses dispositions de ce règlement, quelle clause aurait pu provoquer leurs sollicitations? Le maire, aussi bien que ses douze collègues, n'est, en définitive, que le trèshumble et très-dépendant serviteur du comte suzerain. A peine attache-t-on quelqu'ombre d'autorité morale à ses fonctions plus périlleuses que dignes d'envie. Enfin, cette charge était si peu l'objet de l'enthousiasme et des voeux populaires, que, dans l'article même qui règle la nomination du maire, l'insouciance des citoyens est formellement prévue, et que le roi de Navarre prend sur lui d'y suppléer. La commune nrissante se trouvait obérée d'une dette considérable; elle avait emprunté à des chanoines, à des bourgeois, à des femmes, à des filles," vraisemblablement pour les frais de la guerre que Thibaut soutenait alors contre les princes coalisés. Parmi, ces divers créanciers, un habitant de Reims, nommé Chasier, et Aveline, sa femme, envers qui T. XXII. 15 204 INSTITUTIONS CIVILES la cité Troyenne était débitrice de soixante livres parisis de rente viagère, plus exigeants que les autres prêteurs, ne se contentèrent pas des garanties fournies par le souverain temporel de la Commune; ils demandèrent à l'analhème épiscopal sa sanction comminatoire, et obtinrent, au mois de décembre 1232, une charte de l'évêque Robert, successeur d'Hervée, le fondateur de la cathédrale. Il est à remarquer que dans tous ces actes on ne voit jamais figurer nominativement Gérard le Melletier, Pierre Legendre, Bernard de Montécut, qui occupèrent successivement alors la mairie de Troyes. Les échevins, représentants de l'autorité municipale, y gardent également l'anonyme; en sorte qu'on serait porté à croire qu'il s'agit ici d'obligations pécuniaires souscrites par suite d'énormes dépenses faites pour le compte de Thibaut, et non pour celui de la ville. Plus tard, en 1242, le comte de Champagne, publiait une seconde charte, dans laquelle les noms de maire et de commune étaient impitoyablement biffés de tous les passages où ils se trouvaient dans celle de 1230, et qui conféraient à des créatures directes du prince toutes les fonctions que remplissaient précédemment les magistrats municipaux. La commune fut-elle supprimée à la requête des bourgeois, ou le comte détruisit-il lui-même cette Création dont il était l'auteur? Problême difficile à résoudre! Si, d'une part, ce dénouement semble conciliable avec la conduite versatile de Thibaut-le-Chansonnier, d'un autre côté, l'indifférence des bourgeois, puis la crainte d'une faillite qui retombait sur eux de tout son poids, offrent une explication très-admissible. Ainsi, par un DU COMTÉ DE CHAMPAGNE. 205 concours de circonstances frappantes, cet épisode de notre histoire municipale nous montre, dit un archiviste paléographe, une commune, ailleurs le prix de tant de sanglants efforts, s'établissant au milieu d'une apathie profonde, puis tombant, en quelque sorte, du consentement au moins passif des citoyens eux-mêmes.; il nous révèle encore les éléments divers et souvent fort peu moraux qui présidèrent maintes fois, comme causes premières, à l'origine de ces fameux priviléges; il mesure enfin combien il y a loin de cette libéralité chevaleresque, dont la renommée semble historiquement acquise à la puissante lignée des comtes de Champagne, à notre libéralisme des temps modernes. Provins, qui, comme Troyes, était la résidence de prédilection des Thibaut, eut aussi une large part dans les sollicitudes du comte. La charte de franchise qu'il accorda à celle antique capitale de la Brie, s'exprime dans les mêmes termes et renferme les mêmes dispositions à peu près que celle de la capitale de la Champagne. En lisant isolément cette pièce, on pourrait penser que Thibaut-le-Chansonnier n'était pas le premier qui eût octroyé à la ville de Provins des libertés municipales, et qu'il n'avait fait que confirmer, en 1230, moyennant finance, des priviléges déjà existants en partie, et qu'il lui était loisible de détruire. On trouve, en effet, dans la charte d'affranchissement, les phrases suivantes Est à savoir que tuit de la commune de Provins, puent et pourront vendre et acheter héritaiges et autres choses, si comme il les ont heues devant.... » Cette possession préalable de priviléges par la ville de Provins devient évidente à la vue d'une charte 206 INSTITUTIONS CIVILES de 1190, dans laquelle le comte Henri-le-Jeune supprime à perpétuité la taille qu'il avait droit de lever sur la ville et la châtellenie de Provins, moyennant une pension annuelle de six cents livres. A cette condition, il jure et fait jurer à sa mère, et à son frère Thibaut, sur les saints Evangiles, que jamais lui, ni ses successeurs, ne lèveront de taille sur la commune du château et de la châtellenie, quelqu'accroissement qu'ils puissent prendre. Ainsi, depuis 1190, et même depuis 1153, comme le constate, une charte par laquelle le comte Henri accorde de beaux priviléges aux moines de SaintAyoul, la ville de Provins avait le nom de commune, et était libre de toute taille envers les comtes de Champagne et de Brie. Peut-être possédait-elle alors quelques libertés commerciales, comme les villes de loi du moyen-âge, au nombre desquelles il faut la compter. Ce dut être une nécessité sentie depuis le commencement de son opulence, qu'un peu de franchises dans une cité populeuse où la richesse industrielle était trop profitable aux seigneurs, pour qu'ils hésitassent à sacrifier à son développement une portion de leur puissance. Dans ce cas, probablement, l'agrandissement de Provins, l'extension de son commerce, exigèrent un nouveau règlement, une constitution plus large ; et ce fut notre Thibautle-Chansonnier qui en gratifia les Provinois. Mais la charte de franchise de 1230, quoique bien plus explicite que celle dé 1190, et constituant une commune complète, n'a, dans sa forme, rien qui ressemble à ces concessions seigneuriales arrachées par des bourgeois rebelles ou redoutables. Les priviléges qu'elle octroie, et qui sont encore développés DU COMTÉ DE CHAMPAGNE. 207 dans une autre charte de Thibaut, datée de 1252, sont d'ailleurs peu étendus; elle porte sur des droits plutôt pécuniaires que politiques. On n'y voit pas trace de ce principe de fraternité, si heureusement exprimé dans la charle communale de la ville de Meaux, rendue par Henri-le-Libéral en 1179, et confirmée par Thibaut-le Chansonnier en 1232. On n'y trouve pas non plus de ces idées d'associations qui firent naître la liberté au moyen-âge. La nomination des échevins n'appartient pas aux hommes de la commune, mais au prince ou à ses officiers ; le maire, établi à côté du prévôt, véritable magistrat du comte, le maire qui a près de lui aux foires sa loge de justicier, et qui, comme lui, reste soumis pendant huit jours, chaque année, à la puissance des moines de Saint-Ayoul, n'exerce, d'après la volonté du fondateur de la commune de Provins, qu'une juridiction fort restreinte. Lorsque, pour raison de leurs attributions respectives, il s'élevait quelque contestation entre le prévôt et le maire, elle était portée devant le bailli, et l'appel ressortissait aux grands jours de Troyes. Le prévôt était obligé, en certains cas, de comparaître devant les maires et échevins. Le comte se réservait tous les cas importants le meurtre, le rapt, le larcin, la justice et la garde de ses églises, de ses fiefs et de ses juifs ; il obligeait les bourgeois de Provins, que, plus tard, les coutumes de Champagne appellent les bourgeois du roi, à moudre à ses moulins et à cuire à ses fours. Ces dispositions se retrouvent, avec quelques légères variantes, dans les chartes municipales que Thibaut-le-Chansonnier octroya aux habitants de Saint-Florentin, en 1231; de Villeneuve-l'Arche- 208 INSTITUTIONS CIVILES Vêque, en 1228; de Vitry-le-François, en 1230; de Bar-sur-Seine, en 1234; de Dormans et de Châtillonsur-Mârne, en 1231; de Bray-sur-Seine, en 1227; de Coulommiers et de Villemaur, en 1231; de Sainte-Menehould, en 1238; de Bar-sur-Aube, en 1231, et d'autres bourgades d'un rang inférieur. Ce mouvement d'émancipation communale, que Thibaut imprima spontanément à ses peuples de Champagne et de Brie, a cela de particulier qu'il s'effectua, presque dans chaque ville, tranquillement et sans brusque secousse. Là , sans doute, les seigneurs avaient laissé à leurs vassaux une liberté assez grande pour se livrer fructueusement aux opérations industrielles et commerciales; et cela suffisait dans un temps où le besoin d'ndépendance n'était guère qu'une passion d'individualité. Aussi, quand éclate une résistance organisée par la bourgeoisie, comme à Reims, c'est que le seigneur, l'évêque ou le chapitre, ou quelque autocrate jouit d'une influence antipathique aux populations de la classe moyenne. Mais, sous la puissance immédiate des comtes de Champagne, le bienfait de la liberté descend presque toujours du seigneur à ses vassaux; presque toujours aussi les chartes communales, octroyées par le comte, ont un caractère de vénalité qui leur ôte une partie de leur noblesse ; il semble, en effet, que le besoin d'argent, lui seul, ait fait rendre toutes ces fameuses ordonnances d'émancipation. Dans chacune de ces pièces, la concession de la justice et de la prévôté se trouve taxée selon l'importance des lieux. Tant d'exigences financières s'expliquent, quand on considère qu'elles datent de l'époque où Thibaut était en guerre avec la DU COMTÉ DE CHAMPAGNE. 209 formidable ligue du puissant duc de Bretagne. Le comte de Champagne avait aussi à soutenir ses droits contre les prétentions ambitieuses de quelques-uns de ses vassaux. Le gouvernement de Barsur-Seine se trouvait alors abandonné à deux femmes, Elissindre, veuve du comte Milon, et Elisabeth de Courtenay, veuve de Gaucher. L'indomptable Erard de Brienne voulut s'emparer du comté de Bar-surSeine. La comtesse, impuissante à lutter contre ce puissant compétiteur, et, pour ne pas rester spectatrice indifférente des désastres que pouvaient amener les difficultés pendantes, prit la résolution d'abandonner son douaire et ses droits à Thibaut, son parent et son ami, qui se présentait comme acquéreur. Le comte de Champagne offrit immédiatement le secours qu'il s'était engagé à fournir par le traité offensif et défensif contre Erard, signé avant le départ de Milon pour la croisade. Il vint mettre le siège devant Bar-sur-Seine, où son implacable rival s'était renfermé avec un nombreux corps d'armée; il l'emporta d'assaut ; mais, en se retirant, les vaincus exercèrent d'affreux ravages. Thibaut, usant de représailles, fit dévaster les seigneuries qu'Erard possédait dans le comté et ses environs, entre autres les Riceys. Il resta tranquille possesseur de ce vaste et riche domaine, l'administra pendant plusieurs années; puis, le donna en dot à sa fille Agnès, épouse de Ferrey, duc de Lorraine. Sous Thibaut-le-Chansonnier, la législation de Champagne reçut de notables améliorations. Les comtes, ses prédécesseurs, distingués surtout par leur piété généreuse et par leur attachement au siége apostolique, avaient laissé peu à peu le clergé pren- 210 INSTITUTIONS CIVILES dre beaucoup d'influence et s'attribuer presqu'exclusivement la justice du pays. Quelques-uns d'entre eux, moins dévoués à l'Eglise, avaient parfois tâché de restreindre la puissance cléricale; mais elle était trop profondément enracinée; et ils avaient été obligés de transiger avec elle. On avait eu alors le bizarre spectacle d'une sorte de partage de la justice et d'association dans le gouvernement; l'adminislration de la province se trouvait mi-partie ecclésiastique, mi-partie laïque. Tel revenu, tel impôt appartenait au comte; tel autre, au clergé; tel délit était justiciable des officiers de l'évêqùe ; tel autre ressortissait de la justice du seigneur. En général, les grands criminels, les homicides, les adultères, les ravisseurs étaient du ressort de la justice civile. On peut citer, comme exemple de ces associations administratives, celles de 1223, entre Thibaut et l'abbaye de Saint-Bénigne, de Dijon, pour le domaine de Montruel; celles de 1220, entre l'abbé de Montiéramey et la régente Blanche de Navarre, pour la terre de Pargues; celles de 1219, entre la même régente et le monastère de Saint-Val 1. Tandis que les seigneurs se plaignaient de voir s'élever en face de leur puissance une puissance rivale, qui apportait plus de sagesse et d'équité dans 1 Au-dessus de ces juridictions locales avait toujours existé une cour suprême; c'était celle des grands jours. Elle se tenait, à Troyes, et était présidée par le comte palatin luimême. Là , se réunissaient tous les pairs de Champagne, les comtes de Joigny, de Rhetel, de Brienne, de Boucy, de GrandPré, de Bar-sur-Aube, de Bar-sur-Seine. D'autres seigneurs de la province, et leurs principaux vassaux, venaient se joindre à eux et compléter cette assemblée solennelle que présidait, en DU COMTÉ DE CHAMPAGNE. 211 ses jugements, le peuple s'en réjouissait parce qu'il trouvait enfin, devant les tribunaux ecclésiastiques, de sérieuses garanties pour ses droits. Aussi réclamait-il, comme une faveur, la compétence de ces tribunaux, et s'adressait-il à eux dans toutes les causes où il avait le choix de ses juges. Cette popularité, dont jouissait depuis des siècles la juridiction ecclésiastique, souleva des haines qui se traduisirent souvent par les récriminations les plus violentes. Les seigneurs, ne pouvant supporter cette justice rivale, dans laquelle les populations trouvaient une protection efficace contre leur domination arbitraire et cruelle, dirigèrent des attaques incessantes contre la juridiction du clergé. Parmi les monuments qui rappellent ces conflits sous le règne de Thibaut-leChansonnier, il suffit de citer les ordonnances que ce prince rendit, en 1236, pour faire rentrer le clergé dans le droit commun. Il voulut que les prêtres fussent tenus de répondre devant les tribunaux laïcs toutes les fois qu'il s'agirait de causes civiles; et, en même temps, il décida que les laïcs pourraient se dispenser de répondre devant les tribunaux purement ecclésiastiques. Mais le pouvoir spirituel se trouvait tellement lié au pouvoir temporel par l'organisation féodale, l'absence du comte, le doyen de ses pairs, le comte de Joigny. Dans la suite, un des premiers actes de souveraineté de Philippe-le-Bel fut de convoquer les grands jours de Troyes, en 1288; il les tint encore en 1295, et deux fois en 1312; mais alors il nomma, pour exercer cette juridiction, des membres du parlement, et sembla ainsi dépouiller les sept pairs de Champagne d'une de leurs plus belles prérogatives. Les grands jours, dès-lors, ne furent plus que ceux du roi de France. 212 INSTITUTIONS CIVILES qu'il était extrêmement difficile de modifier ses attributions sans porter atteinte à ses droits. Voilà pourquoi les réformes hardies de Thibaut provoquèrent de légitimes réclamations au sein du clergé de la Champagne. Ainsi, l'évêque de Meaux jeta, en 1231, un interdit sur les terres où se trouvait le comte, à cause d'un péage levé sur les vassaux des églises de son diocèse, qui se prétendaient exempts de cet impôt par privilége spécial. En 1233, deux frères prêcheurs, commissaires du Souverain Pontife, mandèrent à Thibaut de rendre au Çhapître de Saint-Quiriace de Provins l'abbesse Hilelte, qu'il avait fait mettre en prison. En 1252, le concile provincial de Sens porta de graves plaintes contre les nombreuses usurpations du prince sur les biens ecclésiastiques. Ces mesures attentatoires aux immunités de l'Eglise provenaient de la versatilité de son caractère et de son désir immodéré d'influence, plutôt que d'une hostilité systématique; il se montra même en plusieurs occasions le zélé défenseur du sacerdoce; il se signala surtout par ses fondations pieuses. Pendant plusieurs nuits, dans des instants d'insomnie, il avait vu, d'une des fenêtres de son château de Provins, une clarté mystérieuse sur la Colline qui regarde la partie septentrionale de la ville haute ; au milieu de cette lueur divine paraissait une. dame d'une merveilleuse beauté qui, de la pointe de son épée, traçait sur la terre un circuit lumineux. Thibaut crut reconnaître dans cette apparition sainte Catherine, vierge et martyre, pour laquelle il avait une dévotion particulière. Il comprit que, par cette vision, Dieu lui enseignait le lieu où il voulait être DU COMTÉ DE CHAMPAGNE. 213 servi, et il résolut d'y bâtir un monastère de filles de l'ordre des Clarisses. Sainte Claire, qui vivait encore, lui en envoya, sur sa demande, six des plus recommandables de son institut de Saint-Damien d'Amboise, qui demeurèrent dans le palais des comtes, à Provins, l'espace de quatre années. Elles prirent possession du nouveau cloître en 1248, et reçurent, comme donation, de Thibaut, trente muids de froment à prélever à perpétuité au mois d'août sur ses greniers de Provins, à la mesure du lieu. Le comte de Champagne eut toujours de la prédilection pour ce couvent du mont Sainte-Catherine; il s'y fit construire un bel appartement détaché du corps de l'abbaye, où il allait passer les grandes fêtes de l'année et les autres jours de dévotion. Toutes ses affections pieuses le ramenaient vers celte maison dont la splendeur éteinte se révèle à peine aujourd'hui par quelques débris épars. C'est là , dans cette tranquille demeure, à l'ombre de ce cloître chéri, dépositaire discret de ses larmes et de ses prières, que fut porté son coeur ; là aussi fut enseveli le corps de son fils en un cercueil de plomb. Les religieuses cordelières de Sainte-Catherine n'existaient pas encore, que déjà un monastère de Cordeliers avait été établi à Provins, sous les auspices de Thibaut et de son épouse, Marguerite de Bourbon. En 1241, le comte leur accorda trois quartiers de terre pour leur servir de cimetière, et le droit d'acquérir dans sa censive. On voyait, dans le nécrologe de ces religieux, l'épitaphe élogieuse de la femme de Thibaut-le-Chansonnier, morte à Provins en 1258. L'abbaye de Saint-Jacques, peuplée par les réguliers de Saint-Quiriace, malgré la libre 214 INSTITUTIONS CIVILES faculté que lui donnaient les anciennes constitutions d'élire un abbé, supplia humblement le comte de Champagne de lui conférer le droit de s'en choisir un. En 1232, l'abbaye de Lagny fit solennellement amende honorable à Thibaut, de ce que son couvent avait traité de l'élection d'un abbé sans lui en demander préalablement l'autorisation. Les comtes de Champagne, au reste, ne donnaient pas l'investiture des abbayes qui étaient dans leur garde. Les monastères de l'Argonne champenoise ne furent pas oubliés dans les largesses de Thibaut. En 1226, il s'unit aux chanoines de Reims pour donner une charte au village de Florent, qui s'était formé, près de Sainte-Menehould, sur une hauteur, au milieu des bois. Par celte charte, Thibaut assujettit les habitants à servir dans son armée comme ses hommes de Sainte-Menehould. Il termina par une transaction les difficultés survenues entre les abbayes de Moiremont et de la Chalâde, dont les forêts étaient contiguës. Les religieux de Montier; dés l'année 1224, avaient mis toutes leurs propriétés sous la protection de ce prince. L'abbé et les moines de Châtrices, en 1239, lui cédèrent l'usage qu'ils avaient dans les bois de Verrières ils s'associèrent même à lui pour établir un village dans un endroit de leur forêt, nommé Rotomond. Il fut statué que les habitants de cette nouvelle localité iraient aux chevauchées et aux armées du comte et de ses successeurs, suivant les coutumes de Sainte-Menehould. Les religieux consentirent que Thibaut y fît construire un château-fort, dont on voit encore les ruines. L'année suivante, 1240, le comte, qui aimait à venir dans ce château, placé à mi-côte au-dessus du vil- DU COMTÉ DE CHAMPAGNE. 215 lage, en belle vue et à l'abri des vents du nord, y bâtit une chapelle, qu'il donna, par un acte du mois de mars 1241, à Aubert, abbé de Châtrices et à ses successeurs, à perpétuité. Trois ans après, il gratifia l'abbaye de Moiremont de soixante arpents de bois dans une contrée appelée Coïnche, entre le territoire de cette communauté et ceux de Vienne-la-Ville et de Vienne-le-Château. On a de Thibaut-le-Chansonnier plusieurs chartes en faveur des chapitres, des églises, des monastères et des hôpitaux. Le Chapitre de Vitry, l'Hôtel-Dieu de Provins, les abbayes de Larrivour et du Val-desEcoliers, l'hospice de Bar-sur-Aube, eurent part à ses libéralités. Ce dernier établissement, si bien administré dans son origine, tombait alors en décadence. Thibaut, dans le dessein de lui rendre sa splendeur primitive, lui concéda, en 1222, le droit d'usage dans les bois de Lignol ; et, l'an 1239, il confia le service de la maison aux religieuses de l'ordre de Saint-Victor, de Paris, qui formaient à celte époque une petite congrégation à Boulancourt. En 1251, il leur octroya une sauvegarde pour tous leurs biens. Il récompensa, en 1224, les bons-hommes de l'ordre de Grammont qui demeuraient dans les bois d'Hervi; et, comme la princesse Blanche, sa mère, les avait dépouillés, pendant la guerre, du revenu que le comte Henri II leur avait accordé, il leur concéda, pour le remède de son âme et pour le salut de sa mère, quarante livres provinoises de rente. L'abbé de Cîteaux écrivit, en 1235, au ComteTroubadour Que votre Grandeur sache que nous avons exaucé vos prières à l'égard de votre anniversaire ; quant à l'incorporation de la maison dans 216 INSTITUTIONS CIVILES notre ordre, nous avons voulu qu'elle fût fille de Clairvaux, conformément à votre demande; mais nous enverrons les abbés de Trois-Fontaines et de Cheminon, pour examiner si le lieu est propice. » Ce fut le monastère de Saint-Jacques de Vitry, dont l'abbesse Havide écrivit, en 1237, au roi de Navarre pour le prier de consentir à l'achat que l'abbé de Saint-Jacques avait fait de l'eau de Merlau. Ainsi, des indemnités généreuses, d'abondantes aumônes, des secours de tout genre, attestaient partout le pieux zèle de Thibaut-le-Chansonnier. Vers la même époque, il y eut entente parfaite entre le comte de Champagne et l'évêque de Langres, pour abattre la puissance des petits barons du Bassigny. On n'éprouva de résistance sérieuse que de la part de Renier III, sire de Nogent. Renier, qui s'était, comme Jobert, son allié, rendu coupable de . félonie envers Thibaut, luttait depuis longtemps avec l'évêque pour la défense de certaines prétentions féodales. A propos d'une tour bâtie à Nogent sur un appartenait au Chapitre de Langres, il y avait un conflit; et l'évêque, pris pour arbitre, avait donné tort à Renier. Plus que jamais la querelle allait devenir violente, quand Thibaut, de concert avec l'évêque, vint sommer le châtelain de Nogent de reconnaître la suzeraineté du comte de Champagne. Renier refusa opiniâtrément, et Thibaut mit le siége devant le château, vieille forteresse bâtie sur un roc escarpé, avec d'inexpugnables tours et de solides murailles bordées d'un triple fossé. Rénier, épuisé après un an de résistance, accepta, en échange de sa châtellenie, la baronnie de Chappelaines. Dès-lors, personne ne s'opposa plus aux en- DU COMTÉ DE CHAMPAGNE. 217 vahissements du comte de Champagne. En 1238, il acquit Montigny et le fortifia, du consentement de l'évêque de Langres, qu'il promit solennellement de proléger, et à qui il renouvela, en 1239, l'hommage qu'il lui avait rendu à Troyes, lorsqu'il était encore enfant; il reconnut qu'il tenait en fiefs, du prélat, les comtés de Bar-sur-Seine, de Bar-sur-Aube; les seigneuries de Chaumont, de Laferté, de Nogent, de Montigny, et la garde de Molême et de ses dépendances. Depuis cette époque, on dit Nogent-le-Roi, Monligny-le-Roi; c'était une flatterie à l'adresse du roi de Navarre, le nouveau seigneur de ces contrées. Le comte Thibaut acheva d'assurer la tranquillité de ses états et la puissance de son gouvernement par la réforme des diverses branches de la législation. Ce fut lui qui, avec le concours de son grand sénéchal, Simon de Joinville, rédigea les coutumes de Champagne et de Brie; il rassembla les décisions de la cour des grands jours, les coordonna, les réunit en corps de jurisprudence. Les rois de France, devenus possesseurs de la Champagne, adoptèrent ce code, et le firent publier dans chaque bailliage et sénéchaussée. A la faveur de ces réformes législatives, le commerce, l'industrie et l'agriculture prirent une rapide extension en Champagne. Les foires, qui se tenaient à Reims, à Troyes, à Provins, à Bar-sur-Aube, à Lagny-sur-Marne, étaient les plus florissantes de l'Europe. Ces immenses entrepôts de toutes sortes de marchandises, ces grandes assemblées de gens qui, de toutes parts, venaient en caravanes, rapportaient de riches bénéfices aux comtes de Champagne, quoique les droits n'en fus- 218 INSTITUTIONS CIVILES sent pas réservés à eux seuls, et se partageassent entre un grand nombre de personnes nobles ou ecclésiastiques. Il était facile, au reste, d'obtenir des sommes considérables, en taxant, même à bas prix, les différentes marchandises qui se fabriquaient dans le pays, ou qu'on apportait du dehors. Mais les princes Champenois, tout en cherchant à tirer le plus d'argent possible des négociants qui fréquentaient leurs foires, devaient s'attacher en même temps à ne pas les éloigner, pour l'avenir, par la privation d'un droit légitime ; et l'on sait avec quelle chaleureuse énergie ils réclamaient contre tout acte commis au préjudice des vendeurs. Ainsi, en 1243, Thibaut-le-Chansonnier écrit à son lieutenant de mander, aux habitants de Plaisance, de faire restituer à des marchands qui se rendaient aux foires de Champagne, l'argent et les objets que des voleurs de cette ville leur avaient enlevés en chemin. Il se faisait alors, dans les villes commerçantes de la Champagne et de la Brie, un perpétuel mouvement d'exportation et d'importation ; mais, aux fêtes de Pâques et de la Saint-Rémi, époques principales des foires de la province, les marchés redoublaient d'activité. Les négociants du Midi de la France, ceux de la Lombardie, du pays de Gènes, de Lucques, apportaient les soies, les vins spiritueux, les huiles, les fruits secs, les aromates, les plantes médicinales de l'Arabie, les épices et les bois de teinture de l'Inde, et d'autres produits exotiques, tels que poivre du Brésil, citron, cannelle, girofle, anis, alun, gingembre, Contre ces denrées et ces richesses des pays méridionaux, le Nord de la France, le Flamand, le Hollandais, l'Allemand, venaient échanger les DU COMTÉ DE CHAMPAGNE. 219 chanvres, les lins, les toiles, les draps, les fourrures, les fers, les aciers, les cuirs, les huiles de graines et de poisson, les poix et les résines des contrées septentrionales. Tandis que les juifs y accouraient pour s'enrichir par l'usure, les Italiens, déjà initiés au mécanisme de la banque, s'y livraient à des opérations plus licites, et introduisaient, par cette voie, en France, les coutumes financières de leur péninsule. Le pape lui-même protégeait leurs actes; et, lorsqu'ils réclamaient auprès de lui pour quelque lésion de leurs intérêts, le Souverain Pontife lançait aussitôt une menace d'excommunication contre les coupables. En 1237, Grégoire IX enjoignit à Thibaut de remplir scrupuleusement les clauses d'un traité conclu avec des marchands romains, sous peine, s'il n'obéissait pas, d'une sentence d'interdiction contre les châteaux de Provins et de Bar. Aussi, sous l'égide pontificale, les commerçants de l'Italie fréquentèrent longtemps et avec succès les foires champenoises; ils y possédaient, moyennant une taxe annuelle, comme les autres négociants de l'étranger, des magasins pour mettre en sûreté leurs marchandises, et des hôtels pour loger leurs voyageurs. L'industrie, qui est au commerce ce qu'est l'âme au corps humain, dut attirer aussi l'attention particulière deThibaut-le-Chansonnier. Dès l'année 1173, Henri-le-Large avait partagé la Seine en une infinité de ramifications qui, par des canaux savamment distribués, portèrent les eaux du fleuve dans tous les ateliers et firent mouvoir de nombreuses usines. La sollicitude administrative de Thibaut s'étendit spécialement sur Troyes et sur Provins; il attira les T. XXll. 16 220 INSTITUTIONS CIVILES meilleurs ouvriers de l'Europe, en toutes sortes, de professions, dans ces foyers les plus actifs de négoce et d'industrie. A Troyes, la Franche-Comté, la Lorraine et l'Allemagne alimentaient les blanchisseries de toiles. De nombreux moulins à papier tournaient à l'aide de la Seine qui, dans ses plis multipliés, et par la force de son abondant cours d'eau, les mettait en mouvement au gré des propriétaires. La pelleterie formait une branche de commerce également productive; elle consistait en menu-vair, écureuil, lapin, lièvre, chevrotin, agneau, fouine, loutre, chat sauvage et domestique, castor, hermine, renard, et autres animaux, dont quelques-uns paraissent ne plus habiter le territoire de la Champagne. Les produits de sa bonneterie et de sa tisseranderie, répandus dans toute l'Europe, entretenaient plusieurs maisons de commerce aussi solides au-dedans que peu brillantes au dehors. Les bouchers, les tanneurs, les corroyeurs, célèbres par leur opulence, jouaient un rôle importante Troyes, qu'ils enrichissaient par leur prospérité industrielle. Provins rivalisait avec Troyes pour la perfection des arts mécaniques et pour l'écoulement de leurs produits. Ses fabriques de draps le disputaient aux plus fameuses de l'Europe; et l'on citait, du temps de Thibaut-le-Chansonnier, les nerfs de Provins à côté de l'écarlate de Gand et du drap bleu de Nicole. Les drapiers provinois, renommés en France et à l'étranger, firent, pendant deux siècles au moins, la richesse de leur ville, et leur organisation eut une influence certaine sur son affranchissement. Thibaut ordonna, par une charte, sur la requête des bourgeois de la commune, qu'il ne serait permis à aucun DU COMTÉ DE CHAMPAGNE. 221 ouvrier en laine d'y fabriquer des draps, s'il n'avait pas acquis domicile en cette ville. Il y avait alors trois mille métiers battants, autant de foulons et de cardeurs, sans y comprendre les artisans qu'occupaient les fabriques de couvertures et de cuirs façonnés. Les ouvriers étaient répandus dans les deux villes, en raison de leur population respective; mais ce n'était qu'à la ville basse qu'on manufacturait les cuirs, et c'était là seulement qu'on mettait les draps en teinture, autre branche importante de l'industrie provinoise. Les gens de métier, surtout de celui de la draperie, formaient des corporations presqu'indépendantes, et qui se gouvernaient en partie par elles-mêmes. Cette organisation rangeait Provins parmi les cités qu'on appelait alors villes de loi. C'étaient les villes qui, soit par un reste du régime municipal romain, soit par un acte spontané de leurs habitants, se trouvaient avoir une juridiction de police sur le fait des métiers et des délits qui s'y commettaient, avec la faculté d'élire ceux qui devaient l'exercer selon des statuts particuliers. Les progrès de l'agriculture, de la viniculture et de l'horticulture n'eurent pas une moindre part à la protection de Thibaut ; il favorisait de tout son pouvoir ceux qui s'adonnaient à ces sortes de travaux. Les plaines et les campagnes, les forêts et les prairies,les cours d'eau, les étangs furent entretenus avec soin et exploités avec habileté par les religieux, ces premiers fondateurs de fermes-écoles; et Thibaut, par l'empressement qu'il mit à leur concéder des terres spécialement les plus sauvages et les plus ingrates, contribua au développement du labourage, à l'assainissement des marais, et au défrichement des bois 222 INSTITUTIONS CIVILES de sa province. Les hauts barons de la Ligue, qui se l'étaient partagée comme une riche proie, l'avaient transformée en un champ de bataille. Les manants, attachés à la glèbe, épuisés par les corvées, désespérés par une longue suite d'années calamiteuses, voyant sans cesse leurs moissons ravagées par des bandes errantes, désertaient de toutes parts. Les cénobites, encouragés par Thibaut, se multiplièrent au milieu de ses terres féodales; et, à force de labeurs, ils réparèrent les désastres de la guerre et exercèrent une heureuse influence sur l'économie rurale. Les croisés avaient rapporté en France d'excellents plants de vignes des environs de Jérusalem. Les vins n'avaient pas encore atteint leur qualité actuelle. Le comte, dans les Etats duquel ils commençaient à s'améliorer, s'appliqua à y propager les vignobles. C'est à la rare habileté d'un moine de Hautvilliers, dom Pérignon, natif de Sainte-Menehould, que l'on est redevable en partie de la perfection des vins de Champagne. Thibaut fit défricher près de Sainte-Menehould un long côteau en amphithéâtre à l'aspect du midi, et il y planta de la vigne. Pour que les habitants pussent l'imiter, il donna à quelques manoeuvres d'autres petits coteaux à essarter, sous la seule condition dé les convertir en terres vinicoles. Il agit de même en faveur de ceux de la Neuville-au-Pont et de Passavant, qui, depuis longues années, avaient fait des essais en ce genre. De son côté, le prieur de Chaude-Fontaine, voyant les vignes fructifier, imita le prince, et dédommagea par les mêmes concessions les vassaux de son prieuré. Les habitants de Sainte-Menehould, par DU COMTÉ DE CHAMPAGNE. 223 honneur pour le titre de roi de Navarre que portait le comte Thibaut, imposèrent à sa vigne le nom de Côte-le-Roi. Thibaut savait mêler ce qui plaît et embellit au productif et à l'utile. On lui doit la culture des roses dites roses de Provins, qu'il apporta de Damas en Syrie; cette fleur d'origine orientale réussit à merveille dans les jardins de la capitale de la Brie. Il se fit un grand commerce de ces plantes d'une beauté incomparable. Elles ont une couleur, un parfum et des propriétés médicinales qui les distinguent des autres espèces de roses, et de celles de la même espèce qui ont poussé dans un autre terrain. Les tiges perdent très-promptement leurs aiguillons. Les feuilles sont composées de cinq folioles assez grandes, ovales, un peu pubescentes en dessous, bordées de dents glanduleuses. Les fleurs sont d'un pourpre foncé, panachées de blanc dans une des variétés. L'odeur qu'elles exhalent, se conserve après même qu'elles ont été séchées et réduites en poudre. On les emploie avantageusement comme tonique. Aussi ont-elles été longtemps une des principales branches du commerce horticole. On en exportait jusqu'aux Indes. Elles y étaient si estimées, qu'on les y payait quelquefois au poids de l'or. On conteste à notre Thibaut la gloire d'avoir rapporté en France ce précieux arbrisseau. Il en est même qui prétendent que le rosier de Provins appartient à l'espèce fameuse dont Homère a tant vanté les vertus dans son Iliade. Mais la critique a fait justice de ces allégations, et a restitué à Thibaut l'honneur de cette utile importation. RAPPORT SUR LA QUESTION DE L'ÉCHELLE MOBILE, Fait au nom de la Section d'Agriculture. M. DOSSEUB, Membre résidant. MESSIEURS, Chacun de vous, et principalement ceux de nos collègues qui s'occupent d'exploitations rurales, connaissent l'échelle mobile, et depuis longtemps en ont étudié l'ingénieux mécanisme. Vous savez que la législation de 1819, divisant, d'après l'évaluation du produit ordinaire du sol arable, l'agriculture de la France en quatre zones, avait introduit un système de bascule qui tenait constamment en balance l'intérêt rival du producteur et du consommateur. Celle institution avait pour but de faire, selon le 226 RAPPORT SUR LA QUESTION cours du blé, pencher ou monter la balance, et tendait autant que possible à égaliser les prix en élevant progressivement les droits d'importation à mesure que les cours étaient plus bas, en les réduisant en quelque sorte à rien, quand les céréales étaient en faveur sur les halles. Le même système était appliqué à la sortie des céréales, et le prix régulateur des marchés de l'intérieur se traduisait sur les degrés du tarif de l'exportation, en prenant pour point d'appui et pour base la même loi d'équilibre, la mercuriale des denrées. Le cadre de cette étude ne doit donc pas comprendre, même en raccourci, l'historique de l'échelle mobile, de ses variations, de sa suspension momentanée, ni la liste des services qu'elle a rendus pendant sa vie active de trente et quelques années. La jurisprudence agricole et la science économique sont, depuis quelques semaines surtout, saisies de cette question qu'elles ont traitée sous toutes les formes et jugée dans tous les sens. Par les développements qu'ils comportent et la profondeur des intérêts qu'ils remuent, la théorie du libre échange en matière de céréales et le système de la protection, suivant les procédés de l'échelle mobile, semblaient en effet devoir agiter les populations et la presse. Il était à désirer peut-être qu'une controverse qui, en Angleterre, pendant une période de dix années, a mis en oeuvre tant de millions et tant d'idées, qui a séparé le peuple en deux camps, divisé le Parlement, et tenu incertain et dans le doute le ministre le plus énergique, le réformateur le plus audacieux DE L'ÉCHELLE MOBILE. 227 de la Grande-Bretagne, pût chez nous, avant d'être amenée à une solution définitive, être traduite pendant quelques jours à la barre de l'opinion publique,et que le dossier de l'affaire n'arrivât à la tribune législative que revêtu du visa des majorités, et portant parmi ses pièces l'avis des intéressés. Mais, en présence de l'agriculture aux abois, on ne pouvait perdre le temps à délibérer, et Son Excellence le Ministre de l'Agriculture et du Commerce, en renvoyant d'urgence au Conseil d'État l'examen de la question qui nous occupe, a tout à la fois donné satisfaction à une nécessité présente et aux plus chers instincts du pays. Néanmoins, quoique prise à l'improviste, l'agriculture, à la veille d'une loi qui peut être pour elle une loi de vie ou de mort, ne pouvait rester indifférente. Par l'organe des journaux et des revues dont elle dispose, par la voix de ses comices et des sociétés savantes, au sein desquelles il lui est accordé de s'asseoir, elle a formulé ses plaintes et ses espérances, et paraît vouloir ouvrir dans la presse spéciale une sorte de meeting pacifique, où toute idée entre sans contrôle, toute discussion sans entraves. M. de Tramecourt, dont je dépose sur votre bureau le remarquable travail, a, dans la polémique soulevée par la question des céréales, su prendre dès le principe une place de choix, et s'est enrôlé parmi les ouvriers de la première heure ; c'est justement pour cela que l'exécution du mandat que vous m'avez confié se présente à moi sous un côté très-délicat. Dans cette enceinte consacrée, à l'abri de toute préoccupation extérieure, à l'adoration du génie 228 RAPPORT SUR LA QUESTION des arts et au culte pur des belles-lettres, où les questions agricoles ne sont guère admises qu'au point de vue théorique et ornées de toutes les grâces du style, il me faut rompre avec la coutume admise, garder mes rudes allures, vous sortir vousmêmes des habitudes académiques, et vous jeter, je ne dirai pas dans un débat politique, mais dans une question sociale. En un mot, ce n'est pas une appréciation littéraire que je vous présente à propos de l'écrit de M. de Tramecourt; c'est votre concours actif pour arriver au but qu'il se pose, c'est l'impulsion, de votre autorité morale pour donner, s'il se peut, cours forcé aux idées qu'il émet, que je vous demande ; je dois vous dire que vous n'aurez pas l'initiative de la mesure. Et si je voulais, avant d'entrer en matière, passer la revue de nos forces, nous trouverions, il faut bien l'avouer, dans le camp des partisans de la franchise absolue du commerce des grains, des organes accrédités dans la presse, des économistes dont la pensée est une puissance avec laquelle il faut compter quand il s'agit de libre échange. Mais nous pouvons dire que les sociétés savantes, les institutions agricoles et les comices, ceux d'entre nous surtout dont les mains tiennent plus souvent la charrue que la plume, n'ont dans la pensée qu'un désir, sur les lèvres qu'une formule Protection à l'agriculture. Mais comment s'exercera cette protection? La majorité des prohibitionnistes passez-moi l'expression consacrée et avec eux M. de Tramecourt, dont votre rapporteur, pour n'y plus revenir, déclare partager complètement les idées, réclament l'échelle mobile avec quelques modifications dont nous aurons à DE L'ÉCHELLE MOBILE. 229 vous entretenir plus tard. L'établissement d'un droit fixe pesant sur les grains, soit à l'entrée, soit à la sortie, selon les cours, paraît aux autres une garantie suffisante. Mais on reproche à ce mode de protection, plus simple à la vérité, mais ayant un caractère éminemment fiscal et par cela même frappé d'impopularité dès son origine, d'avoir peu de chances de durée. Les libres échangistes enfin ne voient que dans, l'affranchissement complet du commerce des grains un avenir de prospérité pour l'agriculteur. Je craindrais, en reportant vos esprits sur les détails d'une controverse qui me paraît loin cependant d'être épuisée, d'avoir à vous entretenir d'idées et de faits qui sont depuis longtemps du domaine de l'histoire. Mais je vous dois de m'arrêter sur quelques objections que les publications du jour reproduisent à chaque page, et dont votre commission pense qu'on exagère la portée. Le libre-échange cite l'exemple de l'Angleterre; il voit dans toute mesure prohibitive édictée par la loi, une menace pour la consommation, un obstacle pour le commerce, une entrave pour le producteur. J'avoue que l'argumentation tirée de la réforme anglaise des céréales en 1846, bien que présentée souvent, me paraît peu concluante. Vous savez, messieurs, à quelle législation indécise avait été soumise, avant l'époque dont je vous parle, le commerce des blés dans les îles britanniques. L'histoire de ces variations, tachées de sang sur plus d'une page, serait longue, en admettant que nous en lisions aujourd'hui le dernier volume. En 1815, époque à laquelle il suffit de faire re- 230 RAPPORT SUR LA QUESTION monter cette étude, la production paraissant suffire à la demande, une loi qui, malgré les attaques de Whitmore et de Canning au sein du Parlement, et celle de Hunt au milieu des assemblées populaires, dura jusqu'en 1828, avait fixé le prix rémunérateur dn blé à 80 sh. le quarter 34 fr. 40 c. l'hectolitre; elle prohibait l'importation au-dessous de ce chiffre. Il faut faire la part du temps. En 1828, les progrès de l'agriculture anglaise et les besoins d'une population toujours croissante dont les mains semblaient se multiplier pour demander du pain, avaient nécessité de nouvelles mesures. A cette époque, l'échelle mobile, modifiée en 1842 par Robert Peel qui put fixer le taux rémunérateur à 56 sh. 24 fr. 08 l'hectolitre, entrait dans les institutions du pays et, bien souvent remuée, y restait debout pendant 18 années, c'est-à -dire jusqu'en 1846, époque où le bill d'exportation libre ouvrit le port de Londres et des trois royaumes aux blés du dehors, moyennant un droit fixe de 43 c. par hectolitre. Je n'ai certes pas la prétention de discuter le mérite d'une réforme fondamentale, patronnée en fin de compte par une des intelligences les plus pratiques des temps modernes ; mais j'avoue être un peu du nombre de ceux qui pensent qu'il y a des choses vraies ou fausses selon la position des Pyrénées, sages ou funestes au-delà de la Manche ou en deçà . En France, ce qui frappe la vue à vol d'oiseau c'est la ferme; en Angleterre c'est l'usine. L'agriculture même a besoin de s'y faire industrielle et d'étudier la mécanique. Depuis hier la locomotive bat les blés, aujourd'hui elle les sème, elle les fauchera demain. Le machi- DE L'ÉCHELLE MOBILE. 231 niste a remplacé le valet de charrue ; un ingénieur pose dans le domaine de Vand-Worth les rails du labour à la vapeur de Halkett, et trouve moyen même de confier au tender le travail si minutieux du sarclage. Aussi je comprends très-bien que la législation anglaise, avant tout manufacturière, industrielle, commerçante, mais agricole seulement par exception, ait risqué de compromettre le sort de deux cent cinquante mille fermiers au profit de vingt-six millions de marchands. Quand on a la prétention de monopoliser le commerce du monde; quand une nationalité ne peut vivre qu'à la condition que, pour elle, toute idée soit une valeur commerciale, toute conquête remplacement d'un comptoir; quand elle donne au chancelier de l'échiquier pour siége d'honneur un sac de laine, il faut avant tout tuer la concurrence au dehors, et, pour produire à bas prix au-dédans, nourrir l'ouvrier de peu ou du moins à bon compte. Quand à l'agriculteur, qu'importe ! pourvu que le pain et le gigot du Sowth-Down abonde aux étaux de Londres ou de Liverpool. Aussi, le libre échangiste anglais, que l'histoire le place à la tribune à Westminster, ou sur les tréteaux du Free-tread Hall à Manchester, avait une excellente raison pour lui, celle dû nombre, celle du plus fort; nous devons lui savoir gré d'en avoir donné d'autres. Déjà , à l'époque dont je parle, les libertés commerciales étaient chez nos voisins dans les idées et en partie dans les faits. Le monde industriel et commerçant avait fait et allait faire à l'agriculteur 232 RAPPORT SUR LA QUESTION la leçon du sacrifice, en exilant le monopole. Le libre-échange, avant de frapper au grenier de la ferme, avait ouvert en Angleterre presque toutes les portes de la boutique et de l'usine; il s'était assis sur le comptoir avant d'envahir la ferme. La douane ne tarifait pas sur les docks de Londres l'habit du gentleman farmer ou lé fer de sa charrue. Entrés depuis longtemps en franchise, les guanos du Chili avaient doublé le produit du sol anglais. Le sacrifice imposé à l'agriculture nationale lui était donc escompté à l'avance, et ce n'était pas sans raison que les organes éloquents de la ligue du libreéchange , Cobden, Georges Wilson et autres, développaient sous les yeux du fermier les horizons d'un avenir peu inquiétant. En effet, le développement de la production, quelque rapide et intelligent qu'il fût, se laissait distancer par l'accroissement d'une population qui, d'après les données de Robert Peel, s'augmentait de 380 mille âmes chaque année; qui s'était, d'après sir James Graham, élevée de dix millions pendant la période de trente ans qui a précédé la législation des céréales de 1846. Ceci admis, et la consommation devant dépasser le produit, l'offre ne pouvant suffire à la demande, l'utilité de l'importation libre pouvait-elle être discutée quand, chiffres sur table, on prouvait qu'elle était nécessaire, et qu'on posait pour dernier argument la vie du peuple. La question des céréales, à ce point de vue, recevait des circonstances fortuites une merveilleuse impulsion. De 1839 à 1843, l'insuffisance de la récolte avait DE L'ÉCHELLE MOBILE. 233 inspiré des inquiétudes cruelles. L'agitation des districts manufacturiers, entretenue dans les salons des ladies et dans le club par les publications de la ligue du libre-échange, dans la rue et dans le mgeting par les philippiques de Cobden et de John Brigt, par John Russell dans la Chambre des Communes, pouvait avec une apparence de raison évoquer le souvenir des mauvais jours des lois agraires. Après deux années de répit, la détresse de 1845, une famine du XIIIe siècle dans une population du XIXe siècle, dit John Russell, cité par Henri Richelot, devait donner le dernier coup de bélier à la législation des céréales déjà tout en ruine. Pouvait-il en être autrement, quand d'un côté, portée pour ainsi dire par les vents de la mer du Nord, la voix frémissante d'O'connell venait déposer au seuil de Westminster les plaintes de celte Irlande affamée que la maladie de la pomme de terre plongeait dans la plus affreuse détresse; que de l'autre,la foule hâve et souffrante sortie le soir de la fabrique pour demander du pain, d'une main montrait à la pairie d'Angleterre consternée les produits agricoles du continent impatients d'entrer dans le port de Londres, et de l'autre écrivait sur les murs de la Chambre des Communes Marchands de blé? J'esquisse n'ayant pas le temps d'écrire, mais c'est l'histoire de l'Angleterre en 1845 et en 1846. Penchez-vous sur la société française pour y trouver quelque chose d'analogue. Là , l'aristocratie terrienne, assise au large, et prenant ses aises à l'abri d'une législation protectrice du patrimoine des grandes familles, et l'industriel 234 RAPPORT SUR LA QUESTION devenu millionnaire, découpant par larges bandes la terre que les soldats de Guillaume-le-Conquérant se partageaient avec leur épée, étouffent, chacun d'un côté, la petite propriété sous la grande. Chez nous la proposition se renverse; le morcellement continue son oeuvre. C'est la grande chose qui est en train d'être tuée par la petite, et qui le sera dans un temps donné. Ce n'est plus l'exception qui possède, mais la masse. Il suit de là que toute législation qui entame le sol, est un fait grave dans une nation de propriétaires, et l'amoindrissement de la valeur des terres et du revenu foncier peut devenir un ébranlement de la fortune publique. L'agriculture a donc pour elle en France, dans la question des céréales, ce que l'industrie et le commerce avaient contre elle en Angleterre la puissance du nombre. N'a-t-elle pas aussi celle de la raison et du bon sens? En émancipant le commerce des grains, Robert Peel était dur pour le fermier, sans doute, mais il était inexorable pour lui-même, sachant d'avance que le bill de la liberté des céréales serait le dernier acte de sa vie politique et la condamnation du ministère Tory; de plus, il était logique. La liberté industrielle et commerciale se promenant sur la Méditerranée et l'Océan avec la flotte anglaise, la question agricole devait subir l'entraînement des idées générales. Mais en France, quand la douane pèse et tarife le sac de guano à la Joliette ou sur le quai du Havre, quand le monopole est assis à côté de toutes nos industries dont il garde les issues, quand il veille à DE L'ÉCHELLE MOBILE. 235 la porte de l'usine où se forge le fer de la bêche 1, à celle de la fabrique où se tisse la veste de l'agriculteur, est-ce bien le moment de retirer à ce dernier la protection de l'échelle mobile, et de lui conseiller, au nom d'une liberté commerciale dont il n'est plus le protégé, mais la victime, d'attendre pour vendre ses blés qu'il n'en reste plus au pacha d'Egypte dans les magasins de Marseille? Si du moins une semblable mesure d'exception trouvait à se justifier dans les circonstances ! Mais le pain à bon marché peut nourrir aujourd'hui tout le monde, à l'exception bien entendu de celui qui le produit. Pour nous résumer, entre l'Angleterre, où l'offre manque à la demande, où le peuple agriculteur se perd dans la foule des marchands, où la population qui monte assure le débouché du produit, où la propriété terrienne, presque toute entière à l'aristocratie du nom et du privilége ou à celle de l'argent, peut supporter sans inconvénient l'abaissement passager du revenu; Entre l'Angleterre, condamnée en matière de céréales par l'exiguité relative du sol à l'importation forcée à perpétuité, ou à mourir de faim; en matière d'industrie, ne craignant rien du libre-échange, parce que ses manufactures couvrent de leurs produits tous les marchés du monde; Entre l'Angleterre, à laquelle la supériorité de 1 La consommation de l'agriculture en fer, dit M. Michel Chevalier, est tout à fait exiguë, et c'est une des causes de son infériorité. T. XXII. 17 236 RAPPORT SUR LA QUESTION sa marine, assure des marchés de grains toujours libres à Odessa comme à Alexandrie, sur les côtes de la Méditerranée, comme sur les rives de la Baltique; Et la France, terre de céréales, où la production moyenne déborde la demande, échiquier divisé à l'infini sur lequel vingt-deux millions d'ouvriers du sol trouvent leur case et devraient trouver leur salaire, pas de rapprochement possible. La France ne doit pas d'ailleurs, comme on l'a dit, s'exposer à ce qu'une mauvaise récolte de son agriculture rebutée, et six mois de blocus maritime puissent rationner ses besoins. C'est surtout, Messieurs, en arrêtant voire pensée sur cette dernière considération qu'il sera facile à votre rapporteur d'établir que, dans l'intérêt même du consommateur, la production, des céréales a dans les années d'abondance besoin d'une protection contre l'invasion des blés étrangers. Nous sommes avant tout un peuple de laboureurs; chez nous l'industrie et le commerce pourront être la source honorable de grandes fortunes privées; mais, c'est selon moi dans la division et le produit progressif de la terre que gît l'élément le plus sûr de la prospérité,nationale. C'est là que tout gouvernement porte ses regards quand il a besoin d'ordre et de sécurité. De nos jours, l'ouvrier de la campagne a, de son bras robuste, arraché des mains qui la brandissaient l'arme de la guerre civile; il a avec un bulletin de vote préparé l'empire. En remontant plus haut dans l'histoire, nous voyons tout ce qui doit avoir vie et force s'appuyer sur le sol. Mais il est juste que l'agriculture, qui assure à la DE L'ÉCHELLE MOBILE. 237 société son existence collective, en mettant sa force à la disposition de l'ordre public, à l'individu son existence matérielle, en déposant ses produits sur le pavé des halles ou des abattoirs, obtienne le salaire légitime dû au travail, surtout si la production et la consommation sont rattachées au même noeud et liées par des intérêts similaires. C'est ce qui nous fait dire que, dans l'intérêt du consommateur surtout, il faut au fermier un prix rémunérateur pour qu'il donne suite à son oeuvre. La denrée avilie fait le sol délaissé; il serait dangereux que, dans le débat qui nous occupe, la nation comprît trop tard que ses besoins sont en cause, et je tremblerai avec M. de Tramecourt pour les destinées du pays, quand l'agriculteur aura calculé quer le prix de la vente étant inférieur à celui du prix de revient, la terre en friche peut être une opération commerciale comme une autre. Il faut, en dehors des semences, de l'alimentation du bétail, des fournitures faites à la distillerie, etc., à la France par année cent millions d'hectolitres de blé, pour qu'elle soit sûre de son pain quotidien. Je ne sache pas que l'importation libre en ait jamais, dans ces dernières années de misère, versé plus de sept millions en douze mois. Demanderez-vous le reste à l'agriculture que vous aurez par une concurrence impossible, appauvrie et découragée ? L'importation libre, une ruine pour le fermier dans l'année d'abondance, un palliatif impuissant aux calamités des masses dans les années de disette, se chargera-t-elle de combler le déficit? Nous l'avons vu au milieu des faits contemporains et dans la période difficile que nous venons de tra- 238 RAPPORT SUR LA QUESTION verser, le libre-échange a donné la mesure de ses forces. Les statistiques dressées par ses apôtres établissent l'insuffisance de ses ressources ; il est jugé en dernier ressort par ses actes. Et notez que ses embarcations pouvaient charger en paix sur toutes les côtes, sillonner toutes lés mers; que serait-ce, si touchant un point mis en relief avec tant de raison par M. de Tramecourt, j'allais vous montrer le libre-échange en présence d'un malentendu politique qui nous fermerait les ports des États-Unis, et le pain d'Alexandrie ou de Smyrne n'arrivant sur nos marchés que sous la protection d'une escadre française ? Même dans les années d'abondance, le consommateur a donc un intérêt palpable à ce que la production nationale soit rétribuée pour qu'elle continue à être suffisante. Je ne renouvellerai pas une observation fondée sans doute, mais banale à force d'avoir été faite. C'est qu'avec des intérêts opposés en apparence, l'industrie et l'agriculture sont solidaires, le produit manufacturé ayant besoin, pour sortir de l'usine, que le blé vienne au marché sous des conditions rémunératrices. J'ajouterai que, dans cette obligation synallagmatique, dans ce contrat de réciprocité, la prospérité commerciale dans le sens ordinaire du mot est soumise à des nécessités plus étroites, en ce sens que le laboureur gêné peut ne décider la question d'un habit ou d'un chapeau à rajeunir qu'après l'avoir soumise au préliminaire d'une temporisation sage, tandis que le morceau de pain et le pot au feu de l'artisan ne s'ajournent pas à huitaine. Si l'utilité d'une législation protectrice en matière DE L'ÉCHELLE MOBILE. 239 de céréales, telle que l'échelle mobile, par exemple, peut se prouver en se plaçant au point de vue du consommateur, elle me paraît incontestable à celui de l'intérêt de la production, et, chose étonnante ! il n'y a rien de plus controversé sous le soleil. Je trouve néanmoins un chiffre sur lequel tout le monde est d'accord. C'est que, même en année de rendement favorable, le prix du blé pour être rémunérateur doit s'élever en France de 20 à 21 fr. l'hectolitre. Au-dessus, pour le consommateur la cherté commence, au-dessous, le producteur est en perte. Celte donnée admise, si le prix rémunérateur en Egypte ou à New-York, soit à cause des facilités locales pour l'acquisition ou le fermage, soit à raison du peu d'exigence de la main-d'oeuvre peut être fixée de 12 à 13 fr. l'hectolitre, l'entrée en franchise à Marseille des produits agricoles des rives du Nil ou du Misissipi, m'explique très-bien la satisfaction du vendeur américain et du Fellaz, mais le fermier de Beauce me paraît moins convaincu. Que la crise agricole actuelle tienne en partie à des causes étrangères à l'absence d'une loi protectrice, je le veux bien; mais l'entrée en franchise de neuf millions d'hectolitre de blé depuis vingt mois, n'est cependant pas que je sache un fait de nature à enrayer le mouvement en baisse des céréales. L'effet matériel fût-il arrêté, l'effet moral continue l'impulsion donnée, et le cours des denrées, fût-il à Odessa plus élevé qu'à côté de vous, à Troyes, le producteur ne joue guère à la hausse avec les marchands de blé que le moindre vent de reprise fait tourner vers la mer Noire. En désepoir de cause, on conseille à l'agriculture 240 RAPPORT SUR LA QUESTION de modifier le sens de son action, d'étendre brusquement la sole des fourrages et des plantes industrielles aux dépens de la sole destinée aux céréales, de remplacer le froment par l'alcool ou l'huile, produits plus avantageux à la vente. Sans doute une papareille mesure adoptée d'ensemble, réduisant la production d'un cinquième, et creusant sous le pied de la spéculation un déficit de vingt millions d'hectolitres que le libre-échange serait très-impuissant à combler, rendrait bien vite l'offre plus rare sur la place, et permettrait au blé de débattre son prix au lieu de le subir. Mais malgré l'autorité qui s'attache au grand nom de M. Thénard, dont M. de Tramecourt ne reproduit du reste les avis qu'avec réserve, si nous devons voir en France ce phénomène que la production subisse un mouvement de recul en présence des besoins d'une population qui va croissant, il vaut mieux que ce pas en arrière ne soit pas l'exécution d'une consigne, mais le résultat de la force des choses. Qui de nous, Messieurs, pour le cas où la désertion d'une partie du sol, ou son application à la production de denrées qui ne sont pas de nécessité première, coïnciderait avec une récolte mauvaise, voudrait s'exposer à avoir contribué à ce résultat désastreux? Ne vaudrait-il pas mieux pour ses enfants et pour soi abandonner une industrie qui, pour établir un bénéfice sur ses livres d'inventaire, aurait besoin d'escompter la misère publique, et qui ne saurait entr'ouvrir à nos yeux les horizons d'un avenir prospère qu'à travers les larmes et les privations de nos concitoyens? DE L'ÉCHELLE MOBILE. 241 La France d'ailleurs, comme le faisaient très-bien remarquer quelques membres de vôtre Commission et comme l'observait avant eux M. de Tramecourt, ne peut changer en un jour lés conditions économiques de sa culture. La nature du terrain refuse énergiquement de se prêter partout à ces métarmophoses. Il faut bien laisser ses tabacs en ligne à l'Alsace, ses plaines jalonnées de betteraves au nord dé là France, où l'usine à fabriquer le sucre et la distillerie sont les annexes de la ferme. L'exploitation assise sur un sol médiocre tourne avec raison le dos à ces merveilles, et vanne ses blés de semence à la vérité moins peut-être en vue des grains que de la paille, ce principal élément de son système d'engrais. C'est donc avec raison que M. de Tramecourt interdit la culture industrielle au laboureur de Champagne, séparé qu'il est de la craie par une mince couche arable, sur laquelle, trop souvent renouvelée, la prairie artificielle hésité à prendre pour cause d'abus. C'est cependant dans ces conditions qu'on nous dit encore faites moins de grains, plus de bestiaux. Encore une idée d'importation anglaise et datant de la réforme, juste peut-être sur lés bords dé la Tees et dans les étables opulentes dès frères Collins, des Jonas Webb ou de Mechi, vraie dans un pays d'herbages, de population concentrée habituée au régime de la viande, où le Durham et le Dishley graissent vite et se vendent cher, mais fausse sur les bords de la Barse et dans les écuries de nos fermiers appauvris, obligés, par la cherté dés fourrages et le bon marché du blé russe, de vendre la génisse d'éle- 242 RAPPORT SUR LA QUESTION vage pour le maréchal et le bourrelier, et la meilleure vache pour payer le prix du fermage. Il résulte de ce qui précède que tant que la science économique n'aura pas prouvé au dernier de nos paysans en sabots, que, dans des; conditions égales de superficie et de fertilité, un champ coûte aussi cher à l'acheteur ou au fermier sur les rives du Danube et du Volga que dans les clos de son village;. Instruit qu'il est, d'une part, que le serf russe, hier affranchi du knout, travaille une semaine complète pour les trois francs de la journée de nos manoeuvres ; apprenant, de l'autre, que la construction du réseau du chemin de fer moscovite et le progrès de la navigation par la rapidité et le bon marché des arrivages, font un lac français de la mer d'Azof, et d'Archangel un appendice des greniers de la Brie, le cultivateur de France fermera l'oreille au sophisme du libre-échange. C'est ce qui fait qu'en demandant que le décret de la suppression de l'échelle mobile reçoive le caractère permanent d'une loi, on cherche à rattacher la question agricole, une chose colossale, à la question de sécurité de huit à neuf cents spéculateurs en blé, un argument de détail, on fait flotter la fortune publique à la remorque des combinaisons du calcul privé. Nous n'avons pas besoin de vous dire que moins que personne nous ne voulons pour le marchand de blé la peine de l'ostracisme. Il est le ressort indispensable des affaires dans un pays qui, année moyenne, exporte plus qu'il ne demande. Une industrie qui ne peut vivre qu'à la condition de DE L'ÉCHELLE MOBILE. 243 prendre le trop-plein pour combler le trop-vide, qui ne saurait prospérer qu'à la charge de tendre sans relâche à établir le niveau général des subsistances, est tout à la fois digne de la sympathie de la classe qui produit et de celle qui consomme Et pourquoi donc le négociant en blé ne pourrait prétendre à des bénéfices raisonnables? Dans les jours néfastes, à la foule aveuglée qui lui jetait la pierre, il a souvent rendu le pain à des conditions inespérées. C'est lui qui se charge de redresser les erreurs du soleil et de la pluie; il dissimule de son mieux les fautes de la gelée, en combinant comme de juste son oeuvre de bienfaisance avec son oeuvre commerciale, de manière qu'à chaque fin de mois la balance puisse être placée avec un équilibre rassurant sur le grand livre du doit et avoir. Je déclare donc demander, pour le commerce des céréales, des lettres de grande franchise et toute l'indépendance que peut comporter une protection rassurante due à l'agriculture. Quant à la liberté absolue, fût-elle couronnée d'épis, nous ne la désirons pas dans la loi, parce qu'elle mène à la guerre des intérêts, comme nous ne désirons pas dans la rue la liberté coiffée du bonnet phrygien, parce qu'elle mène à la guerre civile. Mais l'intérêt du négociant paraît-il exiger que certains détails de l'échelle mobile soient supprimés? le trop grand nombre de circonscriptions territoriales gêne-t-il l'action du spéculateur ? Les oscillations du cours doivent-elles être moins souvent comptées pour laisser plus grandes marges aux transactions? Je ferai bon marché de la forme, pourvu 244 RAPPORT SUR LA QUESTION que le fond reste maintenu dans nos institutions par une loi. En un mot, le prix rémunérateur dû blé fixé à 20 ou 21 fr. l'hectolitre, nous voulons avec les auteurs de l'échelle mobile, à mesure que le cours monte au-dessus du chiffre accepté comme niveau, l'importation progressivement dégrevée, l'exportation paralysée dans la même mesure, dans l'intérêt des masses. Mais quand la denrée encombre le marché, que le prix de vente est inférieur à l'avance des déboursés, que l'agriculture souffre, il serait à désirer, je crois, que la législation fît monter la garde, non à la sortie des grains, mais à leur entrée; on donnerait pour mot d'ordre à cette sentinelle avancée Subsistance assurée à la consommation, aisance garantie à l'agriculture. La Société, après avoir entendu ce rapport, et après une discussion approfondie de la question qu'il soulève, a pris la délibération suivante La Société Académique de l'Aube, oui le rapport présenté par M. Dosseur, au nom de la section d'Agriculture, sur la question de l'Echelle mobile, et les observations faites par plusieurs membres, Considérant que l'étude de cette question emprunte aux circonstances actuelles et au projet de DE L'ÉCHELLE MOBILE. 243 loi soumis au Conseil d'Etat un intérêt tout exceptionnel ; Qu'il est du devoir des Sociétés savantes, placées au centre des populations pour en refléter les idées et en formuler au besoin les désirs, de se faire, auprès du Gouvernement qui les protège, l'écho de l'opinion publique; Considérant qu'il est tout à la fois de l'intérêt de l'agriculture et de la population de voir les institutions transitoires qui régissent les grains faire place à une législation d'un caractère stable et permanent; Considérant qu'en présence de la double nécessité d'assurer au produit agricole un taux rémunérateur, et à la consommation une sauve-garde contre l'exagération du prix des denrées, la loi à intervenir ne saurait mieux faire que de remettre en vigueur les dispositions de l'échelle mobile avec les modifications que permet l'état actuel des choses ; Considérant que, retirée de la législation anglaise, sous la pression de circonstances exceptionnelles et pour la satisfaction de besoins locaux qui ne sont' pas les nôtres, l'échelle mobile laissait encore à l'agriculture britannique, en dehors même du cours alors trés-élevé des denrées alimentaires, un avenir certain de prospérité ; Que le fermier anglais, placé dans un pays d'herbages, où la viande, à cause des habitudes de la consommation, est d'un produit plus grand et plus facile que le blé, sur un sol dont la récolte en céréales ne saurait guère fournir à une population de plus en 246 RAPPORT SUR LA QUESTION plus pressée que les deux tiers du nécessaire, profitait, en outre, de tous les avantages du libre échange au moment d'en subir les inconvénients; Que d'ailleurs, avertie par une discussion publique de dix années que le commerce anglais, fort de son nombre et de son argent, imposerait la réforme du libre échange à l'agriculture, cette dernière avait eu le temps de modifier ses conditions économiques, de manière à recevoir le nouvel état de choses sans que la secousse fût trop sensible ; Considérant qu'en France, terre de céréales, la moyenne de la récolte dépasse au contraire la moyenne des besoins; que la constitution du sol, la nature du climat et les habitudes de la vie alimentaire empêchent l'agriculteur, appauvri par le bas prix des grains, de trouver une compensation suffisante dans l'élevage et l'engraissement des bestiaux ; Qu'en présence de l'état actuel de souffrance des classes agricoles, il serait funeste d'abroger la loi de protection qui n'était à leurs yeux que momentanément suspendue, lorsque le monopole reste dans toute nos industries, tarifant le vêtement et les machines, le fer qui creuse le sol et l'engrais qui le féconde; Considérant que, dans l'intérêt du fabricant et de l'ouvrier, il est nécessaire que, même dans les années d'abondance, le cours des marchés soit rémunérateur pour que l'artisan du sol vive dans la ferme au lieu d'encombrer l'usine, et pour que le commerce puisse conserver auprès des populations agricoles l'écoulement sûr et facile de ses produits ; DE L'ÉCHELLE MOBILE. 247 Considérant enfin que, simplifiée dans son action, soit par la suppression ou la réduction des zônes territoriales que la facilité des communications rend inutiles, soit par une application moins fréquente de son mécanisme aux variations des cours, l'échelle mobile ne saurait être une entrave pour le commerce de blé et une gêne pour la spéculation, Exprime le voeu que le décret qui proroge au 30 septembre 1859 la libre entrée du blé étranger soit rapporté, et que la législation dite de l'Echelle Mobile, avec les modifications que le commerce réclame et que les facilités du transport à l'intérieur permettent, règle à l'avenir d'une manière permanente la question des céréales en France. Troyes, 18 février 1859. ESSAI DE STATISTIQUE SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE, Par M. MONCHAUSSÈ, ANCIEN INSTITUTEUR A PLANTT. On le veut, je l'essaie ; un plus savant le fasse. LA FONTAINE. AVANT-PROPOS. La Société d'Agriculture, des Sciences, Arts et. Belles-Lettres de l'Aube, a mis au concours, pour l'année 1858, la Statistique de l'un des cantons du département de l'Aube. J'ai osé entreprendre ce travail, peut-être un peu téméraire, mais avec la meilleure volonté possible ; heureux si je puis réunir quelques suffrages, sinon pour toutes les parties de mon ouvrage, du moins pour quelques-unes. J'ai, tâché de me conformer au programme, tout 250 ESSAI DE STATISTIQUE en suivant quelquefois mes propres idées dans le classement des matières à traiter. Faire la statistique d'un pays, c'est faire le dénombrement de la population, en définir aussi nettement que possible la situation morale et matérielle ; c'est aussi faire un inventaire exact de tous les produits agricoles et industriels tel a été le plan que je me suis proposé. J'y ai ajouté quelques considérations sur l'Agriculture qui, je l'espère, ne paraîtront pas entièrement inutiles. Mon travail est divisé en trois parties La première comprend la Topographie, la Géologie, l'Etat sanitaire du canton, la Botanique, la Zoologie; La seconde partie traite spécialement de l'Agriculture, de la Division territoriale, du Commerce, de l'Industrie ; La troisième comprend la Statistique particulière de chaque commune, son Histoire; Dans une quatrième partie, j'ai réuni divers paragraphes, quelques détails biographiques, et enfin divers résumés. Il serait présomptueux à moi de m'attribuer tout le mérite de ce petit ouvrage. J'avais sous la main presque tous les matériaux nécessaires. M. Leymerie m'a fourni sa Géologie ; les considérations sur l'Agriculture, je les ai puisées dans divers auteurs; pour l'Histoire, j'avais un manuscrit de M. Chèvre, de la Charmotte, ancien curé de Villemaur, que M. l'abbé Coffinet a gracieusement mis à ma disposition. MM. les Maires, pour la plupart, se sont prê- SUR LE CANTON DAIX-EN-OTHE. 251 tés de bonne grâce à toutes les questions que je leur ai adressées. Je dois mentionner aussi les personnes dont les conseils et la coopération m'ont été d'un grand secours ce sont MM. Eugène d'Ambly, maire de Saint-Benoît-sur-Vannes; Salmon , de Rigny-leFerron, juge de paix actuel d'Ervy; Drouot, receveur-buraliste à Saint-Mards; Delaune-Guyard, négociant à Rigny-le-Ferron, archéologue et numismate zélé. Je ne dois pas oublier les instituteurs d'Aix, de Rigny, de Bérulles, non plus que M. Fayard fils, à Maraye-en Othe. Chacun de ces Messieurs a apporté une pierre à l'édifice, et je profite de cette occasion pour les remercier. Planty, le 1er mars 1858. T. XXII. 18 252 ESSAI DE STATISTIQUE PREMIERE PARTIE. ÉTAT PHYSIQUE DU PAYS. § Ier. — Situation, Etendue. L'arrondissement de Troyes, département de l'Aube, comprend neuf cantons les trois cantons de Troyes, et ceux d'Aix-en-Othe, de Bouilly, d'Ervy, d'Estissac, de Lusigny et de Piney. Le canton d'Aix-en-Othe, qui, avec le canton de Marcilly-le-Hayer, forme la partie ouest du département, est limité au nord et à l'est par le canton d'Estissac, au sud par les cantons d'Ervy et de Cerisiers Yonne; à l'ouest par celui de Villeneuvel'Archevêque, aussi du département de l'Yonne. Les limites naturelles du canton d'Aix-en-Othe, dont la forme est à peu près un quadrilatère allongé à lignes brisées vers l'ouest, sont les bois du Fays et de la Croisette au nord-est ; la route impériale n° 60 de Nancy à Orléans au nord-ouest; la route impériale n9 77 de Sedan à Nevers par Auxon au sudest; et enfin, à l'ouest, le chemin de grande communication n° 4 de Nogent-sur-Seine à Saint-Florentin. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 253 La plus grande longueur du canton est d'environ 24 kilomètres des confins du finage de Maraye-enOthe aux limites du finage de Vulaines, du sud-est au nord-ouest ; et la largeur, de 8 kilomètres des extrêmes limites du finage d'Aix à celles de Bérulles. La superficie totale est de 20,759 hectares, la vingthuitième partie dé la superficie du déparlement 600,144 hectares, et la deux cent cinquante-quatrième de la surface totale de la France, d'après M. Moreau de Jonnès 52,768,618 hectares. Le canton d'Aix-en-Othe offre peu de surfaces planes; il est naturellement partagé en trois vallons dominés par des plateaux légèrement découpés 1° la vallée de la Vannes vers l'extrémité nord-ouest, qui s'étend sous forme de surface mamelonnée jusqu'au plateau de Planty du canton de Marcilly-le-Hayer, et dont la plus grande altitude paraît être au sommet d'un monticule au-dessus de Vulaines 192 mètres; 2° le vallon de la Nosle, partant des gorges de Nogenten-Othe pour venir expirer dans la vallée de la Vannes à Paisy ; 3° et le vallon qui passe à Bérulles et à Rigny-le-Ferron. Ces deux derniers vallons offrent, de chaque côté, une lisière étroite festonnée sur les bords par de petites dépressions et des ravins ; de plus, la zône qui reste entre les deux sillons principaux est elle-même accidentée par un grand nombre de petits vallons dont deux, celui de Vaujurennes et celui de la Bouille, l'entament jusque vers son centre. Il résulte des dispositions qui précèdent que le plateau supérieur, morcelé d'une manière trèscomplexe, s'élève légèrement vers le sud-est, circonstance qui est, au reste, tout-à -fait en rapport 254 ESSAI DE STATISTIQUE avec l'inclinaison générale qu'offrent les terrains dans le département. Immédiatement au-dessus de la Vannes, dans les bois qui dominent le hameau de Courmononcle, sa cote maximum est de 224 mètres; vers l'angle oriental du canton, au moulin de Maraye, elle s'élève jusqu'à 284 mètres. C'est l'altitude maximum du canton. L'altitude minimum serait 102 mètres; elle se trouve à l'extrémité de la vallée venant obliquement aboutir à Vulaines. Latitude nord du canton, 48° 13'; Longitude est, 1° 26'. La distance vraie du clocher d'Aix-en-Othe à l'Observatoire de Paris est de 123 kilomètres 40 mètres. Le canton d'Aix-en-Othe comprend dix communes Maraye-en-Othe, sur le plateau le plus élevé du canton; Nogent-en-Othe, Saint-Mards-en-Othe, Villemoiron, Aix-en-Othe et Paisy-Cosdon, dans le vallon de la Nosle; Saint-Benoît-sur-Vannes et Vulaines, dans la vallée de la Vannes ; Bérulles et Rigny-le-Ferron, dans le vallon qui vient aboutir à Vulaines. § II. — Cours d'eau, Sources. Le canton d'Aix-en-Othe possède plusieurs cours d'eau alimentés par un grand nombre de sources assez abondantes. Le plus important est la Vannes qui prend nais- SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 255 sance au village de Fontvannes, du canton d'Estissac, passe à Estissac, à Neuville-sur-Vannes, à Villemaur, à Cosdon, hameau de Paisy, à Saint-Benoît-sur-Vannes et à Vulaines, entre dans le département de l'Yonne à Bagneaux, et va se jeter dans l'Yonne, près de Sens, après avoir fait tourner un grand nombre de moulins, dont le plus rapproché est à deux kilomètres seulement de sa source moulin de Cliquat, en amont d'Estissac. Les eaux de cette rivière sont presque toujours à fleur du sol ; on doit en attribuer la cause à la grande quantité de sources qui l'alimentent, et aussi à quelques sous-affluents, qui lui apportent leur tribut à droite et à gauche. Il résulte de ce niveau constant des eaux de la Vannes que les bords en sont presque toujours marécageux. Le bassin de la Vannes offre, sur une longueur de 50 kilomètres, une largeur moyenne d'un peu plus de 19 kilomètres; sa superficie est de 965 kilomètres carrés. La vallée, proprement dite de la Vannes, n'offre qu'une largeur moyenne de 1 kilomètre, limitée qu'elle est par des coteaux dont l'inclinaison dépasse généralement 0,1. Le débit d'étiage de la Vannes, dans la partie du canton qu'elle arrose, à Saint-Benoît-sur-Vannes, par exemple, paraît devoir être évalué à 1 mètre 88 c. par seconde. Des infiltrations souterraines qui existent en amont de Saint-Benoît, au-dessous de l'embouchure de la Nosle, occasionnent des pertes assez considérables. Sans cette déperdition, le débit d'étiage s'élèverait à près de 2 mètres. Quoique la Vannes soit très-peu encaissée et que 256 ESSAI DE STATISTIQUE les terrains qui la bordent ne soient pas, en général, à plus de 0m30 en contre-haut du niveau ordinaire de ses eaux, elle ne déborde que dans des circonstances extraordinaires. Les vannages de décharge de quelques-uns des moulins ont des dimensions suffisantes pour donner passage aux plus grandes eaux La Vannes roule ses eaux sur un fond tourbeux, mélangé par place d'un peu de gravier; mais c'est l'exception. Les eaux des sources de ce ruisseau sont très-limpides et excellentes à boire. D'après une analyse sommaire faite par M. Belgrand, ingénieur en chef, elles renferment environ 0g20 de sels calcaires par litre ; les sulfates n'y sont presque pas appréciables. La température de ces eaux est d'environ 13 degrés centigrades; elle varie peu. De Villemaur à Saint-Benoît la pente de la Vannes est de 4m95 et 1m 38 de chute ; de Saint-Benoît à Vulaines 4m05, et 0m75 de chute. La longueur du parcours, dans le canton d'Aix, est d'environ 9 kilomètres. Le lit de la Vannes est assez régulier; sa largeur varie de 5 à 10 mètres; sa profondeur, de 1m50 et 2m50. Les affluents principaux de la Vannes, dans le canton d'Aix, sont la Nosle et le ruisseau de Cerilly. La Nosle prend sa source à Saint-Mards, passe à Villemoiron, à Druisy, à La Vosve, deux hameaux d'Aix, à Aix-en-Othe, à Paisy-Cosdon, et vient se jeter dans la Vannes, près de la route impériale n° 60 de Nancy à Orléans. Elle fait tourner des moulins dans chacun des lieux que je viens de citer. Ses eaux SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 257 claires et limpides roulent tantôt sur un lit de gravier, tantôt sur un lit argileux. Le poisson n'y est pas très-abondant; néanmoins, on y trouve la truite, le véron, le chabot, la chatouille, et quelques écrevisses. Le parcours de la Nosle est d'environ 10 kilomètres. Le ruisseau de Cerilly prend sa source au village de ce nom dans le département de l'Yonne, à quatre kilomètres de Rigny, fait tourner un moulin à Cerilly même, alimente l'usine de Gerbeau, passe contre Rigny où elle fait aussi tourner un moulin, et va se jeter dans la Vannes à Vulaines, après un cours d'environ sept kilomètres. Ce ruisseau ne nourrit aucun poisson, à l'exception du véron et de la chatouille. Nous avons dit, au commencement de ce paragraphe, que le bassin de la Vannes renfermait un grand nombre de sources. Peu de vallées, en effet, en offrent de plus abondantes, et en plus grande quantité. C'est sur le territoire de Courmononcle, hameau de Saint-Benoît, qu'elles sont le plus nombreuses le langage vulgaire les désigne sous le nom de Bîmes. Les plus belles fontaines sont dans le vallon de la Nosle ; Saint-Mards, Villemoiron et Aix sont bien partagés sous ce rapport. § III. — Nature du sol, Géologie. D'après M. Leymerie, le canton d'Aix-en-Othe ne présente que trois genres de terrains. La craie, qui joue le rôle de roche fondamentale ; 258 ESSAI DE STATISTIQUE le terrain tertiaire, et les terrains d'alluvion et de détritus, auxquels viennent naturellement s'annexer les blocs épars de grès sauvage. Terrain d'alluvion. — Le terrain d'alluvion, qu'on trouve généralement dans la vallée de la Vannes, est une pâte blanche argileuse, renfermant 80 p. 0/0 de carbonate de chaux et 20 p. 0/0 d'argile, et ordinairement recouverte par des marécages tourbeux. Immédiatement au-dessous de cette pâte argileuse, on trouve des débris de silex. La présence du silex à cette profondeur peut s'expliquer ainsi, je le présume A l'époque du bouleversement de cette contrée, les détritus des coteaux ayant été entraînés dans la vallée, il en résulta que les silex, se trouvant plus pesants que l'argile et la craie qui étaient en suspension dans l'eau, furent tout naturellement précipités au-dessous. La vallée de la Vannes ne fut pas le théâtre d'un bouleversement unique ; car, tout récemment, M. Eugène d'Ambly, faisant des sondages sur le territoire de Saint-Benoît, au milieu du domaine d'Armentières, fut tout surpris de rencontrer deux couches de tourbe et deux couches de terrain d'alluvion superposées. La vallée de la Nosle présente un dépôt assez différent de celui de la vallée de la Vannes. C'est un limon noir, facile à pénétrer, qui se trouve recouvert par un conglomérat très-solide, probablement Composé de fragments de silex et de craie cimentés par du calcaire. Le terrain détritique consiste ordinairement en une terre rougeâtre, argilo calcaire, mélangée de silex. Sur les coteaux, vers Planty, ce dépôt est ssez peu développé. Dans la région qui s'étend au midi de la Vannes, il est bien plus important et son SUR LE CANTON DAIX-EN-OTHE. 259 épaisseur devient d'autant plus considérable qu'on s'avance plus à l'ouest et au sud. Du côté de Bérulles et de Rigny, il offre en abondance du sable, des fragments de fer géodique et des blocs de grès; à Rigny surtout, les silex qu'il contient offrent souvent la forme de différents genres d'oursins. Les ravins et les côtes situés sur la partie ouest du canton offrent partout beaucoup de blocs de grès sauvage ; mais Maraye et Rigny sont les localités qui en renferment le plus; l'exploitation s'en est emparée pour les constructions. Terrain tertiaire. — Cette partie du sol du canton occupe naturellement le plateau de la région sud. Elle est représentée par le dépôt argilo-sableux qu'on trouve dans les terriers du Jars où il se compose de masses enchevêtrées d'argile panachée et de sables diversement colorés. En certains points, ce sable forme à lui seul tout le dépôt. Cette circonstance est remarquable du côté de Bérulles où cette roche offre une couleur rouge d'une grande vivacité. Sur le territoire de Maraye, au hameau de la Perrière, sur les bords du plateau, ce terrain offre une argile impure d'une couleur jaune-brun uniforme, mélangée de silex. Craie. — Cette roche qui forme, comme déjà nous l'avons dit, le fond du sol du canton, présente tous les caractères de la craie blanche. Elle contient peu de silex; néanmoins, à SaintBenoît et à Paisy, ils s'y trouvent assez abondamment disposés en couches horizontales. On y trouve quelques rognons de pyrites et quelques nids de limonife et d'argilite. Les seuls fossiles qu'on remarque sont le Spatangus coranguinum et les genres 260 ESSAI DE STATISTIQUE Inoceramus, Ventriculites, Spongus. Ces derniers fossiles sont généralement remplis par une craie siliceuse. Dans les environs d'Aix, les silex sont presque tous crayeux, comme si la silice, dit M. Leymerie, avait manqué pour les former complètement. Toutes les communes du canton, ou à peu près, possèdent une crayère d'où on extrait les matériaux qui entrent dans la construction des bâtiments. Les unes sont à ciel ouvert, les autres souterraines. § IV. — Aspect du pays. Pris dans son ensemble, le canton d'Aix-en-Othe offre à l'oeil du voyageur un tableau pittoresque et animé. Collines et vallons, ravins et coteaux, tout se succède, se lie, s'enchevêtre, se découpe sans cesse. Il est orné de forêts magnifiques, ou couronné d'arbres à fruits dont les produits font la richesse de ses habitants. C'est au mois de mai, surtout, que les campagnes sont belles à voir, au moment où les arbres épanouissent leurs fleurs blanches ou purpurines. Du haut des collines, l'oeil du spectateur se repose charmé sur cet immense tapis de fleurs. Ajoutez à cela soixante-dix fermes ou hameaux groupés autour de leurs centres respectifs, et formant comme autant de haltes au milieu de cet immense jardin où les bois et les arbres fruitiers se disputent à l'envi une place au soleil. Si vous aimez la nature agreste, sauvage, Nogenten-Othe vous l'offre abondante et variée ce ne sont que ravins, fondrières, maisonnettes éparses sur un sol hérissé de roches; vous croiriez presque voir des SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 261 châlets suisses. Si vous aimez la vie animée, rieuse, trouvez-vous à Aix, le chef-lieu de canton, vers les deux heures de relevée, vous verrez sortir une fourmilière d'ouvriers en bonneterie, cherchant l'ombre ou le soleil, suivant la saison; Aix, qui possède ses poètes, ses improvisateurs, sa compagnie de pompiers modèle, qui ne trouve de rivale que dans Maraye, assis bien loin dans la forêt d'Othe, et qui ne craint pas d'envoyer son orphéon jeter un défi à de populeuses cités. Saint-Mards, bourgade sans cesse remuante depuis la querelle des huguenots, comme si ces derniers, en disparaissant du sol, avaient voulu lui laisser en héritage leur esprit d'agitation, Saint-Mards, avec sa fontaine jaillissante, vous offrira l'aspect d'une ville essentiellement marchande, alimentée par six foires fort achalandées. Tout au contraire des communes précédentes, Rigny-le-Ferron, claquemuré dans un étroit vallon avec ses maisons en pierres de roche, serrées, compactes, vous fait l'effet d'une cité bourgeoise d'un pays de rentiers, quoique pourtant la classe ouvrière y soit nombreuse et généralement peu aisée. Il n'y a point d'activité, point de mouvement, tout y est morne, silencieux. A quoi peut tenir cet état de torpeur, de somnolence dans lequel Rigny se trouve enveloppé? A mon avis, en voici la cause. La plus grande partie des ouvriers de ce bourg appartient à la classe des maçons, des charpentiers, des scieurs de long; chaque jour ces ouvriers quittent leur ménage pour se répandre dans les pays voisins, et ne rentrent que le soir. Que dirai-je de Bérulles, dont l'église a mérité d'être classé parmi les monuments historiques; de 262 ESSAI DE STATISTIQUE Vulaines, que Danville et Pasumot disent être l'ancien Clanum des Romains ; de Saint-Benoît-sur-Vannes, paisiblement assis entre la vieille voie romaine de Troyes à Sens, et la route impériale n° 60 de Nancy à Orléans; de Paisy, qui dort, sans s'en douter, sur les ruines d'une ville gallo-romaine ? Ces villages, essentiellement agricoles, mènent une vie paisible, retirée, peu soucieux de l'agitation, partage ordinaire des centres populeux. Foies de communication. — Oberkampf a dit quelque part Un pays traversé de grandes routes et » de rivières, porte dans son sein les plus sûrs élé» ments de sa prospérité. Toutes les voies de com» munication, quelles qu'elles soient, sont autant » d'artères qui font couler le sang et la vie dans le » grand corps qu'elles sillonnent et qu'elles ali» mentent. » Sous ce rapport, le canton d'Aix-en-Othe a peu de chose à envier aux pays les mieux favorisés. Indépendamment de la route impériale de Nancy à Orléans, qui traverse Saint-Benoît et Vulaines, se dirigeant vers Villeneuve-l'Archevêque, on trouve la route départementale n° 4 de Tonnerre à Nogentsur-Seine, passant par Maraye, Saint-Mards, Villemoiron, Aix-en-Othe, se doublant de la route impériale n° 60, près de Cosdon, traversant Villemaur pour aller aboutir à Marcilly-le-Hayer, où elle s'adjoint le chemin de grande communication n° 4 de Nogent-sur-Seine à Saint-Florentin. Ce même chemin de grande communication n° 4, qui se confond un instant avec la route impériale n° 60 à Vulaines, traverse Rigny-le-Ferron; et, comme s'il fallait que les plus petites parties du SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 263 canton eussent leur part dans le système de bonne viabilité, il forme deux embranchements qui se dirigent l'un vers Bérulles, l'autre vers l'usine Gerbeau, Cerilly et Fournaudin de l'Yonne, pour se rejoindre à la Jarronnée. Mentionnons aussi le chemin n° 3 de Villeneuve-au-Chemin à la route n° 60, par Maraye et Vauchassis. Le canton possède encore le chemin n° 5 de Maraye à Estissac par Chennegy; le chemin n° 12 de Maraye à Bouilly par Sommeval; le chemin n° 17 de Saint-Mards à Sormery Yonne, par Nogent-en-Othe. Le canton est sillonné, en outre, par plusieurs chemins d'intérêt commun Le n° 17 d'Aix-en-Othe à Estissac par Neuvillesur-Vannes ; le n° 22 d'Ervy à Saint-Mards par Vosnon; et un autre projeté de Bérulles à Estissac par Aix-en-Othe, etc. De plus, chaque commune possède un grand nombre de chemins vicinaux entretenus au moyen de prestations, et reliant les hameaux à leur chef-lieu, ou les communes entre elles. Peu de cantons peuvent se flatter de posséder un plus riche réseau de chemins. Et si, à toutes ces lignes nous ajoutons celle trèsprobable d'Orléans à Vitry-le-Français, et qui, trèscertainement, si elle a lieu, traversera le canton dans l'une ou l'autre de ses parties, ne serons-nous pas autorisés à dire à toutes ces populations La civilisation vient à vous à grands pas ; elle veut, à toute force, vous faire sortir de l'ornière, hâtez-vous, profitez du mouvement ; secouez vos préjugés ; débarrassez-vous de votre vieille routine, entrez lestement dans la voie du progrès; devenez agriculteurs et industriels. 264 ESSAI DE STATISTIQUE Considéré sous le rapport des constructions, le canton d'Aix ne reste pas en arrière les vieilles masures disparaissent graduellement. On voit partout s'élever de belles maisons larges, vastes, aérées; la tuile et l'ardoise remplacent le chaume; le sol du canton, riche en argile, a permis d'établir de nombreux fourneaux qui livrent la tuile et la brique à des prix modérés. Néanmoins, Saint-Mards, Maraye et Nogent-en-Othe laissent encore à désirer sous le rapport des toitures. Le chaume y est encore trop abondant. § V. — météorologie. Les vents qui régnent le plus habituellement dans le canton d'Aix sont les vents d'est et d'ouest dans la vallée de la Vannes, les vents du nord et du sud dans les vallons longitudinaux. L'air est vif et pur, et les marais de la Vannes, qu'on a tant décriés, n'exercent aucune influence délétère sur la santé des individus qui habitent le long de son cours. Paisy, Saint-Benoît et Vulaines n'ont aucune maladie locale, et les affections qui y règnent leur sont communes avec toutes les autres parties du canton. Il résulte des observations faites par l'administration des ponts et chaussées que, pendant les neuf premiers mois de l'année, la pluie tombe plus abondante que pendant les trois autres mois, et que la moyenne de l'eau tombée peut être évaluée à 48 millimètres de hauteur. Maintenant, de quelques observations météorolo- SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 265 giques locales faites par M. Gallois, instituteur à à Rigny-le-Ferron, il résulte qu'en 1855 il y a eu, dans le bassin de la Vannes, 81 jours de gelée, 97 jours de pluie ou de neige, 38 jours de temps froid sans gelée, vent nord et nord-est; 119 jours de beau temps et 30 jours de temps brumeux. Le mois où il a plu davantage est le mois d'octobre 14 jours; celui où il a plus le moins, septembre 2 jours. En 1856, 50 jours de gelée, 120 jours de pluie, 106 jours de beau temps, 66 jours de temps brumeux, 17 jours de neige. Le mois de janvier a eu 19 jours de pluie, septembre 15 jours, et octobre 2 jours seulement. En 1857, de janvier à septembre exclusivement, 40 jours de gelée, 52 jours de pluie, 13 jours de neige, 8 jours de temps variable et 103 jours de beau temps. Il est à remarquer que l'hiver 1857-58 a été fort long sans être rigoureux. Il est tombé fort peu d'eau depuis la moisson. Au 1er mars 1858 on n'avait pas encore vu de neige. Les cours d'eau tarissaient sensiblement, et beaucoup de petits moulins étaient arrêtés. On constate peu d'inondations dans le canton d'Aix ; la grande quantité de bois dont il est implanté est un obstacle naturel à l'écoulement des eaux pluviales. Le déboisement seul pourrait amener des désastres. La seule commune où l'on ait à signaler de fortes inondations, à des époques assez éloignées les unes des autres, est Rigny-le-Ferron placé au point de jonction de plusieurs vallons. On trouve consignée, dans les registres de l'état civil, la relation d'une grande inondation au mois de septembre 1720. Il 266 ESSAI DE STATISTIQUE se forma un abîme profond près de Rigny, sur le chemin qui conduit à Aix-en-Othe le nommé Jean Pierret y périt. Le 30 août 1775, jour de saint Fiacre, la ferme de Gattot, située proche le bois de Chevrets dans la vallée qui conduit de Rigny à Aix, a été enlevée par le courant. — Elle n'a pas été reconstruite. En 1834, une nouvelle inondation faillit engloutir le bourg de Rigny, à la suite d'un orage. L'eau avait atteint plus de deux mètres dans les rues. C'est immédiatement après cet orage qu'on creusa le GrandFossé destiné à protéger les habitations et à faciliter le dégorgement des eaux torrentielles, et leur écoulement dans la Vannes. Parmi les orages désastreux qui ont laissé des traces dans les souvenirs des habitants de la vallée de la Vannes, on signale celui du jour de l'Ascension 1818. Cet orage, d'une immense étendue, commença vers les trois heures du matin. Bientôt les campagnes verdoyantes n'offrirent plus qu'une immense jonchée d'herbes et d'épis abattus; une grêle énorme avait, en un clin-d'oeil, tout brisé, tout détruit, des milliers de peupliers gisaient arrachés le long de la Vannes. On trouvait les lièvres et les lapins tués dans les champs. L'orage de 1824 fut moins désastreux, la moisson était faite. Le 3 août 1855, un ouragan vint assaillir de nouveau ces contrées avec cette particularité remarquable qu'il ne contenait ni grêle, ni pluie. C'était un vent terrible accompagné d'éclairs incessants et de coups de tonnerre. On pouvait presque croire à un bouleversement général de la nature. La foudre SUR LE CANTON DAIX-EN-OTHE. 267 frappa un nombre considérable d'arbres dans les bois ; le vent déracina les peupliers dans la vallée, les arbres fruitiers dans les jardins, renversa les portes charretières chez beaucoup de cultivateurs. Cet orage était limité au bassin de la Vannes. Parti de Malay-le-Vicomte, il embrassa tout le plateau qui domine la Vannes au midi, balaya tout sur son passage et vint aboutir à la côte de Messon ; il avait duré une demi-heure seulement. — A part les orages exceptionnels, les étés, dans la contrée, se passent fort tranquilles. A raison de la nature argileuse du sol, les gelées de printemps causent souvent de grands dégâts dans le canton. Les vignes, les arbres à fruits, les poiriers surtout, subissent l'influence du froid avec une désespérante facilité. Aussi faut-il voir avec quelle anxieuse attention le propriétaire d'arbres à cidre étudie le développement de ses boutons à fruits. N'allez pas lui parler de la récolte tant que le 11 mai, jour de saint Gengoult, n'est pas passé. Dans son esprit, après ce jour redoutable, les gelées n'ont plus d'effet. Parmi les gelées les plus funestes, on signale celle du 5 au 6 mai 1856 fruits, vignes, seigles, tout fut gelé. En général, il est très-rare de voir la première dizaine du mois de mai se passer sans gelée plus ou moins funeste. § VI. - Etat sanitaire. Rien, que nous sachions, ne constate que le canton d'Aix ait été ravagé par des épidémies. T. XXII. 19 268 ESSAI DE STATISTIQUE Néanmoins, nous trouvons dans les registres de la paroisse d'Aix, pour l'année 1661, que M. Malier, ayant tenu un synode le 1er septembre, il ne s'y trouva presque point de curés à cause des maladies a fui ont esté si fresquentes, que depuis le mois de juillet n jusques à ta fin d'août, à peine trente ou quarante per» sonnes en ont esté exemptes dans celle paroisse. » Ces maladies étaient peut-être la conséquence d'un temps pluvieux et humide, car il est dit plus loin Les » grains qui estoient fort beaus au commencement de la » moisson ont esté tellement gastés, qu'à la fin d'août le » grand boisseau de fourment valait un escu, le grand " boisseau de soigle trente sois, le grand boisseau d'a» vent vingt sols. Les vignes paraissent belles, pourveu " qu'elles ne trompent point, COE la moisson, diminuA tion d'un tiers. ». Cependant, les mémoires du temps signalent, vers le milieu du seizième siècle, l'apparition de la peste à Saint-Mards. Comme on ne fait mention que de ce bourg, il est probable que les autres parties de la contrée en furent exemptes. Le choléra, dans ses diverses apparitions, a fait peu de ravages dans le canton ; Rigny seul a eu quelques victimes. Cette épidémie a sévi avec plus d'intensité dans le canton de Villeneuve-l'Archevêque, qui est limitrophe. Les maladies les plus communes, dans le canton d'Estissac, sont Les fièvres intermittentes, à divers degrés; — les névralgies générales ; — les catarrhes pulmonaires ; — les pleurésies ; — les phthisies pulmonaires ; — les entérites ; – la fièvre typhoïde. — Les hernies sont fréquentes. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 269 La fièvre typhoïde a sévi, en 1857, avec une grande intensité dans la commune de Rigny-le-Ferron. Il y a eu beaucoup de décès. La mort paraissait frapper avec plus de prédilection les jeunes gens de 20 à 30 ans. Je comptais sur de plus amples renseignements, ils m'ont manqué. § VII. — Botanique. Je n'ai pas la prétention de faire, un traité de botanique. Je me suis borné à mentionner les plantes les plus communes, en suivant la nomenclature de la flore française de Lamarek et de Candolle, et spécialement la liste des plantes de l'Aube, insérée dans les Mémoires de la Société d'Agriculture de l'Aube année 1844. Autant qu'il m'a été possible, j'ai tâché de faire suivre le nom spécifique de chaque plante, du nom populaire sous lequel elle est le plus généralement connue. PLANTES DES CHAMPS. Peigne de Vénus Scandix pecten Veneris, vulg. Aiguillette. Ail des vignes Allium vineale, Ail bâtard. Les graines de cette plante répandent une odeur fort pénétrante, et lorsqu'elles se trouvent mêlées avec le grain à moudre, elles forcent presque toujours les meuniers à laver leurs meules. Vipérine commune Echium vulgare, Langue de Boeuf. Chicorée sauvage Cichorium intybus. 270 ESSAI DE STATISTIQUE Centaurée scabieuse Scabiosa arvensis, Tête d'alouette. Mercuriale annuelle Mercurialis annua, Foirôle. Chardon des blés Cirsium arvense. C'est à ce chardon que les cultivateurs soigneux font une guerre acharnée dans les champs ensemencés vers le mois de mai. Carline commune Carlina vulgaris Chardon marnat. Panicaut des champs Eryngium campestre, chardon roulant. Mélampyre des champs Melampyrum arvense, Chaqueuse. Cerfeuil sauvage Chcerophyllum sylvestre, Ciguë, Sguè. Ciguë tachée Conium maculatum, grande Sguë. Bardane à petites fleurs Lappa minor, Coupeau, coupiau. Anémone Pulsatile Anémone pulsalilla, Ecorcheviau. Cette plante est un poison ; ses fleurs servent à teindre les oeufs de Pà ques. Centaurée Bluet Centaurea cyanus, Bluel, cornillat. Jusquiame noire Hyoscyamus niger, Herbe aux dents. Valerianelle potagère et Valerianelle carénée Valerianella olitoria, Valerianella carinata, Mâche, Doucette. Centaurée chaussetrape Centaurea calcitrapa, Echadre, chaussetrape. Laitue vivace Lactuca perennis, Ecravole, Loge. On mange cette plante en salade au printemps. Avoine folle Avena fatua, Varvoine. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 271 Mauve à feuilles rondes Malva rolundifolia, Fromageot. Vesce multifiore Vicia cracca, Georgerie. Lampsane commune Lapsana communis, Gras de mouton. Gaillet gratteron Galium aparine, Gratton, Herbe grasse. Herniaire glabre Herniaria glabra, Turquette. Brome stérile Bromus sterilis, Herbe grenasse. Ornithogale en ombelle Ornithogalamumbellatum, Guègne-Midi, Tourne-Midi. Pastel des teinturiers Isatis tinctorial, Guède. Fumeterre officinale Fumaria officinalis, Trempée au vin. On donne cette plante en nourriture aux dindonneaux. Achillée millefeuille Achillea millefolium, Herbe à la coupure, Saigne-Nez. Liseron des champs Convolvulus arvensis, Lignot. Carotte sauvage Daucus carotta, Morange. Les gens de la campagne mangent la racine en guise de carottes. On donne aussi le nom de Morange au panais sauvage Pastinaca savita; on en mange également la racine. Bryone dioïque Bryonia dioïca, Navet fou. Nielle des blés Lychnis githago, Nèle, Lène. Lamier pourpre Lamium purpureum. Ortie dioïque Urtica dioïca. Les oisons et les canards sont très-friands des jeunes pousses de cette dernière plante. Renoncule rampante Ranunculus repens, Pourpier bâtard. Dauphinelle consoude Delphinium consolida, Pied d'alouette. 272 ESSAI DE STATISTIQUE Pavot Coquelicot Papavet rhoeas, Pavot. Véronique à feuilles de lierre Veronica hedermfolia, Herbe traînasse. Prêle des champs Equisetum arvense, Queue de renard. Armoise commune Artemisia vulgaris, Herbe de la Saint-Jean. On se sert volontiers du suc de cette plante pour aborder les abeilles. Moutarde dés champs Sinapis arvensis, Sanve. Chiendent ordinaire Triticum repens, Suard. Cuscute à petites fleurs Cuscuta epithymum, Râche, Teigne. Bugrane rampante Qnonis repens, Tendon. Cette plante est très-redoutée des moissonneurs à cause de ses épines. Ivraie enivrante Lolium temulentum, Verge. PLANTES DES PATURES MARECAGEUSES. Le Ményanthe trèfle-d'eau ; — la Centaurée noire ; — PAunée à feuille de saule; — la Renoncule rampante; — le Populage des marais; — la Cardamine des prés ; — le Sisymbre cresson ; — le Sisymbre amphibie; — le Lychnide fleur de coucou; — le Lotus corniculé; — le Trèfle des prés; —la Salicaire commune; — la Valériane dioïque; — la Serophulaire aquatique; — le Rhinanthe crête de coq; — le Pédiculaire des marais; — la Véronique Beccabunga ; — le Plantain à grandes feuilles ; — le Plantain lancéolé ; — le Rumex crépu ; — le Rumex à feuilles obtuses; —le Rumex des rivières Patience, langue de boeuf ; — le Fluteau plantain d'eau ; — l'Orchis à larges feuilles ; — l'Iris faux- SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 273 açore; — le Jonc commun Pilat; — la Massette à larges feuilles Matelas, — le Rubanier rameux ; — le Scirpe des marais; — de nombreuses espèces de Carex; — le Paturin aquatique; — la Fétuque bleue Lande, dont on se sert pour faire des nattes à fromages et des balais à foyer ; — le Roseau commun, etc. PLANTES LIGNEUSES, ARBRES ET ARBUSTES. Les bois du canton d'Aix renferment Le Sorbier Allouchier Sorbus aria, Alisier blanc. Cet alisier se distingue du suivant par ses feuilles qui sont blanches en dessous. Le Sorbier torminal Sorbus torminalis, Alisier rouge. Le Sorbier domestique Sorbus domestica, Cormier. Le Chêne pédonculé Quercus pedunculata, Le Chêne à fruits sessiles Quercus sessiliflofa, Chêne rouvre. Le Charme commun Garpinus betulus Le Hêtre des forêts Fagus sylvatica, Faïtre, faïte. Le fruit se nomme faine ou fayenne, et on en lire une huile très-passable. — Le n° 77 des Mémoires de la Société d'Agriculture de l'Aube signale le tourteau de faine, comme un poison pour les chevaux. L'Erable champêtre Acer campestris. Le Cornouiller mâle Cornus mas, le fruit se nomme Cornille. Le Peuplier Tremble Populus tremula. Le Peuplier noir Populus nigra, Poplin. Le Peuplier d'Italie Populus fastigiata. 274 ESSAI DE STATISTIQUE Le Bouleau blanc Betula alba. On le nomme Boulin, et Boulinière le lieu où il est planté. — Cet arbre est généralement répandu dans tout le canton, mais plus abondamment pourtant au nord qu'au midi. La commune de Nogent-en-Othe possède, quelques hectares de châtaigniers. Ils appartiennent, je crois, à la famille de Chavaudon. Les arbres à fruits sauvages sont Le Merisier Cerasus avium, qui sert de sujet pour greffer toute espèce de cerises. Le Poirier commun Pyrus communis, Poiratier. — Les poiriers à cidre et ceux à manger sont greffés sur cet arbre. Le Pommier commun Pyrus malus, Pomatier. Il remplit pour les pommiers les mêmes fonctions que le poiratier pour les poiriers. L'Epine vinette Berberis vulgaris. Le Fusain d'Europe Evonymus europoeus, Bonnet carré. Le Nerprun Rhamnus frangula, Nêprun. Le Troëne commun Ligustrum vulgare, Punayat. Le Coudrier noisetier Corylus avellana, Coudre. La Viorne mencienne Viburnum lantana. L'Epine blanche Cratoegus oxyacantha, le fruit se nomme Sinelle. L'Epine noire Prunus spinosa, le fruit se nomme Prunelle. Quand le cidre ou le vin manquent, les habitants du canton d'Aix font avec la prunelle une espèce de vin que certains palais trouveraient fort âcre, mais qu'ils trouvent eux fort potable, et surtout trèséconomique. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 275 On trouve encore dans les bois le Houx piquant Ilex aquifolium. Le Genêt velu Genista pilosa, Genêtre, Ginêtre; sec, on s'en sert pour clore des côtés de granges, et pour allumer le feu. Le bord des ruisseaux est ordinairement planté de Saule marceau Salix caproea, Massault, de Saule blanc Salix alba, de Saule fragile Salix fragilis, de Peuplier grisard Populus canescens, de Saule amandier Salix amygdalina, d'Aulne glutineux Alnus glutinosa, Aulnelle. — Une réunion de plusieurs aulnelles forment une Aulnaie. § VIII. — Zoologie. Loin de moi la pensée de faire un cours de zoologie. — Je signale seulement les espèces les plus connues dans le canton, en m'aidant du Catalogue de la Faune de l'Aube, par M. Jules Ray. J'ai fait simplement un appel à mes souvenirs, et j'espère qu'on me pardonnera facilement une omission, surtout si elle ne porte que sur des espèces connues seulement des naturalistes. 1°. CLASSE DES MAMMIFÈRES. Ordre des Carnassiers. La Chauve-Souris murin Vespertilîo murinus. La Chauve-Souris noctule Vespertilio noctula. L'Oreillard commun Plecotus auritus. Le grand Fer-à -Cheval Rhinolophus unihastatus. 278 ESSAI DE STATISTIQUE Le petit Fer-à -Cheval Rhinolophus bihastatus. Le Hérisson d'Europe Erinaceus europoeus. On fait à cet innocent animal une guerre acharnée, qu'on ne s'explique guère que par l'ignorance où l'on est généralement du service incessant qu'il rend dans les jardins, en détruisant tous les insectes rongeurs des plantes. — Il paraît que ce mammifère est le seul qui puisse impunément se nourrir de cantharides qui sont un poison violent. La Musaraigne carrelet Sorex letragonurm. Elle habite les bois, les haies. — Le renard la chasse, mais ne la mange pas. La Musaraigne d'eau Sorex fodiens, habite les bords de la Vannes. La Musaraigne commune Crocidura aranea. Ces deux espèces portent indistinctement le nom de Merlusine. On remarque que les chats les tuent, mais ne les mangent pas. La Taupe commune Talpa europoea. M. Jules Ray, dans une ingénieuse dissertation, a cherché à réhabiliter cet insectivore. Il a démontré son utilité dans les prairies, en prouvant qu'il ne nuisait nullement aux plantes fourragères qu'il ne mange pas, puisqu'il ne se nourrit que d'insectes. Il en résulte au contraire un avantage; c'est que les taupinières étant formées de terre neuve, on pourrait avec fruit les répandre sur le sol, et régénérer pour ainsi dire la surface du pré. Je suis de l'avis de M. Ray, mais je garde toute ma haine pour la taupe des jardins. Le Blaireau ordinaire Meles vulgaris, il devient rare. Néanmoins on en voit quelques-uns dans les bois de Saint-Benoît-sur-Vannes. On recherche sa graisse pour les douleurs rhumatismales. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 277 La Marte Mustela martes. On distingue facilement cette espèce, à sa gorge jaune, de la Fouine dont la gorge est blanche. On la trouve dans les environs de Maraye. La Fouine Mustela foina, sa peau est fort recherchée en hiver. Le Putois Mustela pulorius, cet animal est fort redouté des fermiers dont il détruit la volaille. La Fouine et le Putois sont généralement désignés sous le nom de la Bête. Le Furet Mustela furo, on l'élève en domesticité pour chasser le lapin. La Belette Mustela vulgaris, on la connaît sous le nom de Bâcole. Quelques fermiers ménagent cet animal, parce que, dit-on, il détruit les souris dans les granges; mais il fait une guerre bien plus acharnée à la volaille, aux oeufs de perdrix et de caille. Il y a bénéfice à sa destruction. L'Hermine Mustela erminea. Elle est très-rare, mais on la voit dans les bois de Saint-Mards et de Maraye. En été, elle a quelque ressemblance avec la Belette, mais elle s'en distingue facilement par sa grosseur et par le bout de sa queue qui est toujours noir. La Loutre d'Europe Lutra vulgaris assez commune sur les bords de la Vannes. Sa peau est fort recherchée. Le Loup commun Canis lupus, assez commun dans la forêt d'Othe, plus rare dans les bois qui dominent la Vannes. Le Renard rouge Canis vulpes, et le Renard charbonnier Canis alopex sont assez communs dans les bois de Courmononcle. Les chasseurs reconnaissent 278 ESSAI DE STATISTIQUE facilement celui-ci à sa queue, dont l'extrémité est noire. On possède une grande partie des variétés du chien domestique et du chat ordinaire. La forêt d'Othe renferme quelques chats sauvages Felis catus. Ordre des Rongeurs. L'Ecureuil ordinaire Sciurus vulgaris, très commun dans les bois d'Aix-en-Othe, de Saint-Mards, de Maraye. Il place son nid, composé de feuilles, à l'extrémité d'une branche de chêne. Le Rat commun Mus rattus, trop répandu. Le Mulot Mus sylvaticus habite les haies. La Souris Mus musculus, bien plus commune encore que le rat, pour le désespoir des ménagères. Le Lérot Myoxus nitela. On l'appelle dans nos contrées Rat dormant. Le Rat d'eau Arvicola amphibius. Il vit le long des ruisseaux. Le Campagnol ordinaire Arvicola vulgaris. C'est un véritable fléau pour les campagnes, lorsque l'hiver a été sec. Le Campagnol roussà tre Arvicola rubidus. Je crois qu'il existe le long de la Vannes, près du moulin de Saint-Benoît. Le Lièvre Lepus timidus et le Lapin sauvage Lepus cuniculus, seraient assez communs si ce n'était le braconnage. Il est vrai que le lapin est un véritable fléau pour les champs voisins des bois, et que les indemnités qu'il provoque sont quelquefois SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 279 insuffisantes. Depuis quelques années, des arrêtés préfectoraux sont venus au secours de la propriété en prolongeant la durée de la chasse aux lapins. Ordre des Pachidermes. Le Sanglier Sus scrofa. Il était naguère trèscommun dans la forêt d'Othe. On en voit encore quelques-uns dans les environs de Saint-Mards et de Maraye. On doit attribuer sa disparition aux grandes chasses qui se faisaient dans nos contrées avant 1848. Ordre des Ruminants. On voyait autrefois dans la forêt d'Othe, beaucoup de Cerfs Cervus elaphus et quelques Daims Cervus dama; aujourd'hui il n'en existe plus. On y voit encore le Chevreuil Cervus capreolus, mais en moins grande quantité que dans le canton de Marcilly-le-Hayer. 2°. CLASSE DES OISEAUX. Ordre des Rapaces. Nous avons de passage le Faucon Hobereau Falco subbuteo. Il habite la lisière des bois et nous quitte à la fin de septembre. Le Faucon Cresserelle Falco tinnunculus. On le désigne sous le nom de Emerillon, mais à tort. Il habite volontiers les clochers. L'Epervier Falco nisus connu sous le nom d'Emouchet, Faumouchet, Tiercelet. Le Milan royal Falco milvus. On le reconnaît 280 ESSAI DE STATISTIQUE aux cercles gracieux de son vol. Il niche dans les bois qui longent la Vannes. La Buse commune Falco buteo. Lorsqu'elle est repue, elle se tient immobile une journée entière. Le Busard des marais Falco rufus. Il habite les marais de la Vannes. Il disparaît l'hiver. Le Busard Saint-Martin Falco cyaneus. M, Jules Ray l'a vu nicher dans les prés de Courmononcle. Son nom lui vient de ce qu'il est toujours de passage vers la Saint-Martin. Le mâle est d'un gris céleste avec les ailes noires. La femelle est brune. Il niche à terre. La Chouette Hulotte Strix aluco. On la reconnaît à son cri qui imite celui d'un homme égaré. La Chouette Effraie Strix flammea. Elle niche dans les combles des églises. C'est cet oiseau qu'on accroche à tort, aux portes des fermes. On commet un acte de cruauté bien inutile, car cette chouette fait une grande destruction de souris et de campagnols. La Chouette Chevêche Strix passerina. Elle habite les masures. Le Hibou grand-duc Strix bubo. C'est le plus grand de nos oiseaux de nuit. J'en ai vu un vivant, chez un bijoutier de Villeneuve l'Archevêque. Il avait été pris dans les bois de Bérulle. Le Hibou, moyen-duc Strix otus. Il niche dans les bois. Le Hibou petit-duc Strix scops. Il habite les bois de Maraye et de Nogent-en-Othe. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 281 Ordre des Grimpeurs. Le Pic vert Picus viridis; il grimpe sans cesse le long des arbres. Le Pic Epeîche Picus major. On le reconnaît à son plumage noir varié de blanc et à sa nuque rouge. On l'appelle Toc-bois. Le Coucou gris Cuculus canorus, très-commun dans les bois du canton, où il fait entendre ses deux notes à satiété pendant tout le mois de mai. Chacun sait que cet oiseau fait couver ses oeufs par les fauvettes. À ce sujet, il a été fait bien des conjectures plus ou moins bien raîsonnées. Il paraît, néanmoins, que le véritable motif est que cet oiseau est polygame, et qu'à l'inverse des autres oiseaux, il y a beaucoup plus de mâles que de femelles ; celles-ci alors, sans cesse poursuivies par une foule de mâles, n'auraient pas le temps de se construire un nid, et déposeraient leurs oeufs dans le premier nid venu. Je ne hasarderai pas d'opinion sur cette question. Le Torcol Yunx torquilla. Son nom lui vient de qu'il a l'habitude de renverser la tête sur son dos quand il est perché. La Huppe Upupa epops. Le nom de Huppe lui vient de la magnifique aigrette qui orne sa tête. J'en ai vu très souvent dans les bois de Saint-Benoît. Le Grimpereau familier Certhia familiaris. On le nomme aussi Gravichat. Il est fort commun sur les arbres de la route de Troyes à Sens. La Sitelle Torchepot Sitta europoea, commune dans tous les bois du canton. Le Martin-Pêcheur Alcedo ispida. On le nomme 282 ESSAI DE STATISTIQUE aussi Péche-Véron, très-commun le long de la Vannes. On suspendait autrefois cet oiseau par le bec dans les habitations pour annoncer la pluie ou le beau temps. Cet usage, assez ridicule, n'existe plus. L'Hirondelle de fenêtres Hirundo urbica. On reconnaît cette hirondelle à son croupion blanc. L'Hirondelle de cheminée Hirundo rustica. On la reconnaît à sa queue fourchue et à sa gorge rousse. Le Martinet des murailles Cypselus murarius. On le distingue facilement à son cri aigu et désagréable; il niche dans les trous des clochers. L'Engoulevent Caprimulgus europoeus . On le nomme aussi Crapaud-Volant. Ordre des Passereaux. La Corneille noire Corvus corone. On la nomme à tort Corbeau 1. La Corneille mantelée Corvus cornix. On la reconnaît à son plumage mi partie noir et gris. Le Freux Corvus frugilegus. C'est cette espèce que les laboureurs craignent tant aux semailles de printemps. Le Geai Corvus glandarius. Commun dans les bois. La Pie Corvus pica. Cet oiseau conserve encore, parmi nos cultivateurs, l'absurde réputation de porter malheur. L'Etourneau Sturnus vulgaris. On le nomme aussi 1 Le Corbeau Corvus corax, type du genre, n'existe pas dans le département. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 283 Sansonnet. On le voit, à l'automne, se rassembler par bandes immenses autour des troupeaux. Le Loriot Oriolus galbula. Cet oiseau, au plumage jaune-doré et aux ailes noires, est un des plus beaux de nos climats. On le dit très-friand de cerises et de merises. Chacun connaît son nid admirablement suspendu à une branche d'arbre. La Draine Turdus viscivorus. Elle habite les bois et les vergers. Elle revient en février, et fait son nid au mois de mars. La Litorne Turdus pilaris. On la reconnaît à sa tête cendrée. On la nomme Tiatia, à cause de son cri. La Grive Turdus musicus niche dans tous les bois, et est très-commune en automne. Le Mauvis Turdus iliacus. Cette espèce se distingue des autres par ses flancs roussâtres. A l'automne, on peut la tuer dans les vignes de Rignyle-Ferron. Le Merle noir Turdus merula. Le merle à bec jaune est le mâle adulte. La Pie-Grièche, grise Lanius excubitor habite les garennes, les lisières des bois. La Pie-Grièche rousse Lanius rufus. On trouve cette espèce sur les arbres qui bordent les grandes routes. La Pie-Grièche à poitrine rose Lanius minor. On la reconnaît à la bande noire qu'elle porte sur le front. La Pie-Grièche écorcheur Lanius collurio. Son nom lui vient de son habitude d'accrocher les grilT. grilT. 20 284 ESSAI DE STATISTIQUE Ions et les sauterelles aux épines et aux buissons. Elle habite les haies, les broussailles. Le Gobe-Mouche gris Muscicapa grisola. Il a le cri aigu et plaintif. Le Gobe-Mouche bec-figue Muscicapa luctuosa. Il habite les vergers. Très-commun à l'automne. Le Bec-Fin Rousserole Sylvia turdoïdes. Elle niche dans les marais de la Vannes, où elle fait entendre son cri, Racaca. Le Bec-Fin aquatique Sylvia aquatica. On le distingue des autres becs-fins à la bande blanchâtre qu'il porte au sommet de la tête. Il se voit dans les marais de la Vannes. — Rare. Le Bec-Fin Efarvate Sylvia arundinacea. Il niche dans les joncs. Le Bec-Fin Rossignol Sylvia luscinia. Chacun sait qu'il ne fait entendre sa voix mélodieuse que pendant la ponte et l'incubation. Le Bec-Fin à tête noire Sylvia atricapilla. Cette fauvette, dont le chant est très-agréable, habite les bosquets et les jardins. Le Bec-Fin Fauvette Sylvia hortensis. Son plumage est uniforme, son chant ne manque pas d'harmonie. Le Bec-Fin Grisette Sylvia cinerea. Son nom lui vient de la couleur cendrée de son plumage. Cet oiseau est toujours en mouvement. Le Bec-Fin rouge-gorge Sylvia rubecula. On le reconnaît facilement à sa gorge d'un beau roux. Le Bec-Fin de murailles Sylvia phoenicurus. On le reconnaît à sa queue rousse et à sa gorge noire. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 285 Le Bec-Fin à poitrine jaune Sylvia hippolaïs. Le Bec-Fin siffleur Sylvia sibilatrix. Le Bec-Fin Pouillot Sylvia trochilus. Le Bec-Fin véloce Sylvia rufa. Très commun dans les bois de la forêt d'Othe. Le Roitelet huppé Regulus cristatus. On ne le rencontre que l'hiver. Il est remarquable par la huppe d'un jaune ardent qui orne sa tête. Il voyage par bandes. Le Troglodyte Troglodytes vulgaris. C'est lui qu'on nomme, dans nos contrées, Royat. Il se tient l'hiver le long des rivières, et vient voltiger autour des habitations. Le Traquet cul-blanc Saxicola oenanthe. La Bergeronnette grise Motacilla alba et la Bergeronnette de printemps Motacilla flava; celle-ci se distingue de la première par son ventre jaune. Toutes les Bergeronnettes, en général, portent le nom de Hoche-queue. Le Pipit Farlouse Anthus pratensis et le Pipit des buissons Anthus arboreus. Celui-ci devient très-gras à l'automne. L'Alouette des champs Alauda arvensis. Ou la reconnaît à son champ agréable, au lever du soleil. L'Alouette Lulu Alauda arborea. L'Alouette Cochevis Alauda cristata. C'est l'alouette huppée qu'on rencontre sur le bord des routes dans les environs d'Aix, de Saint-Benoît et de Rigny-le-Ferron. La Mésange charbonnière Parus major, la Mésange bleue Parus coeruleus; la Mésange nonnette 286 ESSAI DE STATISTIQUE Parus palustris, plumage gris et noir. Elle perche les saules des marais de la Vannes. La Mésange à longue queue Parus caudatus. Elle habite les bois, les garennes. Son nid, de forme sphérique, est percé d'un seul trou. Le Bruant jaune Emberiza citrinella, appelé communément Verdière. Le Bruant Proyer Emberiza miliaria, connu sous le nom de Trille. J'ai trouvé son nid à terre dans les roseaux. Le Bouvreuil commun Pyrrhula vulgaris. Le Gros-Bec Fringilla coccothraustes, remarquable à son gros bec, d'où lui vient son nom. Le Verdier Fringilla chloris, on le confond souvent avec le Bruant jaune. Le Verdier a le bec gros et bombé, le bec du Bruant est étroit et à bords rentrants. Le Moineau Fringilla domestica. On fait au moineau une guerre acharnée pour les quelques grains qu'il dérobe au laboureur dans son grenier, sans lui tenir compte de la guerre qu'il fait à son tour aux insectes. J'ai vu quelque part que, dans une contrée d'Allemagne, on avait fait une telle chasse à cette espèce qu'elle avait entièrement disparu. On fut assailli d'une telle quantité d'insectes que le gouvernement se vit obligé de proposer des primes pour la réintégration du Moineau. Le Friquet Fringilla montana loge dans les trous d'arbres fruitiers. Le Pinson Fringilla coelebs; le Pinson d'Ardennes Fringilla montifringilla ; ce dernier habite nos climats l'hiver. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 287 La Linotte des vignes Fringilla cannabina j on l'appelle aussi Linotte rouge. Le Chardonneret Fringilla carduelis il niche volontiers sur les pruniers. Le Tarin Fringilla spinus ; son plumage est vert et noir. Ordre des Gallinacés. Le grand Ramier Columba palumbus. Il nous arrive par bandes à l'automne, et paraît avoir du goût pour la graine de colza. La Tourterelle sauvage Columba turtur. Elle arrive à la fin d'avril et repart pour le midi en septembre. Le Faisan Phasianus colchicus, autrefois commun dans là forêt d'Othe, semble avoir disparu. La Perdrix rouge Perdix rubra assez commune dans la forêt d'Othe, mais beaucoup moins que la Perdrix grise Perdix cineréa. La Caille Perdix coturnix. Cette espèce nous arrive au mois d'avril pour repartir en automne. Elle était très-abondante dans le canton d'Aix en 1856 et 1857. Ordre des Échassiers. L'OEdicnême criard OEdicnemus crepitans. On le connaît dans le canton sous le nom de Courlis de terre. Le Pluvier doré Charadrius pluvialis. Il habite les prés marécageux de la Vannes. 188 ESSAI DE STATISTIQUE Le Vanneau huppé Vanellus cristalus plus commun que le précédent, habite les mêmes lieux. Le Héron cendré Ardea cinerea. Marais de la Vannes. Le Blongios ou petit Butor Ardea minuta. Il en a été tué, il y a quelques années prés de la ferme de Cosdon, par le fils Saviniat. Le Chevalier cul-blanc Totanus ochropus. On en tue assez souvent le long de la Vannes. La Bécasse Scolopax rusticola de passage dans nos bois. La Bécassine Scolopax gallinago, on la rencontre dans les marécages. Le Râle d'eau Rallus aquaticus, on le distingue du Râle des genêts à son long bec. Le Râle des genêts Gallinula crex assez commun le long de la Vannes. La Marouette Gallinula porzana remarquable à son manteau brun, tacheté de blanc. La Poule d'eau ordinaire Gallinula choropus trèsabondante dans les canaux du château de SaintBenoit, où les maîtres la laissent vivre en paix. Ordre des Palmipèdes. L'Oie cendrée Anser ferus, elle a le bec couleur orange. On en tue quelquefois. L'Oie sauvage Anser segetum est plus commune. On la reconnaît à son bec noir, coloré de jaune dans le milieu. On l'élève en domesticité. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 289 Le Canard sauvage Anas boschas, il niche plus rarement qu'autrefois dans les marais de la Vannes. Le Canard à longue queue Anas acula; on le reconnaît à sa queue pointue. La Sarcelle d'hiver Anas crecca; on la connaît sous le nom de Racanette. Le mâle a la tête marron. Le grand Harle Mergus merganser a été tué par M. Eugène d'Ambly à Saint-Benoît. On reconnaît les Harles à leur bec dentelé en scie. Le Grèbe Castagneux Podiceps minor et la Foulque Morelle Fulica atra, nichent dans les marais submergés. 3°. CLASSE DES REPTILES. ordre des Sauriens. Nous avons dans le canton trois espèces de lézards Le Lézard vert Lacerta viridis, le Lézard des souches Lacerta stirpium, et le Lézard des murailles Lacerta muralis. Le lézard vert est le plus long de tous. Le lézard des souches se distingue des autres par des taches blanches entourées de noir. On le trouve dans les broussailles, dans les souches d'aunelle le long de la Vannes. Le peuple redoute les lézards et les croit venimeux ; ces reptiles sont tout à fait inoffensifs. L'Orvet fragile Anguis fragilis connu sous le nom de Lanveau. Ce reptile n'est pas plus dangereux que le lézard. 290 ESSAI DE STATISTIQUE Ordre des Ophidiens. La Couleuvre à collier Tropidonotus natrix, c'est l'Anguille des haies; on la reconnaît à trois taches blanches qu'elle porte sur le cou ; elle n'a pas de venin, pas plus que les deux suivantes. La Couleuvre vipérine Tropidonotus viperinus. Lés taches noires qu'elle a sur la tête et qui ont la forme d'un V, la font ressembler à la vipère ; mais elle en diffère par son ventre tacheté comme un damier. Je l'ai vue dans les bois de Paisy et de Courmononcle. La Couleuvre lisse Coronella austriaca. Elle est d'un gris roussâtre et porte une moustache noire derrière les yeux ; commune dans tous les bois de la forêt d'Othe. La Vipère commune Vipera aspis Je crois qu'il ne sera pas inutile de donner quelques détails sur ce reptile assez commun dans le canton, avec d'autant plus de raison qu'il inspire une légitime horreur et que nous confondons souvent la vipère avec les inoffensifs reptiles dont je viens de parler précédemment. On ne rencontre guère en France d'autres serpents que les Orvets, les Couleuvres et les Vipères. Les Orvets et les Couleuvres ne sont nullement dangereux. Ils n'ont point de venin, cherchent rarement à mordre, et leur morsure serait sans conséquence. Beaucoup de personnes s'imaginent que les reptiles ont un dard au bout de la langue ; d'autres croient que le dard est au bout de la queue. La SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 291 queue d'un serpent ne pique pas plus que celle d'un lézard. Sa langue n'en est pas plus capable, attendu que c'est un organe mou comme la langue des autres animaux. Dans les espèces venimeuses, outre le système des dents ordinaires, il existe généralement deux dents mobiles attachées à la mâchoire supérieure et beaucoup plus longues que les autres dents. Ces deux pièces, qui ont reçu le nom de crochets, sont légèrement recourbées et creusées dans toute leur longueur d'un sillon qui se termine à leur extrémité par un orifice très-fin, et qui prend son origine à la base de la dent où se trouve une glande imprégnée de suc venimeux. Quand l'animal veut blesser, il redresse ses crochets, qu'il enfonce vivement dans le membre saisi. Il en résulte une pression de la glande sur laquelle s'appuie la dent, et le venin exprimé par cet effort, suit le canal intérieur du crochet et pénètre dans la plaie qu'il a faite. Maintenant décrivons la vipère et né la confondons pas avec la couleuvre. D'abord il n'y a pas de vipère qui dépasse en longueur 60 à 70 centimètres, tandis que les couleuvres atteignent le double de cette longueur. En second lieu, la vipère est de couleur sombre sur le dos, tandis que son ventre est gris d'acier et garni de grandes écailles. A partir de la nuque et tout le long du dos jusqu'à l'extrémité de la queue, il existe une série de taches foncées se reliant les unes aux autres de manière à former un cordon en zig-zag; puis il règne sur les flancs deux autres séries de taches en lignes parallèles. 292 ESSAI DE STATISTIQUE Enfin, sur la tête, qui est large et s'amincit vers le museau, il existe deux taches partant de l'entre-deux des yeux, et affectant la forme d'un V. Nous ajouterons que le dessus du corps est garni d'écaillés imbriquées dont chacune est relevée dans son milieu par une petite arête. La vipère a les yeux vifs et hardis ; toutefois elle n'attaque jamais l'homme ni les gros animaux, à moins d'être provoquée. Elle rampe lentement et ne saute jamais, particularité importante pour la sécurité de l'homme. Sa colonne vertébrale est articulée de manière à n'être que très-peu flexible. Aussi, lorsqu'on la prend par la queue et qu'on la suspend la tête en bas, elle ne peut se redresser pour mordre la main. La vipère se nourrit d'insectes, de mulots, de lézards, de limaçons. Dans la saison froide elle s'engourdit. II est bon de remarquer que le venin de la vipère est sans action sur la peau, sur la langue et sur les membranes muqueuses, lorsqu'il n'y a pas de plaie. Quand on est mordu par une vipère, il faut sucer la plaie, ce qui est tout-à -fait sans danger. Puis on fera, s'il est possible, au-dessus de la plaie, une ligature serrée; on appliquera une ventouse dont on augmentera l'effet par des scarifications profondes. L'antidote par excellence est l'ammoniaque alcali volatil dont on fait pénétrer quelques gouttes dans la plaie. On l'administre également à l'intérieur lorsque les accidents généraux se sont déclarés. Les SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 293 chasseurs font sagement de porter sur eux un petit flacon d'ammoniaque. Ordre des Batraciens. La Grenouille verte Rana esculenta. On la distingue par les trois plis jaunes formés par la peau du dos. La Grenouille rousse Rana temporaria. On la reconnaît à une grande tache noire qu'elle porte sur les tempes, d'où son nom de temporaria. La Grenouille ponctuée Pelodytes punctatus. On reconnaît cette espèce aux taches verdâtres qui recouvrent son dos et ses cuisses. La Rainette verte Hyla arborea. Elle se tient souvent sur les feuilles des arbres, sur lesquels elle monte au moyen des pelottes visqueuses de ses doigts. C'est cette grenouille qu'on met dans un bocal pour indiquer les variations de l'atmosphère. Le Crapaud accoucheur Alytes obstetricans. On l'appelle accoucheur parce que le mâle aide la femelle à pondre ses oeufs. On le reconnaît à son cri qui ressemble au son d'une petite clochette. Le Crapaud commun Bufo vulgaris. Ce sont les jeunes de cette espèce qu'on voit pulluler sur les* chemins après une pluie succédant à une grande sécheresse. Le Crapaud vert Bufo viridis moins commun que les précédents, mais plus abondant que le Crapaud sonnant Bombinalor igneus ; celui-ci se trouve dans les mares des bois. Trois espèces de Salamandres la Salamandre 294 ESSAI DE STATISTIQUE terrestre Salamandra maculosa, noire avec des taches jaune vif sur le dos ; dans les bois humides. La Salamandre ponctuée Lissotriton punctatus, commune dans les mares du plateau de la Vannes. La Salamandre crétée Triton cristalus. On la trouve dans les trous humides de toute la forêt d'Othe. 4°. CLASSE DES POISSONS. La Vannes est à proprement parler, le seul cours d'eau qui nourrisse des poissons. La Nosle possède quelques truites, mais en faible quantité. La Perche commune Perca flaviatilis. On la reconnaît aux bandes noirâtres verticales qu'elle porte sur le dos, et à ses nageoires inférieures rouges. Le Chabot Cottus gobio ; il habite sous les pierres. L'Epinoche aiguillonnée Gasterosteus aculeatus, vulgairement appelée Epingale. On la reconnaît aux trois épines qu'elle porte sur le dos, et qui la protègent contre les autres poissons. La Chevanne ou Meunier Cyprinus dobula. On le connaît sous le nom de Cheneviau. La Vandoise Cyprinus leuciscus. Le Véron Cyprinus phoxinus. La Loche ordinaire Cobitis barbatula. Le Brochet Esox lucius. La Truite commune Salmo fario, assez abondante. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 298 L'Anguille Maroena anguilla. Tout le monde sait que l'anguille quitte nos rivières à l'automne pour aller frayer dans l'Océan. Le Lamprillon Ammocoetes branchialis, connu sous le nom de Chatouille. La Nosle et le ruisseau de Cerilly le possèdent ainsi que la Vannes. En ce moment M. Eugène d'Ambly, membre du Conseil d'Arrondissement et maire de Saint-Benoîtsur-Vannes,qui s'occupe activement de pisciculture, vient d'introduire dans ses propriétés deux nouvelles espèces de poissons la Truite du Rhin et le Saumon. Tout porte à croire que ses essais seront couronnés de succès. 5°. MOLLUSQUES. Je manque de renseignements sur cette partie intéressante de notre histoire naturelle. Je ne doute pas que nos forêts et nos régions paludéennes ne renferment une grande partie des mollusques signalés dans le département. Consulter à cet égard le Catalogue des Mollusques vivants de la Champagne méridionale, par MM. J. Ray et H. Drouët. On peut constater l'existence de la Limace marginée Limax marginatus, qu'on voit sortir de la mousse dans les temps pluvieux. Parmi les limaçons la Vitrine transparente Vitrina pellucida qu'on trouve dans les bois. Une grande partie des Hélices l'Hélice blanchâtre Hélix candidula ; l'Hélice à petites côtes Hélix costata sur les pierres et les écorces ; l'Hélice roussà tre Hélix rufescens qui se cache dans les 296 ESSAI DE STATISTIQUE fraisiers et la violette des bois; l'Hélice lampe Hélix lapicida ; l'Hélice luisante Hélix nitens ; le Maillot ombiliqué Pupa umbilicata ; le Maillot seigle Pupa secale; la Balée fragile Balea fragilis qu'on trouve sur l'écorce des saules ; la Clausilie noirâtre Clausilia nigricans; une partie des Planorbes le Planorbe corné Planorbis corneus ; le Planorbe entortillé Planorbis contortus; la Limnée auriculaire Limnea auricularia ; et dans les sources de la Vannes la Physe fontinale Physa fontinalis. La classe des Acéphales est assez largement représentée dans les marais de la Vannes, qui renferment quelques Anodontes. On voit aussi plusieurs Mulettes vulgairement appelées Moules; leur longueur varie de huit à quinze centimètres. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 297 DEUXIEME PARTIE. AGRICULTURE, COMMERCE, INDUSTRIE. 298 ESSAI DE STATISTIQUE § Ier. - Tableau des différente Aix-en-Othe. Saint-Mards. Maraye-en-Othe. Nogent en-Othe. hect. ar. c. hect. ar. c. hect. ar. c. hect ar. c. Terres labourables . . 2404 33 36 1638 38 74 4438 48 84 332 50 59 Chenevières 20 47 24 » » » 47 26 23 2 89 00 Jardins 18 59 49 » » » 40 75 78 4 23 47 Prés 92 63 48 27 45 60 54 42 46 » » » Pâtures 7 27 84 » » » 43 03 54 » » » Vignes. . . . 35 44 67 59 84 40 49 86 64 » » » Aulnaies 4 60 62 » » » » » » » » » Peupliers 4 25 70 » » » " » » » » » Vergers 4 38 24 » » » 2 43 77 » » » Epines 0 35 45 » » » » » » » » » Broussailles ...... 0 38 30 8 22 70 44 60 42 » » » Bois 4042 77 35 4309 96 43 2909 45 98 535 87 20 Canaux 0 95 02 » » » » » » » » » Ravins 2 37 34 » » » » » » » » » Friches 64 87 95 » » » 8 95 43 » » » Sols, cours, bâtiments. 20 65 54 22 » » 43 54 25 2 25 02 Grandes routes, etc. . 56 75 90 72 84 47 » » » 44 36 90 Rivières, ruisseaux. , . 4 34 37 » » » » » » » » » Mares, pièces d'eau . . » » » 2 » » 0 48 34 » » » Bruyères » » » » » » 27 47 70 » » » Routoirs. . » » » » » » 0 06 20 » » » Avenues, places.... » » » » » » » » » » » » Revenu territorial . . . 34,944f 42c 36,964f 70c 59,789f 44c 43,509f 83c Superficie totale. . . . 3476h 63e 58e 3440h38a74c 4477h64a86c 906h42a48c Nombre de propriétaires 732 574 547 265 Nombre de parcelles. . 44,333 8,997 7,89 3 2,495 En totalité, 4,046 propriétaires ; 54,842 parcelles Aix-en-Othe se trouve avoir le terrain le plus morcelé; Saint-Benoît, le moins. Le plus grand revenu territorial est à Maraye-en-Othe 59,789 fr. 41 c; le moindre, à Vulaines 4,530 fr. 90 c. Ce dernier chiffre me paraît manquer de justesse et déranger l'équilibre général des appréciations. Car, prenons les deux communes limitrophes, Vulaines et SaintBenoît, avant l'adjonction de Courmononcle à cette SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 299 tures de propriétés, etc. Villemoiron. Paisy-Cosdon. Saint-Benoît-sur- Vulaines. Rjgny-le-Ferron. Bérulles. Vannes. hect. ar. c. hect. ar. c. hect. ar. c. hect. ar. c. hect. ar. c. hect. ar. c. 697 92 74 899 09 77 4088 88 72 609 48 49 4363 27 94 4409 44 22 43 56 47 2 54 73 5 83 24 9 29 00 » » » 4 65 29 6 70 80 4 39 94 7 05 53 2 68 30 9 38 04 6 89 48 30 74 44 62 42 59 54 65 26 30 65 97 92 26 48 » » » 6 36 59 34 50 69 448 90 08 50 92 44 40 50 45 7 23 89 44 53 45 » » » 2 84 05 43 68 40 38 67 96 46 46 3 » » » 33 43 84 52 00 46 43 74 20 » » » » » » » » » » » » 4 47 02 » » » 4 08 56 » » » 0 02 38 3 07 90 0 22 89 » » » 4 30 83 » » » » » » » » " »»»»»» » » » » » » » » » » » » » » » 9 44 64 0 47 20 » » » 446 44 55 62 42 59 240 28 74 77 52 64 345 89 58 462 75 68 0 04 87 » » » » » » » " » » » » 3 40 40 » » » » » »»»»»» » » » » » » 4 04 47 44 28 90 24 80 68 4 56 38 » » » 40 57 94 5 87 68 7 42 92 5 82 58 3 00 46 8 57 20 » » » 49 86 22 34 27 05 33 72 04 44 99 48 56 69 42 34 40 40 4 04 35 3 20 47 3 94 95 4 94 74 5 98 40 0 29 28 0 00 47 0 09 36 0 65 66 » » », 0 04 20 3 40 40 » » » » » » » » » » » » » » » " » » 0 07 4 4 » » » » » » » » » 0 07 42 » » » 0 64 27 » » » » » » » » » » » » » » » 4,374f 87c 49,246f 45c 44,544f58c 4,530f90c 24,204f44c 10,848f 66c 249h48a54c 4783h66a78c 4667h93a05c 874h69a33c 4904h23a05c 4649h49a88c 294 457 206 480 432 392 4,048 3,862 2,345 2,669 4,540 6,988 236,948 fr. 63 c. de revenu territorial. dernière Saint-Benoît avait une superficie de 872 hectares, et un revenu cadastral de 8,861 fr. 72 c. Vulaines possède 871 hectares, et n'a un revenu cadastral que de 4,530 fr-. 90 c. S'il y a de bonnes terres à Saint-Benoît, il y en a d'excellentes à Vulaines, et en somme, les deux communes sont égales en richesse territoriale, à très-peu de chose près. T. XXII. 21 300 ESSAI DE STATISTIQUE § II. — Réflexions sur l'Agriculture en général. L'agriculture est une profession qui exige beaucoup de savoir ; toutes les connaissances humaines y trouvent des applications plus ou moins directes les constructions rurales, les travaux d'amélioration foncière, les défrichements, les irrigations, l'arpentage, le cubage, les relations de commerce pour la vente ou l'achat de denrées, de bestiaux, d'objets de toute nature, une comptabilité à tenir, si élémentaire qu'elle soit, les modifications à apporter dans les opérations, suivant les circonstances; toutes ces occupations si diverses et si multiples, exigent des connaissances spéciales, un jugement sûr, un esprit d'observation dont ne se doute pas en France la majorité de ceux-là mêmes qui sont les plus intéressés à les posséder. Voilà , je crois, une des causes principales de l'infériorité de notre agriculture. Cependant, nous devons le dire, le gouvernement actuel, qui, dans l'espace d'un petit nombre d'années, a déjà accompli tant de grandes et utiles choses, se préoccupe sérieusement d'ouvrir une nouvelle ère à notre agriculture. Partout l'élan est donné; la pressé périodique, les administrations centrales, départementales et communales, sont entraînées par les idées nouvelles qui tendent à replacer l'agriculture au rang qui fui appartient, Les années de cherté et de disette que SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 301 nous venons de traverser, contribuent puissamment à ce réveil de la sollicitude publique pour le premier des arts. Dans les meilleures années, la production du froment ne s'élève en France qu'à 97 millions d'hectolitres; ce qui représente la nourriture de 32 millions d'hommes. Il s'en suit que si nous étions limités à nos propres ressources, 4 millions de Français ne mangeraient pas de pain de froment, ou, en d'autres termes, que la production du froment présente un déficit d'un douzième environ. Il est vrai que ce déficit se trouve comblé par le seigle. Développer la production des denrées alimentaires, créer de nouveaux et de plus larges débouchés à notre agriculture dans les années d'abondance, tel est le premier besoin de notre époque, besoin qui intéresse non-seulement le présent, mais l'avenir. Comment pourvoir au salut de la génération présente et de celles qui lui succéderont? Par la suppression de tous droits à l'entrée et à la sortie des céréales qui deviendraient l'objet d'un très-grand commerce, lequel puiserait constamment dans les contrées les plus favorisées pour alimenter celles qui le seraient moins. Ce système est pratiqué avec avantage par les Anglais. Par l'accroissement de la richesse territoriale; cet accroissement peut s'opérer, soit en développant l'étendue des terres cultivées, soit en augmentant leurs produits, et cela par un judicieux emploi des irrigations, du drainage, des engrais et des instruments perfectionnés. Sur 52,768,618 hectares dont se compose, d'après M. Moreau de Jonnès, la superficie totale de 302 ESSAI DE STATISTIQUE la France, on constatait naguère que 7,171,205 hectares étaient encore à l'état de terrains vagues, de landes, de pâtis, etc., dont il serait possible de tirer parti. Il est vrai que ce chiffre tend à diminuer de plus en plus, grâce à l'iniative d'hommes généreux, d'administrations municipales intelligentes. Il faut que la science passe désormais dans la pratique ; il faut que les idées, les découvertes profitent à tous, et qu'on s'efforce partout de produira le plus possible avec la plus grande économie de temps et de capitaux. Mais ce n'est point par le raisonnement que l'on persuadera l'homme des champs, habitué depuis des siècles à voir grandir ses moissons, fleurir ses prés dans les mêmes conditions de culture, ayant en face de lui la nature dont les lois et les phénomènes semblent invariables ; éloigné des centres où s'élaborent et d'où rayonnent les doctrines nouvelles, il est naturellement peu disposé à admettre que les théories, qu'il qualifie de rêves, puissent ajouter quelque puissance à ses travaux, quelques écus à sa bourse. S'il a été induit en erreur par quelques utopistes, il se méfie de toute innovation. Il sait où il arrivera avec la route qu'il a adoptée, quelque mal tracée qu'elle soit; il ignore où le conduirait celle qu'on veut lui indiquer. C'est donc par des faits qu'il faut vaincre sa défiance et triompher de ses préventions. Il ne croit guère qu'à ce qu'il voit, qu'à ce qu'il peut apprécier avec son simple bon sens. Les exemples donnés par les grands propriétaires feront plus d'impression sur lui que tous les livres, que tous les conseils. Ce qui précède peut généralement s'appliquer au cultivateur du canton d'Aix, quoiqu'il soit SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 303 vrai de dire que, rempli de bonne volonté, avide d'instruction, il ne tardera pas à se débarrasser des entraves qui gênent sa marche, et qu'il ne restera pas indifférent aux conseils qui lui viendront de plus haut que lui, lorsque les conseils seront appuyés par des exemples; il veut toucher du doigt. Je citerai un exemple entre autres, dont j'ai été témoin Le Maire de Saint-Benoît-sur-Vannes possède près d'une de ses fermes un pâtis d'un rapport tout à fait nul. Ses connaissances pratiques et l'étude spéciale qu'il a faite du drainage, la position même du champ l'engagèrent à l'assécher. Il se met à l'oeuvre. Les laboureurs du pays, aux explications que leur donnait M. d'Ambly, souriaient d'un air de doute, et restaient convaincus que leur maire se livrait à un travail inutile. Jamais cette terre n'a rapporté quoique ce soit, donc le sol ne vaut rien, et il n'est pas possible que quelques tuyaux alignés donnent à ce sol connu mauvais une force de végétation productive. » L'opération se fit et réussit parfaitement, et les incrédules purent voir à la place d'herbes parasites un magnifique carré de colza à faire envie. La leçon a profité, et nous verrons dans quelques années, à Saint-Benoît, toutes les terres susceptibles d'être asséchées, sillonnées de rigoles souterraines qui viendront ajouter une richesse de plus au pays. Le but de l'agriculture est de produire les matières du règne végétal et du règne animal nécessaires aux besoins de l'homme. Une exploitation agricole est une véritable fabrique de végétaux et d'animaux, et comme les derniers se nourrissent presque exclusivement de matières végétales, c'est à la produc- 304 ESSAI DE STATISTIQUE tion de ces substances,que se ramène en définitive le problème agricole considéré d'une manière générale. La connaissance des plantes qu'un terrain produit naturellement, est l'un des caractères les plus propres à déterminer ses propriétés. C'est un enseignement précieux qui permet souvent d'apprécier la valeur d'une terre que l'on veut mettre en culture; c'est ce qui me fait reproduire les listes suivantes Terrains argileux Tussilage pas-d'âne. Laitue vireuse. Sureau yèble. Lotier corniculé. Agrostis traçante. Chicorée sauvage. Orobe tubéreux. Terrains argilo-calcaires Anthyllide vulnéraire. Potentille ansérine. Potentille rampante. Mélique bleue. Laitue vivace, Sainfoin cultivé. Chondrille joncée. Frêne commun. Terrain calcaire Brunelle à grandes fleurs. Boucage saxifrage. Germandrée petit-chêne. Gaude. Potentille printanière. Coquelicot. Chardons. Globulaire commune. Noisetier commun. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 305 Sableux Jasione des montagnes. Elyme des sables. Statice des sables. Laîche des sables. Roseau des sables. Fléole des sables. Sabline pourpre. Fétuque rouge. Oseille petite. Spergule des champs. Réséda jaune. Bouleau. Pin maritime. Terrains constamment submergés Macre. Fétuque flottante. Laîches. Scirpes. Souchets. Nénuphar. Roseau à balais. Fléchière. Plantain d'eau. Epilobes. Non constamment submergés Spirée ulmaire. Menthe aquatique. Joncs. Laîches. Prêles. 306 ESSAI DE STATISTIQUE § III. — Terres labourables. FROMENT. Il se cultive dans le canton d'Aix-en-Othe environ 2,566 hect. en froment. On emploie pour la semence du grain de toute provenance. Les blés les plus communément employés sont le Blé barbu, qu'on sème sur les terres légères; le Blé poulette, ou sans barbe, destiné aux terres fortes. Depuis quelques années, néanmoins on voit apparaître quelques blés étrangers au pays, comme le Blé anglais, le Blé bleu, le Rampillon, le Blé de Saumur, le Blé d'Ecosse, etc. Ces différents blés, d'une nature supérieure à nos blés indigènes, ne réussissent pas également bien dans toutes les terres ; il leur faut un terrain approprié, riche d'humus et de fonds. Nos cultivateurs ont contracté depuis quelque temps l'heureuse habitude de souvent changer de semence. C'est évidemment un progrès. Suivant M. Royer, agriculteur distingué, la valeur totale de la production agricole en France est de six milliards et demi par an. On fait en froment 5,586,786 hect. 53 ares qui produisent 69,558,062 hectolitres; la semence entre pour 11,441,780 hectolitres au prix moyen de 15 fr. 85 c. l'hectolitre. Le produit moyen d'un hectare de froment dans le canton d'Aix peut être évalué, année moyenne, à 14 hectolitres, et le produit total à 35,924 hectolitres, produisant 44,900 quintaux de paille. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 307 L'hectolitre vaut,en moyenne,16fr., et pèse 74 kil.; le quintal métrique de paille vaut 3 fr. En 1857, avant la récolte, le blé valait 28 fr. l'hect.; au mois d'octobre il était descendu à 19 fr. La valeur totale du froment récolté annuellement dans le canton peut être évaluée à 574,784 fr., et la paille à 134,715 fr. On consomme dans le canton environ 16,180 hectolitres de froment. La paille est tout entière rendue à la terre. On évalue à 874 hectolitres la quantité de froment détruite par les brumes, les souris, les charançons, la grêle et les pluies. Un hectare de froment coûte en moyenne, en y comprenant le labourage,, le hersage, l'ensemencement, la moisson, le charroi, le battage, etc., environ 85 fr. En 1857, le prix de revient s'est élevé jusqu'à 159 fr. D'après M. Boussingault, les deux cents parties de paille et les cent parties de grains qui composent une récolte de froment supposée sèche contiennent Grain. Paille. TOTAL. Carbone 46,10 96,96 143,06 Oxygène. 5,80 10,68 16,48 Hydrogène 43,40 76,58 119,98 Azote 2,29 0,70 2,99 Acide sulfurique. . . 0,02 0,14 0,16 Acide phosphorique . 1,14 0,44 1,58 Chlore traces 0,08 0,08 Chaux. 0,07 1,18 1,25 Magnésie 1,39 0,68 1,07 Potasse 0,72 1,28 2,00 Soude traces 0,04 0,04 Silice 0,03 9,42 9,45 Fer et alumine. . . . 0,00 0,14 0,14 Perte 0,00 0,00 1,72 300,00 308 ESSAI DE STATISTIQUE SEIGLE. La culture du seigle ne date pas d'aussi loin que celle du froment. On n'en trouve pas dans les tombeaux d'Egypte, et il n'en est pas question dans les auteurs d'une haute antiquité. On le cultivait en grand dans l'Auvergne et le Forez dès le XVe siècle. On fait en France 2,577,253 hectares 88 ares de seigle qui produisent 27,811,700 hectolitres. La semence entre pour 5,139,422 hectolitres; le prix moyen est de 10 fr. 65. On cultive dans le canton d'Aix 1,185 hectares de seigle produisant 14,220 hectolitres à 12 hectolitres l'hectare. Le poids ordinaire d'un hectolitre de seigle est de 70 kilog., et le prix moyen de 10 fr. Au commencement de 1857, il valait 17 fr.; en octobre, il était descendu à 11 fr. Dans le canton d'Aix le produit est dépassé par la consommation 16,200 hectolitres. Le cultivateur, ou plutôt le manouvrier propriétaire, vend une partie de son froment pour acheter du seigle pour les besoins de sa maison. On tire ordinairement ce seigle du canton de Marcilly-le-Hayer. La culture d'un hectare de seigle coûtait, en 1857, 134 fr. ORGE. On fait en France 1,188,189 hectares 53 ares d'orge qui produisent 16,661,462 hectolitres. La semence entre pour 2,575,615 hectolitres au prix moyen de 8 Dans le canton d'Aix, on cultive en orge 1,260 hec- SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 309 tares qui produisent, à 16 hectolitres l'hectare, 20,208 hectolitres de grains et 144,456 quintaux de paille. L'hectolitre d'orge pèse ordinairement 60 kilog., et se vend, année commune, 7 fr. En mai 1857, il se vendait 16 fr., et en octobre 10 fr. Il se consomme annuellement dans le canton 10,000 hectolitres d'orge. Depuis quelques années, cette culture a beaucoup augmenté au détriment de l'avoine. Les manouvriers mêlent cette céréale au froment et au seigle dans la proportion d'un tiers pour leur nourriture. La culture d'un hectare d'orge, coûte en 1857, 89 fr. 50. AVOINE. On fait en France 3,000,634 hectares 19 ares d'avoine qui produisent 48,899,785 hectolitres. La semence entre pour 7,015,708 hectolitres, le prix moyen est de 9 fr. 40. En 1852, on cultivait dans le canton d'Aix 2,343 hectares d'avoine. L'assolement biennal et l'augmentation de la culture de l'orge ont diminué cette proportion. Néanmoins, cette culture de l'avoine paraît vouloir reprendre de l'extension; on tend à abandonner l'assolement biennal, qui a pour résultat de faire, porter au sol trop souvent la même espèce de grains, et par conséquent d'amoindrir les produits, On revient volontiers à l'assolement triennal, moins avantageux pourtant que l'assolement quadriennal. L'avoine est d'une qualité ordinaire et pèse environ 48 kilog. l'hectolitre. Elle se vend ordinairement 6 fr. 50 l'hectolitre, ce qui représente, année commune, un chiffre de 228,442 fr. 50. En 310 ESSAI DE STATISTIQUE mai 1857, elle valait 10 fr., et en octobre, 11 fr. Il se consomme annuellement, dans le canton, 19,767 hectolitres d'avoine. La paille sert tout entière à la nourriture des bestiaux. La culture d'un hectare d'avoine coûte en 1857, 59 fr. TABLEAU RESUME DES GRAINS. Frais de culture PRODUIT Consom- Poids, d'un hectare, VALEUR mation Poids y compris NOMBRE PRODUIT le labour, moyen annuelle de l'ensemencement, GRAINS. TOTALE le hersage par dans le hersage, d' hectares. total. l'hec la moisson, hectare. en argent. le tolitre les charrois, etc. canton. 1852. 1857. hectares, hectolit. hectares, francs. c. hectares, kilog. francs, francs. Blé 2,566 14 35,924 574,784 00 16,180 74 85 194 Seigle.. 1,185 12 14,220 142,200 00 16,200 70 85 134 Orge.. 1,263 16 20,208 141,456 00 10,000 60 65 90 Avoine. 2,343 15 35,145 228,442 50 19,767 48 45 59 PRIX DES GRAINS DE 1800 A 1855 INCLUSIVEMENT. PÉRIODES. BLÉ. MÉTEIL. SEIGLE. ORGE. AVOINE. OBSERVATIONS. 1800 à 1810. 15 95 12 02 9 34 7 23 5 25 Cette moyenne est basée sur le prix du grain à la Saint1810 Saint1810 1820. 2158 13 43 12 79 9 05 5 76 Martin de chaque peut re1820 à 1830. 16 60 10 70 9 557 7 15 6 234 marquer que les pluies désatreuses de 4816 ont influé 1830 à 1840. 17 216 1150 10 24 7 866 6 15 sur la période de 1810 à 1820. 1840 à 1850. 19 57 12 90 11 21 9 35 6 84 1850 à 1855. 24 49 17 67 13 01 9 95 6 45 SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 311 JACHERES. Il y a cinq ou six ans, on comptait encore 1,600 hectares de jachères dans le canton d'Aix-enOthe. Ce nombre tend à diminuer tous les ans. On utilise les terres au moyen de prairies artificielles. On ne laisse en jachères que les champs entièrement perdus d'herbes, afin de les nettoyer par plusieurs labours successifs. Bientôt il n'y aura plus de jachères, on les remplacera par la culture des racines. Cette culture remplit parfaitement le but qu'on désire atteindre la destruction des herbes parasites, par la fréquence des binages et des sarclages. Chaque espèce de végétal absorbe certains sels de préférence aux autres ; lorsque les sels préférés seront absorbés, l'espèce du végétal qui s'en nourrit cessera de croître, ou au moins de prospérer dans les terres épuisées. C'est sur ce principe que doivent être fondées les rotations de culture. Ainsi, lorsqu'une terre est épuisée des sucs nourriciers du froment, elle pourra nourrir du trèfle; épuisée des sucs nourriciers du trèfle, elle pourra fournir à la nutrition de la pomme de terre, de la betterave, etc. C'était faute de connaître ce principe que nos pères croyaient devoir laisser leurs terres en jachères. Une terre épuisée retrouve dans les engrais, dans l'air,dans les eaux d'irrigation et de pluie, dans toutes les circonstances atmosphériques, les sels dont la végétation l'avait privée. Plus elle reste longtemps sans nourrir une espèce de plante, plus les sucs nourriciers nécessaires à cette plante s'accumulent dans son sein. La meilleure rotation de culture serait 312 ESSAI DE STATISTIQUE donc celle qui ramènerait dans un champ le même végétal aux plus longs intervalles possibles. § IV. — Cultures diverses. 1°. POMMES DE TERRE. La culture de ce précieux tubercule n'est pas aussi étendue dans le canton d'Aix qu'on pourrait le désirer, et le peu que l'on cultive l'est assez mal. Cette plante, pour être productive, demande plusieurs binages, et il est rare qu'elle en reçoive plus d'un. On ne fait guère plus de 75 hectares de pommes de terre. C'est bien peu, eu égard à l'étendue des terres arables disponibles. Il est probable que la nature argileuse du sol se refuse à cette culture ; et puis, le cultivateur du canton d'Aix n'est pas encore arrivé à comprendre les avantages de l'élève des bestiaux. Il faut 17 hectolitres de pommes de terre pour ensemencer un hectare. L'hectare peut produire, en moyenne, 80 hectolitres; ce qui donne, année moyenne, 6,000 hectolitres environ, à 4 francs l'hectolitre, soit 24,000 francs. Depuis quelques années, cette plante si utile a eu à souffrir d'une maladie qui détruisait annuellement plus de la moitié de la récolte. 2°. BETTERAVES. Il n'y a guère que cinq ou six ans qu'on s'adonne, dans le canton d'Aix, à la culture de la betterave. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 313 Le laboureur de ce pays n'a pas encore compris tous les avantages qui résultent de la culture de cette plante fourragère, et qui consistent à nettoyer, par de fréquents binages, les terres encombrées de mauvaises herbes; à permettre au cultivateur de nourrir une plus grande quantité de bestiaux, source naturelle d'une plus grande production d'engrais. On n'en fait guère que 25 hectares sur jachères. Le produit moyen d'un hectare de betteraves est d'environ 350 quintaux, La betterave n'a pas, dans cette contrée, de valeur commerciale; chacun la cultive pour son besoin. Les frais de culture d'un hectare de betteraves peuvent être évalués, y compris la récolte, à 187 francs. A propos de la cueillette des feuilles de betteraves, il existe un préjugé qu'il serait bon de voir disparaître. On croit généralement qu'il est indispensable de ne laisser à la plante que les trois feuilles du centre, une plus grande quantité devant nuire à l'accroissement. C'est précisément le contraire. Il faut qu'on se persuade bien que c'est par les feuilles que la betterave absorbe l'eau, l'acide carbonique, l'azote, qui servent à son alimentation; plus vous diminuez les moyens d'absorption, moins les plantes auront de chances de vitalité. 3°. LÉGUMES SECS Haricots, Pois, Vesces, Lentilles. On cultive environ 40 hectares de légumes secs. Les pois, les vesces et les lentilles se récoltent généralement comme fourrage. 314 ESSAI DE STATISTIQUE Les haricots se cultivent pour la nourriture des habitants du canton et des pays voisins. — Les foires de Saint-Mards sont renommées pour la vente de ce légume. On estime à 480 hectolitres environ la récolte des légumes secs. Les haricots se vendaient, en 1857, depuis 12 francs jusqu'à 24 fr. l'hectolitre; les pois et les vesces, de 16 à 22 francs; les lentilles, de 20 à 23 francs. 4°. GRAINES OLÉAGINEUSES. Colza. La culture de cette plante commence à s'étendre. La graine, qui se récolte dans les premiers jours de juillet, trouve un débouché facile, et qui permet au cultivateur d'attendre la vente de ses autres récoltes. On fait, dans le canton, environ 30 hectares de colza depuis quatre ou cinq ans seulement. L'hectare produit, en moyenne, 20 hectolitres de graines; le prix moyen de l'hectolitre est de 30 francs. — Ce prix n'a guère varié depuis quelques années. Chanvre. Loin de progresser comme les colzas, la culture du chanvre diminue sensiblement. Quelle est la cause de celte interruption dans une culture très-utile pourtant ? On en donne plusieurs d'abord le développement du commerce de la bonneterie, qui enlève les bras nécessaires ; le prix toujours croissant de la main-d'oeuvre, et le rendement, souvent peu produc- SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 315 tif des terres à chanvre. Vulaines presque seul continue cette culture sur une assez grande échelle. — Saint-Benoît, qui en faisait beaucoup, n'en fait plus. Beaucoup de ménages préfèrent acheter la toile toute faite. Est-ce une économie? on me permettra d'en douter. La toile qu'on achète pour être plus blanche et d'un tissu plus fin, n'en a pas plus de durée; tout au contraire. On ne fait guère plus de 40 hectares de chèneviéres maintenant dans le canton. Ces 40 hectares produisent, en moyenne, 360 hectolitres de chènevis. Un hectare produit 9 hectolitres de graine et 6 quintaux de filasse. Le prix moyen du chènevis, par hectolitre, est de 12 francs ; le prix de la filassse, par quintal métrique, de 70 francs. On estime à 300 francs les frais de culture d'un hectare de chanvre. 5°. JARDINS. Le canton d'Aix ne possède que 2 hectares 75 centiares de parcs et de jardins d'agrément. L'étendue totale des jardins potagers, dont le produit est principalement destiné à la consommation du propriétaire, et dont on ne vend que la portion qui excède les besoins de cette consommation, s'élève à 82 hectares, qui peuvent produire approximativement une somme de 32,800 francs. Ces jardins sont généralement plantés de pommiers, poiriers, pruniers et groseilliers. Ceux qui sont adossés aux bâtiments sont ornés de quelques treilles de chasselas blanc ordinaire. T. XXII. 22 316 ESSAI DE STATISTIQUE Les frais de culture de ces 82 hectares de jardins sont évalués à 24,600 francs. §. V. — Fourrages. 1°. PRAIRIES NATURELLES, PATURAGES ET PACAGES. Le canton d'Aix-en-Othe renferme environ 692 hectares de prairies naturelles. Sur cette étendue, 264 hectares seulement sont susceptibles d'être irrigués dans l'état actuel des choses. L'hectare de foin irrigué peut produire en moyenne 35 quintaux métriques, et celui non irrigué 21 quintaux seulement. Le prix moyen du quintal métrique est de 6 fr. 32. Les frais de récolte et autres peuvent être évalués à 38 francs l'hectare. On compte 70 hectares de pâturages et de pacages, produisant en totalité 1,095 quintaux de foin, estimés 1 franc le quintal, soit 1,095 francs. On évalue à 3,050 quintaux le fourrage recueilli dans les forêts; à 68,669 celui qu'on peut ramasser dans les prés fauchés, les chaumes, etc. Ces diverses ressources peuvent être approximativement évaluées à 103,003 fr. 50. Les foins récoltés le long des ruisseaux de la Nosle et de Cerilly sont de meilleure qualité que ceux de la Vannes. Rigny-le-Ferron, surtout, en produit d'excellents. 2°. VALLÉE DE LA VANNES. Le fond de la vallée de la Vannes est occupé par SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 317 des marais ou terrains humides qui offrent une largeur moyenne de 600 mètres, et dont la superficie, dans la partie où cette rivière baigne le canton d'Aix, est évaluée à 418 hectares 62 ares, ainsi répartis Paisy-Cosdon 84h 17a Saint-Benoît-sur-Vannes. . .. 214 83 Vulaines.. ......... 119 62 418 62 On peut diviser les marais de la Vannes en deux catégories, suivant qu'ils sont quelquefois couverts d'eau, ou ordinairement secs. Les marais ordinairement couverts d'eau produisent assez abondamment des roseaux, des joncs, des laîches, et autres herbes de mauvaise qualité, qu'on n'emploie généralement que comme litières. Les manouvriers et les petits cultivateurs, dont la récolte en paille n'est pas suffisante, achètent volontiers cette herbe dont ils disent se bien trouver. On ne peut guère entrer dans les marais que pendant les gelées d'hiver. Les marais secs sont très-froids, à cause de la grande déperdition de chaleur qu'ils éprouvent par l'évaporation. On ne les voit guère croître qu'au mois de juin; l'herbe n'en est pas abondante et n'atteint qu'une faible hauteur. Maintenant, comment le sol composé d'un peu de terre végétale, de tourbe et de pâte argileuse, doit-il être traité? Trop humides, ces terrains sont improductifs; si on les prive totalement d'humidité, ils deviennent impropres à toute culture, parce qu'ils se délitent et se désagrègent au soleil. Une compagnie, dont la raison sociale était Vassal 318 ESSAI DE STATISTIQUE et C°, s'était chargée de résoudre ces questions. Des études furent faites en 1855, et soumises aux hommes compétents ; il s'en suivit une enquête qui discuta consciencieusement et point par point tous les termes du rapport d'un ingénieur des ponts-etchaussées. Il en résulta que l'expertise, tout en admettant, à priori, la possibilité de l'amélioration de la vallée, rejeta plusieurs paragraphes du mémoire, et conclut à l'établissement d'un syndicat, et à l'exclusion de toute compagnie. L'affaire est aujourd'hui entre les mains de l'administration supérieure. Le rapport des experts, consciencieusement rédigé, appuyé sur des chiffres d'une parfaite exactitude, fait ressortir clairement le but de la société Vassal. Ce but serait, à n'en pas douter, l'exploitation en grand de toute la vallée, pour l'extraction de la tourbe ; l'assainissement ne serait qu'accessoire, et en conséquence, tout-à -fait secondaire. Les propriétaires, en demandant un syndicat sous là direction, bien entendu, de l'administration, veulent sincèrement la bonification de leur sol, mais subordonnée à des moyens économiques que la compagnie Vassal est loin d'offrir. Déjà quelques propriétaires, entre autres MM. Bacquet, à Villemaur, Eugène d'Ambly et Fruitier, à Saint-Benoît, ont entrepris le dessèchement d'une partie de leurs prés. Les résultats seront avantageux; on ne peut en douter. Les travaux exécutés par ces messieurs le sont avec une telle précision, qu'il est impossible que tous les terrains qui sont susceptibles d'amélioration ne changent pas de nature dans un temps peu éloigné. Une des premières conditions de l'assainissement SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 319 des marais de la Vannes, sera d'abaisser le plan d'eau au moins à un mètre au dessous du niveau du sol. Dans les sols spongieux, l'exhaussement du niveau des eaux stagnantes, produit par la capillarité, atteint à peu près cette hauteur. D'un autre côté, les terres légères, pour être productives, ne doivent pas se trouver, dans les sécheresses, à plus de 45 ou 50 centimètres au-dessus de la nappe d'eau souterraine. Il faudra donc se ménager la faculté d'humecter à volonté les terrains assainis, et cela au moyen de l'irrigation superficielle, parce que l'humectation souterraine offre l'inconvénient de refroidir les terres en y introduisant des eaux qui sont à une température moins élevée que celle du sol. Si l'on s'attache à suivre les idées de l'ingénieur auteur du rapport, on voit que, pour assurer l'opération du dessèchement, il serait nécessaire de rejeter en dehors des marais toutes les eaux affluentes au moyen de canaux de ceinture, et de ne recevoir dans le canal de dessèchement que les eaux de sources et les eaux pluviales provenant de l'intérieur des marais. Les canaux de ceinture seraient établis le long des marais, sur chacune des deux rives. Le lit actuel de la rivière, rectifié, formerait le canal de la rive droite. Le canal principal d'écoulement suivrait le thal weg de la vallée. Trente-un canaux transversaux d'écoulement déboucheraient dans le canal principal. Des conduits secondaires porteraient les eaux des marais dans les canaux transversaux, et compléteraient l'assainissement. Le cours de la rivière, rectifié, formerait à peu 320 ESSAI DE STATISTIQUE près partout la limite des marais sur la rive droite. Aux canaux transversaux d'écoulement seraient accolées des rigoles d'amenée, destinées à utiliser, pour l'humectation et l'irrigation des terrains, les eaux du canal principal d'écoulement. Les terrains les plus bas seraient arrosés au moyen de prises d'eau faites directement dans le canal principal d'écoulement où dans les rigoles transversales. J'ai dit, plus haut, que pour rendre plus complet l'assainissement de la vallée, il serait,nécessaire d'abaisser le plan d'eau à un mètre au moins au-dessous du sol. Pour arriver à ce résultat, il sera indispensable de recourir à l'emploi du drainage, infiniment préférable aux fossés à ciel ouvert, qui trouvent un grand obstacle dans le morcellement des propriétés. D'ailleurs, l'emploi de drains peut se justifier par une économie notable dans les dépenses de premier établissement et d'entretien. On distinguerait deux sortes de drains les drains d'assèchement destinés à soutirer l'humidité du sol, et les drains collecteurs, qui recevraient les eaux découlant des premiers. Tel est, sommairement, l'ensemble du projet. Maintenant, faut-il espérer une réussite complète? Nous pensons que non. A quelle cause faudrait-il attribuer la non-réussite du projet, malgré l'excellence des moyens proposés ? Les marais, essentiellement tourbeux, privés de terre végétale, seront assainis, il est vrai, mais ils perdront en production. Telle partie des marais, qui produisait des roseaux en abondance, ne produira plus qu'une herbe mince, chétive, courte, qui sera bien loin de compenser le produit des roseaux comme litière. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 321 En résumé, les parties les plus marécageuses aujourd'hui, de mauvaises qu'elles sont, seront, par l'effet de l'assèchement, tout-à -fait annihilées; nous croyons pouvoir l'affirmer. Il n'y aurait qu'une chose à faire ce serait de marner ces terrains. Mais la plus value ne pourrait jamais compenser les frais énormes que comporterait cette opération. On fait à Saint-Benoît des expériences pour savoir si le chaulage ne pourrait économiquement être substitué au marnage. 3°. PRAIRIES ARTIFICIELLES. Les prairies artificielles se composent de Luzerne, de Trèfle, de Sainfoin, de Lupuline, etc. Ces différents herbages se récoltent dans tout le canton ; mais la plante la plus répandue est le sainfoin, qu'on sème avec succès dans les terres légères, et qui prépare le sol à la culture du froment. La luzerne ne dure généralement pas plus de 5 ou 6 ans. Le sainfoin donne une ou deux récoltes, suivant qu'il est à une ou à deux coupes. Le trèfle se sème dans les terres fortes; on y mêle généralement un peu de lupuline ou de sainfoin. Quelquefois aussi, on mêle le trèfle à la luzerne afin d'avoir, la première année, un fourrage plus abondant. La lupuline, qu'on sème souvent avec le trèfle et le sainfoin, donne un excellent fourrage fort goûté des bestiaux. On estime l'étendue totale des prairies artificielles, dans le canton, à 1,903 hectares qui produisent, à 23 quintaux métriques par hectare, 322 ESSAI DE STATISTIQUE 49,769 quintaux. On sait qu'il faut quatre ou cinq quintaux de fourrage vert pour produire un quintal métrique de fourrage sec. Comme le cultivateur du canton d'Aix ne s'occupe pas de l'élève des bestiaux, et qu'il se contente du nombre strictement nécessaire à la culture de ses propriétés, il s'en suit que la récolte est plus que suffisante, et qu'il peut en livrer à la consommation des pays voisins. On estime à 8,000 quintaux l'exportation des fourrages artificiels. A la place du cultivateur du canton d'Aix, je ne vendrais pas de fourrage; j'achèterais des bestiaux, des moutons surtout ; j'augmenterais encore ma culture de prairies artificielles, et je serais certainement assuré de voir doubler, tripler mes produits. Il le fera, j'en suis persuadé; il y a de l'intelligence et de la volonté chez lui; donnons-lui le temps de secouer les préjugés de la vieille routine, et nous verrons des merveilles. Le domaine de Pouy est trop près du canton d'Aix pour que je ne rappelle pas ici, à propos des prairies artificielles, un nom qui a laissé de grands et nobles souvenirs, et dans la classe des savants et dans celle du peuple ; c'est celui de M. Fortier, propriétaire des fermes de Pouy. Cet habile agronome, dont la vie s'est usée à la recherche de tout ce qui pouvait augmenter la production du sol, est le premier qui, dans ces contrées, ait introduit l'usage des prairies artificielles, et les races de moutons à laine fine. Ce nom doit rester gravé dans la mémoire du cultivateur, car il rappelle une de ces heureuses révolutions qui entraînent avec elles la régénération des populations agricoles. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 323 § VI. — Vigne. Il parait que la vigne ne se plait guère dans le canton d'Aix, ou que les habitants ne connaissent pas à fond cette culture. Tous les ans, il s'en arrache une certaine quantité. Le vin, du reste, n'y est pas de bonne qualité; il est dur, âpre, et peu abondant. On doit pourtant excepter Rigny, qui fait du vin rouge peu coloré, mais d'assez bonne qualité, et Bérulle, dont le vin blanc a une certaine renommée. Les plants ordinaires sont le Gouet, le Meslier blanc et rouge, le Samoriau, le Teinturier, quelques Pineaux, le Gamais, le Fromenté, le Chasselas noir, le Plant de roi, le Saint Philippe. Le département de l'Aube possède 22,222 hectares de vigne; le canton d'Aix compte dans la proportion de 1 à 111. Cette appréciation est insérée dans l' Annuaire de l'Aube, 1857. Depuis le système malheureusement adopté, du défrichement des coteaux viticoles, il est permis de croire que ce chiffre a diminué. Le travail des vignes commence vers le mois de mars. On serfouit la terre et on taille. On emploie trois façons au piochage, une façon pour la taille, une façon pour paisseler et une façon pour accoler, c'est-à -dire attacher le cep au paisseau, au moyen d'une ligature de paille de seigle ou de jonc. L'ébourgeonnement se fait'en même temps que l'accolage. Chaque façon coûte 35 fr. 55 l'hectare, soit 324 ESSAI DE STATISTIQUE 213 fr. 30. Ajoutez 337 fosses ou provins par hectare, à 15 centimes, 50 fr. 55. Total des frais de culture d'un hectare de vigne, 263 fr, 85. Ce chiffre est énorme, si l'on considère l'incertitude des récoltes ; car, qu'il y ait du raisin ou non, tous ces travaux sont indispensables, et quand la récolte a manqué, rien ne vient indemniser le pauvre vigneron. Dans une année un peu plus qu'ordinaire, un hectare de vigne peut produire 58 hectolitres à 11 fr. 50; soit 667 francs. La récolte de 1857, parfaite de qualité, vaut à peu près un quart de récolte ordinaire. Donc, dans une bonne année, 667f 00c de produit, Moins ....... 263 85 de travail, Il reste . . . .403f 15c C'est bien peu, comme l'on voit; car le véritable vigneron n'a pas dépensé une seule journée ailleurs que dans sa vigne. Il la quitte seulement au moment de la moisson, pour aller travailler en Champagne ou en Brie. Le peu de rapport de la vigne est donc une des causes probables de l'abandon de cette culture. Voici les accidents auxquels la vigne paraît sujette 1°. La gelée d'hiver, lorsqu'un soleil trop prompt succédant au givre et au verglas, le bourgeon se trouve pénétré par l'humidité et flétri par la chaleur. 2°. La gelée de printemps, lorsqu'elle est tardive et que la végétation est avancée. Depuis quelques années, les vignes ont eu à souffrir de cet acci- SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 325 dent. On se rappellera la matinée du 6 mai 1856. 3°. La coulure. Cet accident est causé par les variations atmosphériques, surtout par la continuité des pluies, qui, au printemps, occasionne une recrudescence de végétation au profit du sarment et au préjudice du fruit. 4°. Le rougiot ou rougeur. Lorsqu'il survient un coup de soleil après une forte pluie, les feuilles rougissent et se détachent du cep. 5°. La jaunisse, conséquence d'une température trop longtemps humide. 6°. La brûlure, produite par des coups de soleil trop ardents au moment de la maturité. Les insectes nuisibles sont à peu près les mêmes que dans tous les vignobles. 1°. L'Eumolpe des vignes, petit coléoptère noir à èlytres rouge sanguin, qui, au moindre bruit, se laisse tomber à terre en faisant le mort. 2°. Le Rhynchite des bouleaux, connu sous le nom d'Usbeck. Cet insecte est facile à reconnaître à sa tête allongée, terminée par un bec. Sa robe est d'un vert cuivreux, tantôt doré tantôt bleuâtre. On reconnaît la présence de cet insecte aux feuilles roulées de la vigne c'est dans ce rouleau que sont disposés ses oeufs. 3°. Un petit papillon gris qui s'attache au raisin en fleur et qui s'y loge au moyen d'une toile. L'oïdium ne paraît pas avoir fait de grands ravages dans les vignes du canton d'Aix. Seules les vignes en palissades et les treilles ont eu à en souffrir. 326 ESSAI DE STATISTIQUE § VII— Cidre. A l'exception de Saint-Benoît-sur-Vannes et de Vulaines, toutes les communes du canton possèdent des arbres à cidre en assez grande quantité pour permettre l'exportation. On peut estimer à 10,000 hectolitres la quantité récoltée dans une année ordinaire. Voici le nom local des espèces de fruits qui entrent dans la composition du cidre dans le canton. Pommes Pomme sauvage, — d'Avrolles, — de Bezançon,— de Verollot, — Nez-de-chat, — petit et gros Loquart, — de Trochet, — de Glénon, — de Vigne, — de Rambourg, — Reinette jaune et grise, — Corpendu, — Nez plat, — Châtaigner, — Cul d'oison, — Calvin rouge, — Loquart blanc. Poires Poire de petit et grand Geumenat, —à deux têtes, — de Frigalet, — de Madeleine, — de Chaudronnier, — Beurré, — de Bouquin, — de Boulanger, — d'Ecrevisse, — petit et gros Malin, — Malin de Brie, — de Dondie, — de Daguenelle, — petite et grosse Sauge, — petit et gros Normand, — petit et gros Gaujard, — de Martin-Sec, — de bon Chrétien, — de Caillou rosat, etc. Il est assez rare que la même année la poire et la pomme réussissent également ; la poire surtout gèle facilement. Lorsque le cidre est fabriqué avec de la pomme seulement, il est plus épais, plus jaune, et moins bon que mélangé avec la poire. Le bon cidre doit être composé de pommes pour les deux SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 327 tiers, et de poires pour l'autre tiers. Le cidre de poire pur, plus beau à l'oeil, plus clair que le. cidre de pommes, est très-âcre la première année. Il convient de le laisser deux ou trois ans en fût. La récolte des fruits se fait aux mois de septembre et d'octobre, suivant que l'année a été plus ou moins précoce. On emploie, je crois, un mauvais procédé pour la cueillette ; on se sert de longues perches pour abattre les fruits, ou on monte sur l'arbre que l'on secoue de toutes ses forces. Il arrive nécessairement que les fruits, en tombant, sont plus ou moins froissés ; et comme on est obligé fort souvent de les laisser un certain temps dans les champs, en tas plus ou moins épais, il s'en suit qu'une partie, entamée par le bâton bu les cailloux, se trouve pourrie, et communique à la boisson un goût fort peu agréable. La cueillette à la main serait infiniment préférable ; elle prendrait peut-être un peu plus de temps, mais la qualité supérieure du cidre compenserait largement ce retard. Lé cidre se fait au moyen de pressoirs à manège mûs par un ou deux chevaux, suivant la force de pression. Chaque commune en possède un plus ou moins grand nombre. On en compte dix-sept dans la commune de Saint-Mards seulement. On paie au pressureur 18 litres par chaque pièce de 136 litres, et 60 centimes par cheval. Le cidre, en moyenne, se vend de 10 à 12 francs l'hectolitre. En 1856, il a valu jusqu'à 25 francs et plus. Depuis deux on trois ans, on voit apparaître dans les pays à cidre des spéculateurs parisiens qui achètent tout ce qu'ils peuvent de fruits sur pied à 328 ESSAI DE STATISTIQUE des prix fabuleux; de sorte qu'en 1856 la récolte, qui promettait beaucoup, est devenue presque insignifiante en cidre. Les propriétaires vendaient la dépouille de leurs arbres fort cher, et se trouvaient exempts de toute peine, puisque les acheteurs se chargeaient de tous les frais. Il faut ordinairement trois sacs de pommes ou 4 hectolitres et demi pour faire une feuillette de 136 litres, et deux sacs et demi de poires, ou 3 hectolitres 75 litres. § VIII. - Bois. On compte dans le canton d'Aix-en-Othe 7,583 hectares de bois. Le département en compte 83,107 hectares. La proportion est 1 à 10,9. Bois appartenant aux communes. . 2,800 hect. — aux établissements publics. 107 — aux particuliers, .... . 4,676 Total des taillis sous futaie. 7,583 hect. Il n'y a point de bois de haute futaie. Les essences dominantes sont le Chêne, le Charme, le Hêtre, le Tremble, le Bouleau. On compté aussi 559 hectares de taillis simples. Sept hectares seulement appartiennent aux communes, et 552 aux particuliers. Les taillis appartenant aux communes et aux établissements publics sont exploités à 25 ans. Les particuliers dépassent rarement 20 ans. On estime à 135 stères le produit moyen annuel d'un hectare de taillis sous futaie. On porte à 50,324 stères la quantité de bois à SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 329 brûler de toutes essences fournie annuellement par le canton ; le produit total annuel en bois d'oeuvre est de 1,750 stères. Le prix moyen d'un stère de bois de chêne à brûler est estimé 5 francs; le stère de bois d'oeuvre 40 francs. Valeur totale du bois à brûler. 233,813 francs. — d'oeuvre. 70,000 On estime à 32,700 francs la valeur totale des écorces de chêne. Ces écorces sont ordinairement dirigées sur Troyes et sur Sens. Les frais d'exploitation d'un hectare de taillis sous futaie sont de 160 francs. Ceux de taillis simple de 67 francs 50. Il faut évaluer à 113 francs environ les frais de plantation d'un hectare de bois. Les frais annuels d'entretien et de surveillance sont de 1 franc 50 l'hectare. Le sol du canton, étant très-accidenté, les bois suivent naturellement cette disposition du terrain. Ainsi, l'on compte 2,760 hectares de bois de plaine, et 4,823 hectares de bois de montagne. Les communes qui possèdent le plus de bois sont Maraye-en-Othe 2,909 hectares. Saint-Mards-en-Othe. . . 1,309 Aix-en-Othe. 1,042 Celles qui en possèdent le moins sont Paisy-Cosdon 62 hectares. Vulaines 97 Les plus beaux bois du canton sont ceux situés sur les communes de Maraye et de Saint-Mards-enOthe. Autrefois tous les produits des bois de ces contrées étaient expédiés sur Paris, au moyen du 330 ESSAI DE STATISTIQUE flottage par la Nosle et la Vannes jusqu'à Sens. Maintenant que la capitale a presque abandonné le bois de chauffage pour le coke et la houille, le bois de la forêt d'Othe a pris une autre direction. La plupart des expéditions se font sur Troyes. Tout porte à croire que le bois diminuera de valeur, et l'exploitation des marais tourbeux de la Vannes y contribuera pour beaucoup. Déjà on commence à utiliser la tourbe; un four à chaux vient d'être établi à SaintBenoît-sur-Vannes, alimenté par ce combustible. L'expérience a réussi, et l'année ne se passera pas sans que l'on voie s'élever à côté une tuilerie. § IX. — Animaux domestiques. MAMMIFÈRES. 1°. Chevaux. Dans le canton d'Aix, on ne se sert que de chevaux pour la culture et pour les transports. Les boeufs du Morvan n'y apparaissent qu'accidentellement pour transporter les produits des coupes de bois. On compte en tout dans le canton 953 chevaux, dont 865 au-dessus de trois ans et 59 au-dessous. On estime que les maladies et les accidents peuvent enlever annuellement 43 chevaux; on estime à 19 le nombre de chevaux morts de vieillesse. On ne constate pas d'épizootie dans le canton. Les maladies les plus ordinaires sont les tranchées ou coliques provoquées par des boissons trop froides quand SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 331 l'animal a chaud, ou par les vents contenus dans les intestins. La Pousse, qui a beaucoup d'analogie avec l'asthme chez l'homme. La Gourme, chez les jeunes chevaux. La Fourbure, espèce de rhumatisme causé par la suppression d'une grande sueur. La France possède aujourd'hui 3,000,000 de chevaux qui se renouvellent chaque année dans la proportion de 1/8 à 110 de ce nombre. D'après M. Payen, un cheval abattu, pesant 401 kilogr., donne en moyenne Chair 230 k. Os 50 Sang 28 ' Graisse 35 Issues 30 Peau 25 Crins 0 5 Sabots et fers 2 5 401k. 0 2°. Anes, Mulets. Bien que le canton d'Aix soit, en général, un pays de montagnes, les ânes et les mulets y sont peu communs. On ne compte guère plus de 90 ânes et 25 mulets. Les ânes servent aux petits manouvriers pour ramener quelques bottes d'herbe des champs ; quelques-uns sont attelés à une petite voiture, et suppléent les chevaux de charroi. L'âne, tout le monde le sait, est fort sobre et très-peu exigeant; la nourriture la moins substantielle lui suffit. Je suis étonné que l'usage n'en soit pas plus répandu. T. XXII. 23 332 . ESSAI DE STATISTIQUE Les mulets sont encore moins communs que les ânes. Ils ne servent guère qu'aux meuniers. Aussi bien que les Anes, les mulets résistent à la fatigue et leur nourriture n'est pas plus coûteuse. Dans quelques circonstances, je crois le mulet préférable au cheval. 3°. Bêtes à cornes. On compte dans le canton d'Aix 58 taureaux, 10 boeufs et 2,500 vaches. Le nombre des élèves s'élève à 700 ; au total 3,196 bêles à cornes. Il peut naître dans le canton environ 1,700 veaux, dont 1,300 sont destinés à la boucherie. La race dominante paraît être la race Morvande croisée. On engraisse les boeufs ordinairement à l'âge de quatre ans, et les vaches à huit ans. On nourrit tout à l'étable, excepté pourtant à Paisy et à Vulaines, où l'on use encore du pâturage, et assez infructueusement, suivant moi. On estime qu'une vache donne cinq veaux jusqu'au moment où on l'abat habituellement. Elle peut fournir, en moyenne, 1,200 litres de lait par an. Le litre de lait se vend 10 c. Il faut 24 litres de lait pour faire un kilogramme de beurre. Le prix, ordinaire d'un kilogramme de beurré est de 1 fr. Il a valu, en 1857, jusqu'à 2 fr. et plus, au marché d'Aix-en-Othe. Il faut environ 15 litres de lait pour un kilogramme de fromage. Le fromage ne se vend pas au kilo. Un fromage maigre, c'est-à -dire sans crème, de 0m15de diamètre, se paie 15 c. sortant du moule. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 333 4°. Bêtes à laine, Chèvres. On compte, dans le canton, 70 béliers mérinos; 7,000 moulons de race perfectionnée, et 4,700 brebis. Il peut naître, dans l'année, environ 2,600 agneaux. On calcule que chaque bête peut fournir annuellement, en moyenne, 1 kilo 250 grammes de laine lavée à dos. On engraisse ordinairement les moutons à l'âge de quatre ans. Les maladies qu'on cite le plus souvent, sont la gale, le piétin, espèce d'ulcère qui se forme au pied du mouton; la pourriture dans les lieux marécageux. Le mouton, attaqué de celle maladie, a les yeux et les lèvres pâles, la contenance incertaine; la laine se détache pour peu qu'on la tire. Les moutons qui commencent à être attaqués de cette maladie doivent être mis à un régime sec et salé. On compte 140 chèvres. Elles sont ordinairement le partage des ménages pauvres, qui se servent de leur lait pour leur nourriture quotidienne. La chèvre donne du lait pendant quatre ou cinq mois de l'année. 5°. Porcs. On ne fait pas l'élève des pores dans le canton; on les achète à des marchands qui vont eux-mêmes les chercher dans le Berry. On en compte environ 600. Aujourd'hui que l'aisance est généralement ré- 334 ESSAI DE STATISTIQUE pandue dans nos campagnes, beaucoup de ménages élèvent un porc qu'ils nourrissent des résidus de leur laiterie, de pommes de terre, de son et d'orge. La combinaison de ces quatre substances compose une chair succulente et ferme qui donne au porc du poids et du prix. 6°. Chiens. Depuis la promulgation de la loi sur les chiens, le nombre de ces animaux a considérablement diminué. On en compte 604 de toutes catégories, payant un impôt de 2,472 fr. Les chiens de berger comptent dans le nombre pour 250. Le reste se compose de chiens de chasse et de luxe. On emploie ordinairement pour la chasse en plaine les braques, et pour la chasse au bois aux chiens courants, les bâtards anglais. On voit aussi quelques anglais pur sang, mais ils sont rares. OISEAUX DE BASSE-COUR. 1°. La Poule. La meilleure poule pour la ponte et l'engraissement est la poule commune Gallus domesticus, qu'on reconnaît aisément à la couleur rouge-vif de la crête et à sa taille basse. Nous avons encore la Poule huppée G. cristatus dont la taille est très-élevée et dont les oeufs sont très-gros, mais la ponte n'est jamais abondante. Une autre espèce à plumes frisées G. crispus, SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 335 très-frileuse, et qui, conséquemment, cesse de pondre au moindre froid. La Poule pattue anglaise Cette espèce est fort petite et susceptible d'être rendue très-familière. On ne l'élève guère que par curiosité, parce qu'elle pond de très-petits oeufs, et que les pattes, toujours remplies de boue aux moindres pluies, portent trop d'humidité dans les poulaillers. La Poule russe qui pond en toute saison. Sa chair n'est pas délicate. Les oeufs, de couleur jaunâtre, varient suivant la force des poules. On obtient une bonne race par le croisement de cette espèce avec la poule commune. Et enfin la poule cochinchinoise. On n'exerce pas le chaponnage dans le canton. 2°. Le Dindon. On n'élève le Dindon Meleagris gallopavo que dans quelques fermes. L'éducation des dindonneaux demande un très-grand soin. Leur nourriture ordinaire se compose d'orties, de persil, de viande hachée cuite, mêlée avec des jaunes d'oeufs durcis par la cuisson. On doit éviter de leur donner des vesces, des pois carrés qui sont un poison pour eux. La laitue leur est également contraire. 3°. Le Pigeon. Il y a des volières dans toutes les communes du canton. L'espèce commune est le Pigeon bizet Columba livia. 4°. Le Canard. De tous les oiseaux de basse-cour, le canard est le 336 ESSAI DE STATISTIQUE plus productif; il ne demande guère à son maître que de l'eau pour le jour et une retraite pour la nuit. A l'état sauvage, lé canard accompagne toujours la femelle; à l'état domestique, il est polygame un mâle peut suffire à huit ou dix canes. Outre l'espèce ordinaire, nous avons encore le Canard de Barbarie, plus gros du double que nos canards ordinaires. Il est remarquable par sa tête couverte de caroncules d'un rouge vif. Sa chair n'est pas délicate, et a un goût musqué. 5°. L'Oie. On élève quelques oies dans le canton, mais c'est plutôt pour la plume que pour la chair. Chacun sait que la plume des oies maigres est préférable à celle des oies grasses. Cette plume se lève en mai et en septembre. 6°. Le Paon, la Pintade. Le Paon Pavo cristatus et la Pintade Numida meleagris ne sont élevés que comme oiseaux d'agrément. Il y en a fort peu. INSECTES. Abeilles. On élève des abeilles dans tous les villages du canton. On évalue à 800 le nombre de ruches. On les traite suivant la méthode ordinaire, et les produits se vendent aux épiciers du canton et des arrondissements voisins. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 337 Prix des Bestiaux, en moyenne. D'un cheval de trait. ...... 500 fr. D'un cheval de selle de 4 à 5 ans 1,000 D'un poulain d'un an 120 D'un âne 50 D'un mulet 200 D'un taureau 250 D'une vache pleine 300 D'une vache ordinaire non pleine. 140 D'un veau destiné à la boucherie 25 D'un bélier de 2 ans 45 D'un mouton de 2 ans 20 D'une brebis de 2 ans, 15 D'un agneau 9 D'une chèvre ou d'un bouc ... 10 D'un porc de 6 mois 70 Valeur totale de la volaille 13,000fr. — des oeufs et autres produits. 33,000 — des ruches 6,150 Poids des Bestiaux, en moyenne. Poids brut. Poids net d'après Stéphenson. D'un boeuf 413 kil. 248 kil. D'une vache. . . . 240 444 D'un veau 48 29 D'un mouton ... 28 17 D'une brebis. . . . 20 12 D'un agneau. ... 10 6 D'un porc 91 73 D'une chèvre ... 22 12 338 ESSAI DE STATISTIQUE § X. — Consommation. Depuis quelques années, la consommation de la viande dans le canton s'est développée d'une manière très-sensible. L'usage de la viande de boucherie a pénétré jusque dans les hameaux. Ainsi on estime qu'il se débite annuellement 80,000 kilog. de boeuf ou de vache. 32,000 — de veau. 8,000 — de mouton. 52,000 — de porc. Le gibier, la volaille et le poisson ne peuvent guère s'évaluer qu'approximativement. Le braconnage pour le gibier et le poisson n'a jamais cherché, bien entendu, à rendre compte de ses produits. Néanmoins, on peut estimer à 4,000 le nombre de pièces de gibier consommées ; à 5,000 le nombre de pièces de volaille, et à 1,500 le nombre de kilos de poisson mangés. En 1856 et 1857, le boeuf se vendait . le kil. — le veau 1 00 — le mouton,la brebis. 1 20 — le porc 1 30 — le gibier 2 00 — le poisson 2 00 La valeur totale des produits animaux, en comprenant la viande, les abats, la vente des suifs et des peaux, peut être portée à 229,000 fr. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 339 Revenu brut produit par les animaux les frais, les fourrages non défalqués. On estime à 571,800 fr. le revenu annuel produit par les chevaux travail, reproduction, engrais. A 9,000 fr. le produit des mulets. A 10,800 fr. le produit des ânes. Revenu total produit par les chevaux, ânes, mulets 601,600f Revenu total produit par les bêtes à cornes 402,000 Revenu total produit par les bêles à laine 110,000 Revenu total produit par les chèvres. 1,400 — par les porcs. 21,000 Total général 1,136,000f § XI. — Economie rurale. On compte dans le canton 737 individus possesseurs de terres et n'y demeurant pas ; 91 habitant le canton et ne cultivant pas euxmêmes ; 35 cultivant pour eux-mêmes ; 792 cultivant pour eux et pour les autres. Le nombre de fermiers payant un fermage fixe en argent, est de 81. 540 ESSAI DE STATISTIQUE La valeur vénale moyenne d'un hectare de terre labourable de 1re classe, est de. . . 2,250 fr. de 2e classe, est de. . . 1,250 de 3e classe, est de. . . 400 — de pré naturel de 1re classe. 5,000 de 2e classe. 3,000 de 3e classe. 600 — de vigne, de 1re classe. 3,000 de 2e classe. 2,500 de 3e classe. 1,500 — de forêts, taillis sous futaie. 1,300 — — taillis simple. . . 500 Les terres labourables se louent, en moyenne, l'hectare 1re classe 65 fr. 2e classe. 30 3e classe. 10 Les prés naturels 1re classe 120 2e classe. 75 3e classe, 15 Les vignes ne se louent pas dans le canton. On compte 24 fermes ayant moins de 5 hectares. 9 — de 5 à 10 hectares. 14 - de 10 à 20 — 26 — de 20 à 50 - 8 — de 50 à 100 — Trois seulement possèdent plus de 100 hectares. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 341 Etendues des terres communales du canton. Hectares. Produit. Bois et forêts. . . . 2,178 85,639 fr. Terres arables ... 87 4,160 Prés à faucher ... 324 2,552 Pâturages 145 1,184 Total des revenus communaux. 93,535 fr. On peut évaluer à 2,230 fr. le droit de pâturage et les autres avantages que les habitants tirent de leurs biens communaux. AIDES AGRICOLES. Hommes, 560 ; femmes, 495. Le salaire ordinaire est de 1 fr. pour les hommes et de 60 cent, pour les femmes quand ils sont nourris, et de 1 fr. 50 c. et 1 fr. quand ils ne le sont pas. Ces prix ont été augmentés dans ces dernières années à cause de la cherté des denrées alimentaires. Pendant les travaux de la moisson, les salaires sont augmentés d'un quart. On évalue à 200 le nombre d'ouvriers des deux sexes qui émigrenl pendant la moisson. Il part bien plus d'hommes que de femmes. Le but de leur voyage est ordinairement la Champagne et la Brie. La moyenne des gages d'un valet de ferme est de 350 fr. Les servantes gagnent 180 fr. INSTRUMENTS AGRICOLES. 1°. La Charrue. — Il n'y a pas, que je sache, de perfectionnements dans le système des charrues. C'est toujours la charrue à avant-train. Elle est conduite par un ou deux chevaux, suivant la nature du sol ou l'époque des labours. 342 ESSAI DE STATISTIQUE 2°. La herse. — Elle a la forme d'un quadrilatère rétréci à un bout. On commence à adopter les dents de fer, infiniment préférables aux dents de bois. 3°. Le Rouleau ou Roux. — On se sert peu de rouleaux en fonte. Le Contre est une espèce de couteau en fer qu'on adapte à la charrue un peu en avant du soc. On s'en sert pour défricher les luzernes. Les fumiers et les moissons sont transportés sur des charrettes à deux roues. Il y a quatre ou cinq ans, on né comptait qu'une seule machine à battre dans tout le canton. Aujourd'hui on en peut compter une quinzaine. La majeure partie des grains se bat encore au fléau. L'usage des tarares se multiplie avec une rapidité toujours croissante. Leur prix réduit et l'avantage qu'ils procurent les ont fait préférer au van à genoux, qui, il est vrai, nettoie mieux le grain, mais fait perdre plus de temps. § XII. — Commerce, Industrie. Le canton d'Aix-en-Othe n'est pas commerçant dans l'acception la plus étendue du mot. — Il n'y a pas de commerce spécial. — Dans les années abondantes, on vend passablement de cidre. La récolte de vin, je l'ai dit, n'est pas suffisante. On compte trois ou quatre marchands de blé qui tirent le grain des greniers pour le revendre en dehors du canton. On compte également cinq marchands de porcs qui les tirent directement des environs de Châteauroux. Lé commerce de bois est assez important. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 343 Les foires les plus renommées sont celles de SaintMards. On y vend un peu de grain, beaucoup de bestiaux, de la race bovine surtout. Les chevaux s'y vendent moins bien. Les denrées alimentaires forment aussi une branche assez importante du commerce de ces foires. L'industrie du canton se partage en différentes branches. L'industrie principale est la bonneterie, ou plutôt la fabrication des tissus en laine et en colon, au moyen de métiers rectilignes anglais. Aixen-Othe est le principal centre de cette industrie. On compte, dans le canton, 750 métiers, dont plus de 400 dans la seule commune d'Aix. Ces 750 métiers sont partagés pour le travail entre huit ou dix fabricants résidant presque tous à Aix. La tisseranderie était autrefois une industrie trèsimportante; Saint-Mards en était le centre. En 1824, on comptait dans cette commune 347 métiers de tisserand; aujourd'hui il n'en reste plus que 70. Cette industrie paraît devoir céder la place à la bonneterie. La meunerie est assez répandue ; mais il n'y a que deux usines importantes celle de Saint-Benoît-surVannes, et celle de Gerbeau, commune de Rigny. Ces deux moulins sont à quatre tournants. Le premier appartient à M. d'Ambly, le second à M. Bouillat. Ces usines expédient à Lyon, à Paris, à Troues, à Sens, et desservent les boulangers de la localité. Une autre industrie est aussi dominante dans le canton, c'est la fabrication de la brique et de la tuile. On compte quinze établissements de ce genre. On se dispose en ce moment, à Saint-Benoît, à fonder une tuilerie. Il existe sur le territoire de cette 344 ESSAI DE STATISTIQUE commune un banc d'excellente terre d'une très-forte puissance. Cette usine sera chauffée à la tourbe. Les tuileries fabriquent annuellement,en moyenne, trois cents milliers de marchandises briques, tuiles, carreaux. La brique se vend 32 .fr., la tuile 18 fr. Pour une fournée de 25 milliers de briques, il faut de 3,000 à 3,500 bourrées de ramilles, Il faut ordinairement quatre hommes pour desservir une tuilerie Un marcheur ; c'est celui qui pétrit la terre. On le nomme marcheur, parce que autrefois on pétrissait la terre avec les pieds. Un mouleur; son nom indique ses fonctions. Un porteur, qui prend la brique des mains du mouleur et qui la porte sur l'aire. Un hallier, qui est chargé du sechage et du rebattage, c'est-à -dire qui fait sécher sous la halle et qui redresse les arêtes des briques. La tuile ne se cuit jamais seule. Les couches inférieures sont toujours en briques. Cinq tuiles tiennent la place de deux briques. Dans le canton, jusqu'à présent, on n'a guère fabriqué que la brique, attendu qu'on manque généralement de terre propre à la fabrication de la tuile. Le canton possède aussi deux fours à chaux, l'un à Rigny, l'autre à Saint-Mards. Celui-ci est de création récente. On est à la veille de voir s'établir une industrie très-importante dans le canton, une forge à fer. On vient de découvrir sur la commune d'Aix et sur celle de Bérulle, dans les terrrains argileux, du minerai de fer qui permet d'espérer de voir fonder un établissement qui donnera un nouveau relief au canton. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 345 TROISIEME PARTIE. COMMUNES DU CANTON. § Ier. — Aix-en-Othe. Aix-en-Othe est un bourg situé dans le vallon de la Nosle. Son sol crayeux est recouvert, sur les hauteurs, par le terrain tertiaire sable, argile et terre rouge à silex, et sur les flancs des collines, en certaines places, par la terre jaune détritique avec silex. En général, ce dernier dépôt est peu considérable, et la craie paraît souvent à la surface. Le sol du vallon est composé d'un lit de brèche de cinq à six décimètres d'épaisseur, à petits fragments solidement soudés, au-dessous de laquelle est une terre noire tourbeuse facilement pénétrable. Dans le bas du bourg, les puits entrent dans cette terre après avoir traversé le conglomérat. Ils ont une profondeur de 4 à 5 mètres. Dans les points les plus élevés, ils sont creusés dans la craie jusqu'à 30 mètres. Ceux de la partie moyenne, avant d'atteindre cette roche, rencontrent d'abord la terre jaune détritique. Sur le plateau, à la Cornée Alexan- 346 ESSAI DE STATISTIQUE dre, un puits de 50 mètres traverse 15 mètres de terre jaune avec sable et silex, puis pénètre dans la craie. Deux, fontaines principales, la Dhuée et l'Echouette, sont situées au couchant et près du bourg. La première forme un petit ruisseau qui, après avoir traversé un étang, se rend dans la Nosle. La deuxième forme également un petit cours d'eau qui se jette aussi dans cette petite rivière, après avoir longé une prairie. Ces eaux sont très-claires et très-vives, et sourdent au bas de la colline, probablement sous la croûte de terrain détritique. La température de ces eaux est de 11° 5'. Une carrière de craie, à 500 mètres et au sud du bourg, sur le penchant dé la colline du Jard, est exploitée à ciel ouvert. Les couches y sont, en général, épaisses et assez nettement séparées. On y rencontre, mais assez rarement, quelques petits rognons calcaires. M. Leymerie a trouvé dans celte craie le spatangus coranguinum, des parties minces de test de catillus et des ventriculites. Ces derniers fossiles, qui presque partout ailleurs se présentent à l'état de silex, sont formés ici par une craie plus ou moins siliceuse. Une sablonnière, près des Cornées, offre un sable assez pur, blanc-gris ou jaunâtre. Sur le plateau, les terres sont froides, à fond argilo-sableux, rougeâtre et caillouteux par place. Les coteaux offrent un terrain chaud, blanc ou gris et souvent chargé de silex. Altitude, au-dessus du niveau de la mer 165 mètres pris au clocher. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 347 Son nom d'Aix Aquoe, de Aquis in Otha, Aquis granum, lui vient des sources;dont nous avons parlé et qui servaient autrefois à la décoration du parc du château, où elles arrivaient par des aqueducs qui subsistent encore en partie. Il est situé dans une fort belle position, sur la roule départementale n° 4 de Tonnerre à Nogentsur-Seine, à 30 kilomètres de Troyes, et à 2 kilomètres seulement de la route impériale n° 60 de Nancy à Orléans. La commune d'Aix est composée de dix-huit centres de population, y compris le chef-lieu. Ce sont Maisons; Ménages. Individus. Aix-en-Othe. . . . 252 376 1,196 Moulin-à -Tan ... 2 2 6 Le Bouchot. ... 9 9 33 Le Jard ..... 48 59 193 Les Cornées-Lalliat. 16 21 56 La Cornée-Alexandre 9 11 29 Les Cornées Cabourdin 4 4 16 Le Mineroy. ... 37 45 140 Soubredou 3 3 11 Les Grandes-Vallées. .2 12 40 Les Chevreaux... 52 53 153 Les Petites-Vallées. 6 6 23 La Bouillant . . . 58 75 262 La Pitoyte , , . , 15 23 75 Craney partie. . . 2 2 5 Druisy ..... 26 37 115 La Vosve. .... 17 22 67 Mont-Saint-Benoît. 1 1 1 569 761 2,427 T. XXII. 24 348 ESSAI DE STATISTIQUE En 1852, la population était de 2,310; la population s'est donc augmentée de 117. La moyenne, par ménage, est d'un peu plus de trois. Cette population se divise comme suit Garçons......... 565 Filles .. . . 490 Hommes mariés . . . . . . 607 Femmes mariées . . . . . . 608 Hommes veufs 43 Femmes veuves 114 On compte 165 sexagénaires, 75 septuagénaires, 14 octogénaires. Les électeurs sont au nombre de 697. Bornes du territoire. — Le finage d'Aix-en-Othe est borné au nord par les finages de Paisy et de Villemaur, au midi par celui de Villemoiron, à l'est par celui de Neuvillesur-Vannes, à l'ouest par celui de Paisy. Il y a des hameaux qui sont à plus de 5 kilomètres du chef lieu. La commune d'Aix est administrée par un maire, un adjoint et seize conseillers municipaux. Il y a deux gardes-champêtres, deux gardes-ofrestiers ; un commissaire de police pour tout le canton ; un bureau de tabac à Aix, et un débit aux Chevreaux. Il y a, à Aix, une société d'ouvriers sous le nom d'Union des Travailleurs. Elle fonctionne trèsbien. Un marché public se tient le mercredi; il a été établi le 4 avril 1781. On n'y vend point de grain, seulement des légumes et autres denrées alimen- SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 349 taires. C'est le même jour que se tiennent les audiences du tribunal de justice de paix. Il y a quatre foires par an le 22 janvier, lé 18 juin, le 3 septembre et le 4 novembre. Ces foires sont insignifiantes et valent à peu près un marché ordinaire. Antérieurement, les foires et les marchés avaient été octroyés par Louis XII, en 1510, sur la demande de l'évêque Raguier. Ils étaient tombés en désuétude et entièrement abolis. Quelques personnes intéressées à leur rétablissement firent valoir, auprès de Louis XVI, les besoins incessants de la population. Les foires et le marché furent rétablis, mais leur importance ne s'en accrut pas davantage. Louis XII n'avait accordé que deux foires. Louis XVI en octroya deux de plus. Dans leur demande, les pétitionnaires font valoir que les denrées sont en bon » débit dans celte bourgade, surtout les grains de » toute espèce; que les laboureurs des lieux cir» convoisins, en amenant leurs grains, peuvent fa» cilement faire leurs provisions de bois soit à bâtir, » soit à chauffer, de vins, cidre, fruits de toute » sorte, dont les habitants d'Aix font récolte et par» tie de leur commerce. » A cette époque, il est probable que les foires et les marchés étaient abondamment fournis. Aujourd'hui, le voisinage trop rapproché de Saint-Mards et de Villeneuve-l'Archevêque, placés dans des centres populeux ou plus commerçants, prive Aix de tout commerce, sous le rapport des grains. Disons aussi, en passant, qu'aujourd'hui les foires diminuent de valeur. Chaque commune veut avoir 350 ESSAI DE STATISTIQUE sa foire. Il est résulté de cette multiplicité des rendez-vous commerciaux, des entraves dans les transactions. Les foires ne sont plus qu'un, but de promenade pour la jeunesse. Aix possède une halle d'un assez lourd aspect. Les audiences se tiennent dans la partie supérieure. Il y a également un la voir public. A la place de l'ancienne maison commune, qui servait de classe aux garçons et de logement à l'instituteur, on élève en ce moment un beau bâtiment qui offre tous les éléments d'une bonne construction, et qui servira à la fois d'hôtel-de-ville, de logement pour les instituteurs des deux sexes, de salle d'audience pour la justice de paix, de logement pour la pompe. Aix possède une compagnie de pompiers récemment organisée. Elle est composée de cent hommes, et on peut la citer comme une compagnie modèle. Aix offre un aspect satisfaisant aujourd'hui ; ses maisons, sans être d'une excessive élégance, sont propres et bien aérées. Elles sont construites en craie avec briques, mortier de sable et chaux, et couvertes, la plus grande partie, en tuiles. Aix n'a guère, que six à sept rues assez bien percées. Des promenades publiques bien plantées entourent le bourg. Le ruisseau de la Nosle longe la route n° 4, appelée à Aix rue des Vannes, et offre tous les avantages qui ressortent du voisinage d'un cours d'eau. SUR LE CANTON D'AIX-EN-THE. 351 Egises. - L'église paroissiale d'Aix est sous le vocable de l'Assomption. Elle est, dit-on, l'ouvrage successif de trois siècles; elle fut commencée en 1572, et ne fut achevée qu'en 1766. Le portail fut fait en 1671. Ce millésime est placé au-dessus du fronton. Cet édifice n'a rien dé remarquable à l'extérieur; il est construit en craie avec contreforts de la même pierre. A l'intérieur, la nef est fort belle. Elle se compose de sept travées appuyées sur des colonnes soutenant dés arcs à plein cintre, et voutée en pierres de craie taillée. Il n'y a point de bas-côtés. Les fenêtres de l'église sont circulaires sans meneaux. Il y en a sept. L'abside est éclairée par cinq autres fenêtres à meneaux croisés. La première fenêtre à droite, à moitié murée, est composée de quatre panneaux semi-circulaires et de trois circulaires ; la fenêtre de gauche, en face, est du style flamboyant. Dans le choeur sont deux chapelles. Dans la chapelle de droite, l'autel est surmonté d'un tableau représentant la Vierge distribuant des chapelets à saint Dominique et à sainte Thérèse. L'autel de gauche est dédié à saint Joseph, dont la statue surmonte le tabernacle. Le rétable du maître-autel en bois doré est de fort belle exécution deux colonnes d'ordre corinthien encadrent le tableau qui représente l'Assomption de la Vierge. Au dessus est un Père Eternel dans un riche cadre circulaire doré; un Saint-Esprit planant sur le tout. Ces peintures ont beaucoup de fraîcheur. 332La 332La est surmontée d'une coupole de for e o tale. La sonnerie est composée de trois cloches qui s'harmonisent assez bien. A l'extrémité du bourg, en haut de la colline où est bâti Aix, est une autre église sous le vocable de saint Avit. Cette église, qui fut dédiée en 1537, était l'église paroissiale, si l'on en croit la tradition. Elle était beaucoup plus vaste qu'elle ne l'est aujourd'hui. Elle est placée au milieu du cimetière. La charpente de la toiture est fort remarquable. Cette église renfermait autrefois le tombeau d'un seigneur italien, probablement de la suite de l'évêque Caracciole. La démolition du choeur a fait disparaître ce tombeau. Cette chapelle possédait, dit-on, une pierre privilégiée dont je parlerai plus loin. Commerce, Industrie. — Il n'y a pas de commerce en grand à Aix. L'industrie principale est la bonneterie, qui occupe 800 individus des deux sexes. Il y a trois moulins à farine sur la Nosle un à Druisy, un à la Vosve et un à Aix. Celui-ci est le plus important, il est à trois tournants. A 500 mètres en aval, il y a un moulin à tan. Depuis quelques années seulement, il s'est élevé une tuilerie au hameau des Chevreaux. Contributions directes, Revenu La commune d'Aix paie En foncier 12,553f 47c Personnelle et mobilière. 3,486 77 Portés et fenêtres 1,810 16 Patentes .„ 4,189 07 En tout. . ... . 22,039f 47c SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 353 Elle possède 669 hectares 96 ares 80 centiares de bois qui produisent un revenu de 26,373 fr. 15 c. 62 hectares 21 ares 81 centiares de pelouses affermées 3,350 fr. 70 c. Revenu total 29,700 fr. 85 c. La superficie totale du territoire est de 3,476 hectares. On compte 285 chevaux, 837 bêtes à cornes, 3,524 bêtes à laine, 21 chèvres, 93 porcs. Municipalité. — Les registres de l'état civil datent de 1618 ; au greffe de Troyes, ils portent la date de 1594. Les plus anciens sont écrits en latin. On compte Naissances. Mariages. Décès. De 1792 à 1803. . . 704 181 608 De 1803 à 1813. . . 442 126 532 De 1813 à 1823. . . 556 144 530 De 1823 à 1833. . . 488 141 445 De 1833 à 1843. . . 489 206 430 De 1843 à 1853. . . 566 178 553 Liste chronologique des Maires depuis 1793. 1793, 7 janvier. Guyot Charles-Ant., prêtre assermenté. An m, 23 floréal. Darnel Claude. An IV, 11 pluviôse. Rivière Louis. An vu, 7 floréal. Gatouillat Savinien. An VIII, 11 thermidor. Darnel CL, pour la 2e fois. 1811, 13 juillet. Cosson Jean, comme adjoint adjoint ..... 1811, 4 août. Fouet Charles-François. 1812, 7 février. Cosson Jean, par intérim. 1812, 28 mai. Cosson Jean,comme maire. 354 ESSAI DE STATISTIQUE 1813, 12 février. Pichot Louis-Antoine. 1814, 14 mai. Angevin Félix. 1815, 23 mai. Bouillerot Bernard. 1815, 29 juin. Beaudouin Henri. 1815, 22 août. Angevin Sélex. 1815, 12 septembre. Paris Thimothée, adjoint jusqu'en 1818. 1818, 12 septembre, Paullentru Edme. 1826, 15 février. Maillard Arsène. 1826, 27 septembre. Veau Louis-Avit. 1831, 14 décembre. Rivière Antoine. 1834, 20 octobre. Lange Frédéric, comme délégué jusqu'au 24 janvier 1835, puis comme maire jusqu'en 1841. 1841, 27 juillet. Veau Louis-Avit. 1846, 2 août. Millot Bazile. 1855, 26 juin. Fouet Louis-Hélène, maire actuel. Chemins, Routes. — Les ressources financières de la commune d'Aix ont permis à l'administration municipale d'entretenir une bonne viabilité. Des chemins solidement empierrés conduisent aux nombreux hameaux qui dépendent d'Aix. Il est fâcheux seulement que le sol si tourmenté du territoire ne leur permette pas d'être toujours d'un facile accès. La route de Nogent à Tonnerre traverse le territoire jusqu'au hameau de la Vosve. On vient d'ouvrir un chemin d'intérêt commun qui passera par Neuville-sur-Vannes, et reliera Aix à la route impériale n° 60 à Estissac. On a l'intention SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 355 de pousser ce chemin jusqu'à Bérulles. Ce serait, pour cette dernière commune, un raccourcissement de 10 kilomètres sur Troyes. Précis historique. — La forêt d'Othe Otta, Utta, Nemus Othonis était autrefois très-étendue. Quelques auteurs prétendent que, dans les temps anciens, elle joignait celle de la Traconne et occupait alors une grande partie des cantons de Marcilly-le-Hayer et de Nogent-sur-Seine. D'autres auteurs lui donnent pour bornes la Vannes et l'Yonne, d'où les villages de ces cantons sont surnommés en Othe. Elle a été défrichée en grande partie, et les bois de Joigny en sont la plus notable portion. Plusieurs écrivains font mention de celle forêt ; nous citerons l'auteur de la vie de saint Ebbon, archevêque de Sens, Nitard, à l'occasion des guerres entre les fils de Louis-le-Débonnaire. Vers le milieu du IXe siècle, Lothaire avait choisi la forêt d'Othe comme point de réunion de ses troupes, pour barrer le passage à l'armée de son frère Charles-Ie-Chauvé, qui allait de Sens à Troyes pour les fêtes de Pâques. Il est probable que Lothaire ne put arrêter son frère, car nous voyons Charles-le-Chauve faire ses Pâques à Aix en 841. Au centre de la partie montagneuse et au milieu des forêts qui la' couvraient, les Druides avaient un domaine considérable. Ce domaine passa ensuite aux évêques de Troyes, sous le nom d'Aix-en-Othe. C'est l'asile que Fulchrique, successeur de saint Prudence dans l'évêché de Troyes, offrit à saint Loup de Ferrières et à ses moines, lors des ravages des Normands en 852. Le pays d'Othe était défendu, 336 ESSAI DE STATISTIQUE dans la partie où il s'ouvre sur Troyes, par un ancien fort construit sur un monticule isolé de toutes paris, avec trois fossés profonds qui embrassaient la cime de la montagne. Ce fort n'existe plus; il ne reste que les fossés. Il fut détruit par les Anglais. Ce fort, qui s'appelait Montaigu, était situé sur le territoire de Laines-aux-Bois. Ce nom existe toujours. Il paraît qu'Aix a appartenu aux seigneurs de Villemaur, en qualité de domaine. Si l'on en croit la tradition, l'empereur Julien aurait donné à un de ses officiers, nommé Maur, le château de Villemaur et ses dépendances vers l'an 361. Il est probable que le château d'Aix, abandonné par les Druides, et à proximité de Villemaur, faisait partie de la donation de Julien. Lorsque l'église de Troyes eut été fondée, les successeurs de Maur, convertis au christianisme, imitèrent les rois de France, leurs suzerains, et firent don aux évêques de quelques parties de leurs domaines. Quoi qu'il en soit, il est notoirement avéré que les barons de Villemaur possédaient originairement le domaine d'Aix, puisqu'ils étaient en droit de s'y faire des réserves ou de les abandonner. L'une de ces réserves était la dépouille de l'évêque. A sa mort, le baron de Villemaur, ou ses officiers, se mettaient en possession de tout ce qui se trouvait lui appartenir dans le château d'Aix. Ils faisaient de même à l'égard de leurs hommes de corps dans l'étendue de cette terre, et c'est cette remise nécessairement postérieure à la tradition du fonds, que les papes et les rois confirment aux évêques de Troyes. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 557 Nous voyons, en 1152, le pape Eugène III, dans une bulle adressée à Henry, évêque de Troyes, confirmer à cet évêque les biens de son évêché, et lui assurer, entre autres fonds, la possession de la terre d'Aix et de ses dépendances, avec tous ses droits, franchises et immunités qui lui avaient été accordés et à ses successeurs par les seigneurs de Villemaur. Sept ans après, Alexandre III fit la même chose en faveur de l'évêque Mathieu; et de peur que cette ratification, purement ecclésiastique, n'éprouvât dans la suite quelques difficultés en France, par une charte donnée en 1207, à Saint-Germain-en-Laye, Philippe-Auguste, à la réquisition de l'évêque Hervée, voulut bien confirmer cette concession, comme l'avait fait Louis VII, son père. Comme nous l'avons vu, le château d'Aix était fortifié dès le IXe siècle. Au XIVe, il était encore une place assez forte pour servir de retraite pendant les guerres des Anglais en France. L'évêque de Troyes y avait un équipage de guerre; et Henry de Poitiers en fit un refuge dont le souvenir s'est perpétué jusqu'à nos jours. Lors de la captivité du roi Jean, les Anglais se rendirent maîtres du château d'Aix, et le tinrent pendant dix-huit mois. Charles, alors dauphin, entreprit de les en chasser. Il se forma une ligue des seigneurs du pays, dont l'évêque Henry était un des plus puissants. Ils s'avancèrent vers le château d'Aix, le prirent au troisième assaut, et en chassèrent les Anglais, qui perdirent quatre-vingts hommes. Humiliés de cette prise, les Anglais revinrent en 1368, brûlèrent le fort après l'avoir quitté. Mais le généreux évêque en commença les réparations, que 358 ESSAI DE STATISTIQUE sa mort l'empêcha d'achever. Son successeur, Jean de Braque, ne fit que fortifier ce qu'on appelait le fort. Jean de Braque ne siégea qu'environ cinq ans, et, dans ce court intervalle, il donna au château à peu près la forme qu'il a conservée jusqu'à sa démolition. Depuis cette diminution, la partie fortifiée du bourg n'était plus assez spacieuse pour y mettre à couvert les habitants et leurs effets. Plusieurs quittèrent le pays pour aller s'établir ailleurs avec plus de sûreté, et ce lieu était menacé d'une désertion totale, lorsque la commune, composée pour la plupart d'hommes de corps de l'évêque, lui demanda là liberté de construire des habitations dans l'espace désert de la basse-cour, qu'ils offrirent de fortifier dé leurs mains, pourvu, toutefois, qu'il les aidât de son côté. Cette affaire fut plusieurs fois misé en délibération, tant dans le Conseil de l'évêque, composé, à cet effet, de plusieurs personnes de la ville et du diocèse, que dans le Chapitre de l'église de Troyes. On examina l'avantage qui en reviendrait à la mense archiépiscopale, la suffisance du terrain du fort pour le logement des évêques, le nouveau rempart que formerait les nouvelles maisons des habitants, pour appuyer le logement épiscopal. Enfin, il fut accordé que les habitants pourraient bâtir dans la basse-cour, tant pour eux que pour leurs hoirs et ayant-cause, à toujours, au moyen d'une redevance, portant lods et rentes payables tous les ans au 1er octobre. La charte en fut donnée, à Saint-Lyé, le 5 novembre 1373. Aix tomba de nouveau au pouvoir des Anglais vers le milieu du XVe siècle. Des lettres d'Odart Gri- SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 359 viau, lieutenant-général à Troyes, en 1434, nous apprennent qu'il fut fait, sur les bourgeois de cette ville, une imposition de 600 livres, employées au recouvrement, d'Aix, tombé de nouveau au, pouvoir des Anglais. De toute cette masse imposante de forts, de bastions, de tours, il ne reste plus rien. Ce qu'on appelle aujourd'hui le château, n'est pas propre abonner une idée de ce que pouvait être un château au moyen-âge. Néanmoins, on voit encore les traces des chaînes qui soutenaient le pont-levis, la passerelle, les poternes, etc. On trouve aussi, çà et là , quelques restes de carreaux émaillés, qui prouvent que le château était construit dans les conditions de luxe et de confortable, que pouvait permettre la haute position des possesseurs. En ce moment, des fouilles faites, à l'occasion d'un chemin qu'on ouvre pour aller aux fontaines, mettent à jour des conduits en terre destinés à conduire l'eau, dans les dépendances du château. Suivant d'autres personnes, ces tuyaux seraient l'ouvrage des Romains, Il existe encore aujourd'hui une place appelée la Butte, qui est plantée d'arbres. C'était le lieu où l'on faisait l'exercice de l'arbalète. La partie du bourg qui se trouve au nord, sur la route départementale, et qui porte aujourd'hui le nom de la Gaieté, est, sur les vieux titres, appelée les Célestins. Il est probable qu'il y avait, dans cet emplacement, un couvent de cet ordre. Revenu de la terre d'Aix au XIVe siècle. — L'évêché recevait en deniers, en moyenne, 220 livres 7 deniers, qui équivalent à 11,441 fr. 52 c. dé notre 360 ESSAI DE STATISTIQUE monnaie. 11,441 f. 52 c. 1 muid 9 setiers de froment, le muid, composé de 12 setiers, à 12 15^, faisait . 1,094 4 muids de seigle, à 8 17/ . . 1,665 4 muids 1 mine d'orge, à 6 4-' 3* . . .. 1,180 10 muids 1 mine d'avoine, à 5 13^ . . . 2,682 Total. .... 18, Le muid valait 12 setiers; la mine était la moitié du setier; le bichet était le quart de la mine, et le boisseau moitié du bichet. Le boisseau devait avoir un diamètre intérieur de 14 pouces 5 lignes; une hauteur en dedans, de 7 pouces 2 lignes 1/2; il se mesurait râcle, et contenait 1,175 pouces cubes, ou 23 litres 32 centilitres. Vers la fin du XVe siècle et le commencement du XVIe, les revenus de la terre d'Aix sont amoindris ils ne s'élèvent plus qu'à 11,384 fr. 70 c. Cela tient à ce que la valeur de l'argent avait baissé, il ne valait que 27 fr. 50 c. à la livre 1. Aix faisait partie de l'archidiaconé de Troyes et du doyenné de Villemaur. D'après Hadrien de Valois, la forêt d'Othe aurait formé une sorte de Pagus dont faisaient partie tous les pays surnommés en Othe. Dans le rôle envoyé au doyen de la chrétienté de 1 Ces notes sont extraites d'un travail de M. d'Arbois de Jubainville, archiviste de l'Aube. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 361 Villemaur, le 22 mars 1457, à l'occasion de la taxe imposée aux ecclésiastiques du diocèse pour la défense de la foi contre les Turcs, le curé d'Aix est porté pour la somme de XL sous. A la date de 1457 on voit, au nombre des bienfaiteurs de l'Hôtel-Dieu-Saint-Esprit de Troyes, situé dans le faubourg et près la porte Croncels, Catherine, veuve de Pariset de Fontaines d'Aix-en-Othe, et fille de Jehan Chevillon de Pitoiste. Au hameau de la Vosve était le prieuré de Die, dépendant de l'abbaye de Fleury-sur-Loire. Les droits de cens et rente avaient été rachetés en 1662, moyennant 300 livres que l'évêque de Troyes donnait tous les ans au prieur; en 1753, celui-ci était rentré au prieuré. La paroisse d'Aix eut des curés recommandables par leur science et leurs vertus; entre autres Jean Collet, natif de Rumilly-les-Vaudes, qui construisit, en 1527, l'Eglise de Rumilly avec les sommes d'argent qu'il trouva dans les quêtes qu'il fit dans différentes provinces; Jean Moslé; Odart Moslé qui permuta, en 1570, pour la cure de Saint-Nizier de Troyes, fut député en 1578 par le clergé pour obtenir du roi la permission de tenir une assemblée générale, et fut chargé de l'éducation de M. de Chevreuse, fils du duc de Guise. Dans la suite, il entra chez les Jésuites, et mourut à Àuch, où il prêchait encore en 1592. Guillaume de Taix, né en 1529, d'une famille noble, et qui devint doyen de l'église de Troyes. Il portail pour armes, d'argent à deux fasces d'azur, avec un petit croissant de gueules sur le milieu de la fasce supérieure, étant né d'un puîné. 362 ESSAI DE STATISTIQUE Martin Beaugrand, qui fut directeur des Ursulines de Troyes pendant 51 ans, et auteur de plusieurs ouvrages de piété. Je demande, en terminant, la permission de citer quelques particularités intéressantes On lit dans les registres des actes de baptêmes » 1662 En l'année 1662, auparavant la moisson, le » grand boisseau de fourment a vallu cent dix sols ; » le grand boisseau de soigle trois livres dix sols ; » le grand boisseau d'avene trente sols. Les pauvres » ont eu grande nécessité. Pour les soulager, on fit » des potages quatre à cinq jours la semaine, les" quels potages estoient faicts 1° deux seaux d'eau; » 2° trois quarterons de beurre ou dE lard, ou autre » graisse; 3° un demy potot de sel, quelque peu » plus; 4° pour deux sols de poivre; 5° une pinte » et demye de pois, cuits dès le soir auparavant; » 6° une grande panerée d'herbes en tout ce que » dessus bien bouilly ensemble dans une grande » chaudière ; on y mettait 12 ou 15 de pain coupé » en morceaux carrés, et après, avoir bouilly, on en » distribuait une escuellé a chaque pauvre,. Pour » rendre meilleurs, lesdits potages, on, y mettait quelquefois une fresseure de mouton,ou quel» qu'autre morceau de viande coupée. » Monseigneur de Troyes fit de grandes aumosnes » pendant les années de cherté, tant en grain qu'en » argent, pour les panures malades.... ». M. l'abbé de Saint-Aignan, prieur de Dies, donna » dix escus pour faire les potages ci-dessus, » A la fin du registre de 1666 est écrit L'année SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 363 » mil six cent soixante-six, l'année fut abondante » contre l'attente générale le fourment valait 16 » le septier, le soigle 10, l'orge 6, l'avoine cent » sols. Le muid de vin, mesure de Sens, 10 livres. » Dans le même registre, mention est faite du séjour à Aix de plusieurs compagnies de soldais commandés par M. d'Avancourt, le capitaine de Bligny et le capitaine le Barge. En 1663, le curé se plaint que pendant cette » même année plus de 80 personnes sont mortes » de grandes maladies. Vingt personnes à peine » furent exemptes. » Le bon curé raconte que » malgré quatre ou cinq accès de fièvre, il n'en ad» ministra pas moins les sacrements, n'ayant point » de vicaire. » L'année précédente, il était mort 61 personnes. A la suite de la révocation de l'édit de Nantes, il y eut des abjurations de quelques-uns des réformés, notamment à Aix. Ces abjurations, contenues aux registres des baptêmes, eurent lieu, surtout après une expédition en règle, dans la contrée d'Othe, d'un membre de l'Election assisté de son greffier, et accompagné de dix-sept archers de la maréchaussée et de dix archers de la robe courte. Néanmoins, les actes disent que les abjurations sont faites sans aucune contrainte. En voici quelques-unes Le 13 août 1685, Anne Materon, veufve de feu » Jean Hubert, de la religion réformée, a abjuré la » dite religion prétendue en l'église de d'Aix, » et ensuite a promis et juré sur les SS. Evangiles, » sans aucune contrainte, qu'elle embrassait la reli» gion catholique, promy la garder et tenir toute sa T. XXII. 25 364 ESSAI DE STATISTIQUE » vie moyennant la Grâce de Dieu, la faire garder et » observer tant qu'il lui sera possible à ceux qui » seront à sa charge, Coe elle voué à l'heur pnte » Hester Hubert, sa fille, à laditte religion catho» lique, aagée de cinq ans, et en cas qu'il lui advint » de faire le contraire, qu'elle se soubmettait aux. » peines portées par les canons. Ladite abjuration » faicte par devant moi Anthoine Savine, pre curé » audict lieu, en vertu du pouvoir reçu de Mr Vinot, » Grand vicaire de Troyes, et en prnce de honble » home Jean Mauroy, lieutt au Bailliage dudit Aix; » Me Claude Huvier ; Jacque l'Equier; E. Blanchet, » mre d'école audit; Pre Chossemié, mareschal, qui » ont signé; quand à la dite Materon, a déclaré ne » savoir. » En marge A laquelle j'ai donné l'absolution » de l'excommunication par elle encourue à cause » de la dite hérésie et icelle j'ay admis à la partici» pation des sacrements de la sainte Eglise. » Les registres subséquents en contiennent une foule d'autres conçues dans les mêmes termes, que je ne rapporterai pas pour cette raison. On remarquera entre autres celle de Etienne de Badé, seigneur en partie de Villemoiron, et de sa femme, Anne Gillon, veuve de Massicault de Dierrey-Saint-Julien, peutêtre celui qui fut torturé en 1662. J'ai rapporté plus haut que l'église Saint-Avit possédait une pierre miraculeuse. Je trouve, dans le registre des baptêmes de l'année 1687, un rapport du curé d'Aix qui constate la résurrection momentanée d'un enfant mort-né, apporté exprès de Saint-Mards pour subir l'inflence de cette précieuse pierre. En effet, à peine l'enfant fut-il posé sur l'autel, qu'il SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 365 » devint chaud de froid qu'il était, qu'il lui sortit » même du sang par le nombril, et qu'il fit même » quelque distillation d'urine sic, que les mains » firent un mouvement, que le Sr Hostelain, chirur» gien, profita de cet instant pour lui administrer le » baptême, après quoi il mourut. » On parle encore de cette pierre à Aix ; mais elle n'existe plus, du moins avec ses propriétés miraculeuses. § II. — Saint-Mards-en-Othe. Saint-Mards Sanctus Medardus est situé à 38 kilomètres de Troyes, 8 kilomètres d'Aix-en-Othe, 176m au-dessus du niveau de la mer. Cette altitude est prise du sol de l'église à la naissance du vallon de la Nosle, au point de réunion de deux petits vallons accessoires. Sol comme à Aix; très peu de grès erratique; la plupart des blocs que présentait celte contrée ayant été exploités pour les constructions. Puils de 7 à 30 mètres creusés dans la terre jaune caillouteuse et dans la craie. Dans les hameaux, du plateau tertiaire, on trouve des puits dont la profondeur atteint jusqu'à 60 mètres. La Nosle prend sa source à la jonction des deux vallons ; la fontaine SaintBouin, à 1 kil. à l'est du bourg. On en a conduit les eaux jusqu'au centre du pays, où elles aboutissent à une fontaine jaillissante. Ces sources donnent en toutes saisons. On peut encore citer la Chailloire, qui tarit à certaines époques, et qu'on fait servir néanmoins pour le flottage des bois. Après la fonte des neiges ou à la suite d'orages, le pays est quelquefois 366 ESSAI DE STATISTIQUE inondé par les, eaux qui descendent par les vallons et les ravins. A l'est du hameau de la Belle-Epine on trouve un terrain qui offre un sable gras de couleur rouge employé dans les constructions. Il existe encore un autre terrier près du Moulin-d'En-Bas, d'où l'on tire pour le même usage une terre graveleuse qui contient des fragments de craie. Population. — Saint-Mards se partage en quinze parties 1° Saint-Mards; 2° trois hameaux du nom de Vaucouards ; 5° la Belle-Fayte ; 6° Vaubadon ; 7° la Mivoye ; 8° la. Lisière-des-Bois ; 9° la Croix-SaintJacques ; 10° Belair ; 11° la Belle-Epine ; 12° le Nervot ; 13° la Pilonnerie ; 14° le Prédaissy; 15° les Robins. On compte 493 maisons, 604 ménages. La population était de 1,798 âmes en 1842, et de 1,743 en 1852; elle est aujourd'hui de 1,676 habitants qui se divisent ainsi 289 hommes mariés avec enfants ; 184 — sans enfants; 9 hommes veufs avec enfants ; 26 — sans enfants ; 284 femmes mariées avec enfants; 185 — sans enfants; 21 femmes veuves avec enfants ; 60 — sans enfants. 314 garçons; 304 filles. Comme on vient de le voir, la population de SaintMards tend sans cesse à diminuer. Quelle est la cause de cette diminution ? On l'explique par le nombre extraordinaire de ménages sans enfants 271 . SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 367 Une autre cause, c'est que les décès surpassent généralement les naissances. Serait-ce à dire que SaintMards n'est pas dans des conditions de salubrité suffisante? Voici le mouvement officiel de la population Naissances. Mariages. Décès. De 1792 à 1803. . . 562 175 495 De 1803 à 1813. . . 383 128 467 De 1813 à 1823. . . 419 165 504 De 1823 à 1833. . . 463 130 410 De 1833 à 1843. . . 374 156 452 De 1843 à 1853. . . 348 176 364 Territoire, Exploitation. — Le territoire de SaintMards a 6 kilomètres de large du nord au sud du finage de Villemoiron à celui de Nogent-en-Othe ; 10 kilomètres de long depuis la tranchée du Bois-del'Avocat aux maisons de la Guinand Yonne, de l'est à l'ouest. La superficie totale du territoire est de 3,140 hectares. Il y a 102 laboureurs qui possèdent 187 chevaux, 17 ânes et 4 mulets; 4 taureaux, 425 vaches, 177 laurillons ou bouvillons ; 18 béliers, 1,027 moutons, 715 brebis et 484 agneaux; 93 porcs. Administration. — La commune est administrée par un maire, un adjoint et seize conseillers municipaux. Elle compte 571 électeurs. Les registres de l'état civil datent de 1792 seulement. Elle possède une brigade de gendarmerie à pied pour le service du canton, deux gardes-champêtres, une compagnie de pompiers, un receveur buraliste, deux débits de tabac, un bureau de poste aux lettres avec quatre facteurs, un instituteur et une institutrice laïques. 368 ESSAI DE STATISTIQUE Il s'y tient un marché aux grains tous les lundis. Il n'est pas très important. En revanche, les foires sont les plus renommées du canton, bien qu'elles aient subi le sort de toutes les foires, c'està -dire qu'elles aient perdu de leur importance. On en compte six le 24 avril, le lundi de Pâques, le 25 mai, le 21 septembre, le 6 décembre et le lundi qui suit la fête de Noël. Il y a en plus des foires remises, dont deux à jour fixe, les premiers lundi de juillet et de novembre. Sous l'ancienne République, Saint-Mards possédait un bureau d'enregistrement. Routes, Chemins, Constructions. — Il y a à SaintMards 1° la route départementale n° 4, traversant le pays et le territoire sur une longueur de 6 kilomètres 200 mètres ; 2° le chemin de grande communication de Saint-Mards à Germigny du canton de Saint-Florentin, 5,700 mètres sur le territoire; 3° le chemin d'intérêt commun de Saint-Mards à Ervy, n° 22, par Vosnon, 2 kilomètres 700 mètres; 4° les chemins vicinaux de Saint-Mards à Joigny, 4,300 mètres; de Saint-Mards à Chennegy,2,700 mètres; plus de 7,400 mètres de chemins nouvellement construits, conduisant à tous les hameaux. Quatre cantonniers entretiennent les chemins. Il y a encore, à Saint-Mards, bien des maisons couvertes en chaume; néanmoins, on remarque que le nombre en diminue tous les ans d'une manière sensible. Dans le centre du pays, le long de la route, ont voit de fort beaux bâtiments construits entièrement en briques. Au milieu de la place, est une halle récemment élevée et d'assez bon goût. Tout auprès, est une fon- SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 369 taine jaillissante, dont l'eau retombe en gerbes élégantes d'un bassin en fonte soutenu par un enfant de même métal. Ce travail est d'une fort belle exécution. A l'extrémité du bourg, sur le chemin de Nogenten-Othe, est un lavoir public construit en briques et fort vaste. Eglise. - L'église de Saint-Mards, relevée en 1735, a été en partie détruite par les calvinistes; mal reconstruite en 1779, elle était si peu solide que les pierres se détachaient de la voûte à chaque instant. Les fenêtres, au lieu de vitraux, étaient fermées avec des paillassons. Elle fut consolidée en 1827, 1828 et 1829. Aujourd'hui, c'est une des belles églises du canton. Elle est située au haut du village; on y monte par 27 marches. L'abside, voûtée en craie taillée, doit appartenir à l'ancienne église. Le rétable, composé de deux colonnes d'ordre corinthien, supporte un tableau de fort belle exécution, représentant l'Ascension. Sur le chapiteau de ces deux colonnes est posée une Gloire dorée du plus bel effet. Le rétable est éclairé par quatre fenêtres à meneaux en pierre et à vitraux circulaires. De chaque côté de l'autel principal sont deux autels ménagés dans les bas-côtés. Celui de droite est dédié à la Vierge immaculée, celui de gauche à Saint-Nicolas. Le maître-autel, qui a la forme d'un tombeau, est en marbre rouge, et provient de l'église de Vauluisant, ainsi que deux magnifiques volutes de même roche et de même nuance, placées près de la porte principale et qui servent de bénitiers 370 ESSAI DE STATISTIQUE La voûte de la nef est supportée par quatre colonnes. Un jeu d'orgue est placé au-dessus de la porte intérieure de la nef. Le portail, fort simple, se compose de deux pilastres sur lesquels est posé un fronton renfermant une Gloire en relief. Au-dessus est une rosace en vitraux non coloriés, surmontée d'une guirlande de pierre. Le clocher a la forme quadrangulaire. Commerce, Industrie. — Comme Aix, Saint-Mards possède toutes les branchés de commerce de petit détail. Il y a une tuilerie, deux moulins à eau et un à vent, un four à chaux récemment construit, quatre tuileries, dix-sept pressoirs, dont quinze à manége et deux à bras, 41 métiers à bas, 70 métiers de tisserands. Vers le milieu du XVIIIe siècle, on en comptait près de 400. De tout temps celle dernière industrie avait été le partage des habitants de SaintMards. Impôts, Revenus. — Le revenu imposable est de 36,961 fr. 70 c. — On paie Contribution foncière .... 7,376 f. » c. Personnelle et mobilière . . . 1,985 » Portes et fenêtres . . . . . 1,410 » Patentes 1,814 37 12,585 f. 37 c. Saint-Mards possède 481 hectares de bois qui donnent un produit annuel de 4,680 fr. La chasse est louée 192 fr. 75 c. par an. On loue aussi quelques mares poissonneuses qui rapportent 46 fr. 75 c. pour droit de pêche par an. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 571 Liste chronologique des Maires. Drouot Louis, du 12 vendémiaire au 6 floréal an VI. Morin Henry, du 6 floréal an VI, au 10 vendémiaire an vu. Bazin Etienne-Robert, comme président de l'administration municipale jusqu'en brumaire an XII. Morin Henry, de nouveau jusqu'en 1814. Fromant Henry, jusqu'en 1827. Morin Charles, jusqu'en 1830. Fromant Henry, de juillet à novembre 1830. Drouot Antoine-Vincent, jusqu'au 10 janvier 1835. Barrat Jean-Baptiste, jusqu'au 26 août 1837. Petit Charles-Augustin, jusqu'en septembre 1845. Dumet Nicolas, jusqu'en 1846. Trouvé Hyacinthe, maire actuel. Le placard où étaient les archives de la mairie ayant été incendié en 1814, il est probable qu'on a perdu bien des pièces pouvant aider à l'intelligence de l'histoire de Saint-Mards. Précis historique. — Dans des lettres de Philippele-Bel et de Charles VII, cette bourgade est appelée Saint-Médard-du-Chemin, parce que c'était la route de Troyes à Joigny et à Auxerre. Saint-Mards était, anciennement, une ville murée, du grenier à sel d'Estissac, élection de Troyes, du bailliage et présidial de Chaumont, depuis que, au XIVe siècle, elle a 372 ESSAI DE STATISTIQUE été soustraite du bailliage de Troyes, à la sollicitation de la duchesse d'Athènes qui en était dame. Saint-Mards possédait des fabriques d'étoffes dès le commencement du XVIe siècle, car nous voyons, en 1531, le Conseil de ville de Troyes ordonner aux gardiens des portes de ne laisser entrer aucun » drap de lit, plumes, cotillons, pourpoints, peaux » en poil ou en laine, vieux chiffons venant de » Langres, de Chaumont, de Brienne, de Vitry-en» Perthois, de Châlons, d'Auxerre, de Saint-Mards» en-Othe, etc., et ceci à cause des ravages qu'exer» çait la peste dans ces différentes villes à cette » époque. » Dans un feuilleton de l'Aube, du 14 mai 1857, nous lisons dans un article intitulé Recherches sur les anciennes pestes de Troyes, de 1531 à 1544, la » peste était au village de Saint-Mards, situé à quel» ques lieues de la ville. De ce pays, il vint à Troyes » un homme et trois femmes pour y vendre, moyen» nant quelques sous, des hardes et du vieux linge. » Ces braves gens se mirent en quête de se débar» rasser de leur marchandise; mais bientôt on en » sut la provenance. On les arrêta aussitôt. L'homme » fut enfermé dans la tour Charlemagne, qui vient » de disparaître, et les femmes dans sa voisine, la » tour Barbazan, dont il ne reste plus, hélas! que " quelques assises. Tous quatre furent livrés à M. le » Prévôt. Mais, pendant l'instruction, quoique courte » et fort sommaire, l'homme parvint à s'évader. Les » femmes, moins heureuses, restèrent sous les ver» rous. M. le Prévôt rendit sa sentence, et les con» damna à être attachées à une charrette, conduites » dans les rues et carrefours de la ville, pour y être SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 373 » fouettées publiquement par le fermier des menues » amendes et par l'exécuteur des hautes oeuvres. La " sentence reçut son exécution, et ses prescriptions » furent exactement observées. L'autorité munici» pale avait pris ses mesures à cet effet. Elle paya » dix sous à ceux qui appliquèrent la peine du fouet » aux patientes pour aller boire » avant de les » fustiger, et Me Michaud, exécuteur des hautes » oeuvres et maître encordeur, reçut quarante sous » pour les avoir bien fouettées » Lorsque le calvinisme se répandit en France, il fit des progrès considérables à Saint-Mards. Charles de la Porte, sieur de Chevrosche, seigneur du Prédaissy, y facilitait et protégeait les prêches et les assemblées des sectaires. L'église de Troyes y envoya des députés pour travailler à détruire l'erreur. Mais Chevrosche rendit, par ses intrigues, leur députation inutile. Depuis l'édit de Nantes, ils voulurent y avoir un temple, avec l'exercice libre de leur religion. René Benoît, nommé à l'évêché de Troyes, y vint lui-même, en 1598, pour fortifier les fidèles dans la foi. Les officiers de la justice, étant protestants, firent emprisonner quelques catholiques, et, malgré tous les efforts du Chapitre de la cathédrale, ils élevèrent enfin un temple proche l'église paroissiale en 1615. Ce voisinage excita plusieurs querelles entre les deux communions. L'évêque René de Breslay et son clergé en portèrent leurs plaintes au Parlement, et le temple des huguenots fut transporté au bout de la Grande-Rue, à l'extrémité du bourg. Il était fréquenté par les religionnaires du canton et de plusieurs endroits éloignés. Les huguenots de Dierrey étaient en correspondance 374 ESSAI DE STATISTIQUE permanente avec ceux de Saint-Mards. On léguait des fonds pour l'entretien des ministres. A l'occasion des troubles excités par les calvinistes de Saint-Mards; M. de Barbezieux, lieutenant pour le roi, à Troyes, envoya dans le bourg des compagnies de gens de pied et de cheval, avec des pionniers et de l'artillerie. Ces troupes s'emparèrent du château, tuèrent une grande partie de ceux qui s'y étaient retirés, parmi lesquels était le président Sorel. Elles firent des prisonniers et mirent le reste à rançon. De Saint-Mards, ces troupes se rendirent à Noyers, qui, au bout de trois semaines de siége, se rendit à composition. Extrait d'une lettre de Berchaire Mutel, curé de Saint-Mards. Le 27 mai 1681, 3e fête de la Pentecôte, jour » où se tenait la foire qui avait été transférée du 25 » à cause de la solennité, le clocher, dont la flèche » était une des plus élevées qui se voient, était tombé » jusqu'au beffroy sans blesser personne; quoique » cet accident fut arrivé pendant les vêpres, et que le » devant de l'église fut rempli d'une multitude, au » milieu de laquelle cette flèche se précipita subi» tement avec le timbre de l'horloge, dont les anses » furent rompus. Cette cloche, que l'on n'a point » fait refondre, produisait un accord parfait avec les » cinq autres. » Pareil accident, arrivé trois fois en moins d'un SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 375 » siècle, a fait prendre le parti de supprimer cette » flèche de dessus la grosse tour qu'on vient de » construire. » L'ancien château fortifié et' flanqué de quatre » grosses tours se fait encore remarquer, quoiqu'en » ruines. Le bourg, autrefois fermé de murs, dont » partie sert aujourd'hui de clôture ait jardin du » presbytère, est encore entouré de fossés. Les foires, » au nombre de quatre, sont les plus considérables » de la Champagne. Elles se trouvent les jours de » saint Mathias, 24 février; de saint Urbain, 25 mai ; » de saint Mathieu, 21 septembre, et de saint Nicolas, » 6 décembre. » Les marchés qui se tiennent tous les lundi, ne » se distinguent pour ainsi dire des foires que par » le déplacement du ménage, qui, à celles-ci, se » tient à côté de l'église, au nord. La majeure » partie des habitants s'occupe du métier de tis» serand. On fait nombre de plus de 300 de ces » métiers employés à la fabrique de toiles, coutils, » treilles et tiretaines. » Il ne manque qu'un établissement modelé sur » celui de plusieurs endroits, qui retirerait une mul» titude de jeunesse, de l'un et de l'autre sexe, d'une » inaction que l'on voit de jour en jour dégénérer » en fainéantise. » C'est sur le territoire de Saint-Mards que saint » Bouin se retira dans la solitude, auprès d'une fon» taine qui porte son nom, et qui forme la première » source d'un ruisseau qui, avant que d'entrer dans » le bourg, en reçoit un autre appelé Chailloy, dans », lequel, au bas de Saint-Mards, se jettent plusieurs 376 ESSAI DE STATISTIQUE » autres fontaines qui l'aident à faire tourner, les » deux moulins, et l'accroissent considérablement » jusqu'à Villemoiron, au bas duquel il est encore » augmenté par les deux sources d'Aix, dont il tra» verse le finage pour se rendre à Paisy-Cosdon, où » il se jette dans la Vannes. L'enceinte de l'ermitage » de ce saint solitaire se fait encore remarquer, » mais le lieu de son oratoire n'est reconnaissable » que par une croix qui sert de station à la proces» sion du mardi des Rogations. » On n'est point surpris d'avoir vu nos anciens » évêques de Troyes s'étudier à ne mettre à Saint» Mards, pour curés, que des hommes d'un mérite » et d'une science consommés dans le droit canon » et les antiquités ecclésiastiques., lorsqu'on sait ». que, par des édits de pacification, ce bourg fut » mis au nombre des lieux où les protestants auraient » le libre exercice de leur religion. Quels savants prê» tres ne fallait il pas pour entrer en lice avec les » Claude, les Aubertin, les Jurieu, qui en avaient » fait leur principale école et leurs plus fameux » rendez-vous au temps de la Pà que, qu'ils y célé» braient avec d'autant plus de pompe et d'apparat, » que les trois temples qu'ils y avaient leur procu» raient, par leur distance, plus de facilités de se » donner en spectacle aux catholiques ébranlés et » tremblants sous un despotisme, tel que celui qu'ils » avaient usurpé dans tout le pays d'Othe ! Deux » de ces temples sont encore subsistants, l'un ser» vant de grange à la ferme du château, l'autre de» meure en masure dans le bois de Prédaissy, à la » proximité d'un autre château qui leur servait de » fort, mais dont il ne reste aucun vestige que l'em- SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 377 » placement des bâtiments et la forme des jardins » encore plantés en buis. » Le plus célèbre de ces prêches, et qui en était » comme la métropole, avait d'abord était placé au» au» de l'église des catholiques, où se tient aujour» aujour» le ménage aux jours de foire. Mais la trop » grande proximité faisait naître entre les deux par» par» de si fréquentes disputes, que chaque jour on » y voyait le renouvellement du massacre de Passy. » Les prétendus réformés reçurent ordre de se re» re» hors de l'enceinte. Ils transportèrent cette » soi-disant cathédrale dans les retranchements où " elle subsista jusqu'à ce que, par un arrêt du Con» Con» elle fût démolie de fond en comble et rem» rem» par une croix dite la Croix du Prêche, Son » premier emplacement est marqué du même » signe. » On lit dans les registres de cette paroisse que, » l'an 1685, le 5e jour du mois d'avril, le prêche ou » temple des huguenots de la religion prétendue ré» formée a été démoli jusqu'aux fondements, sui» vant l'arrêt du Conseil d'état du roy rendu le » 5e jour du mois de mars précédent, à la poursuite » du syndic du clergé du diocèse de Troyes. Le sieur » Comparat, subdélégué de monseigneur Hué de » Miromesnil, intendant en Champagne, président » en l'élection de Troyes, chargé dudit arrêt, en » bonne et due forme, serait venu en la paroisse de » Saint-Mards, l'ayant fait signifier à Me Charles » d'Elforterie, ministre de la religion réformée, et » me Payant fait voir je l'ai prié d'assister, dès le " matin, à la messe et au Te Deum, avant que de » procéder à la démolition dudit temple, où se sont 378 ESSAI DE STATISTIQUE , » portés les habitants catholiques, le tout en actions » de grâce 1. » Les biens du temple furent adjugés aux hôpitaux de Troyes, et les sommes dues au Consistoire accordées pour les réparations de l'église, où l'on transporta aussi tous les meubles. Néanmoins, les huguenots se sont encore perpétués pendant longtemps dans cette paroisse. Mais leur secte a enfin entièrement disparu par les soins de Me Claude de Montmeau, curé de Saint-Mards depuis 1730, et mort en 1778. Les fermes et l'emplacement du château de SaintMards appartiennent aujourd'hui à la famille Costel. Les bois où était le château de Chevrosche sont à M. Dalogny. On en voit encore des vestiges. La seigneurie de Saint-Mards était un marquisat où les seigneurs avaient un château, maintenant détruit. Au XIVe siècle,elle appartenait à Jeanne d'Eu, comtesse de Brienne et duchesse d'Athènes. Elle fut vendue ensuite à Jean de Chanteprime, qui épousa Jeanne Thessarde, dont il eut deux filles. L'aînée vendit sa part, en 1461, à Louis Raguier, évêque de Troyes, et y rentra faute de paiement. En 1493, la seigneurie entière appartenait à sa soeur, qui épousa Michel de Piéd-de-Fer, a qui elle porta ce domaine. Ces Pied-de-Fer l'ont possédé longtemps. On voit, au XVIIe siècle, Alexandre Pied-de-Fer, chevalier, marquis de Saint-Mards, seigneur de 1 L'original de cette lettre est entre les mains de M. l'abbé Coffinet. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 379 Montgueux, grand chambellan du prince de Condé, gouverneur des princes de Conti, s'excuser de ne pouvoir faire partie,de l'arrière-ban, attendu qu'il est au service des princes de Conti. Les armes des Pied-de-Fer étaient échiquetées d'or et d'azur. La terre de Saint-Mards appartint aussi à Anne de Thurin, marquise de Saint-Mards, dont la fille fut mariée à Pierre de Courcelles. Cette terre passa depuis aux Letellier, qui ont eu Maraye en même temps. Elle appartint, en dernier lieu, au duc de Villeroy. Prédaissy, hameau de Saint-Mards, était une seigneurie distraite de celle de Saint-Mards, et qui appartenait au fameux de La Porte de Chevrosche, avec le fief de deux fiefs, au commencement du XVIIe siècle, passèrent à la famille du Mottet, puis à M. de Chavaudon, lieutenant-général de Troyes, et ensuite à M. de Sainte-Maure, son fils, président en la cour des aides. Il y avait au Prédaissy une justice particulière qui se rendait au nom de M. de Chavaudon de Sainte-Maure, qui était seigneur pour moitié dans les bois et usages de la paroisse. Il y avait encore un autre hameau, appelé Château-Hutton, Castrum Guitonis, qui a totalement disparu. Ce hameau appartenait à Pierre de Château-Hutton, bienfaiteur de l'abbaye de Dilo. La famille de Pigney possédait une partie de ce domaine dans le XVIe siécle. Il passa ensuite à Etienne, sire de Pressey, seigneur de Chamoy. En 1468, nous le voyons entre les mains de Gilles de Villemor, seigneur de Craney. En 1565,on trouve encore Jacques de Pied-de-Fer, seigneur de Château-Hutton. En T. XXII. 26 380 ESSAI DE STATISTIQUE 1630, Jean le Masson laissa Château-Hutton à sa fille. Le chancelier Séguier réunit ce domaine à celui de Villemaur. Parmi les curés de Saint-Mards, on distingue Charles de Titreville, né au Mesnil-le-Roy, diocèse de Chartres, bachelier en théologie, conseiller, aumônier du roi, lequel, de curé de Saint Benoît-surVannes, le devint de Saint-Mards en 1615. Il y exerça son ministère dans les jours les plus critiques du calvinisme, et il lui fallut souvent recourir à l'autorité séculière pour mettre en sûreté sa vie et celle des catholiques. Il résigna, en 1631, à son neveu qui s'appelait comme lui, Charles de Titreville. Celui-ci fut, comme son oncle, aumônier du roi, et, suivant un acte de baptême de la paroisse de Chennegy, ancien lecteur en hébreu de S. M. Louis XIII, et protonotaire apostolique. Il mourut, à Saint-Mards, en 1671. § III. — Maraye-en-Othe. Maraye Maraia, à 30 kilomètres de Troyes, 15 kilomètres d'Aix-en-Othe. Altitude, 284m. Ce bourg est situé dans une position élevée, à la naissance d'un vallon, qui va rejoindre à Chennegy le grand vallon de Lancre. Ravins nombreux et profonds sur les coteaux environnants; sol comme à Aix. Blocs de grès sauvages assez nombreux, offrant quelquefois un volume assez considérable. Puits de 10 à 36 mètres de profondeur, creusés dans la craie surmontée de deux à trois mètres de terre jaune caillouteuse. Pas de fontaine constante. Eaux sau- SUR LE CANTON D'AIX-EX-OTHE. 381 vages abondantes provenant des orages et de la fonte des neiges. Telles sont les particularités que présente le sol de cette bourgade. Les meilleures terres sont dans le fond du vallon ; sur les côtes, le terrain est argileux et caillouteux rougeâtre; il convient au froment. Sur le plateau, les terres sont froides et produisent du seigle et des arbres à cidre. Les parties sablonneuses offrent de très-beaux bois. Population. — Maraye, y compris le Gallot et la Belle-Fayte, compte 134 maisons, 178 ménages, 499 individus. Maisons. . Ménages. Individus. Champsicourt. . . . 27 36 110 Les Boulins. .... 42 56 171 Champ-Charme. . 20 34 100 La Perrière. . . .57 77 218 Vireloup . ..... 4 5 17 Total. . . . . 292 386 1,115 En,1852, la population était de 1,140, 244 garçons ; 279 hommes mariés; 26 hommes veufs ; 210 hommes mariés avec enfants; 69 — sans enfants; 8 hommes veufs avec enfants; 16 — sans enfants; 222 filles; 286 femmes-mariées ; 60 femmes veuves. On compte 57 sexagénaires, 20 septuagénaires, 12 octogénaires et un homme de 91 ans. Maraye possède une table des registres des bap- 382 ESSAI DE STATISTIQUE têmes, mariages et sépultures depuis 1700 jusqu'à 1784. Dans cet intervalle, il y a 3,434 naissances et 2,816 décès. Les actes datent de 1582. On compte Naissances. Mariages. Décès. De 1792 à 1803. . . 401 101 199 De 1803 à 1813. . . 339 89 327 De 1813 à 1823. . . 333 84 332 De 1823 à 1833. . . 264 105 228 De 1833 à 1863. . . 225 108 249 De 1843 à 1853. . . 238 50 197 Territoire. — Le territoire de Maraye est trèsétendu. Sa superficie totale est de 4,177 hectares produisant un revenu cadastral de 57,386 fr. 41 c. C'est la commune la plus riche en bois du canton, et son territoire en renferme 2,909 hectares. Le Grand-Séminaire de Troyes en possède 106 hectares 85 ares estimés 1,987 fr. 55 c. dé revenu cadastral. Administration municipale. — Douze conseillers municipaux, y compris le maire et l'adjoint, administrent la commune. La police rurale est confiée à deux gardes-champêtres. Celle des bois est confiée à plusieurs gardesforestiers. On y compte 366 électeurs. Maraye possède une compagnie de sapeurs-pompiers; un orphéon récemment organisé, et qui ne craint pas d'entrer en lutte avec les sociétés de ce genre les mieux constituées. L'instruction des enfants est confiée à deux instituteurs laïques et à une institutrice également laïque. L'un de ces instituteurs réside au hameau de La Perrière. Il y a été créé un débit de tabac. N D'AIX-EN-OTHE. 383 Chemins, Constructions. — Maraye est situé dans la traverse de la route départementale. n° 4 de Tonnerre à chemins de grande communication sillonnent son finage 1° le chemin n° 5 de Maraye à Estissac, par Chennegy ; 2° le chemin n° 12 de Maraye à Bouilly, par Sommeval ; 3° le chemin n° 3 de Villeneuve-au-Chemin à la route impériale n° 60, par Maraye. Chacun des hameaux est relié à Maraye par de nombreux chemins vicinaux en bon état de viabilité. Les constructions de Maraye sont comme à SaintMards, en pierre dure et en briques; comme à SaintMards, on voit encore à Maraye de vieilles masures couvertes en paille, qui ne demandent qu'à disparaître. Ce qu'il y a de constructions nouvelles est fait avec goût et ne manque pas d'élégance. Maraye possède un marché aux grains le mardi il est assez bien achalandé. Les foires sont au nombre de trois le 10 mars c'est la plus importante, le 15 juin, moins suivie que la précédente, et le 20 octobre, qui ne le cède guère à celle du 10 mars. Outre ces foires, il y en a encore d'autres qu'on appelle foires remises, et qui n'ont point de jours invariablement fixes. On vend, à ces foires, du grain et des bestiaux de toute espèce. Maraye possède une halle dont la construction remonte à 1637, époque de l'établissement des foires et des marchés de Saint-Mards par M. de Bullion. Ces foires tombèrent en désuétude, et ce n'est qu'en 1846 qu'elles furent rétablies dans l'état où elles sont aujourd'hui. L'industrie principale, à Maraye, est l'agriculture et l'exploitatio e tiers à bas et quatre tuileries emploie une terre assez impure forme; deux à la Haute-Rive, au sud de la p et une à l'extrémité sud de La Perrière. Celle-ci a s terrier à une assez grande distance dans le bois, au bas du plateau. L'argile y est d'un jaune-brun, contient des fragments de silex, et se trouve mélangée de sable à une certaine profondeur. On compte deux moulins à vent sur Maraye, et huit pressoirs pour cidre et pour vin. Impôts. — La commune de Maraye paie Contribution foncière. . . . 11,942 fr. Personnelle et mobilière . . 1,255 Poites et fenêtres 611 Patentes ..... 568 Total. . ... . 14,357 fr. Eglise. — L'église de Maraye, construite de 1779 à 1783, est fort jolie et très-vaste. Elle a 45 mètres de long sur 25 mètres de largeur. La hauteur sous voûte est de 15 mètres. Sa flèche a 40 mètres. Cette église est composée d'une nef et de deux latéraux. La voûte est supportée par huit colonnes jumelles cylindriques. Les bas-côtés, moins élevés que la nef, sont supportés par des pilastres en relief. Le maitre-autel, détaché, est accompà gné de colonnes dorées d'ordre corinthien. Les fenêtres sont à plein-cintre deux seulement ont des vitraux coloriés en forme de damier. Le clocher est couvert en ardoises, forme d'écailles. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 383 Contrairement aux habitudes de l'Eglise latine, le portail est situé au levant. Quelques habitants m'ont dit que, lors de la pose de la première pierre de cette église, les personnes qui étaient préposées à cette pose enfouirent dessous les pièces et les archives de l'ancienne église. Singulier moyen de conservation ! Municipalité. — 1792, Fontenay, maire; après lui Le Boucher, ancien curé, jusqu'au 25 frimaire an II. An II, Rollin. An V, Mosdier Louis. An V, Morey. An VI, Guyot Louis-Antoine, jusqu'en 1844 46 ans. 1844, Guyot-Cardon. 1848, Pouard-Bachelier, maire actuel. Particularités historiques. — La paroisse de Maraye était autrefois un prieuré-cure de Sainte-Geneviève. Sa création datait de 1174, époque où l'évêque Mathieu la donna à Pabbaye de Saint-Martin-ès-Aires. Par suite des partages faits entre Thibaut-lePosthume et Erard de Brienne, comme ayant épousé Philippine de Champagne, petite-fille du comte Henry 1er, la terre de Maraye tomba à Erard, en 1225. Par un autre arrangement du mois d'août 4227, ce même prince assigna à Erard pour 1200 de terre rente à prendre sur plusieurs domaines, tels que les bois de Saint-Bouin, Saint-Mards et Maraye, etc., sous la réserve que les habitants desdits lieux y auraient leurs usages accoutumés. La commune de Maraye, comme déjà il a été dit, est une des plus 586 ESSAI DE STATISTIQUE riches en bois de ces contrées. Elle n'en avait aucun titre en 1553, lorsque le duc de Nevers, seigneur, s'arrangea sur ce fait avec presque toutes les paroisses de ses terres de Champagne. Par une transaction de janvier de cette année 1553, il est dit que le seigneur-duc cède aux habitants de Maraye un droit d'usage perpétuel de 1° 300 arpents de bois dans la contrée appelée le Bois-de-Villiers; 2° 300 autres arpents à prendre dans celle des Grands et Petits-Soudhoins; 3° et enfin 100 arpents environ du Souillard-de-la-Pierre, et droit de pâturage pour leurs bestiaux, sans autre retour que de payer 12 deniers tournois par an au jour de Saint-Remi, 1er octobre, par chaque feu. La vente des bois produisit, en 1740, une somme de 43,438 livres qui fut placée à constitution par les soins de M. de Villerov, et la rente destinée à l'entrelien d'un vicaire, de deux maîtres d'école, l'un à Maraye, l'autre à La Perrière, de l'église, de l'école, et autres charges de communauté. Lorsque Villemaur eut des seigneurs particuliers, la seigneurie de Maraye appartint aux comtes de Champagne. La suite des seigneurs de Maraye est restée inconnue jusqu'au commencement du dix-septième siècle. A celte époque, celte seigneurie, conjointement avec les chà tellenies d'isle, de Villemaur, de Chaource, passa à Jacques de Clèves, puis à Henriette de Clèves, duchesse de Nevers, princesse de Mantoue, veuve de Ludovic de Gonzague, duc de Nevers, gouverneur de la Champagne. Après la mort 'de Henriette, Charles de Gonzague, son frère, fut seigneur de Maraye en 1628. Il vendit cette terre à SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 387 M. de Bullion, sur-intendant des finances, avec la réserve de la mouvance sur Isle-Aumont. Elle entra ensuite dans la maison de Letellier en la personne du chancelier de ce nom. A la mort de l'abbé de Louvois, en 171,8, cette baronie tomba dans le partage du duc d'Alincourt, son neveu, d'où elle a passé au duc de Villeroy, son' fils, qui la possédait encore au moment de la Révolution, Nous voyons, en 1114, un Pierre de Maraye, abbé de Saint-Loup de Troyes. Au XVIIe siècle, Pierre de Reynard, écuyer, demeurant à Maraye, se met aux ordres du roi, à propos de la convocation de l'arrière-ban. A la même occasion, Pierre de Haranguier, seigneur de La Perrière, remontre les dépenses qu'il a faites pour soutenir sa noblesse; même que tous » ses grains ont été perdus cette année 1674 par » la grêle, requiert qu'il te décharge dudit ban ; » néanmoins ledit Haranguier offre marcher. » § IV. — Nogent-en-Othe. Nogent-en-Othe est un village situé en partie à la naissance d'un vallon qui descend à Saint-Mards, et qui pourrait être considéré comme le commencement de la vallée de la Nosle, et en partie sur le plateau, tertiaire. Haut-Nogent, C'est le même sol qu'à Saint-Mards. Les puits ont de 15 à , 20 mètres de profondeur, et même jusqu'à 40 mètres, près de l'église;.ils sont creusés dans la terre jaune chargée de silex, et dans la craie.; Nogent est situé à 15 kilo- 388 ESSAI DE STATISTIQUE mètres d'Aix, M de Troyes, 3 kilom. 200 de SaintMards, sur le chemin de grande communication de Saint-Mards à Ervy par Vosnon. Les fonds présentent une bonne terre à froment. Sur les côtes, un sol rougèâtre caillouteux, à seigle. Sur le plateau, des terres froides retenant l'eau, où les bois qui couvrent plus des trois quarts du terrain viennent bien. A la lisière de ces bois, on trouve à l'ouest du village des vergers composés d'arbres à cidre. Altitude, 210 mètres auprès de l'église. La commune de Nogent-en-Othe est partagée en deux parties Le Bas Nogent, qui renferme l'église, l'école et la mairie, 33 maisons, 39 ménages, 107 individus. Le Haut-Nogent, 21 maisons, 22 ménages et 73 individus. En tout 54 maisons, 61 ménages et 180 habitants. Il y a 59 électeurs. On compte 35 garçons, 28 filles, 53 hommes mariés, 3 hommes veufs, 8 femmes veuves. Sur 53 hommes mariés, vingt sont sans enfants. C'est presque dans la même proportion qu'à Saint-Mards. Il y a 11 sexagénaires, 6 septuagénaires et 2 octogénaires. Le territoire de Nogent-en-Othe n'est pas étendu. Il compte 352 hectares de terres labourables. Les bois comptent pour 536 hectares. La commune n'en possède pas un are, ce qui est assez étonnant dans une contrée aussi boisée. Les bois appartiennent à MM. de Chavaudon de Sainte-Maure, de feu de La Mothe de Montceaux, Marcel Peschard d'Ambly, ingénieur des mines à Dijon. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 389 M. de Chavaudon y a, je crois, une châtaigneraie. Nogent n'a ni commerce ni industrie. Les habitants sont tous cultivateurs, bûcherons ou charbonniers. Le rôle des patentes ne s'élève qu'à 1 fr. — La contribution foncière, à 2,216 fr.; la personnelle et mobilière, à 183 fr. ; les portes et fenêtres, à 73 fr. — La totalité, à 2,473 fr, — Le revenu cadastral, à 13,509 fr. 83 c. La commune ne possède pour tout revenu que 17 ares 97 centiares de terre contigus à la maison d'école, et qui sont loués à un habitant du pays. La municipalité se compose d'un maire, d'un adjoint, et de six conseillers municipaux. Il y a un desservant résidant depuis quelques années ; un instituteur logé dans une maison acquise en 1848. L'église n'est plus qu'une chapelle aujourd'hui. Voici ce que dit M. Fléchey, de l'église et du village de Nogent " . . . . . Village de 150 habitants, dont les » maisons sont disséminées sur le revers de deux » chaînes de montagnes fort rapprochées l'une de » l'autre, et qui donnent à ce pays un caractère sau» vage et très-pittoresque. Du haut de l'église on » jouit de points de vue charmants. L'église a 15 » mètres de long sur 7 mètres de largeur. Quatre » fenêtres l'éclairent ; leur forme ogivale et leurs » meneaux flamboyants donnent à cette église le » caractère du seizième siècle. Dans le clocher, une » cloche portant celte inscription » L'an 1776, j'aï été bénite par Edme Fransureaux, » curé de Nogent-en-Othe, et chapelain de Saint-Martin » de Molesme; parrain, M. Antoine Mathurin Wous- 390 ESSAI DE STATISTIQUE » toum, licencié es-loys, prieur de Flacy, et en cette » qualité seigneur de Nogent-en-Othe, chanoine de Sens, » avec Mlle Marie-Madeleine Latis. » L'intérieur est fort pauvre. Mais au milieu d'un » si grand dénûment, deux objets d'art viennent frapper l'oeil du spectateur. Ce sont deux restes » précieux, l'un du seizième siècle, l'autre du trei» zième. Le premier, ancien débris d'un autel, est » une niche en menuiserie sculptée peinte en ara» besques, coloriée de divers tons, servant à abriter » une statue de la Vierge couronnée, tenant dans » ses bras l'Enfant Jésus, véritable chef-d'oeuvre de » l'époque de la Renaissance. Le deuxième est la » porte d'un tronc en menuiserie, laquelle, en cuivre » massif de 26 centimètres de hauteur sur 13 de lar» geur, est ornée de figures et d'arabesques en relief » représentant dans le milieu un Christ en croix; » sur les côtés, deux personnages drapés tenant un » livre à la main, et au milieu, au-dessus du Christ, » une main, caractère symbolique représentant la » Toute-Puissance. Le fond est orné d'arabesques » ciselées garnies d'émaux de diverses couleurs. Cet » objet d'art, fort remarquable, est du treizième » siècle, et ne le cède en rien aux panneaux ciselés qui recouvrent certains évangéliaires conservés à » la bibliothèque. » Ce morceau précieux, et si bien décrit, sert aujourd'hui de porte à un tabernacle en bois de chêne nouvellement construit. Sur ce tabernacle est posée la niche dont on vient de parler. Il est fâcheux que les personnages sculptés sur la porte en émail aient été mutilés. Les têtes ont disparu. La statue de la SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 391 Vierge était originairement dorée; la pose en est on ne peut plus gracieuse. Précis historique. — Parmi les villes qui appartiennent à la prévôté de Villemaur, la prisée de 1328 et le dénombrement de 1503 mettent en tête, après le chef-lieu et Paisy, en domaine, Nogent-en-Othe, la ville, les bois et appartenance qui sont aux religieux, abbé et couvent de Molême, en la haute-justice et garde de Villemaur. Trente ménages composaient celte paroisse, qui était du diocèse de Sens avec le hameau du Haut-Nogent. L'archevêque était collateur de la cure, et le curé percevait la dîme qui était peu considérable, à cause des fréquentes plantations qui sont, dit la chronique, ce qui croît le mieux sur le territoire. La plupart des bois formait, dans son étendue, une multitude de fiefs prétendant tous haute,moyenne et basse-justice, et droits d'institution d'officiers. Les plus connus sont ceux de Craney, qui appartenaient à M. de Chavaudon ; Nogent-le-Neuf, la RhétoréeVitry, la Cour-de-Sautour et celui de Balapierre. Ces noms aujourd'hui ne représentent plus que des noms de contrées. Liste chronologique des Maires. 1793, 26 janvier. Menneret Louis. 1793, 14 mars. Boudin Louis. 1793, 16 mai. Bailiet Pierre. An V, 8 vendémiaire. Boudin Louis. An VIII, 21 brumaire. Hurpeau Jean. An VIII, 22 messidor. Chaussemier Jean-Bapt.. An XII, 22 frimaire. Baillet Pierre. 392 ESSAI DE STATISTIQUE 1809, 10 mai Chaussemier Antoine; 1809, 26 mai. Lange Antoine-Charles. 1816, 5 février. Berthelin. 1820. Lange Antoine-Charles. 1826, 6 janvier. Rousseau Joseph. 4840, 26 septembre. Courtin Etienne. 1841, 8 septembre. Paris Médard. 1864, 30 juin. Rousseau Joseph. 1848, 24 octobre. Berthelin Jean-Baptiste. 1851, 11 février. Courtin Etienne, 1853, 30 juin. Couillard Jean Baptiste. 1856, mars. Rousseau Ambroise, maire actuel. § V. — Villemoiron. Villemoiron Villa Mauronium, Villa Mauroni, situé sur la route départementale n° 4 de Nogent à Tonnerre, le long du ruisseau de la Nosle, à 3,800 mètres de Saint-Mards, 6 kilomètres d'Aix, 31 kilomètres de Troyes. Altitude, 147 mètres. Sol comme à Aix. Puits de 3 à 15 mètres de profondeur, creusés dans le détritus jaunâtre et la craie. Quelques petites sources dans le vallon, près du château. Sablonnière au nord, à l'entrée du bois. Villemoiron se partage en quatre parties Maisons. Ménages. Individus. Villemoiron . . . . 111 143 385 Surançon . . . ... 38 50 138 Le Petit-Craney. . . 6 10 22 Le Haut-Craney.. . 4 4 9 Total. . . 159 207 559 SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 393 La population était de 560 en 1852 151 hommes mariés, 150 femmes mariés, 102 garçons, 108 filles, 14 hommes veufs, 29 femmes veuves, parmi lesquels on compte 50 sexagénaires, 21 septuagénaires, 9 octogénaires, une femme de plus de 90 ans. Villemoiron est assez bien construit, sur la route n° 4. Ses maisons, bâties de pierre et de briques, annoncent l'aisance et le bon goût. Au fond du vallon est un petit château, dont la construction ne remonte pas bien haut. Il appartient aujourd'hui à M. le marquis de La Baume. La superficie totale du territoire est de 1,269 hectares, dont 697 en terres arables et 446 en bois. La commune possède 205 hectares 23 ares de bois, dont un quart en réserve. Les autres propriétés de la commune consistent en friches ou placiers, où les bestiaux vont pâturer. Le maire actuel a fait planter sur ces terrains des arbres à cidre en 1856. La chasse est louée 200 fr. par an. La pêche a été interdite, la rivière ayant été totalement dépeuplée. Les terres sont exploitées par" vingt-quatre laboureurs ayant en tout 50 chevaux. On compte 220 vaches, 600 bêtes à laine. La ferme du château est louée en détail. Villemoiron n'a point de commerce spécial. Outre l'industrie agricole qui domine, on peut citer la fabrique de tissus en laine sur métiers anglais. Il y a un moulin à blé sur la Nosle; quatre pressoirs pour la fabrication du cidre et du vin. 394 ESSAI DE STATISTIQUE La municipalité se compose de douze membres, y compris le maire et l'adjoint. Un garde-champêtre et un garde-forestier sont chargés de la police rurale. L'instituteur et le curé sont logés dans les bâtiments appartenant a la commune. Un débit de tabac y est établi. On y voit un lavoir public sur la Nosle, fort bien construit. Il y a une compagnie de sapeurs-pompiers. La commune de Villemoiron paie un impôt foncier de 3,455fr. Personnelle et mobilière, de 609 fr, ; portes et fenêtres, de 353 fr.; patentes, 106 fr. 50 c. Le revend cadastral imposable est de 23,685 fr. 87 c. Les actes de l'état-civil datent de 1649. Liste chronologique des Maires. Gelenier Claude, jusqu'au 18 brumaire an IV. Lavallade, jusqu'au 8 pluviôse de la même année. Gelenier Claude, reprend jusqu'au 9 messidor an V. Canquery, jusqu'au 15 nivôse an VI. Braley Nicolas, jusqu'au 30 prairial an VIII. Oudin Honoré, jusqu'au 4 thermidor an IX. Lavallade reprend jusqu'au 29 janvier 1808. Veau Louis-Avit, jusqu'au 29 juillet 1815. Lecomte Claude-Louis, jusqu'au 5 février 1819. Gauthier François, jusqu'au 24 juin 1827. Adam Isidore, adjoint, reçoit les actes pour M. le marquis de La Baume, maire jusqu'au 27 septembre 1830. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 395 Gauthier François reprend jusqu'en décembre 1855. Gauthier Louis-Zozime, fils du précédent, maire actuel. Église. — L'église de Villemoiron est une des églises les plus intéressantes du canton, par ses vitraux d'une touche et d'un coloris parfaits. Ces vitraux ont été réparés en 1745. Le vitrail à gauche de l'abside l'a été, il y a quelques années, par de Troyes. Les fenêtres, du style flamboyant, sont fort bien découpées. Dans le transsept à droite, au-dessus de l'autel de la Vierge, le vitrail représente le transport de la maison de la sainte Vierge à Notre-Dame-de-Lorette. Le deuxième panneau représente un jeune homme sortant d'un puits. Au-dessus de la petite porte, à droite, est une verrière représentant Adam et Eve mangeant du fruit défendu, Dieu les chassant du Paradis ; au-dessous, la croix avec cette légende Per lignum servi facti sumus, per lignum liberati sumus. Les trois panneaux inférieurs représentent saint Nicolas et la Vierge ; au-dessous est écrit Me Nicole Regnault, natif de Vert, paroisse d'Auxon, étant curé de Villemoiron, a donné cette verrière en 1617. L'abside est éclairée par quatre fenêtres à meneaux en pierre du style flamboyant. Le tableau du maitre-autel représente le martyre de saint Sébastien, patron de ta paroisse. Précis historique. — Villemoiron était possédé par une quantité de seigneurs le premier qu'on connaisse est Jean de Villemoiron, en 1227, qui fait hommage au comte de Champagne, alors baron de Villemaur. T. XXII. 97 396 ESSAI DE STATISTIQUE Marie de Primri; Poincy de Villemoiron, qui se déclara vassal de Villemaur. Guy de Pontaillier, Philippe de Courcelles, Gaucher de Dinteville, le comte de Roucy, y avaient chacun une partie. En 1377, la comtesse de Flandres déclare y posséder une portion en la justice, four, taille, moulin et en la pescherie. Il faut que cette portion ait été aliénée quelque temps après, puisque Philippe de Courcelles y est rentré par acquisition. Depuis ce temps les barons de Villemaur possedaient un quart et demi de la seigneurie. Pareille portion appartenait, au commencement du XVIIe siècle, à Nicolas d'Artaise, puis à son fils Aaron vers 1655. Après beaucoup de partages et de divisions, Alexandre Gaudichon, seigneur de Craney, réunit les parties dispersées, et M. le duc de Liancourt en devint possesseur après. A la Révolution, le château de Craney appartenait à M. de Vallans. Le hameau de Surançon appartenait à la duchesse de Brabanl, comme on le voit dans l'aveu de 1503. Il était compris parmi les ressorts, garde et souveraineté de Villemaur. Il y avait haute, moyenne et basse-justice, qui était du prieuré de Saint-Flavit de Villemaur. Le plus ancien seigneur de Craney est Deudes, qui, en 1211, relevait de Fromont de Corroy, châtelain pour moitié de Villemaur, à cause de Hélie, fille de Manassès. Une famille du nom de Pigny ou Pigney, tint longtemps cette terre avec celle de Château-Hutton, dans les quatorzième et quinzième siècles. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 397 La maison de Villemor, qui descendait des anciens barons de Villemaur, de la première race, a tenu celte terre pendant plus de trois cents ans. Jacques Doué, conseiller au Présidial de Troyes, fit l'acquisition de Craney en 1688. C'est lui qui fit bâtir le château. Après la mort de Doué, celte terre fut vendue à Charles Fenard de La Bothière, major au régiment d'Anjou, qui en rendit hommage en 1719. Nous voyons, en 1674, Charles de RoffeyVillemor, seigneur de Craney, époux de Gabrielle de Harlus, fille du seigneur de Vertilly, Avon et autres lieux. La famille de Bérulles possédait quelque chose sur Villemoiron, car nous voyons dans les actes de mariage de 1758 Jugement de Congniasse Desjardins, lieutenant ordinaire en la mairie de Villemoiron, qui constate le mariage de messire De Zedde, chevalier, capitaine d'infanterie au bataillon de Dijon, et dame Claudie de Bérulles, dame de Villemoiron en partie, demeurant à Villemoiron. » La même année, autre jugement rendu par le même Congniasse Desjardins, contre ledit De Zedde et sa femme, pour ne pas être comparus par-devant lui pour justifier de leur mariage qui n'avait pas été enregistré par le curé. Ils sont condamnés à chacun 5 livres envers la Fabrique, sur laquelle amende seront pris les frais du sergent,, taxés à 3 francs. A propos de la convocation du ban et de l'arrièreban au dix-septième siècle, on voit Haute et puissante dame Mme Magdeleine Faby, veufve du chancelier Séguier, seigneur de Villemoiron, Paisy, etc., remontrer par procureur que la di- 398 ESSAI DE STATISTIQUE gnité que feu M. le chancelier a remplie avec tant d'éclat durant tant d'années, et les services que rendent tous les jours ceux de sa famille, sont des titres suffisants pour la dispenser de la loi commune. Charles de Gillier, seigneur de Villemoiron en partie, baron du Petit-Sormery, remontre qu'il est au service du roi. Etienne de Doy, seigneur en partie de Villemoiron, demeurant à Pitoiste, demande exemption à cause de sa grande nécessité. Joseph de Villemor, seigneur de la Bursière, demeurant à Villemoiron, remontre qu'il est âgé et a deux enfants au service du roi. La veuve Aaron d'Artache, dame de Villemoiron en partie, remontre qu'elle n'a pas d'enfants et qu'elle ne peut mettre un homme en équipage, ses biens étant saisis par suite des dettes que son mari a faites étant au service du roi. Pierre de Maupuis, seigneur de Villemoiron en partie, remontre que ses biens ont été saisis et vendus par ses créanciers, et qu'il est contraint de travailler en gentilhomme verrier pour nourrir sa famille. Dame Charlotte de Roffey, veuve de Louis de Villemor, seigneur de Craney, Villemoiron, Fontvannes, remontre les services militaires de feu son mari et de ses enfants, et de plus la saisie de ses terres, et requiert dispense du service. Etienne de Badé, seigneur de Villemoiron en partie, demeurant à Pitoiste, remontre qu'il est malade et hors d'état de faire les frais nécessaires pour son équipage. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 399 Le banc et l'arrière-ban étaient un mandement public adressé de par le roi aux baillis royaux, publié et crié par un sergent dans tous les bailliages et châtellenies du ressort, pour convoquer les vassaux et les arrière-vassaux de la couronne, qui ensuite devaient se rendre en armes à l'armée du roi. Le nom de ban s'appliquait aux nobles relevant du roi, et l'arrière-ban à ceux qui relevaient des vassaux du roi. Lorsque des nobles ne pouvaient se rendre au service du roi pour des raisons de santé ou d'infirmités, le lieutenant-général du bailliage taxait, suivant l'importance du fief, une somme qui était versée au receveur du domaine royal. Dans le bailliage de Troyes, les taxes variaient de 20 à 500 livres. En 1692, la seigneurie de Saint-Benoît-sur-Vannes était taxée 300 livres, comme celles de Chassenay, de Vendoeuvre, d'Arcis. Traînel était taxé à 500 livres. La convocation dont je fais mention a lieu en 1674, et a pour but de fournir un contingent à l'armée de Turenne, sur les bords du Rhin. § VI. — Paisy Cosdon. Paisy Paisyacum, Paisiacus, à 2 kilomètres d'Aix, 3 kilomètres de Villemaur, 28 kilomètres de Troyes, situé à l'extrémité nord du vallon de la Nosle, juste au point où le vallon vient aboutir à la vallée de la Vannes. Solde craie souvent recouverte de détritus; ter- 400 ESSAI DE STATISTIQUE rain tertiaire argilo-sableux, et terre rouge à silex sur le plateau. Puits de 10, 20, 40 et même 70 mètres de profondeur. Quelques petites sources mortes dans le vallon. Une crayère sur le flanc de la colline, à 500 mètres au levant du village. La craie en est assez estimée. On y remarque un cordon horizontal de rognons siliceux et des surfaces assez étendues, polies et striées, recouvertes d'un enduit ferrugineux. On y trouve encore quelques nids de limonite et de petits amas d'argilite offrant la couleur nankin. Dans la vallée, la prairie est médiocre. Les terres sont blanches ou rougeâtres, médiocres sur les côtes, meilleures lorsqu'elles sont exposées au levant. Sur le plateau, bois et arbres à cidre. Altitude, 145 mètres, sol de l'Eglise. La commune de Paisy se partage en cinq parties Maisons. Ménages. Individus. Paisy. . 52 70 248 Vaujurennes ... 54 65 212 Les Chenettes 5 5 11 Cosdon, ferme 1 1 11 La Tuilerie.... 1 1 2 Total. ... 113 142 484 Il y a maintenant une seconde tuilerie qui était au hameau du Jars à l'époque du recensement. On l'a transférée au lieu où elle était jadis, au lieu dit Franc-Alleu. On compte 115 hommes mariés; 7 hommes veufs ; 123 garçons ; SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 401 113 femmes mariées; 20 femmes veuves; 106 filles. Population totale, 484 habitants. Elle était, en 1852, de 515 diminution de 31. Paisy est, comme je l'ai dit, placé au point de jonction du vallon de la Nosle avec la vallée de la Vannes. Il s'appuie dans toute sa longueur sur le ruisseau de la Nosle, et se trouve, pour ainsi dire, enfermé dans un angle formé par la route impériale n° 60 et la route départementale n° 4 qui se joignent à quelques pas du village. Les maisons sont construites en craie et en briques, et couvertes partie en tuiles, partie en paille. Vaujurennes est situé à 6 kilomètres du chef-lieu, sur le plateau au sud-ouest. Les puits y ont 70 mètres et plus de profondeur. Les constructions sont pareilles à celles de Paisy ; le chaume domine encore dans les couvertures. Le hameau des Chenettes est situé au milieu des bois. C'était probablement, dans l'origine, la maison du garde des propriétés seigneuriales. La ferme de Cosdon est au nord et à 300 mètres de Paisy, sur la route impériale n° 60. Les tuileries sont à l'est et au nord-ouest de Vaujurennes et au sud de Paisy. Le territoire de Paisy se compose de 1,746 hectares, d'un revenu cadastral de 19,216 fr. 45 c. Les terres labourables comptent pour 900 hectares. On compte 21 laboureurs, 57 chevaux, 200 vaches, 750 moutons et brebis. Les vaches des manouvriers 402 ESSAI DE STATISTIQUE vont paître dans les pâtures communales. L'herbe de ces pâtures est de mauvaise qualité. Paisy possède 47 hectares de bois, auxquels ne participent pas les habitants du hameau de Vaujurennes, en vertu d'une clause expresse stipulée dans l'acte de donation des seigneurs de Paisy. L'abaissement de la population, de 515 à 484, va réduire de 12 à 10 le nombre de conseillers municipaux de Paisy. Il y a un garde-champêtre et un garde-forestier; un débit de tabac. Il y a un instituteur communal logé aux frais de la commune dans un bâtiment assez bien approprié. Il n'y a pas de prêtre à demeure, c'est le curé de Saint-Benoît qui dessert la paroisse. On parle de faire construire un presbytère. Les constructions sont à peu près les mêmes que dans tout le canton; la pierre de roche, la craie, la brique pour les baies sont les matières ordinaires employées. On voit quelques couvertures en ardoises. Les chemins sont entretenus au moyen du silex assez abondant dans certaines contrées. I Les actes de l'état civil ne datent que de 1720. Au greffe de Troyes ils remontent jusqu'à 1571. On compte, du 1er janvier 1813 au 1er janvier 1823, 149 naissances, 33 mariages et 132 décès. Naissances. Mariages. Décès. De 1823 à 1833. . . 170 45 116 De 1833 à 1843. . . 121 35 67 De 1843 à 1853. . . 137 44 99 L'industrie agricole et la bonneterie se partagent à peu près la population de Paisy. On compte 47 métiers à bas, dont 2 français seulement, SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 403 Deux moulins à eau à 200 mètres l'un de l'autre. Ils font la farine de ménage seulement. Le moulin, situé en amont et appartenant à la famille Pichot, d'Aix, était autrefois une papeterie. Le moulin en aval ne date guère que de 60 ans. Antérieurement, il y avait un moulin sur la Vannes, tout près de Cosdon. A la suite d'une forte inondation, les eaux pluviales de Planty vinrent l'assaillir et l'encombrer de grève Les moulins de Villemaur, forcément arrêtés par cet encombrement, intentèrent un procès au meunier de Cosdon. Ce dernier fut contraint de faire un aqueduc. Faute de ressources ou autrement, ce travail ne fut pas exécuté. Le moulin fut démoli. Il y a aujourd'hui, comme autrefois, deux tuileries sur le territoire de Paisy. La terre est une argile bigarrée alliée par masses à des sables rouges, jaunes et blancs le tout recouvert par une terre rougeà tre à silex, probablement remaniée. Brique noirâtre et poreuse d'assez bonne qualité. L'église n'a rien de remarquable ; elle est trèssimple, d'une seule pièce et sans voûte. C'est, sans aucun doute, le reste d'une église plus ancienne, car on voit encore de chaque côté du choeur les arcs à plein-cintre qui, autrefois, devaient correspondre à des latéraux. On trouve, en effet, dans les registres des sépultures de la paroisse, des inhumations faites dans la chapelle de la Vierge, et cette chapelle n'existe plus. Le tableau du maître-autel représente Jésus apparaissant à Madeleine dans un jardin après la résurrection. Ce tableau a de la fraîcheur. Les fenêtres sont sans meneaux; les vitraux, en 404 ESSAI DE STATISTIQUE verre blanc. Seulement, dans une des fenêtres à droite, on voit une grisaille parfaitement conservée, représentant le buste d'un chevalier qui doit appartenir au seizième siècle. Liste chronologique des Maires. 1743, 12 janvier. Hennequin Edme. An IV, 10 vendémiaire. Odin Pierre. An VI, 2 fructidor. Henriot François. An VII, 7 frimaire. Roley Nicolas. An VII, 13 floréal. Laloy Louis. An VIII, 6 floréal. Renuad. An XIII, 22 floréal. Odin Pierre. An XIII, 5 vendémiaire. Rozé Jean, 25 ans. 1830, 7 septembre. Chevalier Nicolas. 1831, 22 septembre. Lasne. 1843, 10 août. Chevalier Nicolas. 1846, 26 août. Saviniat Eugène. 1869. Chevalier Félix, maire actuel. Particularités, Précis historique, — On lit à la suite des actes de baptêmes de Paisy, année 1740, les lignes qui suivent écrites par Galland, curé Cette année 1740 la postérité sçaura les fâcheux » événements causés par la rigueur des saisons. La » nuit du 1er au 2e octobre la gelée a été si forte » qu'elle a gâté, perdu toutes les vignes. On a laissé » en plusieurs endroits les raisins aux secs sic. » Le vin a valu cent trente et cent quarante livres. » La pinte vingt sols. A la saint Martin les ge» lées continuées ont calciné tous les ouvrages de SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 405 » massonnerie de l'année. Les murs de l'église et » du cimetière de Paisy ont été si fort endommagés » que l'on a été obligé à recommencer de nouveau. " Ensuite sont survenues des pluies continuelles le » jour et la nuit, poussées par des vents, tempêtes » et orages qui ont causé des inondations si grandes » que les eaux ont entraîné les ponts, les moulins, » des villages entiers. On a veu la Meuse à Charle» ville charrier des meubles et des châlits tout dres» ses ; grand nombre de personnes de péries ; le " bled cher, l'orge trois livres six sols à la saint " Martin à Rigny-le-Ferron, le pain cinq sols la » livre. Priez Dieu que pareilles choses n'arrivent de » votre temps. On va en bateau dans les rues de » Paris. A Florence, ville capitale de la Toscane, » les eaux ont monté jusqu'à 40 pieds. » Les nouvelles disent que le pont de Kyel-sur» le-Rhin, de l'autre côté de Strasbourg, est entraîné » et que 3000 hommes y sont péris noyés. » Paisy Pasiacum, nom tout celtique, disent les uns, tout romain disent les autres, aussi fière que les plus vieilles cités, a possédé son musée souterrain ; un coup de pioche révéla, par hasard, ces richesses archéologiques. M. Fléchey, autorisé par la Société Académique de l'Aube, et. muni de l'assentiment de M. le Préfet, y fit une descente, et bientôt apparut à ses yeux étonnés une riche mosaïque des meilleurs temps de l'art romain, et qui n'avait pas moins de quinze mètres de long, sur 10 mètres de large. Malheureusement, celte mosaïque était mutilée. Mais M. Fléchey a pu extraire et rapporter au Musée de Troyes des fragments considérables de la bordure de celte mosaïque. 406 ESSAI DE STATISTIQUE Quels étaient, » dit M. Amédée Gayot dans la séance du 21 mai 1852, quels étaient le caractère » et la destination de l'établisssement fondé dans ce » lieu, et assez riche pour paver si magnifiquement » ses salles? Était-ce un temple, comme pourrait le » faire soupçonner la tradition du pays et le nom de » Buisson-aux-Prêtres que porte encore cette con» trée? Étaient-ce des bains publics comme le nom d'AixAquoe,pourrait le faire soupçonner? Était-ce » là la somptueuse villa d'un patricien? Il serait » téméraire de hasarder des conjectures à ce sujet. » Si l'on en croit les habitants du pays, il resterait encore bien du terrain à explorer, et l'on n'aurait découvert qu'une très-petite partie des richesses archéologiques cachées dans ce sol privilégié. Voici le compte-rendu des fouilles faites en 1853, sur la demande et pendant la présence de là Société française à Troyes. M. Fléchey, chargé de la direction des travaux, » a exécuté 300 mètres courants de tranchées de 80 " centimètres de largeur, sur 1 mètre de profon» deur. Il a, de plus, exploré 1,800 mètres super» ficiels; il a mis, ainsi, à découvert les anciennes " fondations exécutées sur la propriété du sieur De» von, et a reconnu par des sondages que les cons» tructions se prolongeaient au-delà de chaque côté » sur les héritages non fouillés. Les aires qui re» couvraient le sol entre les parois étaient formées » en béton très-dur. » Voici les objets recueillis pendant les fouilles 1° De nombreux fragments de marbres pré» cieux, vert antique, blanc, veiné, brèche, griotte, » porphyre, stuc, etc.; SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 407 » 2° Fragments de peintures murales; » 3° Un style en bronze d'un dessin élégant, très bien conservé ; » 4° Une hache romaine, à fer très-recourbé ; » 5° Une hache dite gauloise, en jade espèce de » pierre verdâtre; » 6° Des clefs, des médailles en bronze du haut » empire; " 7° Des fragments de poterie, une amphore bri» sée qu'on a pu reconstituer presque entièrement; » l'anse en terre cuite d'une autre amphore de pre» mière grandeur sur laquelle avait été apposé un » cachet portant cette inscription » Depuis quatre ans que les fouilles ont été faites, aucune nouvelle tentative n'a été essayée; on pourrait en accuser l'ignorance et l'insouciance des propriétaires. Paisy était à la collation du Chapitre de Villemaur; les décimateurs étaient le curé, l'abbé de Montier-la-Celle et le prieur de Clairlieu ; à Cosdon, c'était le curé de Paisy et les chanoines de SaintPierre de Troyes; à Vaujurennes, le curé et les religieux de Deiloc Dei Locus. Paisy était du domaine de Villemaur dès la prisée de 1328. Les chevaliers et les écuyers portant le nom de Paisy n'étaient que de simples possesseurs de différents fiefs situés dans cette paroisse, et relevant comme les autres de la châtellenie de Villemaur. Franc-Alleu, où est maintenant la tuilerie nouvellement reconstruite, avait des habitants en 1553. Il y avait encore un autre hameau appelé Chemets, dont on ne connaît que le nom. La part que le duc de Nevers, seigneur de Paisy, 408 ESSAI DE STATISTIQUE s'était réservée, et qui consistait en 40 arpens de bois et 10 arpens de prés, fut vendue à divers particuliers, et on voit dans la suite un seigneur de Courmononcle propriétaire d'un fief sur Paisy. Le Chapitre de Saint-Étienne y possédait 100 arpens 58 perches de bois en deux pièces. Sur cette paroisse était le fief de La Motte de Paisy, à cause d'une motte ou tertre où il était assis, dans la prairie, assez près de l'Eglise, et où il y a eu un château ou manoir environné de fossés. Ce château appartenait dès 1362 à Garnier Canis, qui le laissa à ses enfants Pierre et Nicolas. Ce dernier le vendit à Allart Olivier, grenetier du grenier à sel de Villemaur, seigneur de Cosdon. Le hameau de Vaujurennes n'était originairement qu'une grange, selon l'expression d'alors, c'est-à dire une ferme, domaine, métairie qui appartenait aux seigneurs de Villemaur. La dame Héliela vendit à Henry, évêque de Troyes, en 1151. Ce prélat, à la prière de Louis-le-Jeune et de la comtesse Mathilde, dont il était parent, la donna, en aumône et pour le remède de l'âme de ses ancêtres, à l'abbaye de Dilo, pour l'entretien des chanoines de celte église. Cette grange, ou métairie, était chargée envers les seigneurs de Courmononcle d'une rente féodale dont les propriétaires firent hommage aux barons de Villemaur. Cosdon ou Caudon, et suivant les anciens titres Corvaudon, Colsaudon, réduit aujourd'hui à une seule ferme, état autrefois un gros hameau de Paisy. Les terriers y montrent diverses rues. On y a vu des moulins à foulon, des moulins à farine, à écorce, SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 409 à huile. Un autre le nomme Taillefer, soit qu'il ait appartenu à une famille de ce nom, soit à cause d'une forge qui subsistait encore en 1459. La terre de Cosdon jouissait de tous les droits attachés alors aux fiefs. Elle avait une maison seigneuriale et des prisons. Il y avait encore dans la paroisse de Paisy le fief du couvent des Célestins de Sens, dont le prieur et les religieux fournirent leur aveu au duc de Nevers en 1454, Payant récemment acquis de Guillaume de la Pallu, seigneur de Courmononcle. Les bornes qui existent encore sur la limite des finages de Paisy et d'Aix furent plantées en 1538, par les soins de Pierre de Provins, bailly de Villemaur. Elles portent l'écusson épiscopal. Il existe dans les archives de Paisy un titre qui accorde aux habitants de cette paroisse la jouissance d'une certaine quantité de bois, à l'exclusion des habitants de Vaujurennes. En voici le sommaire Acte passé entre les habitants de Paisy et le bailly » autorisé de François de Clèves, duc de Nivernais, » seigneur de Paisy en 1563, lieutenant-général » pour le roy en les païs de Champagne, Brye et » Luxembourg, seigneur de Lautrec, d'Orval, » d'Isles, Charmocé, Villemor et Maraye, par-devant » Mes Georges Mortiment et Pre Augignard, clercs» notaires jurés en la prévôté de Villemor. Procu» ration donnée à Marquet, Fambet, Julyen Colin, » Colas Chevalier et Jehan Chevalier, demeurant en » la paroisse de Paisy, au nom de tous les habi» tants de Paisy, Franc-Alleuf et Vallée des Ches» nettes. » Les habitants s'étaient emparés de ce bois après la transaction indiquée. Le seigneur, sur 410 ESSAI DE STATISTIQUE les 120 arpents, s'en réserve 40 et laisse le reste aux habitants qui ont prins et prendront femme née » audit lieu, qui ont acquis maison et y sont de» morants, depuis 20 ans seulement, et non aultres » habitants, en payant par eux la redevance d'hu» saige et à la charge aussy qu'ils feront ung long » fossé à leurs frais et dépens à la séparation de ce » que le seigneur leur laisse. » Une autre pièce datée de 1572, ainsi intitulée Ordonnances des commissaires députés des francs» fiefs, nouveaux acquêts prétendant main-levée sur » les usages, pâturages et communautés. » Cette saisie avait été faite par l'ordre du Roi, attendu que les habitants n'avaient pas fourni déclaration *dans le temps et suivant l'Edit. Néanmoins, comme les habitants ont prouvé avoir fait les démarches nécessaires, cette saisie fut annulée. Paisy avait un notaire au dix-septième siècle. Les minutes de cette étude doivent être chez le notaire de Rigny-le-Ferron. On voit encore dans les archives de Paisy un arrêté du district d'Ervy, mettant fin aux prétentions des habitants de Vaujurennes, qui, malgré les termes explicites de l'acte dont j'ai donné la teneur plus haut, voulaient avoir des droits dans les bois donnés par le duc de Nivernais. § VII. — Saint-Benoît-sur-Vannes. Saint-Benoit-sur-Vannes, à 32 kilomètres de Troyes, 7 kilomètres d'Aix, 6 kilomètres de Villemaur, est situé sur le penchant d'un coteau, au bord SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 411 septentrional de la vallée. Solde craie ordinairement recouverte de détritus avec silex. Alluvion ordinaire dans la vallée; très-peu de blocs de grés erratique. Puits ayant de 3 à 4 mètres dans le bas du village, et près de 40 mètres dans les points les plus élevés, de 10 à 12 mètres prés de la roule. Ceux de ces deux dernières catégories traversent un lit de terre jaune avec silex et fragments crayeux avant de pénétrer dans la craie. Les puits de la vallée donnent toujours de l'eau et ne rencontrent que le terrain d'alluvion. Quelques sources, appelées Bîmes dans la vallée, alimentent des ruisseaux qui se déversent dans la Vannes. Une crayère est à l'ouest. Un terrier se trouve à 200 mètres à l'est du village, près de la route n° 60. A 300 mètres au nord il existe un banc de terre propre à la fabrication de la brique, d'une très-forte puissance. Une quantité considérable de débris de tuiles et de briques annoncent que dans cette contrée il y avait autrefois une tuilerie. Sol végétal médiocre généralement; sa nature varie suivant les caractères et l'épaisseur du détritus appliqué sur la craie. Le hameau de Courmononcle est placé à 1 kilomètre de Saint-Benoît, auquel il est réuni. Il est situé à la base d'une côte rapide et ravinée, sur la rive gauche de la Vannes. Sol de craie, rarement à nu. Sur le flanc du coteau, il est recouvert par une plaque de détritus composé de terre jaune, de sable, de silex et d'un peu de minerai de fer. Dans les bois, sur le plateau, terrains tertiaires argilo-sableux. On trouve sur le territoire quelques blocs de grès sauvage. Puits de 2 à 3 mètres dans le terrain d'alluvion, et atteiT. XXII. 88 412 ESSAI DE STATISTIQUE gnant jusqu'à 50 mètres dans la partie la plus élevée du hameau. Terre jaunâtre argile, sable et craie. Une fontaine et une source au milieu du hameau. D'autres sources assez considérables du côté de Paisy. Deux autres sources près d'Armentières, la Bouillarde et la Fontaine-Alétin. Toutes ces veines aqueuses forment des ruisseaux qui vont alimenter la Vannes. Une petite crayère au sud du village. Le fond de la vallée présente un tuf ferrugineux avec détritus tertiaires mêlés de silex. Bonnes terres à froment; prés médiocres. Sur les côtés, terre rougeà tre, quelquefois sablonneuse. Le bois croît assez bien dans le terrain argilo-sableux qui couronne la colline. On trouve des scories ferrugineuses éparses dans les champs et dans les bois qui couronnent la colline. Altitude de Saint-Benoît, sol du château, 117m. — de Courmononcle, près de la ferme, 115m. La commune de Saint-Benoît se partage en huit parties Maisons. Ménages. Individus. Saint-Benoît ... . .79 114 406 Courmononcle .... 21 23 85 Le Grand-Armentières. 1 1 7 Le Petit-Armentières. 1 1 2 La ferme Fruitier... 1 1 2 La Plâtrière. ..... 1 1 6 Le Moulin 1 1 5 Le Château ...... 1 1 5 Total 106 143 518 SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 413 On compte 124 hommes mariés; 133 garçons; 10 hommes veufs ; 119 femmes mariées; 115 filles; 17 femmes veuves. La population était, en 1852, de 485 habitants. Il y a augmentation de 33 individus. On y compte 109 électeurs. Courmononcle était, autrefois une commune. Il est réuni à Saint-Benoît depuis le 14 juin 1854. La ferme Fruitier est l'ancienne ferme du château de Courmononcle, devenue habitation particulière. Le Grand-Armentières, situé au sud-ouest et à 1 kilomètre de Saint-Benoît, est une ferme dépendant autrefois de l'abbaye de Vauluisant. Le Grand-Armentières est une propriété de M. de La porte de Bérulles. Le Petit-Armentières, appelé aussi le Foulon, à cause d'une usine de ce genre qui ne fonctionne plus depuis quelques années, est à 200 mètres du GrandArmentières; c'est une ferme appartenant à M. Bourjon Zéphirin, de Villeneuve-l'Archevêque. Il appartenait aussi à l'abbaye de Vauluisant. La Plâtrière est une habitation particulière à l'est du village, sur la route impériale n° 60. Tout près de cette maison est une plâtrière. Le Moulin et le Château sont contigus, et appartiennent à la famille d'Ambly. Le village est bien situé, sur la roule impériale n° 60, à mi-pente d'un coteau adossé au plateau de Planty. 414 ESSAI DE STATISTIQUE Les maisons sont construites en craie avec socles en silex, avec mortier de chaux et terre jaune d'alluvion, Les baies des portes et des fenêtres, ainsi que les chaînes, sont en briques ordinairement tirées du Jard. La couverture en tuile domine. Il y a une quinzaine d'années à peine, la communication entre Saint-Benoit et Courmononcle était presque impossible, à cause de la difficulté du chemin; mais, par les soins éclairés du maire actuel, on a établi une chaussée qui rend aujourd'hui les relations très-faciles. Le hameau de Courmononcle est également bâti sur le penchant d'une colline couronnée de bois à son sommet. La seule rue qui le traverse est d'un accès fort difficile. Il est question d'en ouvrir une seconde qui favorisera davantage les communications. Au milieu du hameau, près de l'église, est une fontaine dédiée à saint Gengoul. Cette fontaine possède sa légende, et la tradition du pays ne manque pas d'en attribuer la création à ce saint qui l'aurait fait sourdre tout exprès pour convaincre sa femme de violation de la foi conjugale. La vie de saint Gengoul rapporte ce fait ; mais il se passe au pays même du saint, en Bourgogne. Lors du passage des alliés, Courmononcle fut presqu'entiérement brûlé par l'imprudence d'un habitant du pays qui tira un coup de fusil sur une estafette russe. La route n° 60 traverse Saint-Benoît de l'est à l'ouest, et forme naturellement la principale rue. Deux autres rues descendent parallèlement du nord au midi, et viennent aboutir l'une au château, l'autre an moulin, par la chaussée de Courmononcle. Ces SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 415 deux rues sont traversées, à leur sommet, par l'ancienne voie romaine de Troyes à Sens. Dans le tableau de recensement de la population, cette rue porte le nom de rue Romaine. Le château est situé au milieu de la vallée, près de la Vannes. Il était autrefois entouré de bois jusque près de la route. Brûlé pendant les guerres de la Ligue, il fut réparé au commencement du dix-septième siècle. Il n'était resté que le portail et le colombier. Le portail, couronné d'un campanile carré, est flanqué de tourelles ornées de clochetons qui dénoncent le quinzième siècle. Un pont de pierre remplace le pont-levis dont on voit encore les traces. Le château, entouré de doubles canaux à eau courante, se compose d'un corps-de-logis et de deux pavillons. Entre le canal intérieur et le canal extérieur est le potager, au nord. La façade principale regarde le midi. Cette habitation appartient à la famille Peschardd'Ambly, héritiers, par les femmes, des comtes de Vienne, seigneurs de Saint-Benoît. Je parlerai de cette famille un peu plus loin. Les actes de l'état civil de Saint-Benoît datent de 1743. Ceux de Courmononcle, de 1771. On compte Naissances. Mariages. Décès. De 4792 à 1803. . . 125 30 102 De 1803 à 1813. . . 82 24 105 De 1813 à 1823. . . 106 41 98 De 1823 à 1833. . . 107 20 69 De 1833 à 1843. . . 94 35 49 De 1843 à 1853. . . 100 49 91 416 ESSAI DE STATISTIQUE L'église, dédiée à saint Benoît, tomba de vétusté vers la fin du dix-septième siècle, et fut rebâtie au commencement du dix-huitième; mais elle le fut si mal qu'on fut obligé de reconstruire la nef et le clocher en 1728, Cette église, de médiocre grandeur, est assez bien percée. Le choeur est voûté en bois ; il n'y a point de transsept. On y voit quelques tableaux, entre autres, une copie du martyre de saint Laurent, par Lesueur. Cet édifice est placé tout en haut du village, près de la voie Romaine. Le presytère est contigu à l'église, et appartient à la commune, qui en a fait l'acquisition il y a une quinzaine d'années. Courmononcle possède aussi une église qui n'est plus maintenant qu'une chapelle. Elle était plus vaste autrefois. Elle possède une cloche qui date de 1562. Le parrain fut Nanceau, seigneur de Courmononcle; la marraine, Marguerite Des Essarts. La population agricole de Saint-Benoît s'élève à 180 individus; la bonneterie en occupe 60 environ. Il y a 38 métiers à bas. On compte 84 chevaux, 13 ânes, 4 mulets, 270 vaches, 19 chèvres, 24 porcs, 1,900 moutons. La superficie totale du territoire est de 1,667 hectares 93 ares. Le revenu cadastral, de . . . . 14,544 fr. 58 c. Contribution foncière. . . 4,580f80c Personnelle et mobilière . 875 52 Portes et fenêtres. . ... 371 42 Patentes . . 338 39 Total. . . . . 6,166f 13c SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 417 La commune possède 139 hectares 16 ares 19 centiares de bois qu'on sert en affouages aux habitants de Saint-Benoît seulement. Ces bois sont une libéralité des seigneurs de Villemaur. On loue la chasse et la pêche. Ces deux produits peuvent s'élever à 300 francs. On a également tiré parti d'un certain nombre d'hectares de pâtures, en les louant aux habitants, qui y ont établi des jardins maraîchers d'un bon rapport. Par suite de l'augmentation de la population, le Conseil municipal, aux prochaines élections, sera composé de douze membres au lieu de dix, y compris le maire et l'adjoint. Il y a un instituteur communal logé par la commune, et un prêtre qui dessert alternativement Paisy et Courmononcle. On a établi, il y a peu d'années, un lavoir près du moulin. Cet établissement est ouvert gratuitement aux habitants du pays et à ceux des pays voisins, notamment aux gens de Planty. Liste chronologique des Maires de Courmononcle. Boitel François, assermenté, membre du Conseil général de la commune jusqu'au 4 fructidor an II. Prévost Edme, jusqu'au 5 brumaire an IV. Lambert Pierre-Augustin, jusqu'au 15 pluviôse an VI Gatellier Nicolas, jusqu'au 4 prairial an vu. Butteau François, jusqu'au 27 pluviôse an VIII. Prévost Edme reprend jusqu'au 11 février 1813, 418 ESSAI DE STATISTIQUE Prévost Louis-Huberf, jusqu'au 7 juin 1816. Vincent Petit-Charles, jusqu'au 1er janvier 1823. Prévost Louis-Hubert reprend jusqu'au 24 mars 1826; Chossemier Pierre, jusqu'au 2 décembre 1848. Prévost Edme, jusqu'au 1er janvier 1852. Prévost Honoré, maire à l'époque de là réunion, 14 juin 1854. Maires de Saint-Benoît-sur-Vannes. Marnot François, membre du Conseil général de la commune jusqu'au 8 ventôse an VI. Dauphin Savinien, jusqu'au 7 nivôse an vu. Arson Nicolas, jusqu'au 22 thermidor an VIII. Simonnet Charles, jusqu'au 20 mars 1806. Dauphin Savinien, jusqu'au 24 janvier 1808. Simon, jusqu'au 20 mars 1813. Le baron Peschard d'Ambly Simon, délégué comme adjoint pour recevoir les actes de l'état civil jusqu'au 1er mai 1833. Mornot François, jusqu'au 22 mars 1834. Siret, adjoint jusqu'au 12 février 1835. Lorin Jean-Pierre, jusqu'au 12 septembre 1843. M. Peschard d'Ambly Eugène, maire actuel. Précis historique. — Saint-Benoît s'appelait anciennement Courmorin, de Curtis morini. En 1075, l'évêque Hugues II donna ce village au monastère de Saint-Benoît-sur-Loire. Depuis ce temps, saint Benoît devint le patron de la paroisse, et donna son nom au village. Il résulte de cette donation que les évêques de Troyes furent probablement les pre- SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 419 miers seigneurs de Saint-Benoît, à moins, toutefois, qu'ils ne l'aient tenu originairement de la libéralité des barons de Villemaur. Le plus ancien seigneur connu de Saint-Benoît est Hugues de Montreuil, qui vivait au commencement du XIIIe siècle. Dans le siècle suivant, cette terre passa à la maison d'AvelIy, depuis 1362 jusqu'à 1447. Jeanne d'Avelly fut mariée à Louis de Guerry Des Essarts, seigneur de Lirey, dont elle eut Antoine et Louise. Celle-ci s'allia à Jacques de Pied-de-Fer, seigneur de Saint-Mards, qui comparut à l'arrièreban de 1545, pour le fief de sa femme à Saint-Benoît. De la maison d'Avelly, le fief de Saint-Benoît passa par acquisition à la famille de Vienne, illustre en Champagne. Un aveu de 1619 fait voir cette terre entre les mains de Joseph de Vienne, élu à Troyes. Celui-ci rebâtit le château, à l'exception du donjon et du colombier. Une tradition de famille rapporte que le comte de Vienne, zélé partisan du roi de Navarre, soutenait chaudement le parti de ce prince contre les Troyens déterminés Ligueurs. Ceux-ci descendirent jusqu'à Saint-Benoît, et incendièrent le château, qui ne fut rebâti qu'assez longtemps après. La famille de Vienne cessa un instant de posséder Saint-Benoît, qui passa par échange à Louise de Cormon, vers le milieu du XVIIe siècle Cette dame épousa Pierre de Morin, chevalier, seigneur du Bocage, qui devint par là seigneur de Saint-Benoît pour quelque temps. Il mourut avant elle, et, après sa mort, elle traita de la terre avec Henri de Longueau, seigneur de Villuis, qui en rendit foi et hommage au chancelier Séguier. 420 ESSAI DE STATISTIQUE Son fils Michel épousa, à Sens, en 1676, Françoise Fauvelot, et rendit ses hommages en 1691. Il laissa trois filles; la plus jeune, Anne-Madeleine, dame de Saint-Benoît, épousa François Pomponne de Vienne, qui rendit ses hommages en 1711. Ce dernier eut quatre enfants 1° Nicolas-François, qui hérita du château et de ses dépendances ; 2° Charles-François ; 3° Pierre Henry; 4° Edme-François-Louis, seigneur de Villuis. C'est de l'aîné que descend la famille actuelle de Saint-Benoît, par le mariage, en 1792, de messire René-Nicolas Peschard d'Ambly, baron de Levoncourt et de la Vallée, chevalier d'Ambly, capitaine au corps des grenadiers de France, ayant le brevet de major d'infanterie, fils de Me Honoré Peschart, baron desdits lieux, et d'honorée dame Françoise de Bussy, de la paroisse de Bar-le-Duc, au diocèse de Toul, avec demoiselle Marie-Jeanne-Louise Pomponne de Vienne, fille de Me Nicolas-François Pomponne de Vienne, chevalier de l'ordre de SaintLouis, seigneur de Saint-Benoît, Courmononcle et autres lieux, et d'Honorée dame madame MarieThérèse-Antoinette Loyson d'Alençon. De ce mariage naquit Alexandre-Nicolas Peschard d'Ambly, baron de Levoncourt, chevalier de Saint-Louis, mort en 1833, membre du Conseil d'arrondissement et maire de Saint-Benoît-sur-Vannes. Il avait épousé Mme Jeanne-EIéonore de Parchappe, fille de RochJoseph-Eléonor de Parchappe, écuyer, seigneur de Domprot, et de Jeanne Jacobé de Frémont. De ce mariage sont issus cinq fils et quatre filles 1° Alexandre Gustave, mort en 1857, chevalier de la Légion-d'Honneur, et maire de Philippeville, en Algérie; SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 421 2° Louis-Ernest, mort en 1839; 3° Rosalie-Anaïs, mariée à M. Louis Vérollot; 4° Eugène-François, né en 1815, maire de SaintBenoît ; 5° Clémence, décédée en bas âge ; 6° Hortense-Eléonore, mariée à M. Eugène Des Marets de Pâlis, officier de la marine impériale ; 7° Marcel-Léopold, ingénieur des mines ; 8° Céline-Amélie, mariée à M. Victor Gallice; 9° Charles-Frédéric, ingénieur de marine. Famille de Vienne. — La famille de Vienne était une des plus illustres de Champagne ; l'histoire de cette province, notamment celle de Troyes, fait souvent mention des de Vienne. Elle occupa souvent les charges les plus importantes de la ville de Troyes; elle était honorée de la faveur des rois, et ses alliances avec les Créqui, les Montmorency, les Lévis, prouvent que les plus nobles familles ne craignaient pas déroger en se l'inféodant. La terre de Vienne était située entre Varennes et Sainte-Ménehould. On ne sait pas au juste à quelle époque les de Vienne possédèrent des fiefs en Champagne. Déjà , en 1194, on voit Guillaume de Vienne posséder des terres dans le comté de Bar-sur-Seine, ainsi qu'il résulte de lettres-patentes octroyant aux religieux de l'abbaye de Mores, près de Celles, affranchissement de tout péage par toutes ses terres. Le premier dont fasse mention Caumartin est Hugues de Vienne, seigneur dudit, de Saint-Thomas, de Brassy, qui épousa Marguerite de Plancy, dame dudit et de Fouchères, et dont il eut deux fils, Ber- 422 ESSAI DE STATISTIQUE trand et Jean Bertrand, fut aïeul de Christine d'Aguerre, épouse de Antoine de Créquy, prince de Foix; et mère de Charles de Créquy, prince de Foix, duc de Lesdignières, maréchal de France. Plusieurs de Vienne furent attachés aux ducs de Luxembourg, comtes de Saint-Phal. Henry de Vienne, gentilhomme de Jean de Luxembourg, comte de Marie, fut trouvé mort auprès de lui à la bataille de Morat, en 1477, ainsi que son frère Nicolas. Un Jean-Baptiste de Vienne, fils de Jean VI de Vienne, était gouverneur des ville et château de Ligny, pour le duc de Luxembourg. Un de ses frères, Jean, était protonotaire apostolique et prieur de Randonvilliers. A une certaine époque, les de Vienne se partagent en plusieurs branches. La branche des de Vienne de Rhèges, celle des de Vienne de Gévrolles, des de Vienne de Presles, des de Vienne de Gérosdot, des de Vienne de Soligny-les Etangs. Toutes ces branches descendaient directement de Hugues, par ses fils Bertrand et Jean. Le premier seigneur de Soligny, est Bernard de Vienne, fils de François, deuxième fils de Jean de Vienne, seigneur de Rhèges. Il était lieutenant-général d'artillerie, gouverneur de Bourg-en-Bresse, mort en 1634. Il laissa deux enfants Jean et Angélique. Jean Pomponne, comte de Vienne, épouse Françoise Lebâcle d'Argenteuil, fille de messire Louis Lebâcle, comte d'Epineuil, marquis d'Argenteuil, seigneur de Pouy. Angélique épouse Marie-François, baron de Monjouvant, en 1629, et en a deux filles Catherine et Jeanne. Cette dernière épousa Roger SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE 423 de Lévy en 1642, et eut de son mariage CharlesAntoine de Lévy, comte de Charlus. Une soeur de Bernard rie Vienne, Elisabeth-Angélique, épouse François de Montmorency Bouteville, gouverneur de Senlis, et mort en 1627. De ce mariage, un fils, connu plus tard sous le nom de maréchal de Montmorency, et deux filles, Marie-Louise, mariée à Dominique d'Estampes, marquis de Valencay, et Elisabeth, mariée 1° à Gaspard de Colligny, duc de Châtillon-sur-Loing, marquis d'Andelot ; 2° en février 1664, à Christian-Louis, duc de Mecklembourg Schwerin. François-Nicolas Pomponne, comte de Vienne, seigneur de Saint-Benoit-sur-Vannes et Blézy, chevalier de Saint-Louis et capitaine au régiment de Xaintonge, arrière-petit-fils de Bernard, seigneur de Soligny, fils de François, seigneur de Pouy et d'Epineuil, et de Anne-Magdeleine de Longueau, épouse Thérèse Loyson d'Alençon. De ce mariage MarieJeanne-Louise Pomponne de Vienne, mariée, en 1772, à Alexandre-René Peschard d'Ambly, baron de la Vallée et de Levoncourt; de ce mariage, Alexandre-Nicolas, mort en 1833, et père des Peschard d'Ambly actuels. Les armes des de Vienne étaient de gueules à l'aigle d'or. Famille d'Ambly. — Originaire du Maine, la famille Peschard, ou Peschart, jouissait depuis plusieurs siècles de toutes les prérogatives attribuées à la noblesse d'ancienne extraction, lorsqu'un de ses membres vint, vers l'an 1525, s'établir par mariage en Lorraine. Sa postérité,divisée en plusieurs branches, tant dans cette province qu'en Champagne, 424 ESSAI DE STATISTIQUE s'est constamment distinguée par l'étendue de ses possessions, par l'illustration de ses alliances et par les hautes fonctions qu'elle a occupées tant dans l'armée que dans la magistrature. Outre le fief seigneurial d'Ambly, dont la branche principale porte le nom, cette famille a possédé la baronie de Levoncourt et les terres de Vidampierre, Neuville-sur-Orne, Contrisson, Lymon-enBarrois, Longueville, la Vallée, Vassincourt, etc. Les principales alliances sont avec les maisons de Thumerq, d'Audenet, de Salles, de Beurges, de Rouyn, de Gourdot, Nota de la Tour, Antoine de Bussy, de Maimbourg, Pomponne de Vienne alliances qui lui procurèrent des liens de parenté avec les Montmorency, les Coligny, la famille souveraine de Mecklembourg Schwerin, de Parchappe, Des Marets de Pâlis. Les armes des Peschart d'Ambly sont Coupé d'argent et de sable, au lion de l'un à l'autre. Cimier un lion naissant; supports, deux sauvages. Famille de Parchappe. — La famille de Parchappe est originaire de Champagne. Le premier connu est Jean, écuyer, seigneur d'Aulnay-aux-Planches et du Fresne, grenetier du grenier à sel d'Epernay ; il épousa Olive de Champy. Il fut anobli par Henri IV, en 1590. Cette famille fit alliance avec les maisons de Mouchy de Faremond, de Matigny de Goncourt, de Caumont, de Flavigny. Vers le milieu du dix-septième siècle, la famille de Parchappe devint propriétaire du fief de Morambert. Vers la fin du même siècle, par alliance avec la SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 425 maison de Mertrus, les Parchappe devinrent seigneurs de Domprot. Jeanne-Eléonore de Parchappe, douairière d'Ambly, est fille de Roch-Eléonor de Parchappe, et de Jeanne-Jacobé de Frémont, fille de Louis, capitaine au régiment de Chaumont, seigneur de Couvrost. Outre le fief des comtes de Vienne, il y avait encore, à Saint-Benoît, un autre fief situé au hameau de Joux Jugoe, qui n'existe plus que de nom et qui est incorporé au territoire de Saint-Benoît. Cette seigneurie appartenait au Chapitre de Troyes; la justice ressortissait au bailliage de Sens. Les bois communaux viennent de la libéralité des barons de Villemaur, sous la redevance d'une maille la maille était la moitié du denier, le denier était la douzième partie du sou que chaque habitant était tenu de porter en personne en leur recette au jour de Saint-Remi, à peine de trois livres d'amende, et encore sous la réserve de la justice qui appartenait sur ces bois aux barons de Villemaur. Courmononcle, qui n'est séparé de Saint-Benoît que par la Vannes, était, si l'on s'en rapporte aux anciennes prisées, bien plus important qu'il ne l'est aujourd'hui. A chaque fouille qu'on fait dans les champs, on trouve des fondations. Il y avait une halle, des places publiques. Un grand chemin le traversait allant de Coulours, où il y avait une commanderie, à Villemaur, par Courmononcle et Rigny. Trois hameaux en dépendaient Armentières, qui ne se compose plus que de deux fermes; Bouley et Massicaut, dont les habitations ont disparu, et qui ne forment plus que des contrées dépendant du ter- 426 ESSAI DE STATISTIQUE ritoire de Rigny. Armentières dépendait de l'abbaye de Vauluisant, et fut bâti ou restauré par les soins de l'abbé Pierre, 33e abbé de Vauluisant vers 1517, qui y construisit en outre un moulina blé et un à foulon, et y fit planter de la vigne. Ces deux usines n'existent plus. Parmi les anciens seigneurs de Courmononcle, on trouve une dame de Corferant, lige de Villemaur, pour ce qu'elle possédait à Courmononcle. Guillaume et Manassès, de Courmononcle, sont compris dans la prisée de 1328, parmi les feudataires de Villemaur. Dans le même siècle, et longtemps depuis, on trouve cette terre entre les mains de plusieurs seigneurs. Avant Guillaume et Manassès, dont je viens de parler, on voit, en 1290, noble homme Geoffroy de Saint-Florentin, sire de Courmononcle, nommé tiersexpert dans la vente que fit Gauthier de Traînel, sire de Foissy, à Gilles le Cornut, deuxième du nom, archevêque de Sens, de ses terres, prés et maisons qu'il avait à Villeneuve-l'Archevêque et autres lieux. Vers 1452, Guillaume de la Palu. Guy de Nanceau et Felizot, vers 1513. Charles de La Hui, et une demoiselle Des Essarts, sa femme, qui était de la maison d'Avelly de SaintBenoît. Les de Midy et les de Nanceau y subsistaient encore au commencement du XVIIe siècle. On y a vu encore posséder des portions les maisons de Bérulles, de Soubmairément et de Chaumont. En 1630, Edme Amaury de Chaumont se trouve seul seigneur de ce lieu par l'acquisition des autres portions. Cette terre passa plus tard à la maison de La Grange de La Ville-Donnée, qui à son tour la céda SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. .427 à la maison de Vienne, dont les héritiers la possédèrent jusqu'à ce jour, sauf des démembrements nécessités par des partages de famille. Il y avait encore sur le territoire de Courmononcle plusieurs fiefs appartenant aux comtes de Vienne c'était les Grands et les Petits-Chevrêts, qui relevaient de la baronie de Villemaur. Une partie de ces fiefs passa, on ne sait comment, à la maison de La Rochefoucault, qui la possède encore. Une autre portion était devenue la propriété de M. Des Marets de Pâlis, qui en rendit hommage en 1734, à la comtesse de Blanzac. Les Petits-Chevrets appartiennent aujourd'hui à Mme la baronne d'Ambly. Le château de Courmononcle, qui en 1630 était encore entouré de fossés et de ponts-levis, a totalement disparu. Les travaux d'assèchement opérés par M. Fruitier ont effacé toutes les traces de ces fossés. Il y a dans l'église de Courmononcle des carreaux armoriés qui doivent provenir des démolitions du château. Parmi les curés qui ont gouverné la paroisse de Saint-Benoît, on remarque Charles de Titreville, qui devint curé de Saint-Mards, comme nous l'avons vu, vers 1615 ; Nicolas Huez de Troyes, ex-jésuite, connu par son goût pour les mécaniques; il vivait vers 1689; Nicolas Camusal, aussi de Troyes, qui s'amusait à rimer, surtout des épigrammes. Saint-Benoît a vu naître l'évêque de Troyes, Hervée, qui vivait au commencement du treizième siècle. T. XXII. 29 428 ESSAI DE STATISTIQUE § VIII. — Vulaines. Situation et sol, semblables à ceux de Saint-Benoît. Pas de blocs de grès sauvage ; un peu de terrain tertiaire sur les points les plus élevés au nord-ouest. Puits de 2 mètres à 12 mètres. Ils pénètrent dans la craie après avoir traversé 3 mètres environ de terre jaune à silex. Une crayère au nord au-dessus de la route, à 1 kilomètre du village. Une sablonnière près de la limite du finage de Bagneaux Yonne. Vallée marécageuse à cause des nombreux filets d'eau qui y sourdent, et du défaut d'encaissement de la rivière qui coule ordinairement à fleur du sol. On y récolte de mauvais foin pour litière. Au nord-est, sol crayeux d'une qualité inférieure. Au nord-ouest, terre un peu rougeâtre propre au froment; bois dans un sol crayeux. Altitude, 108 mètres. Population 73 maisons, 82 ménages, 291 habitants. 70 hommes mariés ; 74 garçons; 7 hommes veufs; 71 femmes mariées ; 51 filles; 18 femmes veuves. La population était de 294 en 1852 ; électeurs, 89. La route impériale n° 60 forme la rue principale de Vulaines. Un peu au-dessous, une rue parallèle à la route conduit au chemin de grande communica- SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 429 tion n° 4, qui se dirige vers Rigny. Une autre rue, la plus ancienne sans doute, est appelée rue du Moutier. Elle conduit à l'église, située au haut du village, comme à Saint-Benoît, à proximité du chemin des Romains. Les constructions sont les mêmes qu'à SaintBenoît; les toitures en tuiles dominent. Vulaines est à 40 kilomètres de Troyes, 12 kilomètres d'Aix-en-Othe, 3 kilomètres de Rigny-leFerron, 4 kilomètres 5 mètres de Villeneuve-l'Archevêque Yonne. On compte, à Vulaines, 16 laboureurs possédant 48 chevaux, 4 ânes, mulet, 130 vaches, 1200 moutons. La superficie totale du territoire est de 871 hectares, avec un revenu cadastral de 5607 fr. 87. On compte 621 hectares de terres labourables. 77 hectares de bois, dont 47 hectares à la commune. Le reste des bois appartient à M. Bazin, de Bercenay-le-Hayer, et est contigu aux bois communaux. Vulaines paie Foncière 2,834f 05c Personnelle et mobilière 574 27 Portes et fenêtres. .... 233 62 Patentés 201 34 Total 3,843f 28c Il n'y a à Vulaines que 4 métiers à bas. Les autres habitants sont laboureurs ou manouvriers, sauf quelques professions nécessaires à la campagne, comme charrons, charpentiers, maçons, etc. On y 430 ESSAI DE STATISTIQUE compte aussi un marchand de chevaux et un marchand de bois. Il y a un moulin sur la Vannes. On loue la pêche 150 francs en moyenne; la chasse des bois, 50 francs ; la chasse dans les pâtures, 27 francs. Le maire a tiré partie des pâtures en en louant la portion la moins mauvaise; cette location a produit, en 1856, 400 francs. L'administration municipale se compose de dix conseillers municipaux, y compris le maire et l'adjoint. Il y a un instituteur communal logé aux frais de la commune. La classe, séparée du logement de l'instituteur, est construite dans d'assez bonnes conditions. Seulement, il manque un cabinet des archives; c'est un grenier qui en tient lieu. Les actes de l'état civil datent de 1627. Il y a une subdivision de sapeurs-pompiers trèsbien organisée. Il n'y a point de presbytère. C'est le curé de Rigny qui vient desservir la paroisse. L'église de Vulaines est d'un seul jet, sans transsept, bâtie en grès et en craie avec contreforts. Elle est éclairée par neuf fenêtres du style ogival, sans meneaux. Elle est aux trois quarts voûtée. La partie du choeur et l'abside doivent être du seizième siècle. Huit poteaux en bois, adossés à la muraille, supportent la voûte au-dessous du clocher. De chaque côté des parois intérieures de l'église, sont peints des écussons qui s'alternent l'un représente l'aigle en champ de gueule, avec la croix de Malte en suspensoir, surmonté d'une couronne de mar- SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 431 quis; l'autre porte deux lions lampassés au 1er et au 4e; des fleurs de lys aux 2e et 3e, avec une couronne de marquis pour cimier. Le clocher a été réparé en 1846, et a reçu une cloche du poids de 422 kilogrammes, donnée par M. Boudin, maire, et plusieurs notables. Il y avait autrefois un château dans la vallée près de la Vannes. Il fut démoli en 1806, et les matériaux vendus au sieur Lesourd, beau-père du maire actuel. Liste chronologique des Maires de Vulaines. 1793, 21 janvier. Manchin. An vu, 12 nivôse. Burtel. An IX, 1er floréal. Robinet Edme. An XI, 18 fructidor. Burtel, de nouveau. 1836, 1er janvier. Millard Hippolyte. 1837, 25 avril. Boudin Jean-Louis-Théodore. Jean-Louis-Théodore. 15 mars. Robinet Antoine-Alexis. 1852, 7 mars. Destrot Jean-Jules. 1855, mai. Boudin Jean-Louis-Théodore, Jean-Louis-Théodore, actuel. Particularités, Précis historique. — Avant la Révolution de 1789, l'église de Vulaines possédait trois cloches qui avaient été bénites en 1739. Le parrain de la première fut monseigneur Claude-ConstantEsprit-Juvénal de Harville des Ursins, chevalier, marquis de Traînel, seigneur de Doé et autres lieux, et la marraine très-haute et très-puissante dame madame Louise-Madeleine Leblanc, marquise de Traînel, dame de Vulaines. La seconde avait pour 432 ESSAI DE STATISTIQUE parrain monseigneur César Leblanc, évêque d'Avranches, conseiller du roi en tous ses conseils, et pour marraine Claude-Constance-Ésprit Juvénal de Harville des Ursins de Traînel, fille de madame de ce lieu. La troisième eut pour parrain Dénis Alexandre Leblanc, évêque de Sarlat, conseiller du roi, et pour marraine mademoiselle Isabelle de Harville des Ursins de Traînel, fille de madame de ce lieu. Deux de ces cloches furent descendues du clocher pendant la terreur,et cachées dans l'église. Plus tard, elles furent envoyées à Ervy. La troisième fut refondue à Bagneaux, en 1811. On allait autrefois en grande dévotion à l'église de Vulaines, à cause de l'huile de saint Antoine, renfermée dans une lampe placée auprès de la statue de ce saint. Cette huile avait, dit-on, le pouvoir de guérir du mal de saint Antoine et des ampoules. Cette coutume est tombée en désuétude! Vulaines, ou Vieux-Laines, était du diocèse de Sens et de la châtellenie de Villemaur. En 1330, il est qualifié de ville. A cette date, on voit une demoiselle Péronelle, veuve de Giles de Saint-Oult, écuyer, dame de Vulaines en partie; En 1503, Jean le Tartrier, écuyer, seigneur d'Erré, près Messon, aussi seigneur de Vulaines en partie; Gratien de Ponville, qui comparaît, en 1555, au procès-verbal de la coutume de Sens, en qualité de seigneur de Vulaines ; Jules d'Abondé, au commencement du dix-septième siècle. Cette famille tint longtemps la terre de Vulaines. François d'Abondé, fils de Jules, épousa Marie de SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 433 Catelan. Les Catelan étaient seigneurs de Maulny, près de Villeneuve-PArchevêque. En 1648, on voit Charles-Alexis d'Abondé, colonel au régiment de Chartres. C'est lui qui fit bâtir le château. Il fut tué en Flandre en 1709. Après sa mort, Claude Le Blanc, ministre de la guerre, fit l'acquisition de cette terre par décret, et en rendit les devoirs féodaux au duc de Coislin en 1721. Elle passa ensuite à Louise Le Blanc, sa fille, épouse de Esprit Juvénal des Ursins, marquis de Traînel. Ils ont laissé cette terre à leur fils aîné ClaudeConstant-Esprit Juvénal des Ursins, qui épousa Marie-Antoinette de Matignon, et qui rendit hommage au duc d'Estissac le 20 août 1751. A sa mort, ce seigneur fut très-vivement regretté des habitants de Vulaines, pour l'inépuisable bonté avec laquelle il les traitait. Eléonore des Ursins, sa fille, fut mariée à Donatien-Marie-Joseph-Vincent de Rochambeau, qui fut général en chef de l'armée de SaintDomingue, et capitaine-général de la colonie sous la République. Pendant que le général de Rochambeau soutenait l'honneur du nom français dans l'Amérique, les habitants habitants Vulaines, perdant leur respect traditionnel pour leurs seigneurs, s'occupaient des moyens de lui ravir une partie de ses biens. Sur la fin de 1793, le moment était favorable, et la commune de Vulaines, profitant de l'absence du général, obtint, sans grands efforts, le 6 germinal an II, un jugement arbitral conforme à ses dispositions. 434 ESSAI DE STATISTIQUE Ce jugement fut révoqué par la cour de cassation au profit du général Rochambeau. Les pièces de cette affaire sont aux archives de Vulaines. On y voit également la copie d'une transaction entre les habitants et le seigneur de Vulaines, au sujet des bois, communaux, pêcherie, rivière » commune, prez, paturages, passée le mardy après » les brandons, au mois de février l'an mil trois » cent trente. » En voici quelques extraits Pardevant Jaque de la Gambe, prévôt de Sens, » et Guillaume Le Pelletier, garde du scel en ladite » prévôté, et Gillet, avangier de Saint-Florentin, » clerc juré de ladite prévôté, sont comparus en » leurs propres personnes demoiselle Peronelle, » jadis femme de feu Gille de Saint-Oult, jadis écuyer, » et dame en partie de Vulaine, et comme elle dit » pour Pierre Damerson de la Châtellenie de Pro» vins, écuyer, et demoiselle Jeanne, sa femme, » pour eux. » D'autre part, Pierre, dit Legros, Pierre, dit » Parez, Laurent Proest, Fellissant Fellon, Collard, » dit Pencomère, Jacque Henry, Marguerite, jadis » femme de feu Simon le Large, Gille, dit Bergière, » Jeanne Jobart, Guibert, dit Person, Felissant de » la Ribodière, Pierre, dit Loyer, Jeanne, dit Mer» cier, Gomère Lesourd, Simon le Formère, Joannas » de Saint-Oult, Denise de la Mélanze, Joanne, dit la " Bergière, Felissant du Chemin, Felissonne, dit la » Pêcheronne, Adeline, dit la Goneline, Michaut des » Brocé, Jeanne, dit le Grefroy, Mammon, femme » de feu Aimez, Joanne des Flody, Benigne, dit » Villaine, Felissant Malierze, Jaque, dit le Villain, SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 435 » Jean, dit Ferrez, Jehan la Bonté, Pervers, dit » Mersan, Marie, femme de feu le Grand, Jaque " Collin, Maureau, Jubert Boiteux, Felix de la Jo" lante, Jayant le Couturier, Berthier le Pêcheron, » Périnée le Tixerant, Joanne le Hainère, Joanne, » dit le Sotinat, Jaque l'Assisté, Collard, dit Sebas» tinet, Périnée, dit Mahus, et Joanne, dit Richard, » tous demeurant et habitants en la ville et paroisse » de Vulaines-sur-Vannes, lesquels étaient la plus » grande, la plus forte et la plus saine partie de tous » les habitants de ladite ville de Vulaines, etc. a Il résulte de l'ensemble de cette pièce que les habitants de Vulaines prétendaient jouir des bois, pêcherie, etc., sans redevance aucune envers les seigneurs. La sentence rendue par le prévôt confirme leshabitants dans la jouissance, usance, desdits bois, etc., à la condition qu'ils seront tenus, par chacun an, d'élire et établir deux bûcherons, pure personne et » bonne renommée esdits bois de Charmoy, qui se ront présentés auxdits Peronelle et Mariez, ou à » leurs hoirs, et jouiront pour le commun profit de » bien et loyement garder ledit bois, lesquels bû» cherons ensemble deux ou un tout seul, distri» bueront et départiront à bonne foy à chacun des» dits habitants pour sa part et partie portionelment » autant à l'un qu'à l'autre. » Lesdits habitans et leurs hoirs auront chaquun » déjà à toujours leurs usages esdits prez et patures " à paturer de toute manière de bête, et pourront » cueillir de l'herbe esdits prez, etc., pature à la » faucille jusqu'à la fête de la my-aoust passée fau» cher à la faux sy il leur plait pour le convenoir 436 ESSAI DE STATISTIQUE » et nécessité de leurs bêtes sans congé desdits bû» cherons. Pareille autorisation pour pêcher à la » truble, au bon, au panier dessus rive et dans » l'eau, et la pescherie de pêcher à la main aux » écrevisses tant seulement. Et pour toutes les au» tres choses et singulières des susdites, un chaquun » desdits habitants et leurs hoirs seront tenus et » tenneront pourra et pourronts, sera et seronts » tenus de payer chacun an et a tousjours aux sus» dits Péronelle et Mariez et à leurs hoirs à Vulaine » quatre deniers tournois les jour et fête de saint » Remy, au chef d'octobre. » Et s'il arrivait que quelqu'un des habitants se refusât à payer ou commît volontairement quelque délit, les bûcherons-jurés, accompagnés du sergent, des seigneurs, et du messier de la ville et paroisse de Vulaines-sur-Vannes, courraient sus au méhu» sant ou malfaictenr, et l'ameneraient devant le » seigneur qui pourrait le condamner à une amende » cinq sols tournois, etc., » à la fin est écrit... nous avons fait celer ces presentes du sel de la» ditte prévoté, qui furent faictes et données et re» çues au mouthier de Vulaine, l'an de grâce mil » trois cent trente, le mardy après les brandons. » Au mois de fevrier, presence de M. Jean, prêtre » curé de Vulaine; Pierre, dit l'Enfant,de Molinons; » Philippe de Noyen, Perronet Darmez, fils desdits » Mariez, ecuyer, et Jean, dit Goin, dit Sarrez, de la » Villeneuve-l'Archevêque. » Ainsi signé au repli de la marge d'en bas Pharranger, ita est; suivent les signatures de Cossery et Chaperon, tabellions de la prévôté de Sens. Plusieurs géographes, entre autres Damville et SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 437 Pasumot, désignent Vulaines comme étant le Clanum des anciens. Ils placent Clanum à douze lieues de Sens, près de Villeneuve-l'Archevêque. Ces géographes veulent trouver de l'analogie entre Clanum et Vulaines, et ils remplacent le C de Clanum par un O, un V ou un B. Cette question est trop obscure pour qu'on y puisse voir clair ; je dirai seulement que rien jusqu'à présent n'a fait conjecturer que Vulaines fût bâti sur les ruines d'une ancienne ville romaine, et pour mon propre compte j'aurais mieux aimé qu'on plaçât Clanum entre Villeneuve et Villemaur. Nous aurions peut-être alors un nom à donner aux richesses archéologiques de Paisy. § IX. — Rigny-Ie-Ferron. Rigny est situé au fond du vallon qui descend de Bérulles, en un point où plusieurs autres vallons, notamment celui de Cerilly, viennent se réunir. Sol de craie presque partout recouvert d'un manteau, ordinairement épais, de terre jaune avec sable; silex très-abondant ; limonite géodique en fragments et plaques de grès ferrugineux. Terrain tertiaire dans les bois et sur le plateau ; nombreux blocs de grès sauvage sur les côtes. Les ravins montrent le terrain détritique dont on vient de parler, et sur leur fond des blocs de grès. Parmi les nombreux silex qu'on y trouve, on rencontre assez souvent des oursins Spatangus Coranguinum, Ananchytes, Galerites, et rarement des empreintes de Catillus. 458 ESSAI DE STATISTIQUE La profondeur des puits varie de 2 à 3, et jusqu'à 15 mètres 50, suivant les hauteurs; ils sont creusés, en général, dans le terrain détritique et la craie. Ceux des maisons les plus basses ne rencontrent sous le détritus qu'un limon noirâtre, fétide et donnant une eau de mauvaise qualité. Une fontaine, dite de Saint-Martin, touchant les maisons au sud-est, forme un ruisseau qui, après avoir traversé le bourg, où il alimente un lavoir, va se jeter dans le Grand-Fossé. Rigny est encore longé à l'ouest par le ruisseau de Cérilly, qui va se perdre dans la Vannes après avoir arrosé le fond du vallon. La position de ce bourg, au point où plusieurs vallons viennent déverser leurs eaux dans les temps d'orage ou de fonte des neiges, l'expose à d'assez fréquenfes inondations. Le Grand-Fossé que je viens de citer est un canal creusé dans le but de faciliter le dégorgement de ces eaux torrentielles et leur écoulement dans la Vannes. Toutes ces précautions n'empêchent pas les eaux de couler quelquefois dans les rues; mais les maisons se trouvent au moins préservées. Il y a deux crayères; l'une au nord, près du bois de la Brosse. C'est de cette carrière que fut tirée, si l'on en croit la tradition, la craie qui servit à la construction des églises de Rigny, de Bérulles, de Planty et de quelques autres sans doute. L'autre au sud, au-dessus du moulin de Gerbeau. A cette crayère est joint un four à chaux depuis longtemps exploité. Les blocs de grès sauvage qu'on rencontre fréquemment sur le territoire de Rigny sont exploités SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 439 pour faire des pavés, des coins, des bornes d'héritages et des pierres de construction. Dans les parties basses, bon sol à froment ; sur les coteaux, terre à seigle sur le détritus ou la craie. Les hauteurs au sud-ouest offrent des terres rouges. Bois et vergers à cidre sur le plateau, en partie dans le terrain rouge à silex, et en partie dans les argiles et sables tertiaires argile plastique. Le nom de Rigny-le-Ferron semble indiquer qu'autrefois on a pu y exploiter et y traiter des minerais ferrugineux. On trouve, en effet, dans les bois qui en dépendent, des scories ferrugineuses en grande quantité. On prétend même que les Romains y avaient des forges portatives. D'un autre côté, le sol de la contrée présente, au milieu du terrain détritique, de nombreux fragments de limonite géodique. Altitude, 145 mètres, sol de l'église. On compte à Rigny-le-Ferron, y compris le hameau du Bois-de-Rigny, qui a 38 maisons, 46 ménages et 148 individus 302 maisons, 378 ménages, 1255 individus. 306 hommes mariés ; 37 hommes veufs ; 306 garçons ; 295 femmes mariées ; 57 femmes veuves ; 264 filles. La population était de 1,244 en 1852; 355 électeurs. Rigny est situé à 40 kilomètres de Troyes, 10 kilomètres d'Aix-en-Othe, 8 kilomètres de Villeneuvel'Archevêque. Rigny, proprement dit, est construit 440 ESSAI DE STATISTIQUE tout-à -fait à la manière des villes. Toutes les maisons se touchent et forment plusieurs rues assez mal alignées. Elles sont en pierres de roche et beaucoup ont un étage au-dessus du rez-de-chaussée. Le chemin de grande communication n° 4, de Nogent-surSeine à Saint-Florentin, traverse le bourg à peu près dans son centre et forme la rue principale. Cette rue est, dans toute sa longueur, pavée en assez mauvais matériaux. 47 chemins, dont 5 vicinaux, sillonnent le territoire. Au milieu de la grande rue, était la halle. C'était un affreux bâtiment construit tout en bois, et interceptant la circulation. L'administration municipale eut le bon esprit de la faire disparaître. Une autre halle, toute de pierres et de briques, fut élevée sur l'emplacement de l'ancien cimetière. Ce bâtiment, d'une construction élégante, ornée d'une horloge publique, renferme aussi les appartements municipaux. Le cimetière a été transféré hors du pays, au nord. Le marché se tient le mardi de chaque semaine ; il ne s'y vend que des denrées alimentaires ; point de grain. Il y a cinq foires les 16 février, 19 mars, 1er juillet, 12 septembre et le 13 novembre. Ces foires sont assez importantes, surtout pour la vente des bestiaux. Il est fâcheux qu'il n'y ait point de place publique assez vaste pour contenir sur un même point tout le matériel de la foire. Le marché aux vaches se tient dans une rue; le marché aux chevaux, dans SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 441 une autre; les porcs et les moutons se vendent sur les promenades, dans les environs du cimetière. Ces foires et marchés ont été établis par une ordonnance de Louis XII, datée de Blois, au mois d'août 1510. Il y a, à Rigny, un maire, un adjoint et douze conseillers municipaux; Deux gardes-champêtres, un garde-forestier; Un bureau de tabac ; Un bureau de distribution pour les lettres, d'un rapport annuel de 2,000 fr., qui dessert les communes de Bérulles, de Rigny, de Vulaines, de SaintBenoit-sur-Vannes et de Paisy-Cosdon ; trois facteurs. Deux écoles communales pour les enfants, l'une, dirigée par un instituteur laïque, l'autre par les soeurs de la Providence. La date des registres remonte jusqu'à 1581. On compte Naissances. Mariages. Décès. De 1813 à 1823. . . 359 88 304 De 1823 à 1833. . . 394 92 257 De 1833 à 1843. . . 369 107 257 De 1843 à 1853. . . 350 116 310 Rigny paie Foncier 7,191f 75c Personnelle et mobilière. 2,510 98 Portes et fenêtres .... 1,728 07 Patentes 1,558 92 Total 12,989f 72c La superficie totale du territoire est de 1,094 hectares. Le revenu cadastral s'élève à 21,204 fr. 11 c. 442 ESSAI DE STATISTIQUE On compte 1,383 hectares de terres labourables, 317 hectares de bois. la valeur des parts affouagères est évaluée 4,109 fr. 75 c. L'exploitation, des terres est confiée à 35 laboureurs ayant 345 chevaux, 30 ânes, 600 vaches, 1,530 moutons. La location de la chasse produit 110 fr. La pêche, 200 fr. Le commerce de Rigny se borne à la vente des objets de consommation ordinaire. Néanmoins, on y compte un marchand de blé en gros, quatre marchands de bois, et un marchand de chevaux. Rigny possède deux moulins à blé l'un, à Gerbeau, sur le ruisseau de Cérilly; il est à quatre tournants et fait le commerce de farines ; l'autre appelé, Moulin de la Cour, au centre de Rigny même, près de l'emplacement de l'ancien château. Il moud spécialement le grain de ménage. La bonneterie commence à prendre de l'extension à Rigny. On compte déjà 54 métiers à bas, dont trois français seulement. Liste chronologique des Maires. 1792, 1er novembre. Bouillat Nicolas-Alexis. An VIII, 29 fructidor. Vérollot Alexis. 1817, 15 janvier. Lorne 1820, 26 mars. Bouillat Firmin. 1826, 13 février, Forgeot. 1831, 19 mars. Bouillat Charles-Louis - Adalbert. 1833, 20 juillet. Desguets. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 443 1835, 17 janvier. Forgeot, pour la 2e fois. 1838, 1er janvier. Vérollot Alexis. 1846, 10 juin. Bouillat Armand, maire actuel. Rigny possède actuellement trois médecins. De 1769 à 1773, la commune de Rigny-le-Ferron fut en procès avec un sieur Morin, entrepreneur à Nogent-sur-Seine. Ce Morin devait, suivant le devis, paver les rues de Rigny, faire un fossé pour l'écoulement des eaux torrentielles, et construire les ponts dudit fossé. Ces travaux n'ayant pas été exécutés conformément aux conventions, les syndic, habitants et communauté déclarèrent au sieur Urbain Chaillou, architecte à Paris, avec sommation de l'insérer dans son procès-verbal, qu'il était impossible de recevoir les travaux, car, dit la requête au roi, de 1773, les» dits pavés étant présentement gelés et couverts de » boue. Mais ce qui constate l'invalidité dudit pavé, » c'est qu'il est enfoncé en plusieurs endroits; qu'il » en est de même des fossés; qu'à l'égard du Grand» Fossé, qui est le plus intéressant pour la commu» nauté, les levées sont artificielles et ne peuvent » subsister, et que la profondeur du fossé n'est pas » dans toutes les parties conforme au devis. » Que, suivant le devis, le sieur Morin devait faire poser à chacun des ponts huit grandes bornes » de grès piqué, et qu'il n'y en a que six; que les » bahuts en pierre qui recouvrent les parapets doi» vent être attachés avec de bons crampons en fer » et scellés en plomb, et qu'ils ne sont ni attachés » ni scellés, etc. » Nous ignorons si cette requête au roi donna gain de cause aux habitants, mais nous voyons encore auT. auT. 30 444 ESSAI DE STATISTIQUE jourd'hui les parapets sans crampons et les ponts avec six bornes seulement. Eglise. - L'église de Rigny appartient à plusieurs époques. La partie la plus ancienne doit être de la fin du quinzième siècle. La nef, de construction récente, a quatre travées et est voûtée en lattis. Le choeur forme deux travées avec transsept. Le chevet est circulaire; la voussure du transsept et de l'abside est a lozanges et en moellons de craie. Les deux latéraux sont moins élevés que la nef. De chaque côté du choeur sont deux autels. Au-dessus de celui de droite est le Christ descendu de la croix, soutenu par sa mère ; à ses pieds est sainte Paule, qui donna son nom à cette chapelle. L'autel de gauche est dédié à la Vierge, refuge des pécheurs. Au-dessus est un tableau représentant, je crois, le fondateur des Jésuites. Cinq fenêtres éclairent l'abside; elles sont du style flamboyant, à doubles meneaux et à vitraux coloriés qu'on attribue à Jean Cousin. Il est fâcheux que ces vitraux soient mutilés. Les parties qui subsistent sont d'une fraîcheur de coloris qui fait regretter ce qui manque. Le premier, à droite, représente la légende de saint Martin, patron de la paroisse; il est presque entièrement conservé. Le deuxième représente l'Assomption de la Vierge. Le troisième, au fond de l'abside, se compose d'une foule de légendes qui n'ont aucun rapport entre elles ainsi, au bas du panneau inférieur, on voit saint Nicolas, puis saint Jacques, et un autre personnage dont il ne reste plus que le buste ; au-dessus, l'Annonciation de la Vierge; plus haut, Jésus au jardin des Olives, etc. le tout tronqué et mutilé. Le SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 445 quatrième représente la généalogie de la Vierge. Les murs intérieurs de l'église étaient autrefois ornés de peintures à fresque de la plus belle exécution. On en peut juger par la seule qui reste à gauche, sur le pilier d'un des bas-côtés du choeur. Elle représente un personnage de grandeur naturelle portant entre ses bras des pièces de bois croisées. Cette peinture n'était pas isolée. Le pinceau d'un barbouilleur aura passé sur le reste. Certes, dit M. Bourassé, une des plus funestes » réparations qu'on ait fait subir aux églises du » moyen-âge, c'est le badigeonnage, et surtout le » grattage, vraie lèpre qui s'attache aux murailles » du saint édifice et qui en détruit la beauté. » Sans respect pour les sculptures, lés peintures » les plus délicates, le badigeonnage promène par» tout son hideux pinceau. Les légères dentelles en » pierre, les dessins gracieux, les découpures trans» parentes, les ciselures fines, véritable orfévrerie » en pierre, le moelleux du travail, tout disparaît » sous une couche épaisse de badigeon boueux. » Le badigeon n'est pas seulement un contre-sens, » c'est une profanation. » De chaque côté de la porte principale sont deux bénitiers en marbre blanc taillés en coquillage. Audessus est un jeu d'orgue monté depuis quelques années seulement. Le clocher, d'une forme élégante, est de grès sauvage à sa base. La partie supérieure est en craie taillée. Il tomba en 1725. Sur l'un des montants de l'horloge, on lit l'inscription suivante Mil V cent trente, par Denis Baubourg de Troyes. 446 ESSAI DE STATISTIQUE Il existe trois cloches, une grosse et deux petites. Une quatrième, d'assez forte dimension, a tété fondue pendant la Révolution de 1792. Sur la grosse on lit, en caractères gothiques Galaise suis certainement, car ainsi premier dit mon nom Galas de Chaumont, le puissant seigneur de Rigny-le-Ferron, mil Ve XXX. Sur l'une des petites, on lit en caractères semblables Nomen virgineum dico Maria meum, mil Ve XXX. Sur l'autre, en caractères romains Marie, fondue en 1839, par la commune de Rigny. Deux cloches avaient été fondues en 1764, et baptisées le 2 juillet. La moyenne avait nom Amable Catherine ; la petite, Adélaïde-Catherine-Reine. Le parrain, Amable-Pierre-Thomas de Bérulles; la marraine, Catherine-Marie Rolland, sa femme, et leurs enfants. Ces deux cloches n'existent plus. Il est probable que la moyenne est celle fondue pendant la Révolution, et la petite, celle remplacée en 1839. La chapelle Sainte-Paule était autrefois la chapelle seigneuriale. Elle fut fondée par Paule de Chaumont, femme d'Arthur d'Assigny, et fille de Galas de Chaumont. Dans cette chapelle est une tombe en pierre sur laquelle est placée l'inscription suivante en caractères gothiques Cy gist Galas de Chaumont, escuier, en son vivant seigneur de Regny, de Coursant et de Sainct-Cire en ptie, lequel décéda le XXIIIIe jor de Juillet mil V° quarante-trois, aussi gist damoiselle Gauchere de Braillard, sa femme, laquelle décéda....... A chaque coin de la tombe est l'écusson des deux familles. Nous donnons ici le dessin exact de cette tombe dessinée par M. Delaune-Guyard, négociant Mém. de la de l'Aube, Tome XXII. 1858. Gaussen del. d'après à Troyes. PIERRE TUMULA1RE DE GALAS DE CHAUMONT, dans l'Eglise de Rigny-le-Ferron. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 447 à Rigny-le-Ferron. Elle a 2 mètres 14 centimètres de longueur sur un mètre de largeur. Sur les vitraux de cette chapelle on voit, à gauche, le seigneur de Rigny qui doit être Galas de Chaumont ou Arthur d'Assigny, couvert de son armure, agenouillé sur un prie-Dieu. Sur ce prie-Dieu étaient peintes les armes du seigneur ; malheureusement il a été brisé et remplacé par un verre blanc. A gauche est la châtelaine, également agenouillée. Son écu est parfaitement conservé, et tout-à -fait semblable à ceux placés sur la tombe. Il est probable que les deux personnages sont Arthur d'Assigny et Paule de Chaumont, fondateurs de la chapelle. Au milieu du choeur est une tombe en marbre noir, sur laquelle on lit Soubs ce marbre repose Messire Hector de Sardents, vivant chevalier, seigneur de Courcemont, Gumery, et de Regny-le-Ferron pour moitié, chevalier de l'ordre de Notre-Dame-du-MontCarmel et de Saint-Lazare, premier chef d'escadre des armées navailes de France, décédé le 29 septembre 1675, aagé de 47 ans. Cette tombe était supportée par quatre lions et élevée de deux pieds au-dessus du sol. Ces lions ont disparu. Il en reste encore un, je crois, dans un coin de l'église. La chapelle du Rosaire renferme trois tombes; la première porte cette inscription Ci gist maître Louis Bezançon, lieutenant de Céansen-Othe, à Rigny-le-Ferron, Prévost, de Coulours et autres lieux, décédé l'onze avril 1714, et de son âge la soixante et dix-septième année. Priez Dieu pour le repos de son âme. 448 ESSAI DE STATISTIQUE La deuxième Sous cette tombe reposent les corps de François Bezançon, Md de bois, décédé le,..., et de Barbe Cochois, sa femme, inhumée dans un sépulcre de pierre le vingtdeux novembre mil six cent quatre-vingt-quinze, qui ont fondé une messe à perpétuité le premier dimanche de chacun mois à l'hostel du Rosaire de cette église, par dévotion qu'ils ont eue à la sainte Vierge. Requiescant in pace. Les caractères de la troisième tombe sont entièrement effacés. Sur l'un des contreforts extérieurs de l'église de Rigny, on voit un cartouche en pierre contenant une inscription en lettres gothiques, fort difficile à déchiffrer. M. Delaune-Guyard a eu la bonne idée, d'après les avis de M. Jules Ray, d'en envoyer une empreinte en plâtre au Musée de Troyes. M. Finot, ancien chef d'institution à Troyes, a pu lire ce qui suit Ipse Guielmus eram antiquo de sanguine Petrus, Cuius in hâc gelidâ gleba quiescit humo. Ut sacra pro moestis libavi mystica functis. Sic nostro blandas nomine funde prèces. N. . violetâ morte merentur M. . . . sacer ......... Obii ano Domini 1548. 5 mail mensis. En voici la traduction D'ancienne souche issu j'étais Guillaume Pierre, Je ne suis maintenant qu'une froide poussière. J'offris pour vos défunts mes prières, mes voeux Amis, priez pour moi, moi qui priai pour eux ! Décédé l'an du Seigneur 1549. 5 mai SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 449 Cette pierre est évidemment une pierre tumulaireSeulement, est-elle à sa place primitive ? C'est ce qu'il est impossible de dire au juste. L'église de Rigny vient d'être ornée récemment de deux tableaux donnés par M. Valton, propriétaire à Rigny. L'un représente la Vierge au raisin ; l'autre, sainte Catherine. Il existe chez M. Soyer, ancien notaire à Rigny, un vespéral manuscrit, sorte d'Ordo à l'usage des moines pour le jour de la Pentecôte. Ce petit livre, reste d'un plus grand, est orné de trois vignettes. La première représente la sainte Vierge assise, en invocation; autour d'elle sont groupés douze personnages en habits de moines, agenouillés, la tête couronnée de l'auréole céleste. Bien que la tête et le vêtement annoncent des moines, il est évident que ce sont les douze apôtres recevant les dons du SaintEsprit, représenté par une colombe planant audessus. L'appartement où ils sont renfermés forme un hémicycle éclairé par deux fenêtres à vitrail l'ozangé. Le cadre est formé de petits carrés mi-partie or et azur, orné d'arabesques du plus bel effet. La seconde vignette représente un pontife coiffé de la tiare ou triple couronne, bénissant une jeune femme agenouillée à ses pieds, et sur la tête de laquelle un ange vient poser une couronne. Le fond est tout or. Enfin, la troisième représente Suzanne au bain; au-dessus d'elle, dans une galerie flanquée de tourelles, machicoulis et meurtrières, apparaît un vieillard à l'oeil lubrique, au teint enflammé et le chef orné d'une couronne de comte. 450 ESSAI DE STATISTIQUE M. Delaune-Guyard, dont le goût et l'intelligence sont remarquables, s'est empressé de copier ce petit opuscule. Il a saisi avec bonheur les nuances d'or et d'azur qui ornent ce joli parchemin. Je recommande aux amateurs et le texte et la copie. Il possède aussi un bas-relief en bois sculpté, représentant l'Annonciation. Ce morceau est d'une très-belle exécution, et est l'ouvrage de Jacques MilIon, sculpteur, et de Jean Cousin, peintre, tous deux de Troyes. Il sort des greniers du château de Cérilly, ancienne propriété de la famille de Bérulles. Détails historiques. — Le plus ancien seigneur connu de Rigny est Adam, fils de Jacques, vicomte de Joigny. L'an 1261, sur le témoignage des chevaliers Robert de Cucherel et Gile de Brion, gardes du comté de Champagne, il est dit qu'Adam, fils de feu Jacques, autrefois vicomte de Joigny, voulant rétablir la paix qu'avait troublée un instant un débat entre lui et les lépreux des Deux-Eaux, au sujet d'un muid de mouture qu'il réclamait sur leurs moulins de Bercon, renonce à cette prétention ainsi qu'au droit de fief et de mouvance qu'il réclamait. Plus tard, la seigneurie de Rigny appartint à la maison de Plancy, et de celle-ci passa à celle de Chaumont par alliance. Le premier qui se trouve avoir porté le nom de Chaumont est Eudes, qui vivait au commencement du dixième siècle. Il fut le père de Rolande, femme de Herbert, seigneur de Serrenz-en-Vexin. Vers la fin du onzième siècle, un Chaumont Otmond épousa la fille de Nicolas, seigneur de Quitry. Cette famille était une des plus grandes de France. L'an 1119, on voit Guillaume, troisième SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 451 seigneur de Chaumont, qualifié de gendre du roi, gêner régis. Dreux de Mello, seigneur de Vitry-le-Croisé, mort au voyage de Hongrie, l'an 1396, épousa, le 11 octobre 1381, Jeanne de Plancy, fille de Jean de Plancy et de Jeanne de Sully. Jeanne de Mello, leur fille, dame de Rigny, épousa, le 16 juin 1408, Guillaume de Chaumont-en-Vexin, seigneur de Rigny par cette alliance, de Quitry, de Boissi-le-Bois, de Bois-Garnier, etc., conseiller et chambellan du roi Charles VI, qui le fit capitaine de cent hommes en 1413, et capitaine de Sens et d'Auxerre en 1417. Il s'était depuis attaché au parti du Dauphin, alors régent du royaume. Ce prince le fit maître-enquêteur et général réformateur des eaux et forêts de France, par lettres du 20 septembre 1418, et lui donna au mois de février de la même année le comté de Chaumont, dont il lui accorda de nouvelles lettres le 3 juin 1624. Lorsque ce prince fut parvenu à la couronne, il continua de le servir; il se trouva auprès de lui en 1428 au siége d'Orléans, à son sacre en 1629, et en plusieurs autres occasions jusqu'en 1439. Il mourut en 1445. Il eut pour enfants Charles, seigneur de Chaumont, mort au combat de Verneuil en 1423; Antoine, qui vint ensuite, et Jeanne de Chaumont, mariée à Jean de Chandes, seigneur de Vaux. Antoine de Chaument, seigneur de Quitry, de Rigny-le-Ferron, de Chassenai, etc., vivait en 1476. Il épousa Jeanne Martel, dame de Bacqueville et de Bellestre, fille de Jean dit Bureau,- seigneur de Bacqueville, et de Jeanne de Joui. Il eut pour enfants Julien, Guillaume, qui fut seigneur de Rigny, et Catherine de Chaumont. 452 ESSAI DE STATISTIQUE Guillaume de Chaumont, seigneur de Quitry et de Rigny-le-Ferron, épousa Marguerite d'Anglure, dame de Conantes, fille de Guillaume d'Angleterre et de Jeanne de Vergé. Il eut pour enfants Galas, seigneur de Rigny ; Jacques qui a fait la branche d'Esguilly et de Saint-Chéron ; Jacquelines, mariée à Jean de Balerne, seigneur de la Cueue en Brie ; Trislane, religieuse à Provins, et Bernard de Chaumont, seigneur de Conantes. Galas de Chaumont, seigneur de Rigny-le-Ferron et de Coursan, épousa Gauchère de Bruillart, et eut pour enfants Aymée, dame de Rigny-le-Ferron, mariée à Louis du Roux, seigneur de Chigy ; Jeanne, mariée à Claude de Ponville ; Paule, mariée à Arthur d'Assigny, seigneur du Fort, et Antoinette,religieuse à Provins. En 1559, la terre fut partagée en trois portions, en exécution d'une sentence du bailliage de Sens, du 24 mai 1550. On ne sait pas ce que devint le tiers dévolu à Jeanne, femme de Claude de Ponville. Le tiers de Paule de Chaumont, femme d'Arthur d'Assigny, vendu, en 1581, à Claude de Bérulles, revint à Juvénal du Roux, fils d'Aymée de Chaumont et de Louis du Roux, au moyen du retrait lignager qu'il exerce en 1583. Il possède par la suite les deux tiers, et, par acte du 11 février 1621, sa veuve, Françoise Levergeur, est indiquée comme dame pour la deuxième partie. En 1649, Amaubry de Chaumont, seigneur de Courmononcle, et y demeurant, l'un des héritiers de Juvénal du Roux, cède sa part dans la succession à François de Courtois, déjà seigneur de Rigny en partie, du chef de Françoise de Chambon sa femme, SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 453 petite-fille de Juvénal du Roux et de Françoise Levergeur. En 1667, Charles de Chambon, descendant encore de Juvénal du Roux, cède sa part à Hector De Sardents. A la mort de ce dernier, Alphonse De Sardents, son frère, hérite pour un quart, le 16 novembre 1675. Alphonse De Sardents vend à ses soeurs sa part dans la succession d'Hector De Sardents, leur frère. Il est probable que le tiers qui appartenait dans l'origine à Claude de Ponville était passé dans la famille de Bérulles. Une partie de la seigneurie de Rigny passe ensuite à François de Lorrain, seigneur d'Aubigny et de la Brochardière. Son fils, par acte du 5 mars 1707, vend à Pierre de Bérulles 200 arpents dans la Brosse, tenant à M. de Bérulles. Ce François de la Brochardière meurt le 14 août 1726, et est inhumé dans la chapelle NotreDame de l'église de Rigny. En 1753, on trouve encore un de Lorrain de la Brochardière d'Aubigny. Au moment de la Révolution, les Bérulles possédaient toute la seigneurie de Rigny. Outre les seigneurs dont je viens de parler, on voit encore figurer Marie de Primri ; Miles de Rignyle-Ferron, auquel succède Guillaume de Grancey, porté en aveu au duc de Bourgogne. Les barons de Villemaur y possédaient aussi un domaine de 10 arpents, dont partie était renfermée dans l'enceinte du bourg, et qui forme aujourd'hui une rue appelée rue Haute. Notes diverses.— Mardi, avant Sainte-Anne 1315, 454 ESSAI DE STATISTIQUE transaction entre Jehan de Plancy, duc de Rignyle-Ferron, chevalier, Jouhanne de Saint-Varlsins, dame de Rigny, sa femme, du chef de cette dernière, et religieuses personnes l'abbé et le couvent de Valluysant de l'ordre de Cîteaux, sur des droits de pâturage, passage dans les bois de Bocy et de Bouloy. Jehan de la Granche, clerc maître-juré. — Mercredi, avant la Saint-Clément, 1315, autre transaction entre les mêmes. — 1522, 26 novembre Gronvelle, Tabellion, juré en sa prévôté de Rigny, Pierre Lehongre, licencié ès-lois, Bailly de Rigny, vente par monseigneur Galas de Chaumont, écuyer, seigneur de Rigny et de Plancy en Brie, à Antoine , musnier demeurant audit Rigny, d'une place où il y a un saut à eau pour faire et construire un moulin à bled assis au finage dudit Rigny, lieu dit le Clos-Genestron, d'un long aux prez du seigneur, d'autre au chemin, tendant de Rigny à Flacy, d'un bout aux hoirs Simon, d'autre à Antoine Prieur. — 1529,31 mai. Arpentage entre Galas de Chaumont et Lucas Grepillard et Nicolas Jeannelon, procureurs des manants et habitants de Rigny, et avec eux Guillaume Batard de Chaumont, écuyer, Gabriel Salmon, syndic de Rigny et 156 autres habitants nommés, des Bois de Bouloy, de Chauffour et de Bossis. — 1537, 21 juin. Transaction entre le même seigneur et les habitants, par laquelle les habitants cèdent au seigneur cent arpents de bois dans Bossis, et le seigneur, à son tour, aux habitants, les pièces de bois appelées les usages de Chauffour et de Bouloy. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 455 — 1588, le mardi 13 décembre. Baptême de demoiselle du Roux. — " Misères du temps d'Huy » et grandes crues de rivières de Marne et Seyne. » — 1581,vendredi, lendemain de Saint-Peregorin, les troupes d'un sieur Vaubergent, composées de Français lansquenets et Albanais, furent repoussées parles habitants de Rigny. A la défense de l'escalade, Jean Breton fut blessé d'un coup de pierre, Symphorien Pigeon d'un coup d'arquebuse, dont il mourut le lendemain. — 1588. Cet an furent occis maints reitres, les» quels étaient venus avec grandes armées en » France pour aboulir la foi chrestienne et catho» lique, et furent défaits par monseigneur de *** et » ses soldats. » L'an auquel durant Dieu moissonna, c'est-à » dire que d'avant Noël il semblait au monde qu'on » mourait de faim à Pasques suivantes ; mais le bon » Dieu y mit la main par sa grâce laquelle il voulut » donner à tous fidèles chrétiens. » — 1637, séjour à Rigny d'une compagnie du marquis de Praslin. — Même année, 14 août, vendredy, le cimetière est retouché par Joly, curé de Rigny, Benoît, curé » de Céant-en-Othe, Pastoreau, curé de Cérilly, le» quel cimetière avait été pollué par le corps d'un » soldat guelphe de la compagnie de M. de Praslin, » qu'on y avait inhumé par force et par violence. » — 1653, 15 janvier. Tonnerre, grêle, éclair. — 1667, 17 avril, le feu prit à la halle, dura » 5 jours, brûla 80 maisons du faubourg à la halle, et 456 ESSAI DE STATISTIQUE » fut enlevé à deux lieues. Ce désastre avait réduit » les habitants incendiés à l'impuissance de satisfaire » à ses charges. Le roy les déchargea de la taillé » qu'ils devaient pour l'année et modéra pour 10 ans » la paroisse à 1,000 fr. chaque année, durant les» quelles les habitants ne furent imposés qu'à » 5 sols par cote pour raison des biens qu'ils possé» daient. » — 1686. Vente par la veuve Martin Aubert, demeurant à Rigny-le-Ferron, et par Martin Aubert, potier d'étain à Troyes, à Messire Jacques de Bérulles, chevalier, conseiller du roy en ses conseils, seigneur et vicomte de la terre et seigneurie de Céant-en-Othe, Cérilly, Viel-Verger, Rigny-le-Ferron, en partie d'une maison sise en l'enclos dudit Rigny, sur la rue Neuve, appelée vulgairement la Maison des Grues, tenant d'un long à la rue du Sacq, d'autre à George Thierry, d'un bout à la rue Neuve, d'autre aux Murailles et Fossés dudit Rigny. Viot, notaire au bailliage, pairie et vicomté de Céant-en-Othe. Cette maison existe encore, et est remarquable par sa construction et les ornements qui décorent l'intérieur des appartements. — Milieu du dix-septième siècle. Etat des revenus de la terre et seigneurie de Rigny en ce qui appartient à Françoise de Chambon pour son tiers. Françoise de Chambon descendait de Juvénal du Roux, et avait épousé François de Courtois. Le bichet de froment estimé. . . 30 sols. — d'avoine 10 sols. Les chapons, la pièce. . . . . .16 sols. Les terres, 55 sols de loyer l'arpent. Le moulin, SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 457 non-compris le franc-moulu de la maison de ladite dame, les prez 36 et 40 livres l'arpent. Les droits de justice, défauts, amendes et le mesurage, 124 livres; le four banal, 200 livres. Le droit de Saint-Remy, un bichet d'avoine et une poule par feu. Les lods et rentes, 100 livres. 40 arpents dans la Brosse ; pour chaque coupe de 4 arpents, 100 livres. Le droit de langue, 12 livres. La moitié du pré Lamothe et la roise,20 livres 16 sols. Le foulon des Saules, affermé 110 livres. La maison seigneuriale, jardins, clos, colombier, 130 livres. Le droit de chasse — 1702. Mort, à Sens, de Angélique Liesse de Coursois, femme d'Aubigny, inhumée dans l'église de Rigny. — 1720. Un abîme s'est fait par les grandes eaux sur le chemin d'Aix; Jean Pierret y est mort. — 1725. Le clocher de Rigny est tombé. — 1733. Séjour à Rigny d'une compagnie de cavalerie au régiment de Gesvre. — 1749. Fief et seigneurie de la Mothe à Rigny. — 1784. Séjour à Rigny d'une compagnie du Prévôt général des monnaies de France. — 1796, 17 septembre. Edme-Pierre Salmon est assassiné d'un coup de fusil par Delcourt, garde, à la pointe de l'Epinote. — 1737. Rigny fut environné de murailles et de fossés. Galas de Chaumont en obtint la permission 458 ESSAI DE STATISTIQUE du roi pour se défendre contre les bandes qui ravageaient alors le royaume. L'ancien château, à en juger par les restes, devait être très-important. Le manoir, proprement dit, n'existe plus. Il ne reste plus que trois tourelles ; ces trois tours sont liées entre elles par des bâtiments d'exploitation rurale. On voit encore parfaitement la trace des fossés. Dans l'une des tourelles, on voit la date de 1666. Une autre, suivant la tradition, devait servir de prison. Les murs ont au, moins 90 centimètres d'épaisseur, et le verrou qui en ferme encore la porte est énorme. , On voit quelques noms gravés sur la muraille, entre autres, Vitré, dragon du roi, Bourguignon, La Force, etc. On pense que ces noms sont ceux de quelques prisonniers. Je dois tous les renseignements sur Rigny à M. Delaune-Guyard, négociant à Rigny, dont le zèle a été infatigable, et à M. Salmon, juge de paix à Ervy, natif de Rigny, qui a bien voulu compulser les archives et me communiquer une foule de notes intéressantes. Je profite de cette occasion pour les remercier. § X. — Bérulles. Le village est situé dans un vallon qui va rejoindre la vallée près de Vulaines, après avoir passé par Rigny-le-Ferron, sur un sol de craie recouvert de détritus. Très-peu de grès sauvage. Sur le plateau, SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 459 terrain d'argile et de sables tertiaires bien caractérisés. Ils se montrent immédiatement à la surface ou sous le dépôt de terre rouge avec silex. Puits de 7 à 10 mètres dans les parties basses, et de 25 à 70 mètres dans les points les plus élevés. Ceux-ci pénètrent presque de suite dans la craie ; les autres traversent, avant de la rencontrer, une couche assez épaisse de terre jaune caillouteuse. Une source forme un ruisseau qui se perd après un court trajet. Il n'y a que trois puits dans les hameaux un aux Chalois, un au Bois-le Roi, et un à la Petite-Jaronnée. Partout ailleurs on se sert de l'eau de citerne pour les besoins du ménage. Deux sablonnières au sud-sud-ouest, l'une à l'entrée du bois, l'autre dans le bois même, au sommet occidental d'un triangle formé par trois chemins. On y trouve un sable pur vivement coloré en rouge dans sa partie supérieure, et blanc ou verdâtre en dessous. On ne voit pas de silex dans cette partie du plateau. Bon sol autour du village. Les côtes présentent un terrain maigre que l'on rend propre à la culture du froment par le moyen des prairies artificielles. Peu de terres blanches. La terre du plateau est tantôt rouge et ferrugineuse, et tantôt sableuse ou argileuse. Souvent elle retient l'eau et devient ce qu'on appelle froide. Elle porte des bois médiocres et des vergers d'arbres à cidre. Un monceau de scories noires et ferrugineuses existe entre Bérulles et le hameau de Berluviers, et fait croire à l'existence de forges dans les temps anciens. On en trouve également dans les bois communaux. Altitude du sol, près de l'église, 160 mètres audessus du niveau de la mer. T. XXII. 31 460 ESSAI DE STATISTIQUE La commune de Bérulles se divise en 14 parties Maisons. Ménages. Individus. Bérulles... ..... 90 111 374 Le Fort-Jacquet .. . 21 23 84 Les Langots 8 9 29 Berluviers ...... 18 21 58 Quincarlets. ..... 10 13 47 LesChalois 13 13 40 Le Bois-le-Roi . . . 28 34 100 La Petite-Jarronée . . 5 6 21 Les Dupins 7 8 24 Les Fermes 4 5 14 Le Champ-Marin. . . 4 4 15 Pierre-Frite 2 2 11 Prétotin 1 2 10 Longue-Perte .... 1 1 4 212 252 831 La population était, en 1852, de 896, diminution de 65. Les habitants attribuent cet abaissement de la population à l'émigration d'une douzaine de familles' depuis cinq ans. La commune de Bérulles est la seule du canton qui possède un enfant du même âge que le Prince Impérial, et qui ait été baptisé sous le patronage de Leurs Majestés. II s'appelle Victor-Cyprien Thierry. 192 hommes mariés ; 204 garçons ; 18 hommes veufs; 191 femmes mariées; 188 filles; 38 femmes veuves. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 46l Les actes de l'état civil datent de 1700. Naissances. Mariages. Décès. De 1813 à 1823. . . 242 53 255 De 1823 à 1833. . . 222 81 201 De 1833 à 1843. . . 236 89 176 De 1843 à 1853. . . 216 80 176 Bérulles est à 40 kilomètres de Troyes, 10 kilomètres d'Aix, 4 kilomètres de Rigny-le-Ferron. Le chef-lieu est situé au fond du vallon, entouré de coteaux assez escarpés. II est bien construit et forme un parallélogramme dans l'enceinte des anciens fossés. En dehors de ces fossés, le long du chemin de grande communication n° 4, s'allonge une partie du village désignée sous le nom de Faubourg-d'en-Bas. Ce chemin forme la rue principale. Les maisons y sont bâties en silex, craie et briques. La plus grande partie y est couverte en tuiles. Sur la place, près de l'église, on voit quelques maisons de belle apparence. Près de la halle était la maison de justice. Elle a disparu. On compte quatre chemins vicinaux seulement 1° des Bois-le-Roi à Aix, 2° de Bérulles au Fournaudin, 3° de Bérulles à Coulours, 4° de Bérulles à Saint-Mards. Il y a, en outre, des chemins particuliers conduisant des hameaux au chef-lieu. Tous ces chemins sont entretenus avec du silex, au moyen de prestations en nature. Tout près de l'église est la halle reconstruite en 1844. Elle est en bois et couverte en tuiles. Autrefois, Bérulles possédait un marché le lundi, et quatre foires la première tombait le 20 janvier; la deuxième, le lundi-saint ; la troisième, le 27 juin; 462 ESSAI DE STATISTIQUE la quatrième, le 19 octobre. Celles du lundi-saint et du 19 octobre seules subsistent. Elles sont, du reste, assez peu importantes. Celle du mois d'octobre, pourtant, a quelque renommée, surtout pour la vente du bétail blanc. Le marché n'existe plus. Le petit commerce est assez bien représenté. Il y a un marchand d'épicerie et de rouennerie dont le magasin peut rivaliser avec ceux de beaucoup de petites villes ; un boulanger, un boucher, un marchand de grain, un marchand de chevaux, un marchand de plâtre. Trois tuileries deux près du hameau des Dupins, à l'est; l'autre au Bois-le-Roi, au nord-est. Celle-ci présente une argile sablonneuse, assez grossière, traversée par des masses et des veines d'une terre contenant du silex. II y avait aussi, il y a quelque temps, une fabrique de poterie grossière. On compte dix pressoirs pour le vin et le cidre. Le vin blanc de Bérulles a de la réputation. La bonneterie compte une cinquantaine de métiers. il y avait aussi deux moulins à vent, l'un entre le Bois-le-Roy et les Dupins, l'autre au-dessus du Fort-Jacquet. Ils n'existent plus. La commune est desservie parles moulins de Saint-Benoît-sur-Vannes, de Gerbeau et de Rigny-le-Ferron. La municipalité se compose de douze membres, y compris le maire et l'adjoint; la commune possède deux pompes desservies par 36 pompiers. Il y a un garde-champêtre et un garde-forestier. SUR LE CANTON DAIX-EN-OTHE. 463 Il y a deux écoles laïques l'une pour les garçons ; l'autre pour les filles, dirigée par une institutrice. L'instituteur est logé aux frais de la commune, dans un bâtiment appartenant autrefois à M. de Bérulles; l'institutrice est à loyer. Le presbytère, assez vaste, est près de l'église. Le curé dessert le Fournaudin Yonne. La superficie totale du territoire de Bérulles est de 1,649 hectares. Le revenu cadastral s'élève à 10,848 francs 66 c. On fait 1,109 hectares de terres labourables. On compte pour l'exploitation de ces terres 40 laboureurs, 100 chevaux, 200 vaches, 1,600 moutons et brebis partagés en 16 troupeaux. Le commune possède 221 hectares de bois communaux. Un jugement arbitral, du 24 ventôse an II, la mit en possession d'une partie de ces bois, qui avait été usurpée par les seigneurs. La coupe annuelle de ces bois est de 5 hectares. Chaque part affouagère vaut à peu près 20 francs. Contributions Impôt foncier 4,384'35° Personnelle et mobilière. 1,605 59 Portes et fenêtres. .... 706 92 Patentes 642 38 Total. 7,339f24c Eglise. — L'église de Bérulles est classée parmi les monuments historiques du départenent de l'Aube. C'est, en effet, un édifice digne de l'attention des amateurs; le développement du vaisseau, la légèreté des piliers, l'élégante courbure de la voûle, la ri- 464 ESSAI DE STATISTIQUE chesse de coloris des vitraux, la taille hardie et élancée de la tour, tout enfin mérite d'être signalé. Cinq fenêtres du style flamboyant, avec meneaux en pierre, éclairent, l'abside. Le premier vitrail à gauche représente la naissance de la Vierge, il est composé de six panneaux ; le 2e, les mystères de l'Annonciation, six panneaux ; le 3e au fond de l'abside, les mystères de la Passion, neuf panneaux et deux meneaux ; le 4e, la Descente de Croix, la Résurrection et les diverses apparitions du Christ. La 5e fenêtre est aux deux tiers rebouchée; la partie éclairée ne conserve qu'un reste de vitrail mutilé, La 2e fenêtre du latéral à droite représente la généalogie de la Vierge. La partie supérieure de quelques-uns de ces vitraux reproduit l'écusson aux armes de la famille de Bérulles, ce qui fait croire que les seigneurs de cette maison ont contribué en tout ou en partie à l'érection de cette église, et alors l'époque de sa fondation pourrait être fixée à la moitié du seizième siècle. La cuve baptismale en pierre de lézinne est assez remarquable elle est de forme hexagonale; sur chaque face on voit des figures en relief. La première face représente le Baptême de Jésus-Christ ; la deuxième, le massacre des Innocents; la troisième, le Saint-Esprit descendant sur les apôtres ; la quatrième, le baptême d'un néophite; la cinquième, celte légende Qui crediderit et baptisalus fuerit salvus eril McVL; la sixième, un ange soutenant une piscine, avec une inscription en lettres gothiques. On entre dans l'église par un portail abrité par un porche en bois. On y descend par quatre mar- SUR LE CANTON DAIX-EN-OTHE. 465 ches. La porte est à deux ventaux séparés par une colonne de pierre de forme cylindrique surmontée d'une niche vide de sa statue. Au-dessus est un bandeau orné de figures et de fleurs en relief. Dans le plein-cintre sont deux chapeaux de cardinal. Du portail on descend dans l'église par un perron de six marches assez délabrées. Le clocher a 57 mètres d'élévation. Il renferme quatre cloches, dont trois datent de 1545. Sur l'une d'elles on voit cette inscription Vox Domini vox mea cunclorum sil terror Demoniorum. Le patron de l'église est Notre-Dame de septembre. Les jeunes gens célèbrent la Saint-Eloi du 25 juin. Pourquoi cette dissidence avec tous les jeunes gens de la chrétienté qui ont choisi pour patron saint Nicolas? On prétend qu'autrefois saint Eloi était le seul saint dont on fit la fête. Lors de l'érection de l'église, on déposséda saint Eloi de son titre de patron pour le donner à la Sain le-Vierge. La jeunesse d'alors, mécontente de ce changement, et pensant que saint Eloi n'avait pas démérité, jura de le conserver, ce qui fut fait, sans préjudice toutefois des hommages dus à la mère du Sauveur. La fête du 25 juin est toujours dignement célébrée. Indépendamment de ces deux fêtes, il en existe encore une plus célèbre c'est la fête de Sainte-Reinedes-Bois, qui se fait le jour de la Trinité. A quinze cents mètres de Bérulles, au milieu des bois communaux, sur la montagne, à l'ouest, est une chapelle dédiée à sainte Reine d'Alizé. C'est là que se rendaient des milliers de pélerins de tous âges et de toutes conditions, de plusieurs lieues à la ronde. On ne voulait pas mourir sans 466 ESSAI DE STATISTIQUE avoir fait, une fois dans sa vie, le pélerinage de sainte Reine. C'est qu'à sainte Reine on croyait un grand crédit auprès de Dieu. Les malades, les boiteux, les paralytiques s'y faisaient transporter en grande dévotion. On buvait de l'eau de la fontaine, et on en emportait bien précieusement chez soi, non sans avoir préalablement déposé son humble offrande dans le tronc. Mais à tous les voyageurs venus de loin, il fallait un abri quelconque, un lieu de repos ; les besoins de l'âme satisfaits, il fallait un peu songer aux besoins du corps. Alors s'élevaient comme par enchantement une quarantaine de tentes; les tables se couvraient de vivres, et puis, comme corollaire obligé et permis, des danses, comme en faisaient nos bons aïeux, s'improvisaient en plein soleil sous les yeux des grands parents, et au coucher du soleil, on rentrait chez soi le coeur gai et content, non sans emporter à son chapeau ou à son corset le bouquet de papier béni, preuve matérielle et certaine du pélerinage à Sainte-Reine. Cela se passait ainsi il y a quelque soixantaine d'années. Il n'en est plus de même, hélas! aujourd'hui. On va bien encore à Sainte-Reine, mais le nombre de pélerins est bien amoindri, la foi est bien moins vive, on n'arrive que bien tard dans l'après-midi, pour s'en aller plus tard encore; on ne rapporte plus ou que très-peu de bouquets bénis ; on fait un repas fort cher dans deux ou trois guinguettes qui ont remplacé les tentes hospitalières de nos aïeux, et puis l'on s'en va prosaïquement en disant triste fête, cette année! sans songer que c'est nous-mêmes qui gâtons cette fête par le manque de foi et les idées profanes que nous y apportons ! Pour ces fêtes, SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 467 toutes de coeur, nous sommes loin de nos pères. Je n'ai pu recueillir de renseignements sur la fondation de celte chapelle. Il y a bien une légende, mais une légende n'est pas toujours de l'histoire. On dit qu'un seigneur de Céant-en-Othe, partant pour la croisade, aurait fait voeu, s'il revenait sain et sauf, de construire une chapelle à sainte Reine d'Alizé, pour laquelle il professait une dévotion particulière. D'autres disent que c'est la femme du seigneur qui fit le voeu. Quoiqu'il en soit, la chapelle fut érigée, mais dans des proportions bien exiguës et bien mesquines, à moins que la chapelle primitive n'ait disparu ruinée par le temps; ce qui est probable, car la construction actuelle paraît appartenir au commencement du dix-huitième siècle. Le campanile qui couronne cet édifice possédait une cloche qui fut soustraite il y a quelques années, sans qu'il ait été possible de retrouver la trace des auteurs du vol. Détails historiques. — La commune de Bérulles portait autrefois le nom de Céant ou Séant-en-Othe. Elle quitta ce nom lorsqu'elle devint la propriété des seigneurs de Bérulles, vers le milieu du seizième siècle. Néanmoins, le nom de Séant, par corruption Siant, ne put s'oublier entièrement, puisqu'aujourd'hui même on lui donne encore cette dernière dénomination. Le plus ancien seigneur connu de Séant-en-Othe est Mainard, seigneur de Tury, qu'on voit, en 1153, donner à l'abbaye de Dilo tous les alleux qu'il possède sur le territoire de Séant, et ce, pour le repos » de l'âme de son épouse. » En 1252, cette terre appartenait à Jeanne de 468 ESSAI DE STATISTIQUE Brienne, mariée à Mathieu, troisième du nom, sire de Montmorency. On lit dans l'Almanach historique de Sens, 1784 Bérulles était une petite ville composée de deux » paroisses Bérulles et Boeurs, entourée de murs » et de fossés, flanquée de bastions et en état de » soutenir un siège. Elle fut prise d'assaut par les » calvinistes, comme on le voit dans un vieux ma» nuscrit qui a pour titre Histoire de Champagne ; » lesquels, après l'avoir pillée et y avoir mis tout à » contribution, se saisirent du procureur fiscal et » l'attachèrent à un poteau au milieu de la place » publique, où ils lui firent souffrir les plus horribles » tourments et le percèrent de leurs lances. Peu sa» tisfaits de cette cruelle opération, ils le délièrent » du poteau pour le conduire, tout couvert de son » sang et prêt à expirer, par les rues de la ville. Ils » le descendirent ensuite dans un puits, et enfin, pour » mettre le comble à leur cruauté, ils l'en retirèrent; » et lui ayant coupé la tête, ils l'exposèrent au haut » de la porte appelée de Rigny. » Il est rapporté dans le même manuscrit Que les habitants de Saint-Pregs-les-Sens vinrent » avec les habilants de Coulours au secours de ladite » ville, et qu'ils en chassèrent les calvinistes. Depuis >> ce temps, cette petite ville est réduite en bourg, » dont la paroisse est fort étendue et très-considé» rable, comprenant au moins trente hameaux; » Boeurs en est la succursale. Séant appartenait au » roi, ainsi que les villes de Saint-Florentin, Danne» moine. Suivant le procès verbal de la coutance de » Troyes, la justice s'y exerçait au nom du roi. >> Ces villes ont été aliénées avec toute la forêt SUR LE CANTON DAIX-EN-OTHE. 469 » d'Othe au duc de Nevers, en faveur de son mariage avec Jeanne de Bourbon. » Après cette aliénation, la justice ne se rendit plus qu'au nom du duc de Nevers, et ensuite au nom des seigneurs sous le nom de Pairie. Les sentences relevaient nuement au Parlement, conformément à plusieurs règlements entre les seigneurs et MM. des Bailliages de Troyes et de Sens. Jeanne de Bourbon, duchesse de Nevers, vendit la terre de Séant environ l'an 1552 à M. Galas de Bérulles, dont la famille l'a toujours possédée depuis. Me Pierre de Bérulles, premier président du Parlement de Grenoble, a fait ériger une partie de ses terres en marquisat. On lit aussi dans les coutumes du Bailliage de Troyes, par L. Legrand En ladite chatellenie de Séant en-Othe, y a bailli » et prévôt, et hors le bourg dudit Séant est l'église >> paroissiale, de laquelle prévôté et paroisse sont les » hameaux de Beurlenie et Pierrefitte, Fourracque et » Bois-le-Roy ; du ressort duquel bailliage y a vil» lage ou hameau de Burs, auquel y a prévôt et une » église appelée Saint-Nicolas, qui est du bailliage » de Sens. Combien qu'elle paie taille au roy avec » les habitants dudit Séant-en-Othe, et soulait ledit » Burs être de la paroisse dudit Séant-en-Othe, sinon » depuis six ans que ledit curé de Burs y a fait faire » fonds et cimetière, et est de présent paroisse dont » l'on rend 700, de laquelle prévôté de Burs sont » les hameaux de la Jaronée, la Revenue, la Grand» Vallée, la Vallée-des-Corbeaux étant dudit bail» liage de Sens, les bourgs de Fournaudin et Viels» Vergers qui étaient naguère de ladite paroisse de 470 ESSAI DE STATISTIQUE » Séant-en-Othe, et néanmoins ils vont à présent à » Seillery ouïr la messe et où il leur plaît, et sont » dudit bailliage de Sens. Combien qu'ils soient de » la taille du roy audit Séant-en-Othe, » Il n'y a jamais eu, que l'on sache, de château à Bérulles. Les seigneurs habitaient ordinairement Cérilly, à 4 kilomètres de Bérulles. Le château de Cérilly appartenait encore, l'an dernier, à la famille de Bérulles. Il vient d'être vendu. Liste chronologique des Maires de Bérulles. 1792, 1er novembre. Gillet Louis-Firmin. 1792, 3 décembre. Savinien, ancien curé, officier officier 1793, 2 juin. Mauger Jacques. 1793, 2 juillet. Froment Ambroise. An IV, 30 frimaire. Lagoguey Alexis-Honoré Alexis-Honoré An VI, 6 germinal. Froment François. An VI, 8 messidor. Gillet Louis-Firmin. An VII, 15 nivôse. Froment François. An XIII, 3 thermidor. Vié Pierre. 1806, 22 juin. Hattot Louis, 25 ans. 1831, 16 novembre. Girouy Pierre. 1835, 14 janvier. Boudrot Georges. 1839, 2 février. Fandard Etienne-Michel. Etienne-Michel. 1840, 2 juillet. Aubrat Jean-Charles. 1843, 14 août. Fandard Zacharie,maire actuel. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 471 QUATRIÈME PARTIE. APPENDICE. § Ier. — Moeurs et Coutumes. On peut diviser la population du canton d'Aixen-Othe en deux catégories la population agricole et la population industrielle. Chacune d'elles a une physionomie à part. Les nuances sont si marquées, qu'il est impossible de s'y méprendre; elles sont saisissables, surtout quand on examine les tableaux de révision pour le contingent de l'armée. Les communes où le travail des champs et des bois domine fournissent des hommes de première force, vigoureux et bien constitués. Les pays de bonneterie, au contraire, que des hommes de petite taille, malingres, chétifs, pâles en général. Cet état, bien caractérisé, tient évidemment à la nature des occupations de chaque classe. Le genre de travail exerce sur le moral une trèsgrande influence. L'homme des champs, fatigué, harassé par le travail, aspire après le reposa la fin de chaque journée; ses sens sont nécessairement 472 ESSAI DE STATISTIQUE plus calmes, ses appétits sensuels ont moins d'activité. L'ouvrier bonnetier, au contraire, voué par sa position à une vie plus sédentaire, recherche avidement tous les stimulents qui peuvent apporter une modification à sa manière d'être. Son imagination plus vive, alimentée trop souvent par des lectures plus que légères, le poussera quelquefois dans le désordre. Mais ce sera chez lui aussi que vous trouverez le musicien, l'artiste, l'homme au dévoûment spontané. Il n'est guère possible que, dans un pays boisé comme l'est le canton d'Aix, il ne s'y soit pas contracté des hahitudes de braconnage et de maraudage. Les occasions sont trop fréquentes, le travail dans les bois trop incessant, pour que ce défaut n'ait pas laissé quelque empreinte dans une certaine partie de la population. Disons bien vite que le nombre des délits diminue tous les jours. Envisagée sous le point de vue religieux, la population du canton d'Aix ne peut être, à proprement parler, taxée d'impiété. Sans suivre d'une manière régulière les pratiques du Culte, elle ne néglige aucun des principaux actes de la religion. Il n'y a pas d'exemple qu'on ait laissé un enfant s'avancer dans la vie sans avoir reçu le baptême ; dès l'âge de sept à huit ans, on l'envoie à l'église pour y recevoir l'instruction religieuse jusqu'à ce que son curé l'ait jugé digne de faire sa première communion. On paraît même attacher une grande importance à cet acte; l'enfant, lui-même, ne se croit grand qu'après l'avoir accompli. Enfin, au moment suprême, il ne refusera SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 473 pas l'assistance du prêtre. L'habitant de la contrée d'Othe a donc des principes religieux. Si nous l'examinons dans sa vie privée, nous le voyons généralement bon père, époux soigneux, économe sans être ennemi des distractions permises. Là femme, bonne ménagère, aidera son mari dans son travail, sans pour cela négliger ses enfants. Si c'est un bonnetier, elle remplacera son mari pendant le repas; ses filles sauront coudre, dévider le coton, la laine. Si c'est un bûcheron, elle accompagnera son mari au bois pour ne le quitter que quelques instants avant la nuit, pour venir préparer le repas du soir. La femme du cultivateur, elle, trouve ses occupations autour d'elle; la basse-cour, les bestiaux lui suffisent. Parfois, on la verra chausser le brodequin et piétiner les guérets au moment de la semaille. L'aisance règne généralement dans le canton; mais une chose digne de remarque, c'est que le luxe existe en raison inverse de la position financière de chaque catégorie. La population industrielle, chez les femmes surtout, sacrifie bien plus à la mode que la classe des agriculteurs. Cela se comprend, du reste, les habitudes sédentaires du fabricant de bonneterie permettent une certaine propreté extérieure qui n'est pas toujours compatible avec les travaux agricoles et le traitement journalier des bestiaux. On remarque aussi de notables améliorations dans la nourriture. On mange beaucoup plus de viande de boucherie qu'autrefois. Dans toutes les communes un peu populeuses, il y a un boucher, un boulanger; 474 ESSAI DE STATISTIQUE et celles qui n'en ont pas sont, toutes les semaines, approvisionnées de pain blanc et de viande. Tous les cultivateurs élèvent plusieurs porcs, et leur cave est toujours fournie de vin ou de cidre. Le pain, par exemple, n'est pas de première qualité. Le cultivateur ne mange que le grain qu'il ne peut pas vendre au marché. Le fabricant de bonneterie, au contraire, vit de pain blanc; mais sa boisson habituelle est l'eau, quelquefois du cidre, quand le prix n'en est pas trop élevé. Le langage, les coutumes, les usages n'ont point de cachet spécial dans le canton. Il n'y a pas de patois proprement dit. Certes, la langue française n'y est pas parlée dans toute sa pureté; le vocabulaire troyen de Grosley servirait encore, et ses craintes n'étaient pas fondées lorsqu'il paraissait appréhender que le dialecte de son pays ne disparût, absorbé par le langage épuré de la civilisation. On signale encore quelques préjugés; la superstition a encore quelques prosélytes on redoutera la rencontre d'une pie, on ne commencera pas un travail important le vendredi, le cri d'un hibou, d'une chouette donne encore le frisson; on trouve encore quelques vieilles femmes qui prétendront vous guérir de la maille, d'une entorse, en marmottant quelques prières qu'elles ne comprennent pas certainement. Mais tout cela s'en va, et la génération actuelle n'aura aucun de tous ces travers-là . SUR LE CANTON DAIX-EN-OTHE. 475 § 11. — Biographie. Je finis ce travail si long, quoique encore incomplet, en donnant quelques notices biographiques des personnages appartenant au canton. HERVÉE, né à Courmorin, aujourd'hui Saint-Benoît-sur-Vannes, chanoine, chantre, grand-archidiacre, puis enfin évêque de Troyes en 1206. Son mérite seul l'éleva à cette haute dignité, car il n'appartenait pas à une famille riche, si l'on en juge par son épitaphe, conservée par Courtalon Proesul Trecensis, priùs aulem Parisiensis Verbi divini doctor, de Curie Morini Paupere gente satus, jacet Herveus hic tumulatus, etc. On a découvert son tombeau, il y a peu d'années, dans une des chapelles de la cathédrale de Troyes. Ce saint évêque travailla à la construction de l'église cathédrale de Troyes, et en fut le premier fondateur. PIERRE Antoine, 2e du nom, 33e abbé de Vauluisant, né à Rigny-le-Ferron, succéda à Jean Hannoteau, son parent, le 20 septembre 1502. Il était fils de Jean Pierre, marchand à Rigny. Philibert Pierre, son frère, était alors prieur de Vauluisant. Antoine se livra tout entier à l'administration de son abbaye; il s'occupa beaucoup des réparations et des embellissements de son église. Son chiffre se voyait au portail du nord et sur les stalles du choeur, il était formé des lettres initiales de son nom F A P frère Antoine Pierre ; ces lettres, entreT. entreT. 32 476 ESSAI DE STATISTIQUE lacées dans le cordon de sa croix pectorale, sont d'or au champ d'azur. C'est de son temps que furent construits l'ancien maître-autel, l'ancien cloître et la bibliothèque. Ses soins ne se bornèrent pas à l'intérieur ; la plupart des fermes de l'abbaye, bâties par ses ordres et à ses frais, déposent de son désintéressement et de son zèle. Nous le voyons à Courgenay s'occuper de soins plus intéressants. Son intention était de faire ériger ce bourg en ville. Le roi François Ier, dont il avait mérité la faveur, lui avait accordé pour cela des lettres-patentes; il entoura la ville de murs et de fossés profonds; dans son active impulsion, les rues s'alignèrent, et Courgenay prit un aspect nouveau. En 1516, il défendit courageusement les privilèges de son ordre pour l'exemption de la juridiction de l'archevêque de Sens, qui était alors Tristan de Salazor. 11 reçut plusieurs fois la visite de François 1er, et obtint de ce prince une garde-gardienne. Nous passons sur ces détails pour nous occuper d'un monument dans lequel figure l'abbé Pierre, et qui mérité davantage l'attention de nos lecteurs. C'est une sépulture de Notre Seigneur, ouvrage de Gentil et de Dominique. Les huit personnages, dont six étaient tirés du même bloc de pierre, sont à peu près de grandeur naturelle; l'abbé Pierre y est représenté sous la figure de Nicodême. La mère de l'abbé y est représentée à genoux avec son chapelet. Ce groupe est maintenant dans l'église de Villeneuvel'Archevêque. Le cardinal de Châtillon, désirant réunir l'abbaye de Vauluisant à ses autres bénéfices, fit proposer à l'abbé Pierre de la lui résigner. Le bon père, que SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 477 trente années de travaux ne faisaient qu'attacher de plus en plus à son monastère, montrait pour cela beaucoup de répugnance. Le cardinal ne se rebuta point. Après l'avoir nommé son grand-vicaire, il lui fit donner, par l'archevêque de Sens, le prieuré-cure de Notre-Dame-de-Courtois ; il lui offrit de plus une grosse pension sur l'abbaye de Vauluisant, le vicariat perpétuel et inamovible de cette maison, et un évêché in parlibus. Ebloui par des propositions si avantageuses, l'abbé donna sa démission et accepta la pension, qui consistait en la jouissance du château, des terres, seigneuries et appartenances de Courgenay, et de toutes les fermes qui sont autour de Vauluisant, comme Pouy, Bernières, Armentières, etc. Clément VII lui accorda la bulle de l'évêché de Sydon, et le nomma supérieur de l'abbaye de Vauluisant en 1534. Dom Pierre obtint du pape un bref qui lui permit d'exercer ses fonctions à Sens et dans le diocèse. Il vécut encore quinze ans après son abdication, et mourut accablé de vieillesse le 15 février 1549. DE VIENNE Bernard, seigneur de Saint-Benoît-surVannes et de Soligny-les-Etangs, est né en 1574. Il n'avait que vingt-deux ans lorsque Henri IV l'admit au nombre des gentilshommes de la chambre. A vingt-quatre ans il fut pourvu de la charge d'écuyer de la Grande-Ecurie, et à trente ans, de celle de capitaine-enseigne des gardes-du-corps de Sa Majesté. Sa brillante conduite lui procura la lieutenance de l'artillerie en Bresse, et son courage le fit nommer par le roi lieutenant en la citadelle de la ville de Bourg, à laquelle il rendit tant de témoi- 478 ESSAI DE STATISTIQUE gnages de valeur et de fidélité, qu'après avoir été honoré des charges de bailly de Bresse et d'aide général de camp des armées de France, et commandé des troupes en qualité de général jusqu'à l'âge de soixante ans, Louis XIII, pour le récompenser, lui donna les provisions de gouverneur de la ville de Bourg, où il mourut le 3 mai 1634. Il fut enterré dans l'église de Soligny, où l'on voit encore son tombeau. Le cardinal DE BÉRULLES Pierre, né à Cérilly, près de Rigny-le-Ferron, fils de Pierre de Bérulles, seigneur de Céant-en-Othe, de Rigny-le-Ferron et autres lieux, prélat recommandable par ses vertus et ses talents. Il fut le fondateur et le premier général de la congrégation de l'Oratoire, qui avait une maison à Troyes. Il composa plusieurs ouvrages de controverse, publiés en 1644. Il est mort en 1629, en disant la messe. DE SARDENTS Hector, seigneur en partie de Rignyle-Ferron, chevalier de l'ordre du Mont-Carmel et de Saint-Lazare, premier chef d'escadre des armées navales de France, né en 1628. Dès l'âge de dix-huit ans, il parvint, par son courage et son intelligence, au grade de capitaine de vaisseau. Chargé de la conduite des ambassadeurs à Naples, du cardinal Barberini et de la reine Christine à Rome, il s'en acquitta de manière à mériter leur estime et leur affection. Il fit le service de lieutenant-général au fameux combat naval du 7 juin 1673, entre la flotte d'Angleterre et celle de France, sous le commandement du duc d'Yorck et du comte d'Estrée ; à celle de Hollande sous Ruyter, il y eut SUR LE CANTON DAIX-EN-OTHE. 479 la jambe emportée d'un coup de canon sans cesser de combattre jusqu'à la fin ; et, malgré cet accident, il se trouva encore à trois actions de même nature. Il vint mourir en son château de Rigny, chéri et honoré de la noblesse et de ses vassaux, le 29 septembre 1675, âgé de 47 ans. Il avait épousé Jeanne de Courtois, et ne laissa pas d'enfants. PIERRE Jean-Georges, né à Rigny-le-Ferron en 1716, savant ecclésiastique, archéologue distingué, curé de Champlost pendant 45 ans, après avoir été préalablement vicaire d'Auxon. Tout le temps que lui laissaient les pénibles fonctions de son ministère, il l'occupa à faire des recherches scientifiques qui pussent éclairer l'histoire de son pays. Dans l'almanach de Sens, de 1783, il écrivit une longue et intéressante lettre sur deux voies romaines qui traversaient le territoire de Champlost, et notamment sur celle qui conduisait à Alize-Sainte-Reine, en passant par Eburobriga, aujourd'hui Avrolles. Le savant géographe Pasumot lui répondit, et tout en le réfutant quelquefois, il ajoute Je suis entièrement d'accord avec M. Pierre, >> qui, par ses recherches, a fixé une position inté» ressante de l'ancienne géographie Eburobriga à » une demi-lieue de Champlost. » Les services que M. Pierre a rendus à la commune de Champlost sont incalculables il encourageait l'agriculture à l'époque où elle était naissante. C'est lui qui a projeté l'établissement d'une route sur le territoire de sa paroisse, conduisant de Sens à SaintFlorentin par Theil, Vaumort, Cerisiers, Arces, Champlost et Avrolles. Dès 1766, le tracé du che- 480 ESSAI DE STATISTIQUE min conduisant à Avrolles fut dirigé par lui ; il fit ramasser des cailloux par les enfants, paya leurs journées de ses fonds, ainsi que les voituriers qui charroyaient les matériaux. Ces travaux furent renouvelés chaque année, et après plusieurs requêtes et démarches faites auprès de M. Berthier de Sauvigny, intendant de la généralité de Paris, et en exécution de son ordonnance du 8 août 1782, il a été procédé, dans la même année, à l'adjudication, au rabais, de la construction et de la réparation de cette ancienne voie romaine. La Révolution seule vint interrompre les travaux, et ils ne furent définitivement continués que 39 ans après, en 1828. Ce chemin, dû à l'initiative de l'abbé Pierre, s'appelle aujourd'hui la route impériale n° 5 de première classe, de Paris à Genève et l'Italie. L'abbé Pierre traversa l'époque orageuse de la Révolution dans des alternatives de repos et de persécution. Il mourut en 1798, à l'âge de 81 ans. Extrait d'une lettre écrite à M. Delaune-Guyard par M. Paris, adjoint de Champlost, en 1856. La famille Pierre existe encore à Rigny-le-Ferron. MOREAU DE LA ROCHETTE François-Thomas, célèbre agriculteur, inspecteur général des pépinières de France, chevalier de Saint-Michel, né à Rignyle-Ferron, le 3 octobre 1720. Tout entier aux devoirs de la place qu'il occupait à Melun en qualité de directeur des fermes du roi, il lui consacrait tous les instants de la journée; mais le soir, et pendant la nuit, il s'occupait des moyens de rendre fertile une terre appelée La Rochette, dont SUR LE CANTON DAIX-EN-OTHE. 481 le sol était si pauvre, que l'on disait dans le pays qu'une poule n'y trouverait point à vivre en août. Il l'avait acquise en 1751, mais ce ne fut qu'en 1760 qu'il put essayer de la défricher. Le succès répondit à ses espérances, et en 1767 il proposa au Gouvernement d'établir à La Rochette une école d'agriculture, à laquelle cinquante, puis cent enfants trouvés furent attachés. Sous sa direction, on vit bientôt cet établissement jouir d'une prospérité que celui qui l'avait créé n'avait pas osé lui-même se promettre. Un terrain défriché, nivelé et planté de belles forêts, des champs féconds, une maison élégante et spacieuse élevée sur les dessins de Louis, architecte distingué, des bâtiments nécessaires à l'exploitation, de longues terrasses, de vastes jardins, de riches pépinières prirent insensiblement la place de bruyères arides, de montagnes de sable. Le sol le plus disgracié de la nature devint fécond et riche de tout le luxe de la végétation. Les premiers succès de Moreau avaient été appréciés du Gouvernement et récompensés. En 1766, il fut nommé inspecteur général des familles acadiennes restées sur les ports de mer. En 1767, inspecteur général des pépinières royales, et en 1769, honoré de lettres de noblesse et décoré du cordon de SaintMichel. En 1785, en qualité de commissaire du roi, il fut chargé de l'aménagement des bois destinés à approvisionner la capitale. Il créa à Urcel, près de Laon, la première manufacture de sulfate de fer couperose verte dont la France ait été enrichie; enfin il donna des projets et des plans pour le défrichement des landes de Bordeaux, qu'il croyait 482 ESSAI DE STATISTIQUE susceptibles de bonne culture et de productions fertiles. Voltaire avait conçu beaucoup d'estime pour Moreau de la Rochette, et il existe entre ce grand écrivain et cet utile citoyen une correspondance sous le rapport agricole. Cette correspondance est toute entière insérée dans les Mémoires de la Société d'Agriculture du département de la Seine, tome IV, pages 264 et suivantes. Elle est due à M. François de Neufchâteau. Moreau de la Rochette mourut dans le lieu même qu'il a immortalisé par ses créations et ses soins, le 20 juillet 1791, à l'âge de 71 ans. Il eut un fils membre de la Société d'Agriculture de Seine-et-Marne, et son petit-fils, le baron ArmandBernard Moreau de la Rochelte, devint préfet de la Vienne et du Jura. La famille de Moreau de la Rochelte existe toujours à Rigny. MOREAU Philippe-Jacques, né à Rigny-le-Ferron, le 27 avril 1777, chevalier des ordres de Saint-Louis et de la Légion-d'Honneur. Parti comme volontaire, il fit les premières campagnes de la République. Plus tard, son mérite et ses capacités le firent entrer à l'Ecole Polytechnique, et il parvint au grade d'ingénieur de première classe au corps du génie maritime. C'est lui qui, dans la campagne de Wagram, jeta sur le Danube le pont d'une seule pièce dans la nuit du 4 au 5 juillet, ce qui lui valut une citation honorable dans le bulletin. Le jour de la bataille de la Moscowa, il eut la cuisse droite emportée par un boulet, ce qui ne l'empêcha pas de suivre l'armée à Moscou et de faire son service à cheval dans la retraite. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 483 Il fut professeur de l'Ecole maritime de Brest, de 1816 à 1830. Des intrigues de bas étage lui firent perdre cette place ; il fut mis à la retraite. Il vint s'établir au milieu de sa famille, à Rigny-le-Ferron, où il mourut le 16 décembre 1849, à l'âge de 72 ans. Il fit publier à Brest, en 1827, un ouvrage trèsestimé sur la marine. son neveu, possède une partie de ses manuscrits. Il en a donné quelques-uns à la Bibliothèque de Troyes. Le vaisseau à trois ponts le Charlemagne a été construit sur ses dessins. § III. — Organisation administrative. Député au Corps Législatif. M. le vicomte Amant Rambourgt, réélu en 1857. Membres du Conseil Général. 1834. Le général vicomte Rambourgt. 1848. M. Vérollot Alexis. 1855. M. Argence, avocat à Troyes. Conseillers d'arrondissement. 182... Le baron René-Nicolas Peschard d'Ambly. 1832. M. Guyôt-Gerdy, à Maraye-en-Othe. 1845. M. Vérollot Alexis, à Rigny-le-Ferron. 1848 M. Maillard Arsène, notaire à Aix-en-Othe. 1853. M. Coudrot, notaire à Aix, démissionnaire. 1855. M. Eugène Peschard d'Ambly, maire de Saint-Benoît. 484 ESSAI DE STATISTIQUE Aix-en-Othe, chef-lieu de canton, est le siège d'une justice de paix dont le titulaire réside depuis longues années à Rigny. Trois huissiers sont attachés à ce tribunal ; leur résidence est Aix, Saint-Mards et Rigny-le-Ferron. Le service de la police est fait par un commissaire résidant au chef-lieu, et par une brigade de gendarmerie à pied casernée à Saint-Mards. Cette brigade est composée de quatre hommes et d'un brigadier. La gendarmerie à cheval d'Estissac fait le service des communes situées dans la vallée de la Vannes. Les contributions directes sont confiées à deux percepteurs qui résident l'un à Rigny-le-Ferron, qui fait la recette d'Aix, de Bérulles, de Rigny, de Vulaines, de Saint-Benoît et de Paisy; l'autre à SaintMards, et qui perçoit à Maraye, à Nogent-en-Othe, à Saint-Mards et à Villemoiron. Trois bureaux de poste desservent les dix communes du canton; un bureau de direction à SaintMards ; deux bureaux de distribution un à Aix-enOthe, l'autre à Rigny-le-Ferron. Aix possède un bureau d'enregistrement depuis 1830. Avant cette époque, il était à Estissac. Les contributions indirectes sont perçues par le Receveur à cheval d'Estissac. Aix est la résidence du curé-doyen du canton. L'instruction est confiée à deux instituteurs laïques et à des soeurs de la Providence. Des deux instituteurs laïques, l'un réside à Aix, et l'autre au hameau du Mineroy. SUR LE CANTON DAIX-EN-OTHE. 485 § IV. — Résumé de la population du canton. Maisons. Ménages. Habitants. Aix-en-Othe. . . . 569 761 2,427 Saint-Mards. ... 493 604 1,676 Maraye 292 386 1,115 Nogent-en-Othe. . 54 61 180 Villemoiron ... 159 207 554 Paisy-Cosdon. . . 113 142 484 St-Benoît-sur-Vannes 106 144 518 Vulaines ..... 73 82 291 Rigny-le-Ferron . 302 378 1,255 Bérulles ..... 212 252 831 Total. . . . 2,373 3,017 9,331 On compte 2,100 garçons, 1,878 filles, 198 hommes veufs, et 442 femmes veuves. Cette disproportion entre les femmes veuves et les hommes veufs peut facilement s'expliquer Les femmes veuves, la plupart du temps, se suffisent à elles-mêmes; tandis que l'homme, quelquefois chargé d'enfants, a besoin d'une femme pour diriger son ménage, élever ses enfants, et il est rare qu'il prenne une femme veuve. 486 ESSAI DE STATISTIQUE § V. — Statistique de NOMBRE NOMS DES ÉCOLES PUBLIQUES DES COMMUNES. Spéciales Spéciales Deux TOTAL aux aux des Garçons. Filles. sexes. Ecoles. Aix-en-Othe 3 Saint-Benoît-sur-Vannes » » 1 1 Bérulles 1 1 » 2 Maraye-en-Othe 1 1 1 3 Saint-Mards-en-Othe 1 1 » 2 Nogent-en-Othe » » 1 4 Paisy-Gosdon » » 1 1 Rigny-le-Ferron 1 1 » 2 Villemoiron » » 1 1 Vulaines » » 1 1 TOTAL. .... 5 5 7 17 Je dois ce tableau à l'obligeance de M. l'inspecteur Bage. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 487 Instruction publique. SEXES SÉPARÉS. SEXES RÉUNIS. TOTAL GÉNÉRAL GARÇONS FILLES GARÇONS FILLES des Élèves, payants gratuits payantes gratuites payants gratuits payantes gratuites 109 11 120 100 20 120 76 11 58 5 390 » » » » » » 38 2 27 4 71 59 6 65 61 4 65 » » » » 130 61 4 65 51 2 53 40 2 18 2 180 98 12 110 108 12 120 » » » » 230 » » » » » » 16 1 8 1 26 » » » » » » 22 3 18 2 45 85 10 95 84 11 95 » » » » 190 » » » » » » 40 5 39 3 87 » » » » » » 18 2 30 » 50 412 43 455 404 49 453 250 26 198 17 1,399 488 ESSAI DE STATISTIQUE § VI. — Statistique Judiciaire. Le Tribunal d'Aix rend, en moyenne, 170 jugements. Les affaires jugées contradictoirement s'élèvent à 120. Les affaires en conciliation, à 28. Les affaires en police simple, à 70. Le chiffre des amendes en police simple, des dommages-intérêts en matière civile, peut s'élever, en moyenne, à 100 fr. SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. 489 TABLE DE LA STATISTIQUE DU CANTON D'AIX-EN-OTHE. Pages. ATANT-PROPOS 249 PREMIÈRE PARTIE. - ETAT PHYSIQUE DU PAYS 252 § 1er. — Situation, Etendue 252 § II. — Cours d'eau, Sources 254 § III. — Nature du sol, Géologie 257 § IV. — Aspect du pays 260 § V. — Météorologie 264 § VI. — Etat sanitaire 267 § VII. — Botanique 269 § VIII. — Zoologie 275 DEUXIÈME PARTIE. AGRICULTURE, COMMERCE, INDUSTRIE 297 § 1er. — Tableau des différentes natures de propriété, etc 298 § II. — Réflexions sur l'Agriculture en général . 300 § III. -— Terres labourables 306 § IV. — Cultures diverses 312 §V. —Fourrages 316 § VI. — Vigne . 323 § VII. — Cidre 326 § VIII. — Bois 328 490 ESSAI DE STATISTIQUE SUR LE CANTON D'AIX-EN-OTHE. § IX. — Animaux domestiques 330 § X. — Consommation 338 § XI. — Economie rurale 339 § XII. — Commerce, Industrie. ....... 342 TROISIEME PARTIE. COMMUNES DU CANTON 345 §Ier. —Aix-en-Othe 345 § II. — Saint-Mards-en-Othe ....... 365 § III. — Maraye-en-Othe 380 § IV. — Nogent-en-Othe 387 § V. — Villemoiron 392 § VI. — Paisy-Cosdon . . 399 § VII. — Saint-Benoît-sur-Vannes. ..... 410 § VIII. — Vulaines 428 § IX. — Rigny-le-Ferron 437 §X. — Bérulles. . 458 QUATRIEME PARTIE. APPENDICE 471 § 1er. — Moeurs et Coutumes 471 § II. — Biographie 475 § III. — Organisation administrative .... 483 § IV. —Résumé de la population 485 § V. — Statistique de l'Instruction primaire . . 486 § VI. —Statistique judiciaire 488 PROGRAMME DES PRIX MIS AU CONCOURS PAR LA SOCIÉTÉ. Prix à décerner en 1859. Un prix de 300 francs et une médaille d'or à la personne qui aura introduit une amélioration quelconque dans la culture de la vigne. Les concurrents qui voudront faire apprécier leurs procédés, devront adresser leurs demandes à la Société avant le 30 avril 1859. Prix à décerner en 1860. 1°. Un prix de 500 francs à l'auteur du meilleur bas-relief représentant l'entrevue de saint Loup et d'Attila aux portes de la ville de Troyes. Les personnages devront être de grandeur deminature. Les plâtres présentés au concours devront être terminés au plus tard le 1er mai 1860, et ne pourront pas être retirés avant la clôture de l'ExpoT. l'ExpoT. 33 492 PROGRAMME DES PRIX sition des Beaux-Arts, qui doit avoir lieu à Troyes au mois de juin 1860. 2°. Une médaille de la valeur de 200 francs sera décernée à la personne qui aura, en matière de pisciculture, obtenu les résultats les plus satisfaisants. Les personnes qui voudront concourir pour ce prix devront en faire la déclaration, par écrit, à M. le Secrétaire de la Société, avant le 1er novembre 1860. La Société d'Agriculture nommera alors une Commission pour examiner les résultats obtenus par les concurrents, et lui faire un rapport à ce sujet. Prix à décerner en 1861. 1°. Une médaille de la valeur de 300 francs à l'auteur du meilleur mémoire sur l'une des principales époques de l'histoire de la Champagne, ou sur l'un des personnages les plus remarquables qu'elle a produits. 2°. Une médaille de la valeur de 200 francs à l'auteur de la meilleure statistique de l'un des cantons du département de l'Aube.— La Société invite les personnes qui voudront concourir pour ce dernier prix, à consulter le 29e numéro de ses Mémoires 1er trimestre de 1829, où elle a publié un projet de statistique, et six grands tableaux présentant la nomenclature très-détaillée des diverses questions que la Société désire voir traiter dans un travail de ce genre. La statistique du canton des Riceys, par MM. Gué- MIS AU CONCOURS PAR LA SOCIÉTÉ. 493 nin et A. Ray 2e semestre de 1852, pourra également être consultée avec fruit. Les concurrents devront s'abstenir de traiter la statistique des cantons de Marcilly-le-Hayer, de Nogent-sur-Seine, des Riceys et d'Aix-en-Othe. Ces quatre cantons ont déjà été le sujet de travaux couronnés par la Société. Les concurrents pour ces deux prix devront faire remettre leurs manuscrits, francs de port, à Troyes, chez le Secrétaire de la Société, au plus tard le 1er novembre 1860. Prix à décerner en 1862. Un prix de 500 francs au meilleur mémoire relatif à l'emploi de la craie dans les constructions, soit à l'état de pierre, soit à l'état de chaux. Le mémoire devra indiquer les résultats de l'analyse de la craie extraite à diverses profondeurs audessous du niveau du sol. Les principales questions sur lesquelles la Société appelle l'attention des concurrents, sont celles-ci 1°. Emploi de la craie à l'état de pierre. Quelles sont les précautions à prendre dans l'extraction? La qualité de la craie varie-t-elle avec la position des bancs mis en oeuvre ? Dans cette hypothèse, quelle est la profondeur à laquelle il convient de descendre le plus ordinairement? Combien doitil s'écouler de temps entre le moment de l'extraction et celui de l'emploi? 494 PROGRAMME DES PRIX A quelle hauteur la craie doit-elle être placée audessus du sol dans les constructions ? Comparaison des prix d'une maison construite à Troyes, 1° en charpente, 2° en briques, 3° en craie, soit à l'état de pierre de taille, soit à l'état de moellon. Par quels procédés peut-on éviter l'humidité qu'entraîne l'emploi de la craie dans les édifices? Prix de revient. 2°. Emploi de la chaux fabriquée avec la craie. Indiquer les meilleurs procédés de fabrication et d'extinction ; faire connaître en quoi consiste le foisonnement ; comparer la chaux de craie et la chaux de Fouchères rendues à Troyes, sous le rapport du prix de revient ; présenter les résultats d'expériences comparatives entre ces deux espèces de chaux, sous le rapport de la qualité des mortiers. Peut-on fabriquer en grand de la chaux hydraulique, ou du ciment naturel, avec la craie argileuse qui existe sur plusieurs points du département, à la limite du terrain crayeux et des terrains argileux 1? 1 Il résulte d'expériences faites par M. Vicat, sur des échantillons choisis dans les parties basses des territoires placés à cette limite, qu'il existe de la chaux hydraulique bu du ciment naturel dans les communes désignées ci-après Racines. ciment naturel. Auxon, lieu dit les Fontenis. ; ... idem. Chamoy, lieu dit la Voie-des-Vignes . . idem. MIS AU CONCOURS PAR LA SOCIÉTÉ. 495 Etudier la fabrication des mortiers hydrauliques composés de chaux grasse et de pouzzolane artificielle. Les opinions émises sur ces deux derniers articles devront être basées sur des expériences aussi nombreuses que possible. Les concurrents pour ce prix devront faire remettre leurs manuscrits, à Troyes, chez le Secrétaire de la Société, au plus tard le 1er mai 1862. Prix à décerner en 1863. Une médaille de la valeur de 300 francs à l'auteur de la meilleure histoire de l'art céramique dans le département de l'Aube, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours. Les concurrents pour ce prix devront faire reChamoy, reChamoy, dit les Martrois. . . . chaux éminemment hydraulique. Saint-Phal, lieu dit Bouteille ciment naturel. Les Maisons, entre ce village et Lagesse. chaux éminemment hydraulique. Saint-Jean-de-Bonneval, lieu dit Cave-duTertre. ciment naturel. Laines-aux-Bois, lieu dit Montaigu. . chaux éminemment hydraulique. Saint-André, propriété du sieur Bornet. chaux moyennement hydraulique. Gérosdot, lieu dit le Gatis , ciment naturel. Rouilly-les-Saceys chaux hydraulique. 496 PROGRAMME DES PRIX MIS AU CONCOURS PAR LA SOCIÉTÉ. mettre leurs manuscrits à Troyés, au Secrétariat de la Société, au plus tard le 31 décembre 1862. CONDITIONS COMMUNES A CES CONCOURS. Les manuscrits porteront chacun une épigraphe ou devise qui sera répétée dans et sur le billet cacheté joint à l'ouvrage, et contenant le nom de l'auteur, qui ne devra pas se faire connaître, à peine d'être exclu du concours. Les concurrents sont prévenus que la Société ne rendra aucun des ouvrages qui auront été envoyés au concours; mais les auteurs auront la liberté d'en faire prendre des copies. LISTE DES DONS FAITS AU MUSÉE DE TROYES, AVEC LES NOMS DES DONATEURS, Pendant l'année 1858*. Article 33 du Règlement de la Société Académique de l'Aube > qu'il est en lui, à l'augmentation du Musée. » Les dons faits à la Société par ses Membres, ou par des per» sonnes étrangères, seront inscrits sur un registre spécial, et » publiés en outre dans les journaux de Troyes et dans l'ANNUAIRE >> du Département, avec les noms des donateurs. >> MM. CLÉMENT-MULLET, homme de lettres à Paris. — Des oeufs de Notonectes insectes hémiptères du Mexique, provenant du lac de Texcoco Mexique. Ces oeufs, malgré leur petitesse, servent d'aliments aux Indiens, et forment des bancs d'oolithes, après avoir été incrustés pour les concrétions calcaires que déposent les eaux du lac. TAILLEBOIS Edouard, apprenti de marine sur un vaisseau de commerce. — Un poisson volant, du tropique du Cancer. LE GRAND, agent-voyer en chef, à Troyes. — Un crâne de chacal d'Afrique. — Un crâne de chien-doguin. COEFFET-OLIVIER, numismate à Villeneuve-l'Archevêque. — * Pour les publications précédentes, voir les Mémoires de la Société des années 1849 à 1857. 498 LISTE DES DONS FAITS AU MUSÉE DE TROYES, L'empreinte d'un sceau trouvé dans un champ dépendant de l'ancienne abbaye de Vauluisant, et paraissant provenir d'un abbé de Vauluisant. COLLET-JOLLY, boucher à Troyes. — Un veau monstrueux. GUYARD-DELAUNE, négociant à Rigny-le-Ferron. — Six carreaux émaillés du moyen-âge, provenant d'une ancienne maison de Rigny-le-Ferron. PACOT Paul, charpentier à Ricey-Haute-Rive. — Les deux côtés et une miséricorde de stalle, en chêne sculpté, provenant de l'ancienne abbaye de Molesme. GUILLIER, propriétaire au Hâvre. — Trois caisses contenant un choix considérable de mollusques marins, de madrépores, de poissons, de fossiles et d'objets d'ethnographie. MAITREJEAN Ulysse, propriétaire à Chennegy. —Une pièce de monnaie portant la date de 1567. SEBILLE, propriétaire à Troyes. — Un oursin fossile, de la craie. MOUTARD, cultivateur a Bouranton.— Un oursin fossile, de la craie. GOMMERY François, cultivateur à Aix-én-Othe.—Une pétrification. RIBAULT, cultivateur à Eguilly. — Une médaille romaine, trouvée entre Essoyes et Vendeuvre. CARTEREAU, médecin à Bar-sur-Seine. — Un poisson de mer préparé. CHARPENTIER, maréchal à Montreuil. — Deux vases antiques, à anses, en terre cuite, trouvés à Monireuil, à cinq mètres de profondeur. TERNOIRE, instituteur, à Donnement. —Une lame d'épée à deux tranchants, et un fer de lance antiques, trouvés à Donnement, dans le jardin de M. Oudin Pierre, à côté d'un squelette. PERSON, architecte-voyer adjoint à Troyes. — Plusieurs pots antiques trouvés dans les fondations d'une maison de la rue du Bois. Mme DE BACULARD-D'ARNAUD, née CORRARD, décédée à Ricey-Bas. — Trois tableaux peints à l'huile 1° le portrait de son mari, en uniforme de gendarme de la Maison du Roi ; 2°le portrait du même, enfant, peint par Greuze. Une lettre autographe de M. de Baeulard-d' Arnaud, conservée aux AVEC LES NOMS DES DONATEURS. . 499 archives de la Société Académique de l'Aube, apprend que Greuze, ami de son père, a peint ce portrait en 1776; 3° le portrait de M. de Baculard-d'Arnaud père, aussi enfant. M. de Baculard-d'Arnaud père, conseiller d'ambassade, auteur du Comte de Comminges des Epreuves du Sentiment, etc., a été l'un des représentants les plus féconds de la littérature légère du XVIIIe siècle. VERNEUIL, surveillant du Musée, à Troyes. — Deux oursins fossiles du terrain jurassique. ADMINISTRATEURS les des Hospices de Troyes. — Plusieurs carreaux émaillés provenant d'une maison faisant partie de l'Hôtel-Dieu. OUDIN Louis, cultivateur à Saint-Parres-les-Tertres. — Une clef ancienne, trouvée à Baire, dans l'emplacement de l'ancien château. GRILLIAT Etienne, caissier à Troyes. — Une branche de frêne fasciée. MARTINOT, maire à Chervey. — Une monnaie romaine trouvée à Chervey. SCHOLET, brigadier de gendarmerie à Vézelay. - Des anneaux de bronze, trouvés à Brosses, canlon de Vézelay, dans un monticule de pierres, dit le Merger-aux-Moines. Ces anneaux étaient autour des jambes des squelettes exhumés. Le plus petit des anneaux entourait un doigt de pied. HORIOT, agent-voyer cantonal à Marcilly-le-Hayer. — Le montant d'un chenet datant du moyen-âge, et représentant un personnage. — Un vase mérovingien et des fragments de poteries antiques trouvés à Saint-Aubin, près de la Chapelle-Godefroy. DOYEN le baron, receveur général à Troyes. — Six médailles et monnaies trouvées dans son jardin, place de la Tour deux petits bronzes de Constantin; un petit bronze quinaire de Tétricus; un demi-blanc de Louis XI, pour le Dauphiné; un double tournois de Louis XIII; un jeton de Nuremberg. — Un bel échantillon de Paléontologie Pholadomya parvicosta, Agassh, trouvé dans un fragment de pierre du terrain jurassique moyen, provenant d'un mur de sa maison. 500 - LISTE DES DONS FAITS AU MUSÉE DE TROYES, ETC. JUCHAT, propriétaire à la Villeneuve-au-Châtelot. — Une statuette en fonte, trouvée dans les ruines d'une tourelle du château de Nelerolles. RECORDON, pasteur protestant à Troyes. — Un attribut religieux en bronze, trouvé en creusant les fondations du temple protestant. LELIÈVRE, agent-voyer cantonal à Jasseines. — Des poteries et des objets antiques découverts dans une carrière de grève entre Isle et Ramerupt. LAMBLIN Antoine, marchand de gibier à Troyes. — Deux oeufs de canepetière. FLÉCHEY, architecte-voyer à Troyes. — Un petit tableau peint sur marbre, représentant sainte Claire, tenant une monstrance. monstrance. peinture, de l'école italienne, semble être de la fin du XVe siècle. TRUELLE Auguste, payeur du département à Troyes. — Une bague portant une croix de l'ordre du Temple. Cette bague a été trouvée dans le jardin de M. Truelle, rue du Temple. BONNIN Pierre, cantonnier à Villadin. — Un échantillon de silex d'une forme bizarre. NOCHÉ, notaire à Troyes. — Un aigle balbuzard, tué à Clérey, le 20 septembre 1858. Le vicomte RAMBOURGT, député de l'Aube, à Troyes. — Une fouine tuée dans la forêt d'Othe. LEPHOUX, photographe à Troyes. — Une épreuve photographique de la cathédrale de Troyes. — Deux médailles romaines.— Une pétrification. Mme THIBAUT-HENNETON, propriétaire à Troyes. — Une petite cuillère antique, en bronze, trouvée dans le faubourg Saint-Martin. Pour copie conforme au registre destiné à inscrire les Dons faits au Musée de Troyes. Troyes, le 25 décembre 1858. JULES RAY, Un des conservateurs. MERCURIALES DU DÉPARTEMENT DE L'AUBE, Pendant l'année 1959. Mercuriales de l'Année 1857. Quantité d'hectolitres de Grains vendus sur les principaux Marchés du département de g; l'Aube, et Prix moyen de l'hectolitre par quinzaine. MOIS. FROMENT. MÉTEIL. SEIGLE. ORGE. AVOINE. Quantités. Prix moyen. Quantités. Prix moyen. Quantités. Prix moyen. Quantités. Prix moyen. Quantités. Prix moy. f. c. f. c. f. c. f. c. f. c. Janvier... 1re 6150 26 62 366 19 90 732 16 46 3010 12 33 3775 7 74 2e 9464 27 11 550 20 » 1297 16 29 5852 12 58 5087 7 93 Février ... 1re 5984 27 61 375 20 19 698 16 67 3195 12 93 3608 7 99 2e 7502 27 14 544 21 10 600 17 58 1940 14 47 4911 8 58 Mars .... 1re 7095 27 37 592 20 70 1081 16 73 3489 13 40 6208 8 81 2e 5693 27 13 594 20 51 790 17 01 3406 13 49 4542 9 03 Avril .... 1re 5743 26 03 543 20 » 967 16 47 4300 13 85 4209 8 81 2e 6972 26 24 620 19 96 971 16 49 4221 13 43 3308 9 31 Mai 1re 9891 26 74 598 20 36 1178 17 05 2960 14 53 3937 9 75 2e 9498 26 50 634 19 75 1853 17 22 3630 la 61 4885 10 33 . Juin 1re 7587 26 09 586 20 07 1419 16 71 1889 14 60 3918 10 72 2e 7144 25 82 526 19 91 1224 15 55 1078 14 62 3763 1103 Juillet. ... 1re 8433 23 90 458 18 52 908 13 65 1735 13 37 4366 10 60 2e 6733 21 39 335 16 83 403 12 79 899 12 54 4186 10 34 Août .... 1re 8523 21 30 359 15 70 662 13 29 1392 11 64 3153 10 75 2e 8984 21 27 376 15 98 1379 13 94 3399 11 31 5155 9 61 Septembre 1re 11447 20 22 404 15 49 2714 13 26 3724 10 57 4831 8 41 2e 8955 19 01 283 14 72 782 12 06 2400 10 50 3554 8 63 Octobre. . . 1re 7971 18 72 324 14 04 506 11 36 3687 10 28 3994 8 62 2e 13268 17 76 555 13 37 25 10 95 4870 10 06 5613 8 87 Novembre. 1re 7906 16 64 382 12 63 217 10 73 4293 9 61 4409 8 58 2e 8621 17 67 387 12 74 571 10 97 4046 9 43 4264 8 51 Décembre.. 1re 10371 17 06 579 12 67 845 10 47 4384 9 12 4910 8 55 2e 11295 16 31 505 12 38 854 9 92 3999 8 80 4484 8 34 TOTAUX 199210 11375 23476 77798 115070 Prix moyen de l'année. . 21 82 17 82 14 83 11 49 8 20 a H. Suite des Mercuriales de l'année 1857. Comestibles divers. Fourra- Combustibles. FARINES PAIN POMMES VIANDE ges . BOIS CHARBON MOIS. FROMENT lekilogram. TERRE le kilogramme. métrique. le stère. l'hectol. Prix Blanc. Bis-blanc Prix Boenf. Vache. Veau. Mouton Cochon Foin. Paille. Chêne. Autres de Fossile moyen. moyen. essences BOIS. f. c. c. >> c. >> f. c. f. c. f. c. f. c. f. c. f. c. f. c. f. c. f. c. f. c. f. c. f. c. 1re » » 39 56 34 86 5 84 1 15 1 12 1 16 1 24 1 35 9 80 4 82 10 69 9 18 3 50 5 » Janvier 2e >> >> 40 67 35 » 6 04 1 15 1 12 1 16 1 27 1 39 9 60 4 82 10 62 9 36 3 51 5 12 1re >> >> 40 22 35 29 6 28 1 15 1 13 1 16 1 31 1 37 9 50 4 87 10 » 11 » 3 50 6 » Février 2e >> >> 40 67 35 86 6 13 1 14 1 12 1 17 1 32 1 37 9 60 4 80 10 44 9 38 3 50 5 >> lre » » 40 87 37 14 5 95 1 13 1 10 1 14 1 35 1 39 9 60 4 80 10 36 9 25 3 50 5 » Mars... 2e >> >> 40 78 36 14 5 96 1 13 1 10 1 15 1 40 1 40 9 80 4 95 10 63 9 17 3 50 5 18 1re >> » 39 78 35 » 6 28 1 13 1 10 1 15 1 40 1 39 9 70 5 » 10 46 9 28 3 50 5 18 Avril... 2e >> >> 39 55 34 83 6 51 1 13 1 10 1 14 1 39 1 39 10 82 5 34 10 53 9 34 3 50 5 18 1re », 39 77 35 » 7 32 1 13 1 10 1 15 1 35 1 38 10 13 5 37 10 52 9 24 3 50 5 12 Mai 2e ». 39 55 34 83 6 64 1 14 1 11 1 16 1 45 1 40 9 60 5 10 10 33 9 03 3 50 5 37 > » 38 78 34 17 7 46 1 14 1 13 1 14 1 46 1 41 10 » 5 30 10 39 9 17 3 50 5 31 Juillet 1re » » 37 62 23 » 6 » 1 14 1 13 1 12 1 45 1 41 10 20 5 30 10 86 9 33 3 55 5 31 2e >> » 34 17 29 41 6 51 1 16 1 12 1 06 1 51 1 42 10 20 5 20 10 44 9 26 3 50 5 18 Août lre » » 33 89 29 66 5 58 1 15 1 11 1 06 1 48 1 34 10 31 5 36 10 50 9 03 3 50 5 18 2e » » 33 55 29 16 6 19 1 16 1 12 1 07 1 50 1 39 10 57 5 20 10 54 9 04 3 50 5 31 1re . » 32 47 28 16 5 89 1 16 1 12 1 08 1 44 1 40 10 81 5 37 10 31 9 21 3 25 5 25 Sept.... 2e >> >> 31 >> 26 66 5 28 1 14 1 11 1 09 1 33 1 41 10 48 5 37 10 22 9 18 6 » Octob lre » » 29 77 25 33 5 05 1 14 1 10 1 15 1 33 1 41 10 50 5 25 10 » 11 » 3 50 5 37 2e » >> 28 88 24 » 4 26 1 14 1 10 1 18 1 29 1 40 10 60 5 30 10 64 9 28 3 50 5 12 Nov 1re >> » 27 » 22 16 3 72 1 13 1 09 1 18 1 28 1 40 10 70 5 60 10 66 9 31 3 50 5 12 2e » » 27 44 23 » 3 87 1 11 1 08 1 15 1 29 1 36 10 40 5 40 10 » 11 » 3 50 5 31 Déc 1re » » 27 11 22 50 3 76 1 11 1 19 1 15 1 23 1 36 10 40 5 30 10 60 9 20 3 50 5 31 2e » » 26 44 21 83 3 80 1 11 1 08 1 15 1 25 1 33 10 40 5 30 10 63 8 93 3 50 5 31 Prix moyen de l'année » >> 30 73 26 56 5 71 1 13 1 11 1 09 1 36 1 42 10 14 5 17 10 45 9 34 3 49 5 27 ETAT des Récoltes en Grains et antres Farineux, PRODUIT. ESPÈCES Quantité de ment GRAINS g et de pour la FARINEUX. habitants. hectol. hectol. Froment . . 83906 » 2 50 5 >> 5 52 13 55 1136087 24 554746 76 Méteil 1834 >> 2 45 5 » 5 73 14 04 25749 84 49717 87 Seigle. .... 38788 » 2 40 4 75 4 45 10 68 414255 84 272139 92 Orge 30298 » 2 45 5 » 5 74 14 06 425989 88 28784 03 Sarrasin.. . . 1815 » » 75 7 » 9 » 6 75 12251 25 >> Maïs et millet. » » » » » » » » » » » » » Avoine. ... 82755 » 2 45 5 50 5 57 13 65 1129605 75 Légumes secs. 2361 >> 2 » 7 » 5 52 11 04 26065 44 22242 20 Autres grains. 2405 » 2 » 7 » 4 28 8 56 10586 80 785 02 TOTAUX. . . 244162 » » >> » » » » » » 3180591 54 928415 80 terre. 5618 » 15 » 8 >> 6 40 96 » 539328 » 117752 85 faites en 1887, dans le Département de l'Aube. CONSOMMATION. COMPARAISON approximative d'hectolitres et de farineux annuelle- TOTAL PRODUIT nécessaire. ara a consommation. nourriture pour pour les distille pour ries BESOINS des animaux les brasseries et tous annuels. Excédant. Déficit. domesti- SEMENCES. autres ques. usages. hectol. kilog. >> 209765 » >> 764511 76 871575 48 >> 85382 77 43 » 4493 30 >> 54211 17 >> 28461 83 168 74 47 » 93091 20 >> 365231 12 49034 72 » 607 71 52 105000 >> 74220 10 22000 230004 13 195985 75 » 3595 63 » 12000 >> 136125 >> 13361 25 >> 1110 » >> » 735000 >> 202749 75 » 937749 75 191856 » » 7857 45 68 2000 » 4722 » >> 28964 20 >> 2898 76 » » 6000 >> 4810 » >> 11595 02 >> 1008 22 » >> 860000 » 595212 60 22000 2405628 40 808441 95 33478 81 51609 >> 180000 » 84270 » » 382022 85 157305 15 » » » T. XXII. 34 SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ PENDANT L'ANNÉE 1858. Séance du 15 Janvier 1858. Présidence de M. FERRAND-LAMOTTE. Lecture du procès-verbal. — Allocution de M. le Président. — Dépouillement de la correspondance. — Décision sur les Assises scientifiques. — Dons au Musée. — Dons à la Bibliothèque. — Analyse, par M. le Président, des mémoires envoyés, dans le mois, par les Sociétés correspondantes. — M. Victor Paillot est nommé membre résidant. — M. Bélurgey de Grandville est nommé membre honoraire. — Notice sur les études à Glairvaux, par M. d'Arbois de Jubainville, membre associé. — Situation du drainage dans le département de l'Aube, par M. le comte de Launay, membre associé. — M. de Feu de La Mothe, à Montceaux, est présenté comme membre associé. — Remerciements à l'archiviste de la Société pour le zèle avec lequel il a dirigé la rédaction de l'Annuaire de l'Aube. Séance du 19 Février 1858. Présidence de M. FERRAND-LAMOTTE. Lecture du procès-verbal. — Dépouillement de la correspondance. — M. Victor Paillot est proclamé membre résidant. — — Travail historique sur les Sociétés de province, par M. Moureau, de Saint-Quentin. — Envoi, par M. Léon De Breuze, d'un, travail sur les amendements. — Demande de renseignements sur les orages de 1857. — Nomination de délégués au Congrès des Sociétés savantes. — Nouvelle invention de M. Limoges. — Dons au Musée. — Dons à la Bibliothèque. — Analyse, par M. le Président, des mémoires envoyés, dans le mois, par les Sociétés correspon- 340 SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ dantes. — M. le comte de Launay est nommé membre résidant. — M. de Feu de La Mothe, à Montceaux, est nommé membre associé. — M. Chéri Pauffin est nommé membre correspondant. — Envoi de notes statistiques sur la population de Troyes, par M. le docteur Guichard. — Rapport sur les archives communales de l'arrondissement de Nogent-sur-Seine, par M. d'Arbois de Jubainville, membre associé. — Notice nécrologique sur M. Amant Rambourgt, par M. le docteur Bédor, membre résidant. Séance du 19 Mars 1858. Présidence de M. FERRAND-LAMOTTE. Lecture du procès-verbal. — Dépouillement de la correspondance. — M. le comte de Launay est proclamé membre résidant. — M. Bélurgey de Grandville est proclamé membre honoraire. — Méthode de culture du sieur Aroux. — Appareils d'enrayement et de signaux inventés par M. Roux. — Envoi de graines par M. Ch. Baltet. — Dons à la Bibliothèque. — Dons au Musée. — Analyse des mémoires envoyés dans le mois par les Sociétés correspondantes. — Caverne découverte à Montgueux. — Cours d'eau souterrain à Bouilly. — Fontaine de Nago. — Commissions chargées d'examiner les manuscrits envoyés pour les prix. — Notice sur les archives des Hospices de Troyes, par M. d'Arbois de Jubainville. Séance du 16 Avril 1858. Présidence de M. CAMUSAT DE VAUGOURDON. Lecture du procès-verbal. — Mort de M. le docteur Bédor, membre résidant. — Dépouillement de la correspondance. — M. de Feu de La Mothe est proclamé membre associé.— M. Chéri Pauffin est proclamé membre correspondant. — Lettre de M. le Ministre de l'Instruction publique, au sujet du comité des Sociétés savantes. — Invitation au Congrès scientifique et au Congrès archéologique. — Analyse des mémoires envoyés dans le mois par les Sociétés correspondantes. — Dons à la Bibliothèque. — Dons au Musée. — de Cossigny est présenté comme membre associé. — Achat, par S. M. l'Empereur, des armes antiques trouvées à PENDANT L'ANNÉE 1858. 511 Pouan, en 1842. — Demande de subside par M. Van Decasteele. — Rapport sur la caverne de Montgueux, par M. Legrand, membre résidant. — Rapport sur le projet de code rural, par M. Berthelin, membre résidant. — Rapport sur L'Artistaire de Paillot de Montabert, par M. Schitz, membre résidant. — Procédés de M. Prévost, pour préserver les vignes de la gelée. — Nomination de délégués au concours régional de Chaumont. — Impressions votées. Séance du 21 Mai 1858. Présidence de M. FERRAND-LAMOTTE. Lecture du procès-verbal.—Mort de Masson, membre honoraire; Bazin, membre associé; Camut-Chardon, membre correspondant. — Dépouillement de la correspondance. — Communication sur le menhir de Saint-Aubin, par M. le docteur Chertier, membre associé. — Procédé de M. Frédéric Lenfant, pour la conservation du blé. — Analyse, par M. le Président, des mémoires envoyés, dans le mois, par les Sociétés correspondantes. — Dons à la Bibliothèque. — Dons au Musée. — M. Jules de Cossigny est nommé membre associé. — Présentation de M. Fanjoux, comme membre associé. — Rapport sur une note de M. Douliot, par M. Jules Ray, membre résidant. — Note par M. le docteur Prié, membre associé, sur un nouveau mode de culture des treilles, inventé par M. Royer. — Iconographie d'une verrière de l'église de Saint-Martin-ès-Vignes, par M. Socard, membre résidant. — Note sur la méthode de déplacement, appliquée aux tisanes d'hôpital, par M. Oudart. — Rapport sur quelques volumes des Mémoires de l'Académie de Lyon, par M. Corrard de Breban, membre résidant. — Nomination de délégués au Comice départemental. Séance du 18 Juin 1858. Présidence de M. FERRAND-LAMOTTE. Lecture du procès-verbal. — Mort de M. Alexandre Guenin, membre associé. — Dépouillement de la correspondance. — Envoi d'oeufs de poisson fécondés. — Testament de Mme de Baeulardd'Arnaud, qui donne au Musée trois tableaux. — Analyse, par M. le 512 SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ Président, des mémoires envoyés, dans le mois, par les Sociétés correspondantes. — Dons à la Bibliothèque. - Dons au Musée. — Note par M. Fléchey, membre associé, sur une voie romaine découverte sous la rue de la Cité. — M. le docteur Bacquias est nommé membre résidant. — M. Fanjoux est nommé membre associé. — Pièce inédite sur la chapelle de Notre-Dame-du-Chêne, communiquée par M. d'Arbois de Jubainville. Séance du 16 Juillet 1858. Présidence de M. FERRAND-LAMOTTE. Lecture du procès-verbal. — Dépouillement de la correspondance. — M. le docteur Bacquias est proclamé membre résidant. — Mort de M. Sellier, membre correspondant. — Analyse, par M. le Président, des mémoires envoyés par les Sociétés correspondantes. — Dons à la Bibliothèque. — Dons au Musée. — Rapport sur un travail de M. Oudart, par M. Jules Ray, membre résidant. — Rapport sur le système électro-vital du docteur Rebold, par M. le docteur Desguerrois, membre résidant. — Communication au sujet de la galéruque de l'orme. — Table des longitudes des communes du département de l'Aube, par M. Febvre. — Vie de Jean de Brienne, par M. l'abbé Etienne Georges, membre associé. Séance du 20 Août 1858. Présidence de M. FERRAND-LAMOTTE. Lecture du procès-verbal. — Dépouillement de la correspondance. — M. Jules de Cossigny est proclamé membre associé. — Dons à la Bibliothèque. — Dons au Musée. — Communication relative à la pisciculture. — M. Gustave Levrat est présenté comme membre correspondant. Séance du 15 Octobre 1858. Présidence de M. FERRAND-LAMOTTE. Lecture du procès-verbal. — Mort de M. Patris Debreuil, membre honoraire. — Prix accordé par M. le Ministre de l'Agriculture, pour PENDANT L'ANNÉE 1858. 513 une amélioration dans la culture de la vigne. — Communication de M. le Ministre de l'Instruction publique, au sujet de la géographie ancienne de la France. — Dons à la Bibliothèque. — Dons au Musée. — M. Gustave Levrat est nommé membre correspondant. — Analyse, par M. le Président, des mémoires envoyés par les Sociétés correspondantes. — Rapport par MM. Le Grand et Jules Ray, membres résidants, sur un énorme grêlon trouvé dans un jardin du faubourg de Preize. — Note sur Girardon et sur le grand autel de Vendeuvre, par M. Boutiot, membre résidant. — Mémoire sur les Mollusques marins des îles Açores, par M. Drouët, membre résidant. — Impressions votées. Séance du 19 Novembre 1858. Présidence de M. FERRAND-LAMOTTE. Lecture du procès-verbal. — Dépouillement de la correspondance. — M. Gustave Levrat est proclamé membre correspondant. — Dons à la Bibliothèque. — Dons au Musée. — tableau des membres associés, dressé par M. l'archiviste. — Analyse, par M. le Président, des ouvrages envoyés par les Sociétés correspondantes. — Rapport sur le recueil de l'Académie des Jeux Floraux, par M. le baron Doyen, membre résidant. — Rapport sur un nouveau mode de conservation du blé, par M. G. Huot, membre résidant. — Communication sur un autel et une statue attribués à Girardon, par M. l'abbé Coffinet, membre résidant. Séance du 17 Décembre 1858. Présidence de M. FERRAND-LAMOTTE. Lecture du procès-verbal. — Mort de M. Baltet-Petit, membre résidant. — Démission donnée, par M. Camusat deVaugourdon, des fonctions de vice-président. — Nomination d'une commission chargée d'examiner le frein Lamblin. —Dons à la Bibliothèque. — Dons au Musée. — Analyse, par M. le Président, des mémoires des Sociétés correspondantes. — Programme du prix de viticulture accordé par le Ministre. — Rapport des commissions chargées de statuer sur les prix. — Prix accordé à M. Roussel. — Mentions honorables à MM. Etienne Georges et Emile Monchaussé. — 514 SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ, ETC. Communication de M. Fléchey, membre associé, sur divers objets antiques trouvés dans les fouilles du Lycée. — Lecture d'une pièce de vers, intitulée Boutade, par M. le baron Doyen, membre résidant. — Impressions ordonnées. Séance réglementaire du 22 Décembre 1858. Présidence de M. FERRAND-LAMOTTE. Lecture du procès-verbal. — Dons à la Bibliothèque.— M. l'abbé Coffinet est nommé Président, et M. le baron Doyen Vice-Président, pour l'année 1859. — Nomination de cinq conservateurs du Musée. — Election de quatre membres de la Commission de publication.— Les quatre sections renouvellent leurs bureaux. — Apurement et approbation des comptes du trésorier pour l'année 1858. — Fixation du budget de la Société pour 1859.— La Société arrête la liste des établissements publics et des Sociétés qui devront recevoir les mémoires. — Décision relative aux auteurs étrangers.— Allocution de M. Ferrand-Lamotte, président sortant. Pour extrait conforme Le Secrétaire de la Société, A. GAYOT. TABLE DES MATIERES CONTENUES DANS LES Nos 45, 46, 47 & 48, Formant la 37e année des Mémoires de la Société, et le Tome XXII de la collection. ANNÉE 1858. Pages. Rapport à Sa Majesté le Roi de Portugal sur un voyage d'exploration scientifique aux îles Açores, exécuté par MM. Arthur Morelet et Henri Drouët pendant le printemps et l'été de 1857, — par M. Henri DROUET, membre résidant. . . . . ... . . . . 5 Note relative à un Sceau découvert à Troyes en 1857, — par M. l'abbé COFFINET, chanoine titulaire, membre résidant. . 35 Le Maire et les Echevins de Troyes prisonniers à l'hôtelde-ville en 1675, — par M. Théophile BOUTIOT, membre résidant 59 Aperçu sur les résultats du Drainage dans le département de l'Aube, présenté à la Société Académique, dans sa séance du 15 janvier 1858, — par M. le comte DE LAUNAY, membre associé . 75 T. XXII. 35 516 TABLE. Documents sur la ville de Troyes, extraits du géographe arabe Edrisi, communiqués dans la séance du 21 août 1857, — par M. CLÉMENT-MULLET, membre honoraire. . . . . . . . , . . ... . . 83 Rapport à la Société Académique de l'Aube, sur un Manuscrit de M. Gérost, membre associé, — par M. LE BRUN-DALBANNE, membre résidant 89 Excursion à la caverne de Montgueux, — par M. Gustave LE GRAND, membre résidant ........ 95 Analyse de l'Eau de la caverne de Montgueux, — par M. Henri OUDART, pharmacien à Troyes. . . . .99 Rapport sur le livre de Paillot de Montabert, intitulé l'Artistaire, ou Livre des principales initiations aux beaux-arts, — par M. SCHITZ, membre résidant . . 103 Note sur l'analyse du Lait falsifié, — par M. DOULIOT, professeur de chimie au Lycée impérial de Troyes. . 131 Maudit Novembre. Boutade, — par M. le baron DOYEN, membre résidant. . . 159 Mollusques marins des îles Açores, — par M. Henri DROUET, membre résidant. . . ... . . . 143 De la Méthode dite de Déplacement, appliquée aux tisanes d'hôpital, — par M. ODDART, pharmacien à Troyes, membre du Jury médical de l'Aube. . . . 189 Coup-d'oeil sur les Institutions civiles du comté de Champagne, sous Thibaut IV, dit le Chansonnier, — par M. l'abbé ETIENNE GEORGES, membre associé . . . 197 Rapport sur la question de l'Echelle mobile, fait au nom de la Section d'Agriculture, — par M. DOSSEUR, membre résidant 225 Essai de Statistique sur le canton d'Aîx-en-Othe, — par M. Monchaussé, ancien instituteur à Planty . . . 249 Programme des Prix mis au concours par la Société . 491 Liste des dons faits au Musée de Troyes, avec les noms des donateurs, pendant l'année 1858 497 TABLE. 517 Mercuriales du département de l'Aube, pendant l'année 1857 501 Quantités de grains vendues, et prix moyen par quinzaine 502 Comestibles divers, fourrages et combustibles. . . 504 Etat des récoltes en grains et autres farineux, faites en 1857, dans le département de l'Aube. . . . 506 Sommaire des séances de la Société pendant l'année 1858, — par M. Amédée GAYOT, secrétaire de la Société. 509 Table des matières du tome vingt-deuxième de la collection ........ . 515 AVIS AU RELIEUR Pour le placement des Planches dans le 22e volume des Mémoires de la Société Académique de l'Aube. Pages. Caverne de Montgueux, — par M. Le Grand .... 95 Mollusques marins des Açores, planches 1re et 2e, — par M. Baudon 188 Pierre tumulaire de Galas de Chaumont dans l'église de Rigny-le-Ferron, — par M. Delaune 446 TROYES. — BOUQOT, IMPr DE LA SOCIETE.
Plus belle la vie » du lundi 21 février 2022 résumé en avance et spoilers PBLV, épisode 4481. Pour les plus impatients des fans de PBLV, découvrez dès maintenant le résumé de l’épisode qui sera diffusé ce lundi 21 février 2022. Découvrez aussi un bref aperçu du reste de la semaine avec les résumés courts du mardi 22 au vendredi 25 février 2022 inclus. Plus belle la vie » du 21 février 2022 Babeth est dans le déni, pour elle, aucun doute, Raphael est bien son fils. Manon est interrogée par Boher au commissariat et ne cherche pas à se défendre, elle reconnait tous les faits énoncés contre elle. Patrick demande à rester seul un moment avec Manon et se montre plus dans l’empathie afin de comprendre ce qui se passe dans la tête de la jeune femme. De toute évidence elle a peur de quelqu’un et pense qu’elle est fichue que ce soit en prison ou en liberté… Jean-Louis emmène Baptiste en intervention chez Denise, une septuagénaire très isolée qui se plaint de problèmes cardiaques. Denise est une bonne simulatrice connue des services. Baptiste comprend qu’être pompier c’est aussi avoir à faire à la misère sociale… Maintenant qu’il a réglé ses problèmes avec Elsa, Karim invite Ophélie à diner. Cette dernière est heureuse d’en apprendre un peu plus sur Karim, sur ses défauts et ses qualités… Autres résumés en avance de la semaine prochaine Mardi 22 février 2022 épisode 4482 Tandis que Patrick et Babeth ne peuvent se résoudre à abandonner leur bébé à l’ASE, Baptiste comprend enfin où veut en venir son instructeur. Malika quant à elle, continue de pousser Rochat à faire craquer ses locataires. Mercredi 23 février 2022 épisode 4483 Tandis qu’un lien indéfectible uni désormais Patrick et Babeth à Manon, Karim, Bilal et Abdel décident de jouer le tout pour le tout pour venir en aide à Ophélie. De son côté, face à la résistance des colocataires, Malika décide d’aller plus loin dans son action. Jeudi 24 février 2022 épisode 4484 Tandis que le risque s’accroit autour de Patrick et Babeth, Karim, Bilal et Abdel montent une arnaque pour sauver l’auto-école d’Ophélie. Vendredi 25 février 2022 épisode 4485 Tandis que Patrick est prêt à aller très loin pour sauver la vie de Manon et protéger sa famille, Baptiste gagne la confiance de Justine. Les colocs quant à eux, comprennent enfin les mauvaises intentions de Malika. Plus belle la vie » en replay Plus belle la vie » c’est du lundi au vendredi dès 20h25 sur France 3 mais c’est aussi en streaming vidéo puis replay sur Sur SALTO, une offre payante, vous disposez aussi de deux épisodes d’avance.
Plus belle la vie en avance avec le résumé de l’épisode 4178 du 23 décembre 2020 – Mercredi, dans votre série quotidienne de France 3, Syd va s’attaquer à Mila. Mirta et Yolande se réconcilient. Capture France 3 Le résumé précédent de Plus belle la vie du mardi 22 décembre est disponible. Bonne lecture. Plus belle la vie le résumé en avance de l’épisode du 23 décembre 2020 Patrick Nebout s’interroge sur Mazelle, et fait part de ses doutes au Procureur Revel. Son instinct de flic lui dit que quelque chose cloche dans l’arrestation de Mouss après le meurtre de Monique Perrier. Revel confie à Nebout que lui aussi s’interroge sur le commissaire. Patrick lui demande son accord pour enquêter en sous-main sur Mazelle.. De son côté, Mila aborde à la bibliothèque Eva le témoin de l’accident de Mouss, et lui explique la situation de ce dernier. Eva reconnaît que c’est bien elle qui a appelé les secours, mais elle affirme ne pas avoir vu le responsable de l’accident..Le soir venu, alors que Mila est au téléphone avec Mouss, Mila est agressée par Syd. Il lui a mis un plastique sur la tête pour l’étouffer.. Yolande n’a pas dormi trois nuits de suite. Léa pense que sa grand-mère ne vit pas très bien sa brouille avec Mirta, et se rend au Céleste dans l’espoir de les réconcilier. Elle confie à la mère de Luna que Yolande ne dort plus depuis trois jours, et que sa tension est mauvaise. Léa tente de faire comprendre à Mirta qu’elle a été injuste envers sa grand-mère..Mirta a donné rendez-vous à Yolande sur la place du mistral. Elles s’excusent mutuellement..Léa propose par la suite à Yolande et Mirta, d’intégrer la semaine prochaine un centre de sommeil afin qu’elles puissent régler leurs problèmes d’insomnie. Après avoir hésité, elles sont finalement partantes. Kilian et Noé finissent par se réconcilier. De son côté, Sophie offre à Lola, un téléphone écolo mais elle le refuse. Le soir venu, Noé est sur son balcon pour guetter Franck qui doit rentrer, mais il aperçoit Lola, et ne peut s’empêcher de la regarder.. Plus belle la vie », c’est du lundi au vendredi à 2020 sur France 3. Gardez le contact avec votre série préférée, et rejoignez-nous sur Facebook. 2020-12-21
Les températures sont en hausse par rapport à hier, surtout au sud-ouest avec de fortes chaleurs entre 32°C et 35°C. Le soleil s'impose, malgré un petit risque orageux assez marqué sur le sud des Alpes.
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